Stiles n'était pas un gars vaillant. A vrai dire, il ne l'avait jamais été. S'il avait le cran d'affronter mille et unes affaires surnaturelles, ce n'était pas par choix : il savait sa présence indispensable. Néanmoins, sa couardise partielle maintenait chez lui l'existence d'un semblant d'instinct de survie. Parce qu'il avait peur, l'hyperactif trouvait toujours un moyen de s'en sortir. Car, c'était vrai, Stiles agissait souvent ainsi. Dans ces moments-là, la terreur lui enserrait la gorge et l'obligeait à réfléchir aussi bien rapidement qu'efficacement dans le but de trouver une stratégie de survie pour lui, et pour les autres. Cette fois-ci ne faisait pas exception.

Stiles sursautait à chaque bruit qu'il percevait. La bâtisse était vieille et le bois qui la constituait ne cessait de travailler : rien d'étonnant à ce qu'elle ne soit en rien silencieuse. Pour autant, le châtain apprécierait beaucoup l'inverse. Déjà qu'il se rongeait les sangs tout seul, il apprécierait ne pas avoir à s'inquiéter d'une bizarrerie supplémentaire. Car malgré l'inspection minutieuse de Derek et Malia quelques minutes plus tôt, Stiles gardait en lui cette terreur sourde de tout voir s'effondrer sur lui. Enfin, il leur faisait confiance. Derek était un concentré d'honnêteté froide et brut. Malia le suivait dans cette voie, à la différence qu'elle se montrait toujours un peu plus chaleureuse. Et puisqu'elle gardait pour lui une amitié précieuse, elle n'irait pas lui mentir, Stiles le savait.

- Qu'est-ce que c'est sinistre, maugréa-t-il pour lui-même.

Outre la décoration vieillotte et l'impressionnant dépôt de poussière sur chaque meuble, tout était agencé d'une manière qu'il trouvait étrange. Le manteau de gris laissait toutefois deviner la couleur sombre de chaque commode, chaque fauteuil, dont certains étaient recouverts par des draps. Les fenêtres, petites ou parfois aux vitres si sales qu'elles en étaient presque opaques, ne laissaient pas entrer énormément de lumière, si bien que Stiles devait faire attention chaque fois qu'il faisait un pas sur ce plancher grinçant à chacun d'entre eux.

Au moins, ce dernier fait lui permettait d'explorer seul une partie de la bâtisse tout en entendant les déplacements de ses amis. Puisqu'une bonne partie était restée à l'extérieur, l'on avait jugé bon de se séparer en faisant toutefois en sorte de ne pas trop s'éloigner les uns des autres. Disons que se partager cette espèce de manoir rendrait son exploration plus rapide – et Stiles mourait d'envie d'en sortir. Se carapater chez lui et se mettre au lit ne l'avait jamais autant tenté qu'en ce jour. En plus, il s'agissait de la maison d'un défunt mage. Et les histoires de magie, selon Stiles, ça puait. S'il n'irait pas jusqu'à dire qu'on avait tendu un piège à la meute en la faisant venir ici, il ne pouvait s'empêcher de trouver ce plan quelque peu foireux. En plus, ils agissaient gratuitement. Stiles ne partait pas dans l'idée que leurs interventions devaient forcément être rémunérées, d'autant plus qu'il était toujours d'accord pour aider de bon cœur ceux se trouvant dans le besoin, mais… Lorsqu'une mission comme celle-ci le terrifiait déjà par avance, il n'était pas contre une petite « motivation ». Non, vraiment, Stiles avait beau tenter de se détendre, il n'y arrivait pas. S'il se contrôlait suffisamment bien pour ne pas laisser la peur l'envahir complètement, il ne pouvait s'empêcher de regarder sans arrêt autour de lui, de faire attention au moindre détail. C'était là son point fort, et par extension, la raison pour laquelle on le faisait toujours venir, quelle que soit l'opération. Scott, même s'il se révélait parfois très con et c'était d'autant plus vrai en ce moment, connaissait son talent pour l'observation et son sens de la déduction. En cela au moins, il le respectait.

Alors voilà, Stiles mourait d'envie de fuir cet endroit, mais ne le pouvait pas. Sa présence lors de missions de ce type était importante, presque primordiale et ce, même s'il n'était rien de plus qu'un humain, dont l'utilité n'était plus à prouver. Et si quelques fois, cette vision que l'on avait de lui le minait, il passait la plupart du temps à l'ignorer, histoire de se préserver. Il agissait avec elle comme avec le reste de ses problèmes. Si on lui demandait pourquoi, sans doute répondrait-il que c'était plus simple. Ainsi, pas de réelle prise de tête. Il enterrait la chose et, avec quelque chose, celle-ci ne gangrènerait pas. Si l'inverse se passait, c'était à ce moment-là qu'il changeait de façon de faire, à cet instant seulement qu'il affrontait ce qui lui faisait mal et tentait d'y mettre fin.

Dans ce cas précis, c'était la peur qui dominait, alors il ne pensait pas au reste.

- Au cas-où les gars, si jamais je hurle, ça veut dire que je suis en danger, fit-il à voix haute. J'espère que l'un d'entre vous aura l'amabilité de venir me sauver dans la seconde. Vous avez compris ? Cri égal danger.

Il savait qu'on l'avait entendu, puisqu'il avait parlé suffisamment fort pour être certain de se faire entendre. Si toute la petite troupe s'était séparée, aucun membre de la meute n'était loin des autres – et il savait Malia la plus proche de lui. Elle avait hérité du pan de la bâtisse voisin de sa zone d'exploration à lui. Ainsi, ses paroles ne la concernaient pas vraiment : Stiles savait que son ex petite-amie ne le laisserait pas tomber. Dès le départ, ils avaient établi que leur relation passée ne devait pas être un frein à leur amitié. D'une certaine manière, ils tiendraient toujours l'un à l'autre. Elle, elle l'aiderait. Concernant Derek et Jackson, rien n'était moins sûr. Stiles aspirait à croire qu'ils ne le détestaient plus, mais pas qu'ils l'appréciaient. De son côté, l'hyperactif n'irait pas leur avouer, cependant… Il commençait à les trouver vivables – et pour lui, c'était beaucoup. Quoiqu'il avait toujours trouvé que Derek l'était. Néanmoins, il ne l'embêtait plus pour le provoquer : non, maintenant c'était pour son bon plaisir, juste parce qu'il appréciait le simple fait de susciter une réaction de sa part. Quant à Jackson, c'était légèrement différent. Stiles profitait de ces moments où le kanima ne lui envoyait aucune pique. En retour, il lui faisait le même cadeau. L'on était sur une sorte de paix tacite, ou quelque chose s'en rapprochant doucement.

Aussi étrange que cela puisse paraître, ses pensées et réflexions permirent à Stiles de se détendre un peu. Cependant, si le fait d'occuper son esprit avaient cela de bon qu'il ne cédait pas à ce mauvais pressentiment le minant de plus en plus, Stiles ne faisait plus vraiment attention au reste. En fait, il en avait presque oublié sa mission. Ainsi, il soupira et se reconcentra. Néanmoins, rien ne lui paraissait anormal, juste… Sinistre, comme le reste de cette foutue baraque. Il ne trouvait aucun objet rassurant, d'autant plus que l'atmosphère poussiéreuse de l'endroit rendait sa respiration quelque peu lourde. Pas difficile à proprement parler, simplement… Cela lui demandait un peu plus d'effort que la normale. Rien d'handicapant toutefois.

Après l'inspection de trois petites pièces sans importance dans lesquelles il n'avait rien vu ni rien trouvé d'anormal, Stiles débarqua dans ce qui lui sembla être une espèce de salon d'une taille étonnamment moyenne. Quand on voyait la bâtisse et la taille de celle-ci, on s'attendait à un découpage de pièces gigantesques, et c'était d'autant plus vrai pour le salon. Celui-ci, ridiculeusement étroit, était surmonté d'un grand lustre aux milles bougies inutiles à la cire à moitié fondue et agrémenté d'une bibliothèque s'étalant sur tout le mur du fond. Et Stiles, armé de sa curiosité légendaire, s'en approcha. Un mage, des bouquins… Il trouvait ça vachement cliché. Mage qui, bien sûr, avait rendu l'âme des dizaines voire des centaines d'années plus tôt – sinon, ce n'était pas drôle. Stiles lâcha un soupir en regardant la centaine de reliures anciennes. S'il suivait la logique de l'endroit, il devait sans doute s'agir d'espèces de grimoires ou de… Livres de magie en tous genres. Sincèrement, comment c'était foutu, ces trucs ? Pouvait-on y trouver des formules en toutes lettres ou étaient-elles écrites dans un langage ancien, inconnu au bataillon ? Et les mages, ça faisait des potions ou ça, c'était l'apanage des sorciers et sorcières ? Et Stiles céda complètement à la curiosité, celle qui avait assez de puissance pour le détourner de tous ses objectifs, celle qui mettait la peur au second plan. Si l'hyperactif avait étudié bon nombre de créatures et d'espèces surnaturelles, jamais il ne s'était réellement intéressé aux « humains avec avantages ». Ainsi, à part les clichés des films et des livres… Il ne savait pas grand-chose d'eux.

Ainsi, Stiles se posta devant la bibliothèque et laissa son regard passer sur chacune des reliures à sa portées. D'ailleurs, il nota quelque chose d'étrange et s'approcha davantage. Il y avait dans cet amas de livres un ouvrage qui détonait, qui se détachait des autres à cause d'un détail aussi simple que gros.

La poussière et les toiles d'araignées épargnaient l'œuvre à la reliure splendide.

Stiles cligna des yeux et quelque chose d'aussi rapide que particulier se passa. Quelque chose qui aurait alerté n'importe qui qui se serait retrouvé ici, dans cette pièce, avec lui. Le regard de l'hyperactif perdit sa lueur de vie, de conscience. Le rythme de son cœur ralentit. Toutes ses pensées se figèrent soudain avant de tout bonnement disparaître. Et sa main se leva sans même qu'il la contrôle car Stiles, sans le savoir, n'était plus le maître à bord.

Car un sort avait cela de fourbe que l'on ne pouvait pas toujours le voir, le deviner, le déceler. Et Stiles avait déclenché malgré lui quelque chose de bien plus grand qu'il ne le pensait, juste en franchissant certaines limites qu'il ne voyait pas. Que personne n'avait la capacité de trouver.

Stiles ferma les yeux, ne vit pas ce que sa main fit. Un instant plus tard ses paupières se relevèrent.

Il ne se trouvait plus dans le salon.