Titre : Le pouvoir des mots
Auteur : Lady Zalia
Résumé du chapitre précédent : Harry termine sa traduction du grimoire d'Eldritch mais Voldemort découvre que seul le libraire est capable de lire la formule pour voyager dans le temps. Quelques minutes plus tard, l'Ordre du Phénix débarque, menés par Aren qui était en réalité un espion. Voldemort manque d'être tué, mais Harry le sauve avant de décider de l'emmener avec lui dans le passé pour mettre fin à la guerre.
Ekateri : Merci pour ta review et ton enthousiasme ! Je suis heureuse de lire tes impressions ! #^_^# Bonne lecture !
Chapitre 15
Immédiatement après avoir prononcé la formule, Harry avait senti la magie opérer. Leurs pieds avaient quitté le sol et leurs corps avaient été aspirés par une force contre laquelle ils ne pouvaient résister. Pourtant, Voldemort avait essayé de lutter. Dès qu'il avait compris son but, il avait tenté de le repousser de toutes ses forces, malheureusement pour lui c'était trop tard. Pris dans le rituel, il lui avait été impossible de se décoller du corps de Harry.
C'était comme la poigne d'une créature gigantesque. Le libraire avait gardé les yeux fermés, mais il avait l'impression que leurs membres étaient comprimés. D'ailleurs, la respiration lui semblait de plus en plus difficile et il gémit, mais aucun son ne sortit de sa bouche.
C'était plus long que pour Paul de Tudèle, sans doute parce que Harry s'était concentré sur une époque bien plus lointaine. Alors que l'explorateur avait souhaité voyager que de quelques semaines en arrière, lui avait tablé sur plusieurs siècles, et à présent qu'ils étaient au cœur du processus, il regrettait un peu son choix.
La sensation était étouffante, douloureuse. Il l'avait déjà vécue lorsqu'il revivait les souvenirs contenus dans le grimoire, mais cette fois la téléportation semblait interminable. Allaient-ils seulement être encore en vie une fois arrivés à bon port ?
Il chassa cette pensée de son esprit pour se concentrer sur son objectif. Un lieu qu'il avait maintes fois visité et qui, il le savait, n'avait que peu changé malgré les années : la ville de Warwick, dans le Warwickshire.
Le site existait depuis des millénaires et grâce à l'emplacement de son château, il savait où apparaître précisément tout en ayant l'assurance qu'ils ne finiraient pas dans un mur.
Au bout d'un temps qui lui parut infini, il sentit la pression s'affaiblir, et bientôt, tout réapparu. L'air frais autour d'eux, le sol sous leurs pieds, les bruits et conversations ambiantes. Ils s'étaient écroulés sur eux-mêmes, surpris par le brusque changement, leurs membres maltraités incapables de les soutenir.
Harry entendit Voldemort vomir, et s'il parvint à s'en empêcher, cela exigea de lui une certaine concentration. Il avait fermé les yeux tout le long, et il se demanda distraitement si le mage noir en avait fait autant.
Des exclamations et chuchotements se faisaient entendre tout près d'eux, et il ouvrit les yeux, levant instinctivement sa main pour se protéger de la brusque luminosité. Ils étaient apparus au beau milieu du village, juste devant les remparts du château, exactement comme il l'avait prévu. Cependant, ce qu'il avait moins prévu était le groupe de badauds qui grossissait à vue d'œil autour d'eux. Une foule compacte était en train de se former et la réaction des gens alternait entre suspicion et frayeur. Les noms de "sorcier" et de "démon" étaient murmurés et quelques fourches et couteaux étaient déjà tendus dans leur direction.
Harry observa ces gens et la satisfaction d'avoir réussi son sortilège se transforma en angoisse lorsqu'il prit conscience de la situation. Il avait amené un Lord Voldemort furieux au beau milieu d'un village moldu… Il allait faire un massacre !
Suivant son instinct, il profita que le mage noir se remettait encore du voyage et lui arracha sa baguette des mains avant de la briser d'un coup sec.
Le geste sembla être comme un électrochoc pour le Serpentard qui ouvrit brusquement les yeux sur lui, le visage déformé par la fureur.
- Par Salazar, qu'as-tu fait !
- Je t'ai emmené à un endroit où tu ne pourras plus faire de mal à mes proches.
- Es-tu devenu complètement stupide ! Espèce de… Je vais te tuer !
Il se redressa d'un bond pour se jeter sur lui, et ses doigts fins se refermèrent sur le col de sa tunique, commençant à se resserrer autour de sa gorge. Il semblait véritablement hors de lui et Harry tenta sans succès de le repousser. Le mage noir avait fait un serment inviolable, et il savait qu'il serait contraint de le lâcher s'il ne voulait pas mourir brutalement, mais était-il seulement en état de s'en souvenir ?
Bientôt, une série de cris détourna son attention. Il s'agissait de gardes, manifestement alertés par l'un des habitants, et ils venaient arme au poing. Voldemort cessa d'essayer de l'étrangler, sans lâcher sa tunique pour autant. Il regardait autour de lui et son regard était incendiaire.
Les soldats en armure poussaient la foule pour parvenir jusqu'à eux, et ce n'était plus qu'une question de secondes avant qu'ils ne les atteignent. Harry était encore traumatisé par les souvenirs de Paul de Tudèle et il s'efforça à nouveau d'obliger le mage noir à desserrer sa prise. Malheureusement pour lui, le Serpentard semblait s'être pleinement remis du voyage dans le temps. Il avait récupéré toute sa force et elle était bien supérieure à la sienne !
- Voldemort, lâche-moi ! Il faut partir !
- Je ne peux peut-être pas te tuer à cause du Serment inviolable, mais eux le peuvent.
Et sur ses mots, il le projeta en direction des soldats avant de partir dans la direction opposée, repoussant la foule d'une projection de sa magie.
Harry atterrit lourdement au pied des hommes en arme, et il sentit avec effroi une lame être pointée droit sur sa gorge. Immédiatement il leva les deux mains, priant pour qu'ils soient moins extrémistes que les miliciens de Lucian Vasilescu.
- Plus un geste !
Pesant soigneusement ses mots, il se concentra pour se remémorer le vocabulaire de l'époque. Il avait choisi d'apparaître en 1350 pour éviter la grande épidémie de Peste noire qui avait sévi entre 1348 et 1349, et l'anglais de l'époque était assez différent de la langue moderne.
- Je suis innocent, j'ai été attaqué par un sorcier qui m'a emmené ici ! Je vous en prie, ne me faites pas de mal !
Il tenta de se donner un air ignorant, malheureusement ses vêtements modernes le trahissaient, et les gardes ne se laissèrent pas tromper.
Celui qui était manifestement le chef de la troupe s'adressa à ses camarades en le désignant du doigt.
- Il n'est pas d'ici. Emmenons-le pour l'interroger, et bâillonnez-le, c'est sans doute un sorcier lui aussi. Quant à vous autres, partez à la poursuite de cet homme. Il semble dangereux, il ne faut pas le laisser s'échapper !
Quelques soldats commencèrent à disperser la foule à grands renforts de menaces tandis que d'autres partirent à la recherche de Voldemort. Quant à Harry, il fût équipé de lourdes menottes et d'un garrot puis traîné jusqu'à un beffroi situé à l'intérieur du château.
La mort dans l'âme, il ne pouvait s'empêcher de penser à Serge, le factotum de Paul de Tudèle, qui avait été emporté de la même manière avant d'être sacrifié à Cthulhu. Même si sa situation était moins surréaliste, il y avait tout de même de grandes chances pour qu'il soit "questionné", autrement dit torturé par les inquisiteurs de l'époque, avant d'être brûlé vif sur un bûcher pour sorcellerie.
Sans sa baguette, il serait incapable de jeter un sortilège de gèle-flamme et il ne voyait pas comment il allait pouvoir se sortir de ce guêpier, à moins de réutiliser le rituel de voyage temporel.
Il se sentit stupide. Il avait naïvement pensé que transporter Voldemort dans le passé règlerait tous ses problèmes et qu'il pourrait vivre son idylle aux côtés du mage noir sans craindre qu'il ne tue ses proches. Mais au lieu de ça, il allait simplement mourir aux mains des moldus de l'époque…
Il ne doutait pas que de son côté, le Serpentard n'aurait aucun mal à survivre. Même sans baguette, il restait sacrément puissant, et il était suffisamment intelligent pour se faire à cette nouvelle époque. Il allait probablement recruter plusieurs bandits pour lui servir d'hommes de main avant d'imposer sa mainmise sur la région.
Poudlard était déjà construit à cette époque et il n'aurait pas grande difficulté à se trouver une nouvelle baguette magique.
Ce qui lui restait le plus en travers de la gorge, c'était sa réaction face aux gardes. Il l'avait littéralement jeté sur eux. Il pouvait comprendre qu'il était en colère. Après tout, il venait rien de moins que l'arracher à un duel entre lui et son ennemi juré pour l'envoyer dans le passé et détruire son seul moyen de défense. Il y avait de quoi être furieux, mais en l'offrant ainsi aux moldus, il l'avait presque certainement promis à la torture puis à la mort, et c'était autrement plus extrême que ce qu'il lui avait infligé.
Amer, il se laissa conduire sans résister jusqu'à ce que la lourde porte du donjon se referme derrière lui. Une fois à l'intérieur, cependant, l'atmosphère eut presque raison de son légendaire courage Gryffondorien. Le rez-de-chaussée était pavé et richement décoré, mais des traces de sang maculaient le dallage à de multiples endroits. Une grande statue de la vierge Marie occupait presque toute la hauteur de la pièce et un homme à la tonsure caractéristique était incliné à ses pieds en une prière silencieuse. Il portait une longue chasuble noire ainsi qu'une fine ceinture de corde nouée. Il se retourna à leur entrée, révélant un visage austère. Une chaîne en or retenait une croix chrétienne qui reposait sur sa poitrine.
- Ah, Edwin, que me ramenez-vous, cette fois ?
- Monseigneur, nous avons trouvé cet étranger juste devant les remparts. D'après des témoins, il serait soudainement apparu avec un autre homme, comme s'ils étaient tombés du ciel.
- Voilà qui est intriguant. Tombés du ciel ou tout droit sortis de l'Enfer. Et où est l'autre homme ?
- Il s'est enfui, mais nous sommes parvenus à attraper celui-là.
Harry sentit qu'il était temps d'organiser sa défense. Il gémit et gigota pour qu'on lui retire le bâillon et parvint à le faire glisser suffisamment pour pouvoir articuler.
- Je n'ai pas résisté, je suis innocent ! Cet homme a essayé de m'enlever ! Il volait sur un balai et je me suis tellement débattu que nous sommes tombés ici. Des témoins peuvent le confirmer, je lui ai arraché sa baguette pour la briser !
Le prêtre se tourna vers le garde.
- Eh bien, dit-il la vérité ?
- C'est que, je l'ignore, mon seigneur. Il y avait beaucoup de monde, et lorsque nous sommes arrivés, l'autre homme s'est enfui en usant d'une force surnaturelle. Il semble évident que c'est un sorcier ou un démon.
- Il a essayé de m'étrangler, c'est bien la preuve que je n'y suis pour rien ! Je dois encore avoir la marque de ses doigts sur ma gorge !
Les deux hommes se tournèrent à nouveau vers lui et Harry espéra qu'on le libère sur parole, mais manifestement ce n'était pas leur objectif, car le dénommé Edwin tira bientôt sur ses menottes, comme pour augmenter la pression.
- Quoi qu'il en soit, vous êtes un étranger, et un mécréant. Je ne vois aucune croix à votre cou. De quel diocèse venez-vous ?
Le Gryffondor réfléchit à toute vitesse. Il valait sans doute mieux tabler sur une vieille ville comme Londres. Il ne connaissait pas parfaitement la géographie historique de son pays et ignorait quelle ville existait à cette époque. Il était à une petite centaine de Miles de la capitale mais ça pouvait être cohérent avec son excuse, à condition bien sûr qu'on oublie qu'il n'aurait jamais pu survivre à une telle chute.
- J'habite à Londres. Je dois rentrer chez moi.
- Quel est votre métier, monsieur… ?
- Je suis… scribe.
- Oh, vous savez donc lire et écrire. Bien entendu vous avez lu la Sainte Bible ?
C'était une question piège, évidemment. À cette époque, le Royaume Uni était encore catholique. S'il prétendait l'avoir lu, il allait lui demander de lui en citer un passage, or il en était incapable.
- Malheureusement non, monsieur. L'acquisition d'un exemplaire de la Sainte Bible n'est pas dans les moyens d'un modeste écrivain public comme moi. Mais je vais au sermon tous les dimanches.
- Le sermon ? Vous voulez dire la messe ? Vous ne seriez pas protestant ?
Harry sentit une goutte de sueur couler le long de sa colonne vertébrale. Il ne connaissait strictement rien en religion moldue, et encore moins catholique. Et ils allaient le torturer comme le païen qu'il était.
Celui qui semblait être le chef des gardes se tourna à nouveau vers le prêtre.
- Monseigneur, je crains que nous ayons affaire à un impie. Si ce démon ou sorcier a tenté de l'enlever, c'est sans doute parce que c'est un pécheur et qu'il a pensé pouvoir le pervertir.
Le Gryffondor secoua frénétiquement la tête.
- Non, s'il vous plaît ! Je suis un bon chrétien ! Je donne à l'Église.
- Très bien, dans ce cas, récitez-nous le Notre Père.
Le libraire eût envie de maudire Voldemort. De l'abandonner dans cette époque rétrograde où on torturait à tour de bras. Cependant il savait qu'il n'aurait jamais le temps de prononcer la formule. Il fallait fermer les yeux et il était persuadé qu'à peine aurait-il commencé à incanter qu'on allait le bâillonner.
Il ne devait surtout pas attirer leur méfiance en leur laissant croire qu'il pouvait faire de la magie d'une simple formule, car ce serait peut-être sa seule chance de s'échapper…
Il pria mentalement Merlin et les fondateurs qu'un sorcier de cette époque vienne à son secours, mais lorsque les deux hommes décidèrent de le traîner jusqu'au sous-sol, il comprit que les prochaines heures n'allaient guère être agréables…
***/+/***
Voldemort était furieux. Au-delà même de la fureur, il était hors de lui. Il avait envie de commettre un massacre. De lâcher une horde d'Inferi et de les regarder tout déchiqueter sur leur passage.
Il avait osé. Il avait osé l'interrompre dans son combat contre Dumbledore, il avait osé l'emmener dans le passé, manifestement à une époque reculée. Et il avait osé lui arracher sa baguette des mains pour la briser.
Si le Serment Inviolable ne l'en avait pas empêché, il aurait sans doute mis fin à ses jours sous le coup de la rage. S'il en avait eu la possibilité, il l'aurait peut-être même tabassé à mains nues pour trouver un défouloir à la puissance de ses émotions.
Mais bien entendu, il n'avait rien fait de tel. Il s'était contenté de le pousser sur les gardes avant de faire volte-face, dégageant quiconque se trouvait sur son passage. Il était sorti de la ville et avait rejoint la forêt. Il voulait s'éloigner de lui, ne plus penser à ce sorcier rebelle qui avait détruit toute son existence en l'espace de quelques instants. Il l'avait privé de tout ce qu'il avait bâti ; son royaume, ses soldats, sa fortune, et même de la présence de son familier…
70 ans plus tôt, lorsqu'il avait découvert qu'il était un sorcier, il avait compris du même coup qu'il ne possédait rien. Ni nom, ni réseau, ni fortune. Il avait travaillé dur, inlassablement, et petit à petit, il était devenu un nom. Lui, le sang-mêlé abandonné par sa famille, était devenu un sorcier craint par tout le pays ! Il avait marqué l'histoire pour devenir le mage noir le plus puissant de tous les temps et aujourd'hui, il était revenu au point de départ.
Il se sentait trahi. Alors qu'il avait envisagé d'offrir l'immortalité au libraire, ce dernier avait utilisé le pouvoir du grimoire contre lui. Ce pouvoir qu'il avait tant cherché à obtenir avait été l'instrument de sa chute.
S'autorisant un bref soupir, Voldemort revint à l'instant présent, contemplant les soldats qui se tenaient devant lui. C'était la milice du seigneur local qui l'avait poursuivi jusque dans la forêt. Certains avaient leur épée au poing tandis que d'autres étaient armés d'arbalète, mais tous étaient revêtus d'une armure matelassée. Sans doute avaient-ils pour habitude de pourchasser les hérétiques et de défendre la ville contre les bandits, mais quels que soient leur équipement, ils seraient totalement impuissants face à sa magie.
Avec un rictus cruel, il leur fit signe d'approcher. Ces idiots allaient au moins lui permettre d'évacuer une partie de sa frustration…
Un premier garde plus téméraire que les autres le chargea, épée au poing, et il l'esquiva d'un mouvement adroit avant de lui arracher l'arme des mains d'un Expelliarmus sans baguette.
Ça faisait bien longtemps qu'il n'avait plus eu à combattre contre un moldu, et il décida de faire durer les choses pour se défouler. Se saisissant de la lame, il trancha net le bras de son premier assaillant avant de le repousser d'un coup de pied. L'homme poussa un hurlement terrible et resta recroquevillé sur le sol tandis que son sang se déversait depuis sa plaie béante. Ce fut cependant le signal pour ses camarades qui attaquèrent tous en même temps, se répartissant autour de Voldemort.
Amusé, le mage noir les laissa l'entourer. Ces idiots espéraient encore pouvoir le capturer vivant ?! Qu'ils essayent donc !
Lâchant l'épée pour la manier à l'aide de sa magie, il décapita le plus proche, entailla mortellement un second et désarma un troisième avant de le transpercer. La vue d'une épée volante impressionna grandement les arbalétriers qui tirèrent dans sa direction, mais leurs carreaux n'atteignirent jamais leur cible. En un instant, il avait déployé sa magie comme un bouclier invisible avant de leur sourire avec arrogance.
- Stupides moldus, vous ne pouvez rien contre moi !
Levant la main droite, il souleva celui qui avait l'air le plus déterminé et, sous les exclamations choquées de ses coéquipiers, se concentra pour écraser sa trachée jusqu'à ce qu'il cesse de bouger. Puis il projeta le cadavre sur ses condisciples avant d'éclater de rire. Les soldats restants n'osèrent même plus s'approcher de lui et l'un d'eux alla jusqu'à tenter de s'enfuir, mais c'était peine perdue. Il avait prévu de tous les massacrer et il était hors de question qu'un seul d'entre eux ne survive.
Un garde fut empalé sur une branche d'arbre, un autre fut projeté si haut qu'il mourut de sa chute, tandis qu'un autre encore eut le crâne défoncé. Rien n'était à même de stopper sa frénésie meurtrière, et lorsqu'enfin le silence revint, une quinzaine de cadavres se trouvait autour de lui.
Contemplant son œuvre, Voldemort eut une moue amusée. À défaut d'être aussi expéditif qu'un bon "Avada Kedavra", cet interlude avait au moins eu le mérite de l'aider à évacuer sa colère.
Il inspira longuement et prit le temps de réfléchir sereinement à la situation. Il était hors de question de perdre tout ce qu'il avait bâti, il devait donc retourner dans le temps présent, et pour cela, ses possibilités étaient restreintes : Soit il parvenait à convaincre Harry Potter de refaire le rituel dans le sens inverse, soit il devait trouver Paul de Tudèle et l'obliger à le lui enseigner.
Restait enfin la possibilité, plus complexe, de se rendre en Roumanie dans le village des fanatiques et trouver le sorcier qui était caché parmi eux. Cependant le pays était vaste, et il n'avait aucune idée de comment localiser ledit village…
Pour l'heure, il ignorait la date exacte à laquelle il se trouvait, et du peu de ce qu'il avait vu, il doutait fortement que les habitants du village soient à même de le renseigner à ce sujet.
À cause de l'acte inconsidéré du libraire, il allait devoir voler la baguette magique d'un autre sorcier avant de se procurer suffisamment d'argent pour pouvoir en acheter une. Si la devanture de la boutique de Londres disait vrai, la famille Ollivander fabriquait des baguettes depuis 382 avant Jésus-Christ. Il savait donc qu'il pourrait en obtenir une nouvelle tôt ou tard, mais l'idée d'en être privé lui était insupportable et il refusait de patienter aussi longtemps.
Il repensa à Harry Potter. Et dire qu'il l'avait sauvé de la mort, quelques heures plus tôt…
Il revit son regard, lorsqu'il l'avait projeté en direction des gardes. Cet idiot avait semblé… étonné. Alors qu'il venait tout juste de l'arracher à son époque et de détruire sa baguette, il avait écarquillé les yeux et n'avait pas fait un geste pour se défendre face aux soldats moldus.
Lui n'avait pas attendu avant de se détourner pour s'enfuir, mais à présent qu'il avait retrouvé son calme, il regrettait son geste.
Il ne pouvait s'empêcher de penser à Elvira Orwine, cette sorcière du VIIe siècle qui possédait un pouvoir similaire mais avait fini brûlée vive car incapable de l'utiliser pour se défendre. Il était prêt à parier que Harry dans sa stupidité n'envisagerait jamais de tuer des moldus, même pour sauver sa vie… En revanche, il y avait la possibilité bien plus grande qu'il réutilise la formule du grimoire d'Eldritch pour revenir dans son époque, et ne l'abandonne dans celle-ci. Cette idée provoqua une sensation particulièrement désagréable pour Voldemort. S'il ne se dépêchait pas de le rejoindre, il allait se retrouver seul et sans aucun repère dans un monde qu'il ne connaissait qu'à travers ses cours d'histoire de la magie.
Bien sûr, même s'il le retrouvait, il y avait de grandes chances que le libraire refuse de l'aider, car c'était lui qui l'avait amené à cette époque. Mais il voulait croire en ses capacités de persuasion, sans compter que le Gryffondor nourrissait des sentiments pour lui. S'il avait voulu sa mort, il ne l'aurait pas sauvé lors du combat contre Dumbledore…
Il se concentra pour s'envoler et se dirigea vers la ville, louant sa capacité à le faire sans l'aide de sa baguette… Autour de lui, la nuit était tombée, et des feux avaient été allumés sur les remparts qui entouraient le village. Si Harry était encore entre les mains des gardes, sans doute l'avaient-ils amené au beffroi pour l'interroger.
Voldemort décida de se baser sur cette hypothèse pour débuter ses recherches. Contrairement à lui, le libraire était capable de comprendre et parler la langue de l'époque sans se trahir, mais malgré sa culture, il y avait peu de chance que la milice l'ait relâché si facilement.
Presque invisible dans le ciel nocturne, il passa ainsi de fenêtre en fenêtre pour observer l'intérieur du bâtiment. Les cellules étaient particulièrement rudimentaires et les prisonniers avaient tous l'air blessés, malades ou affamés. Harry n'était entre leurs mains que depuis quelques heures, mais Voldemort sentit l'angoisse l'envahir au fur et à mesure de ses recherches. Où se trouvait-il ? Et dans quel état serait-il ?
De plus en plus agité, il finit par distinguer la silhouette familière à l'intérieur d'une des plus hautes cellules. Le libraire était avachi sur une simple planche de bois, et il tressaillit lorsque Voldemort accrocha ses mains aux barreaux de la fenêtre.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu es venu me narguer, c'est ça ?
Il s'était à peine redressé pour lui parler, et sa voix avait quelque chose d'inhabituellement rauque, comme s'il avait trop crié. Le mage noir plissa les yeux pour voir son visage, mais la cellule était plongée dans la pénombre et la lumière de la lune suffisait tout juste à le reconnaître.
- Pas du tout, je suis venu te libérer.
- Aux dernières nouvelles, c'est toi qui m'as projeté sur les gardes. C'est de ta faute si je suis ici.
Encore cette amertume sous-jacente qui le dégoûtait...
- J'étais quelque peu énervé. Tu venais de m'envoyer dans le passé et tu as stupidement détruit la seule baguette que nous avions alors que nous étions cernés ! J'avais toutes les raisons de vouloir ta mort.
Le Gryffondor haussa brièvement les épaules.
- Tu allais tuer Remus ou Hermione, et mes amis et ma mère étaient en train de se battre contre tes Mangemorts dans l'autre pièce. T'emmener ici était la seule solution. Et pour la baguette, j'ai eu peur que tu tues tous ces gens…
- C'était stupide. J'ai tué 15 gardes avant de venir ici. Je n'ai pas besoin de baguette pour cela. Maintenant lève-toi, je vais te faire sortir d'ici.
Son annonce donna lieu à plusieurs secondes d'un silence pesant. Harry ne bougeait plus, et Voldemort serra plus fermement les barreaux pour tester leur solidité. Malheureusement la maçonnerie devait être relativement récente, car il semblait impossible de les déloger à mains nues. Finalement, le libraire poussa un profond soupir, et le mage noir regarda à nouveau dans sa direction.
- Et bien, que t'arrive-t-il ?
- Je… Je ne peux pas marcher… Ils m'ont torturé.
Le Serpentard sentit le dernier mot faire vaciller sa conscience. Ils avaient osé… Ils l'avaient blessé… Et cet idiot n'avait même pas daigné se défendre !
D'un bond, il s'éloigna de la muraille avant de se laisser tomber en direction de la cour.
Atterrissant brutalement sur le sol, une vingtaine de mètres plus bas, il projeta sa magie dans l'imposante porte en bois pour la défoncer.
Il n'avait même pas pris le temps de lui répondre. Il s'en sentait incapable. En un instant, la rage avait de nouveau inondé son cerveau. Il n'avait pas pu voir ses blessures à cause de la pénombre, et son esprit imaginait le pire.
Le premier garde qu'il croisa n'eut pas le temps de donner l'alerte. Sa tête fut retournée en un clin d'œil, ses cervicales brisées avec une facilité déconcertante.
La colère multipliait ses forces, et il atteignit le premier étage en volant au-dessus des marches comme un spectre.
Le second garde parvint à le prendre par surprise en le blessant de sa lance, mais ce n'était qu'une contusion à ses yeux. Il retira la pointe de son épaule gauche avant de briser l'arme d'un simple regard. Puis il projeta la partie métallique droit sur son précédent propriétaire, fichant la pointe en plein dans l'œil du malheureux. Celui-là avait voulu l'attaquer avant de déclencher l'alarme, et cela permit au mage noir d'atteindre le troisième puis le quatrième étage sans encombre.
Cette fois en revanche, la sentinelle eut l'idée de sonner le cor pour avertir la garnison, cependant à peine eut-elle le temps de produire un son que son instrument lui fut arraché des mains et projeté par la fenêtre. L'homme cria, mais Voldemort se saisit de son épée pour perforer sa cage thoracique avant de lui éclater la mâchoire sur un coin de mur.
Habituellement, cette effusion de sang lui aurait apporté une certaine satisfaction, mais pour l'heure, il était incapable de penser à autre chose qu'au libraire. Quelles étaient ses blessures ? Risquaient-elles de s'infecter ? De le tuer ? Serait-il à même de les soigner sans sa baguette ?
Il énuméra mentalement les potions de soin qu'il connaissait tout en accédant à l'étage supérieur. La cellule de Harry se trouvait au cinquième, et il traversa le palier jusqu'à l'atteindre. Sans plus de cérémonie, il tira sur la porte qui le séparait encore de lui, s'aidant de sa magie pour l'arracher de ses gonds. Ces derniers se détachèrent sous l'effet de sa force.
Le Gryffondor n'avait pas bougé, manifestement sidéré par sa venue, et Voldemort invoqua une série d'orbes lumineux pour éclairer la pièce, révélant la sordidité des lieux. Les murs et le sol de pierre étaient souillés par la poussière, la crasse et le sang. Des araignées, cafards et autres vermines nichaient dans chaque recoin et l'air y était nauséabond malgré l'ouverture qui faisait office de fenêtre. L'éclairage rendait la peau du libraire tellement livide qu'elle semblait fluorescente, effet accentué par l'état de son pied nu, dont la fracture ouverte gouttait sur le sol.
Voldemort écarquilla les yeux et s'avança de deux pas avant de s'immobiliser, n'osant s'approcher davantage.
- Qu'est-ce qu'ils t'ont fait !
- Je pense que c'est assez évident.
Sa voix était basse, transmettant toute la fatigue et la douleur qu'il devait ressentir.
- Tu… Pourquoi tu ne t'es pas défendu ?!
- Je n'étais pas sûr d'y arriver. J'avais peur qu'ils me tuent immédiatement ou me bâillonnent si j'essayai de prononcer des formules. Je voulais garder cette possibilité pour une situation vitale. Ils comptent me brûler vif demain… Est-ce que tu es vraiment venu pour me sauver ?
- Évidemment, sombre idiot ! Comme si j'aurais pu te laisser mourir ainsi !
Il lui jeta un regard équivoque.
- Tu as dit, je cite, "je ne peux pas te tuer, mais eux le peuvent".
- J'étais furieux ! Mais… Tu m'as sauvé. Et je refuse de te perdre.
Le mage noir avait détourné le regard et prit une mine boudeuse. Il refusait de l'admettre à voix haute, mais il s'en voulait. Il l'avait offert à ces moldus et n'avait pas été là pour le protéger. Il l'avait laissé seul, vulnérable. Il l'avait abandonné.
Il avait envie de se gifler pour sa bêtise, de frapper un mur jusqu'à ce que sa main soit dans le même état que le pied de Harry, mais il savait que ce ne serait absolument pas constructif. Il avait besoin d'être en pleine forme pour s'occuper du libraire.
Tout doucement, comme pour ne pas l'effrayer, il s'approcha un peu plus pour observer la blessure. Il fallait la protéger, au moins pour ne pas qu'elle s'infecte, mais il n'imaginait pas jeter ce sortilège sans baguette. Il leva les yeux vers son amant. Peut-être que lui pourrait le faire ?
- Tu connais le sortilège "Ferula" ?
- Oui, mais… J'ai peur… d'avoir mal.
Il prit les mains du Gryffondor pour les placer de chaque côté du pied meurtris.
- Imagine les effets de la formule, visualise ta magie. Ça va forcément être douloureux, mais il faut le faire, sinon ça risque d'empirer. Je ne peux pas te transporter dans cet état.
Soupirant, Harry ferma les yeux
- Ferula.
Il poussa un long cri étranglé alors que sa magie faisait apparaître atèle et bandages autour de la blessure. En un instant, les os avaient été remis en place, cependant la fracture n'était pas réparée pour autant et la plaie était toujours ouverte. Son corps était secoué de tremblements et il haletait alors que les larmes coulaient sur ses joues, son beau visage tordu par la souffrance.
Sans hésiter, Voldemort l'entoura de ses bras. Il passa une main sous ses genoux, une autre dans son dos, et il le souleva lentement, prenant garde à ne surtout pas toucher la zone blessée.
- Allons-y.
Harry expira longuement, s'appuyant de tout son poids comme le torse du mage noir.
- C'était… horrible… Par Merlin, je ne veux plus jamais vivre ça… J'aurais pu dire n'importe quoi pour que ça s'arrête.
Le Serpentard ne put s'empêcher d'imaginer le jeune sorcier hurlant sous la torture face aux rires sadiques des soldats moldus. Cette image lui était insupportable, et il raffermit son emprise autour de lui.
- Je… Je suis désolé. Je m'en veux… En réalité, je suis furieux contre moi… Je ne supporte pas l'idée que tu aies souffert, alors que j'aurais pu… J'aurais dû venir plus tôt. Au lieu de perdre mon temps avec ces idiots… Mais maintenant, je vais prendre soin de toi. Je ne les laisserai plus jamais te toucher.
C'était la première fois qu'il s'excusait honnêtement pour quelque chose, et l'impression était… dérangeante. Il ne voulait plus jamais avoir à faire une telle chose, et il se promit mentalement de ne plus être en défaut. Entre ses bras, le libraire soupira longuement alors que sa souffrance s'apaisait peu à peu.
- Tu ne pourras pas toujours me protéger de moi-même. C'est moi qui me suis mis dans cette situation. J'ai décidé de nous transporter ici, à cette époque et à cet endroit. Je n'ai pas pensé à l'Inquisition, ce n'était pas très malin. Pourtant on l'a étudié à Poudlard…
- En quelle année sommes-nous ?
- En 1350. Le village où nous nous trouvons est Warwick, dans le Warwickshire. Je savais que cet endroit était resté similaire malgré les années et comme il fallait avoir une date et un lieu précis en tête, j'ai pensé qu'il serait plus facile d'arriver ici. J'ai été stupide.
Voldemort ne répondit pas tout de suite, se concentrant pour prendre l'escalier du plus précautionneusement qu'il put.
- Tu as réagi dans l'urgence, nous étions en plein combat... Quand je repense à ce sale vampire qui a osé me trahir. J'ai bien failli mourir par sa faute. J'aurais pu tuer Dumbledore en combat singulier, mais ses alliés s'en sont mêlés.
- Hermione et Remus. Tous deux sont plutôt bons en duel. Ils n'ont pas dû comprendre ce qu'il s'était passé…
- Ils ont sans doute cru que nous nous étions enfuis ! Et dire que je vais passer pour un couard, moi, Lord Voldemort !
Harry eut une toux qui ressemblait à un éclat de rire, mais ses doigts se resserrèrent sur le tissu de sa robe.
- Tu as failli mourir, tu étais seul face à quatre adversaires. N'importe qui se serait enfui.
- Je ne suis pas n'importe qui ! J'ai une réputation à tenir. Je suppose que Dumbledore va se poser des questions, mais les autres vont croire que je me cache ! Cette idée m'est insupportable !
Le libraire garda le silence. Sans doute se sentait-il trop vulnérable pour oser lui dire le fond de ses pensées à l'heure actuelle.
Ils atteignirent le rez-de-chaussée sans rencontrer personne, mais lorsqu'ils passèrent le pas de la porte, ce fut pour tomber nez-à-nez avec une troupe d'une petite dizaine de soldats. Ils ne portaient pas d'armure lourde mais une simple cotte de maille passée par-dessus leur tunique, ainsi qu'un casque en métal. Ils étaient armés d'une épée longue et d'un bouclier, et sur les remparts derrière eux, le même nombre d'archers se tenait prêt à tirer.
Immédiatement, Voldemort sentit son sang-froid se fissurer face à la menace. Il était hors de question qu'ils ne blessent Harry, pas à présent qu'il le tenait entre ses bras. Il était là pour le protéger et ce n'était que de vulgaires moldus… Mais des moldus armés, bien plus nombreux qu'eux, et décidés à les tuer.
Avec sa baguette, il n'aurait pas hésité à les narguer, les humilier en se moquant d'eux et de leur faiblesse pathétique. Mais au lieu de ça, il se sentit angoissé à l'idée de perdre le libraire dans un combat qu'il n'était pas certain de gagner.
Harry haleta à la vue de ce comité d'accueil.
- Je ne sais pas quelle est l'étendue de tes capacités en magie sans baguette, mais…
- Que veux-tu faire ? Nous pourrions fuir, mais il me sera compliqué de voler suffisamment vite pour éviter leurs flèches tout en te portant. Ou nous pourrions attaquer, mais sans baguette, je ne peux pas nous défendre face aux épéistes et aux archers tout en les tuant. Il faut choisir.
- Lâche-moi. Tu combattras plus facilement si je ne suis pas accroché à toi.
- Hors de question. Je ne les laisserai plus poser ne serait-ce qu'un seul doigt sur toi.
- Alors je nous défendrai.
- Tu es sûr de toi ?
- Il le faut.
Ils avaient parlé à voix basse, profitant que les soldats n'osent faire le premier pas, et immédiatement Harry s'était décalé pour répartir son poids sur son bras gauche pour libérer le droit. Voldemort avait oublié sa blessure à l'épaule, et ce mouvement lui arracha une grimace de douleur, cependant il garda le libraire contre lui, fidèle à sa promesse.
En même temps, les soldats avaient réagi, comme s'ils avaient attendu qu'ils fassent un geste pour attaquer. D'un seul mouvement, les fantassins se mirent en position d'attaque tandis que les archers tiraient une première salve de flèche dans leur direction. Puis tout se passa très vite.
Le mage noir tendit sa main droit devant, attrapant un soldat à l'aide de sa magie pour l'attirer jusqu'à lui. Profitant du déséquilibre de sa victime, il la fit tournoyer autour de lui telle une poupée de chiffon, détruisant la charge de miliciens qui s'éparpillèrent de manière paniquée. En même temps, Harry avait hurlé un "PROTEGO" juste à temps pour les protéger des projectiles qui retombèrent autour du bouclier en une pluie meurtrière.
Plusieurs soldats se mirent à hurler en sombrant dans la terreur, incapable de rationnaliser ce qui se trouvait devant leurs yeux. Deux hommes enlacés qui combattaient sans arme et en dépit de toute logique. La plupart d'entre eux n'avaient jamais été confrontés à la véritable magie, et certains décidèrent de fuir tandis que d'autres s'écroulèrent sur eux-mêmes, conscient de leur impuissance.
Il restait quelques miliciens en état de se battre, mais désormais ils n'étaient plus assez nombreux pour représenter une menace, et Voldemort les balaya d'une nouvelle projection de magie.
Une fois hors de danger, il raffermit sa prise sur le corps du libraire avant de s'envoler. La nuit était dégagée, et les étoiles étaient visibles à perte de vue. En quelques instants, ils furent hors de vue des soldats, cependant le Serpentard ne s'arrêta pas pour autant.
- Tu nous emmènes où ?
- J'ai aperçu un repaire de bandits dans la forêt, tout à l'heure. Ça nous servira de refuge jusqu'à demain. Le plus urgent est de soigner ton pied et nous procurer à manger. Par la suite, je tâcherai de trouver des baguettes et un endroit sûr où dormir pour les prochaines semaines.
Harry déposa un bref baiser sur la gorge de Voldemort, faisant tressaillir le mage noir.
- Tu m'as fait confiance pendant le combat. Je te fais confiance pour prendre soin de moi. Je ferais ce que tu me diras.
- Dans ce cas, ne me quitte plus jamais. Je veux que tu restes à mes côtés désormais.
- Je te le promets.
Les évènements de la journée semblèrent avoir raison de ses dernières forces, car il s'endormit entre les bras de Voldemort, alors qu'ils se trouvaient encore à plusieurs mètres au-dessus du sol.
***/+/***
Harry se réveilla au doux chant des oiseaux de la forêt. Un rayon de soleil était parvenu à se faufiler jusqu'à son visage, et il s'étira instinctivement avant de pousser un gémissement de douleur. L'état malheureux de son pied était immédiatement revenu à son souvenir, et il resta immobile durant quelques secondes le temps que la douleur diminue en intensité.
Avec une certaine curiosité, il observa attentivement son environnement immédiat. Le "refuge de bandits" trouvé par Voldemort tenait plus d'une grotte vaguement aménagée, et le mur d'enceinte était une alternance précaire de pierres et de rondins à moitié pourris par l'humidité. Le toit et le sol étaient faits de roche brute, et le "mobilier" consistait essentiellement en des planches de bois clouées pour former tantôt un banc, tantôt une table, tantôt un coffre.
À moins d'un mètre d'eux, un feu avait été allumé, cependant il y avait tant d'ouvertures qu'il peinait à réchauffer véritablement l'atmosphère.
De fait, le libraire mit quelques secondes à comprendre comment il pouvait ne pas avoir froid malgré la situation, avant de réaliser que Voldemort l'avait recouvert de sa cape.
- Es-tu suffisamment reposé ?
Le Gryffondor sursauta et se redressa légèrement pour observer le mage noir, assis à un mètre de lui. Il avait les bras croisés et arborait sa tête des mauvais jours. Il hocha la tête et lui sourit, espérant le dérider un peu.
- Oui, merci. Que proposes-tu de faire, maintenant ?
- C'est toi qui nous as amenés ici et tu n'as pas de plan ?
Il grimaça, comme s'il venait de se faire disputer.
- Je n'ai pas vraiment eu le temps d'y penser. Mais hier soir, tu semblais avoir des idées.
- C'est le cas. J'ai besoin de matériel pour brasser des potions. Il nous faut soigner ton pied en priorité, mais nous ne pouvons pas rester ici, nous serions trop facilement reconnus. Nous allons voyager jusqu'à Londres en volant, puis j'irai dérober de l'argent pour acheter le minimum. Je compte bien nous trouver un logement décent d'ici la tombée de la nuit.
D'un geste vif malgré sa probable nuit blanche, il se leva et s'approcha pour le soulever.
- En route ! Je réquisitionnerai de la nourriture en chemin.
Harry ne fit pas un geste, se laissant porter comme une princesse alors que Voldemort sortait de la cabane avant de s'élever lentement dans le ciel. Profitant de la proximité avec le mage noir, il tourna la tête dans sa direction pour inspirer son odeur. Il la trouvait rassurante, et il pensa immédiatement que les choses n'étaient pas aussi terribles qu'il l'aurait cru d'abord.
- Il faudrait me trouver des béquilles pour éviter que tu n'aies à me porter. Si on va au chemin de Traverse, j'imagine que tu préférerais avoir les mains libres.
- Cela ne me dérange pas. Je ne suis pas certain que le Chemin de Traverse existait déjà à cette époque, mais Pré-au-Lard a été construit en même temps que Poudlard donc si je ne trouve pas ce dont j'ai besoin, nous nous rendrons là-bas.
À une cinquantaine de mètres au-dessus du sol, l'air était piquant, et Harry resserra la cape de Voldemort autour de ses épaules. Le frottement du vent sur son pied hyper-sensible le faisait souffrir, cependant il se contenta de serrer les dents, sachant qu'ils n'avaient de toute façon aucune autre solution que celle proposée par Voldemort.
Le trajet jusqu'à Londres lui sembla interminable. Il y avait plus de 100km entre les deux villes et Voldemort s'efforçait de ne pas voler trop vite pour le ménager. Lorsqu'enfin ils regagnèrent la terre ferme, ils étaient en milieu d'après-midi.
Le libraire se sentait affamé et frigorifié, et il espérait ardemment que le chemin de Traverse ressemblerait à ce qu'ils avaient connu. Pré-au-Lard se trouvait en Ecosse, et il ne se sentait pas capable de faire plusieurs centaines de kilomètres en direction du Nord dans son état.
Voldemort avait atterri dans d'un petit bosquet d'arbres situé aux abords d'une ferme, et il le déposa sur une souche d'arbre.
- Je vais chercher un cheval. Ne bouge pas d'ici.
Harry hocha la tête. Il avait déjà monté à cheval lors d'un de ses voyages et préférait faire de l'équitation plutôt que de continuer à voler. Cela serait assurément plus discret s'ils devaient passer par les rues moldues de Londres, cependant il se demandait bien comment son amant allait pouvoir se procurer une monture.
Malgré ses doutes, près d'une heure plus tard, Voldemort revint avec un cheval noir entièrement harnaché et Harry dû bien reconnaître qu'il avait fière allure. Il avait remonté sa robe sorcière sur son pantalon pour pouvoir passer ses jambes de part et d'autre de l'animal, et le Gryffondor se fit la réflexion que sa tenue habituelle ne rendait vraiment pas grâce à son physique.
Ses jambes fines étaient parfaitement moulées par son pantalon noir et lorsqu'il descendit de cheval, le libraire ressentit une certaine déception en voyant se tunique retomber sur ses genoux.
Harry sautilla à cloche-pied jusqu'au cheval et Voldemort le fit monter avant de l'y rejoindre. Les étriers aux pieds, il semblait parfaitement à l'aise, et à peine fut-il installé que le mage noir talonna le cheval pour le faire avancer.
- Où est-ce que tu as trouvé ce cheval ?
- Pas loin. Il y avait un avant-poste avec quelques miliciens avinés. J'en ai profité pour leur soudoyer quelques pièces d'or. Nous finirons bien par trouver une auberge où tu ne risqueras pas de mourir intoxiqué…
- Tu ne crois pas que des gens risquent de se méfier en voyant mon pied ?
- J'étranglerai le premier qui fait mine de vouloir t'attaquer. Ceci dit, nous sommes à Londres. Les gens seront sans doute moins fanatiques ici que dans un village reculé.
À cette époque, le cœur de la ville était protégé par de hautes murailles qui allaient de la Tour de Londres à l'Est jusqu'à la Cathédrale Saint-Paul à l'Ouest. Charing Cross Road, bien plus à l'Ouest, n'existait pas encore, cependant les deux sorciers avaient bon espoir d'y trouver au moins le Chaudron Baveur et quelques commerces. Après tout, la taverne prétendait être le tout premier pub de Londres, c'est donc qu'il devait avoir été construit bien avant le Moyen Age…
Ils chevauchèrent tranquillement jusqu'au lieu supposé, cependant ils ne trouvèrent nulle taverne et après une heure entière à tourner en rond, ils furent contraints de se rendre à l'évidence.
- C'est de la publicité mensongère. Le Chemin de Traverse n'existe même pas encore !
- Inutile de te récriminer aussi bruyamment. Je m'en doutais un peu, à vrai dire. Il me semblait bien avoir lu que le Chaudron Baveur avait été construit dans les années 1500. Ceci dit, il doit bien y avoir une communauté sorcière dans les environs.
Harry soupira longuement.
- J'ai horriblement mal et je meurs de faim... Ça me tape sur les nerfs. J'ai envie de m'allonger quelque part au chaud, de manger quelque chose et de m'endormir pour oublier la douleur.
- Je ne sais pas comment tu aurais survécu sans moi… J'ai profité de notre périple pour voler quelques bourses. Retournons au cœur de la cité, nous trouverons bien un commerce d'ingrédients et une auberge où passer la nuit. Regarde autour de toi, sois attentif aux étals que les moldus semblent ignorer. À moins que tu ne préfères réutiliser la formule du grimoire pour nous renvoyer à notre époque…
Le libraire secoua la tête, s'appuyant néanmoins contre le torse de son amant.
- Tu sais bien que je ne peux pas faire ça. Et le sorcier roumain a bien précisé qu'il y aurait probablement des conséquences. Je préfère ne pas lancer ce sort une nouvelle fois. Ça ne doit pas être si compliqué de tomber sur un herboriste qui vend des feuilles de Dictame.
Ils passèrent Ludgate Hill alors que la nuit était sur le point de tomber, et ils étaient en train de longer la Tamise lorsqu'ils tombèrent sur une taverne portant le nom d'Hippogriffe fringant. L'enseigne animée représentait une tête d'hippogriffe ouvrant son bec à intervalles réguliers et à l'entrée, une pancarte indiquait "Interdit d'amener des moldus ici". Voldemort s'empressa de descendre de cheval pour le guider jusqu'à une écurie attenante, puis il le porta jusqu'à l'entrée.
À l'intérieur, tout était en bois ; du sol au mur en passant par la multitude de petites tables rondes disséminées çà et là avec leurs chaises. Les lieux étaient spacieux, et sur une estrade, des instruments enchantés jouaient une musique entraînante, tandis que deux serveuses slalomaient entre les clients pour servir à boire ou à manger.
À peine furent-ils entrés que Voldemort s'accouda au comptoir pour questionner la barmaid de son sourire le plus charmeur. Les gens devaient sans doute le prendre pour un aimable touriste étranger à cause de son vocabulaire anachronique, cependant il arrivait à se faire comprendre, ce qui évitait à Harry de devoir tout traduire.
Il l'interrogea ainsi sur les boutiques d'ingrédients pour potions les plus proches, ainsi que sur un potentiel fabricant de baguettes avant de commander deux assiettes de tourte aux panais accompagnée d'hypocras.
Une fois la serveuse éloignée, Harry lui envoya un regard circonspect, mais il lui répondit par un de ces sourires prétentieux dont il avait le secret, signe qu'il avait pu obtenir tout ce qu'il voulait.
- Bien, il y a une succursale de Ollivander à Londres même, ainsi qu'une boutique d'ingrédients. Ils sont installés à Moorfields, juste au nord, par-delà les remparts de la ville. Nous irons dès demain. J'ai réservé une chambre pour la nuit.
Il l'entraîna jusqu'à une table où il l'incita à s'asseoir avant de prendre place face à lui. Harry se pencha et baissa la voix.
- Mais… Nous n'avons pas d'argent sorcier ?
Le Serpentard exhiba une petite pile de Gallions avant de les remettre dans sa poche.
- Je suis déjà parvenu à récolter suffisamment d'argent pour assurer notre confort ce soir. Ne t'inquiète pas des détails, je te l'ai dit. Désormais, tu m'appartiens, il est donc de ma responsabilité de prendre soin de toi.
Le Gryffondor détourna le regard, mais Voldemort le regardait avec une telle intensité qu'il se sentit rougir malgré sa volonté de rester imperturbable.
- Je ne me souviens pas avoir accepté cela.
- Hier soir, tu m'as promis de rester à mes côtés, et tu me l'avais déjà promis jeudi soir. Comptes-tu déjà revenir sur ta parole ? D'autant que cela me semble être une contrepartie parfaitement équitable. En m'arrachant à notre époque, tu as détruit tout ce que j'avais créé. Mon empire, mon armée, ma richesse. Et puis tu as brisé ta baguette, la seule que nous avions en notre possession. Je pense que me consacrer le reste de ta vie n'est que justice au regard du préjudice subi.
Harry leva les mains pour y plonger son visage. Il ressentait un étrange mélange de sentiments, à mi-chemin entre le soulagement, la gêne et l'euphorie. C'était absurde. Le Seigneur des Ténèbres en personne le revendiquait comme sien et… il n'arrivait pas à s'en offusquer. Pire, il trouvait cela rassurant. Parce que malgré leurs camps opposés, il allait pouvoir l'aimer sans blesser ses proches. Il allait pouvoir rester avec lui.
Il inspira longuement avant d'oser à nouveau lever les yeux vers lui.
- C'est vrai. Je te rassure, je n'ai aucune envie de m'éloigner. Il faut bien quelqu'un pour te servir de garde-fou et puis… je suis curieux de voir ce que tu vas faire dans cette époque. Ne trouves-tu pas cela excitant ? Tu es toujours aussi puissant, toujours immortel. Rien ne t'est impossible. Tu pourrais faire les choses bien, cette fois. Prévenir les révoltes gobelines, pacifier les brigands qui gangrènent le pays… Il n'y a pas de Dumbledore, pas de Grindelwald. Tu pourrais devenir Ministre de la Magie ou que sais-je encore. Tu as l'opportunité de réécrire l'histoire et je serais avec toi, quoi qu'il arrive.
Le regard du mage noir brilla d'un étrange éclat, et l'une de ses mains traversa la table pour prendre la sienne.
- Je ne suis pas encore prêt à trinquer à une nouvelle vie, comme tu dis, mais je veux bien reconnaître que ton discours est assez exaltant. Je doute que les choses seront aussi faciles que tu ne l'imagine, mais suppose que je pourrais envisager cela…
Fin du chapitre 15
J'aurais pu m'arrêter là. Une fin ouverte. Ils vécurent heureux au Moyen Âge et Voldemort devint Ministre de la Magie. J'aurais pu, mais comme le dis Voldy, les choses ne vont pas être aussi facile qu'il l'imagine… 😏
Je vais faire une pause de quelques semaines pour écrire l'OS qui raconte l'histoire d'Aren et Remus. Il faut qu'il soit prêt pour le milieu du mois de novembre pour l'anniversaire d'une certaine personne, et ensuite je continuerais cette histoire. Je ne sais pas combien de temps je vais le mettre pour écrire, je n'ai pas encore commencé, mais les vacances scolaires débutent dans une semaine donc je vais avoir le temps de m'y consacrer pleinement. Une fois l'OS terminé, je me remettrai à cette histoire.
J'espère que ce chapitre haut en rebondissements vous aura plu ! ^^ Merci pour vos nombreuses reviews et votre enthousiasme lors du chapitre précédent ! #^_^# 💛
