Hey, hey
Bon, c'est un miracle, mais finalement j'ai fini de corriger ce chapitre en moins de deux semaines. Je ne pensais pas avoir le temps, mais fuir mes devoirs me rend productif, apparemment.
Du coup, enjoy ce chapitre qui est arrivé plus tôt que prévu, j'espère qu'il vous plaira !
Oikawa fixe d'un œil morne l'écran de son téléphone éteint. Assis à la table d'Iwaizumi, il ne le remarque pas, trop occupé à rédiger Dieu sait quoi sur son ordinateur. Il tourne la tête vers la fenêtre. Il y a de la brume. Les rues sont vides.
— Iwaizumi, l'appelle-t-il.
Son ami marmonne un faible « quoi ? », l'esprit ailleurs.
— J'ai envoyé un message à Yachi.
Il annonce cela d'un ton désinvolte, mais le garçon ne le connaît que trop bien. Ses doigts se suspendent au-dessus de son clavier.
— J'espère qu'elle va apporter des croissants, plaisante-t-il.
Oikawa sourit. C'est agréable de n'avoir rien à dire. Il lâche quelques mots légers et Iwaizumi sait. Être avec lui, c'est revenir en enfance. Un rire, et la vérité flotte immédiatement dans l'air.
— Elle ne m'a pas répondu, ajoute-t-il néanmoins. Ça fait quatre jours.
Une inquiétude dans les nuages blancs. La pluie roule dehors ; elle passe sous la porte.
— Je sais ce que tu as en tête Oikawa. C'est une très mauvaise idée.
— Mais-
— Tu sors, tu es mort, le coupe-t-il. Des personnes disparaissent. Je t'ai déjà perdu une fois. Je refuse de-
Il soupire.
— J'ai vu ce qu'il se passait dans les rues. Les gens restent presque tous chez eux. Les rares passants sont sur le qui-vive. L'autre jour, une gamine s'est fait emmener par des hommes sous mes yeux. Elle hurlait et son père l'a regardée partir sans lever le petit doigt.
— Je serais discret.
Il se mord le pouce.
— Oikawa, tout le monde te voit.
— Je sais me cacher maintenant, proteste-t-il. Kiyoko m'a appris.
— Tu tiens à peine cinq minutes. Ton ombre s'évapore trop vite. Tu as besoin de plus de temps.
— Mais on n'en a pas, du temps. Si ça se trouve, il est arrivé quelque chose de grave à Yachi. Elle s'est peut-être fait emmener et si elle est là-bas…
Oikawa ne parvient pas à finir sa phrase. Il est dans cette cellule blanche. Une séparation douloureuse ; la solitude est comme le poids du ciel sur ses épaules. Iwaizumi ne dit rien.
Sa progression est lente. Kiyoko passe souvent pour l'aider. Ce n'est pas suffisant. Il s'entraîne tous les jours, mais son ombre refuse de revenir à lui. Il s'habitue à son teint gris, ses ongles rongés.
Il détourne le regard et allume son téléphone. Rien.
— Je sais que ce n'est pas facile, intervient son ami. Mais sortir, c'est prendre des risques inconsidérés. Akaashi a besoin de toi.
Une colère sourde le frappe.
— Tu n'as pas le droit de me dire ça. Ne l'utilise pas pour me protéger.
— Ce n'est pas ça. J'essaie d'être lucide.
— Être lucide c'est laisser mes amis mourir.
Son ton est glacial.
— On ne sait pas ce qu'il en est réellement, fait Iwaizumi calmement.
Oikawa n'a pas envie de continuer cette conversation. Il se lève sans un mot et part s'enfermer dans sa chambre. Le garçon ne le retient pas.
Il se regarde dans le miroir et se concentre. Une brume noire enveloppe son cou. Quelques secondes plus tard, elle se dissipe. Oikawa lâche un cri de frustration. Son ombre n'est pas docile, il ne la comprend pas. Quelques larmes roulent sur ses joues.
Lorsqu'il revient à son reflet, il y voit le visage d'Akaashi. Il ne sourit pas. Sa lèvre supérieure est fendue. Il cligne des yeux. L'image s'est volatilisée.
Il imagine un vent froid sur sa peau, une pluie glacée qui se glisse sur sa nuque. Il n'y a que la chaleur de l'appartement qui lui colle au corps.
Le Fou lui a parlé des rues vides puis l'a noyé dans le béton.
Yachi ne lui répond pas. Il passe le reste de sa journée à faire tourner son ombre autour de sa cheville. Elle refuse d'aller plus haut.
Mika est en haut du phare. La lune est rouge. Elle n'essaie plus de franchir la porte. Des courants d'air remontent jusqu'à elle. Des lamentations résonnent. Quelques fois, c'est la voix de son frère qui lui parvient. Il l'appelle.
Elle ne descend plus. Pas encore.
Elle contemple le croissant de lune. Elle sait que lorsque la mer sera calme. Elle viendra — elle venait toujours. Parfois, elle ne parlait pas. La Grande Prêtresse se tenait simplement à ses côtés. Elle lisait. Il arrivait qu'elle saisisse l'astre de ses mains nacrées pour l'offrir à Mika. Elle passait le reste de la nuit à le garder contre elle, avant de le rendre à l'océan au petit matin.
Puis vient la mer de nuages. La Grande Prêtresse parle de sa voix envoûtante. Elle ne lui sourit plus.
— Tu dois ramener mon fils à la maison.
Cela ne sonne pas comme quelque chose qu'elle peut refuser.
— Il s'est égaré des chemins pavés, murmure-t-elle. Le ciel le réclame. C'est un enfant de la lune après tout.
— Il vous manque ? demande timidement Mika.
— Terriblement. Je lui fais du thé tous les jours, en espérant que les vagues le ramènent sur le rivage.
— Quel âge a-t-il maintenant ?
La mer s'agite. De grosses larmes scintillent avant de s'écouler dans l'eau.
— Il est éternel. Les premiers enfants ne peuvent connaître la mort.
— Mais ils peuvent oublier n'est-ce pas ? Ils s'égarent dans l'enfance, se noient dans le sable.
Les mots de sa mère. Un mirage refait surface. Un mur derrière elle se fissure. La Grande Prêtresse ne l'observe pas, mais ses yeux brûlent.
— La lune les guide. Elle triture les souvenirs, remue le cœur.
— Comment s'appelle-t-il ?
Le silence lui répond. Mika soupire et reporte son regard vers l'éternité de la mer. La lumière du phare glisse sur les vagues.
— Tu es sûre que c'est ici ?
— Il me semble, je ne suis jamais venue chez ce garçon, souffle Yachi.
Mika laisse sa main suspendue juste devant la porte.
— Si ce n'est pas là, que fait-on ?
— On court. Cette solution a plutôt bien fonctionné jusqu'ici.
Elle esquisse un sourire. Elle inspire avant de donner trois petits coups secs.
Des pas se précipitent et un garçon grommelle quelque chose. Une clé tourne plusieurs fois dans la serrure. La respiration de Mika se coince dans sa gorge.
La porte s'ouvre brutalement. Une silhouette grande et musclée se tient devant eux. La personne croise les bras.
— Je peux vous aider ? les interroge-t-il d'une voix rocailleuse, légèrement ensommeillée.
— Iwa-chan ! Dépêche-toi de laisser Kiyoko entrer, je dois lui demander quelque chose !
Mika se retourne presque immédiatement vers Yachi. Elle ne répond même pas au jeune homme et se précipite à l'intérieur en le traversant. Ce dernier lâche une exclamation de surprise alors que Mika s'engouffre à la suite de son amie.
Elle s'immobilise à l'instant où elle franchit l'entrée. Au milieu du salon se tient un garçon. Deux grandes billes marron les dévisagent d'un air incrédule.
— Oi- Oikawa ? bredouille Yachi, incertaine.
— Yachi ?
L'ombre de la jeune femme s'illumine. L'orange vire au rouge et brille si fort que Mika doit plisser les yeux afin d'y voir quelque chose.
Il y a un moment de flottement où personne ne sait quoi dire. Iwaizumi se tient juste derrière tandis qu'Oikawa s'approche doucement de Yachi, la main tendue. Il la laisse entre eux avant de se raviser.
Sans prévenir, la jeune femme saute dans les bras du garçon. Elle passe au travers, perd l'équilibre. Oikawa la rattrape et cette fois-ci, personne ne tombe. Il l'enlace, la serre très fort. Yachi a un sursaut de surprise, mais se laisse faire. Quelques larmes de soulagement glissent sur ses joues.
— Tu as reçu mon message alors ?
Elle hoche la tête.
— Je l'ai vu ce matin. Désolée pour le retard. On n'a pas arrêté de courir ces derniers temps.
Elle hausse les épaules dans un signe d'excuse, avant de se tourner vers Iwaizumi.
— Pardon pour cette intrusion brutale. Je me suis emportée, je crois…
Iwaizumi balaie sa remarque d'un geste de la main. Plutôt que de s'énerver, il leur désigne des chaises vides autour d'une table.
— Du thé ? propose-t-il.
Toutes deux acquiescent. Le cœur de Mika refuse de se calmer.
Oikawa les rejoint. Il s'assoit à côté de Yachi, un sourire énorme sur le visage.
— Je n'en reviens pas, lance son amie. On a cru que c'était un piège ou un canular. C'est pour ça que je n'ai pas répondu et- (elle se stoppe net, secoue la tête). Mais on s'en fiche. Que t'est-il arrivé ? Comment as-tu fait pour…
Elle ne parvient pas à terminer sa phrase. Oikawa pose doucement sa main sur celle de la fille comme s'il n'y avait rien de plus naturel.
— À vrai dire, je ne sais pas. J'étais enfermé avec Akaashi et l'instant d'après, j'étais dehors.
Son visage s'assombrit. Mika fronce les sourcils.
— C'est impossible, objecte-t-elle.
Il plante son regard dans le sien. Ce qu'aperçoit Mika au fond de ses pupilles lui froisse les poumons. Un abysse de douleur et de larmes. Elle ne fait aucun commentaire.
— Tout comme mon apparence, ricane-t-il. Ou la tienne.
Elle chavire.
— Tu peux me voir ?
— Bien sûr. Sympa, la coupe de cheveux.
Machinalement, elle passe une main sur son crâne.
— Mieux que la tienne en tout cas, rétorque-t-elle. Ta tignasse ne doit pas être très coopérative au réveil, je me trompe ?
— Elle n'a pas tort, intervient Yachi.
— Attends. Tu peux le voir aussi ?
— Tout le monde le peut, clarifie Oikawa. J'ai perdu mon ombre.
Mika ouvre la bouche et la referme plusieurs fois, sous le choc.
— C'est un peu long à expliquer, déclare Iwaizumi en déposant des tasses fumantes sur la table.
— Je crois qu'on a tout le temps pour vous écouter.
— Lorsqu'on aura fini, il ne nous en restera plus beaucoup malheureusement, commente Oikawa.
Le garçon commence à parler et la ville se meurt. Une jeune fille cherche ses parents sous la pluie. Elle sanglote, mais les rares silhouettes qui peuplent la rue s'écartent d'elle. Une gangrène grignote le bras de l'enfant, alors que l'on aperçoit une peau lisse. Le brouillard est si bas qu'il est impossible d'observer le haut des immeubles.
Mika ne remarque pas son téléphone qui vibre contre sa cuisse. Elle ignore l'appel de Kuroo, faisant les cent pas dans son appartement. Elle est absorbée par les mots d'Oikawa. Elle ne voit plus que ses lèvres rouges et cette intonation dans la voix qui cache des coupures profondes. Lorsqu'il prononce le prénom d'Akaashi, ses yeux se voilent malgré son sourire.
Les tasses de thé sont vides depuis longtemps quand le jeune homme termine enfin son récit. Un silence pesant s'installe. Il fait de petits cercles avec son pouce sur le dos de la main de Yachi.
— On vient avec vous, annonce Yachi d'une voix ferme.
Mika force l'ombre de son amie à se dissiper. Son regard est déterminé. Des mèches blondes tombent avec désinvolture de part et d'autre de son visage.
— Il va falloir que l'on en discute avec Kiyoko, avise Iwaizumi.
— Je ne laisse pas Akaashi tout seul. Qu'elle le veuille ou non, je serai là.
— Moi aussi, intervient Mika.
Son amie se tourne vers elle. Spontanément, Mika lui attrape son autre main libre.
— On reste ensemble, ajoute-t-elle.
Rendre tangible l'évidence qui flotte autour d'elles. Elle serre un peu plus fort, fait durer cette étreinte discrète.
— Je vais l'appeler, capitule Iwaizumi en se levant. Vous me laissez faire.
Oikawa réplique quelque chose, mais Mika n'écoute plus. Il n'y a que les flammes brûlantes de l'ombre de Yachi qui glissent sur ses doigts.
Il n'y a plus personne. Quelques râles s'échappent autour. Les corps sont immobiles et son ombre danse au-dessus de lui. Elle pleure.
Akaashi a faim. Son ventre grogne. Il rampe pour chercher de quoi se nourrir. La seconde d'après il se relève, fait demi-tour. Pourquoi est-il là ? Il ne sait plus, il n'a jamais rien compris.
Bokuto va revenir, pense-t-il. Il ne m'abandonnera pas.
Oikawa lui chante une berceuse. Il ferme les yeux, ne s'endort pas. Il croit voir la lune transpercer le toit. Le silence est lourd, une lumière rouge clignote. Finalement elle s'éteint et plus rien ne passe au travers de la pénombre.
Sortir. Courir. Prendre la fuite. Le dédale le regarde. Il l'attend. Akaashi entend le vent. Il l'appelle. Le Fou est parti. Il ne reviendra pas. Les feuilles ont pourri. L'herbe vermeille. Au loin, quelqu'un éclate de rire. Alors il hurle.
Personne.
La foule.
Les oiseaux dehors. Une amertume perpétuelle sur sa langue. Ses jambes refusent de le porter. Il souffre. Le mur ne cède pas.
Il croit voir un garçon se traîner à côté de lui.
— De l'eau, supplie-t-il.
C'est un adolescent. Akaashi le remarque à sa peau lisse et à sa voix qui oscille.
— De l'eau, répète-t-il à nouveau.
Akaashi recule. L'inconnu perd connaissance.
Ils ont disparu. Les geôliers sont morts. Il y a des cadavres en blouse blanche et des hommes habillés en noir. Leurs corps sont dévorés par la terre — certains ne sont déjà plus là, il n'y a que la trace sur l'herbe pliée sous leur poids.
Il se redresse, tangue sur le côté. Il s'approche de ces gens aux regards vitreux. Il ne prête plus attention aux visages et aux traits marqués d'une douleur incommensurable. Il fouille la veste d'une femme, tombe sur un couteau. Il le contemple sous toutes ses coutures, fait glisser la lame sur sa jambe avant de le jeter très loin de lui, pantelant.
— Akaashi.
La voix du Fou est douce. Il ne prend pas la peine de se tourner vers lui. Il garde les paupières closes.
— Tu dois partir d'ici. L'heure approche. Tu es attendu ailleurs.
Ses cordes vocales sont brisées.
— Que tu le veuilles ou non, il va falloir sortir. Je t'offre une chance. Elle est en chemin.
Il s'allonge, sent dans son dos quelque chose de visqueux. Il s'en fiche. Plus rien n'a d'importance.
— Souviens-toi de notre pacte, susurre le Fou au creux de son oreille.
Ce dernier dépose un baiser délicat sur sa joue. Akaashi frissonne.
Il oublie le lien. Son esprit se perd, il est avec Oikawa. Ils voguent sur une barque et des milliers d'ombres les dévisagent depuis les berges. Un bras s'échappe des arbres qui bordent le fleuve. Une poigne de fer enlace le cou d'Akaashi. Lorsqu'il se réveille, il vomit avant de sangloter.
Je dois bouger, me lever et courir, emprunter le premier corridor, suivre les sons et m'éloigner de la langueur, oublier ma tête qui pèse si lourd, effacer la douleur et mes muscles qui crissent, me souvenir de l'air et des nuages pesants, devenir l'orage, perdre mon regard dans les rayons de la lune, peut-être même voler au-dessus du ciel, laisser mon ombre ici et ne jamais revenir, le mouvement est signe de vie, le mouvement et les gestes, les gestes sont insaisissables, si j'arrêtais de bouger je ne deviendrais qu'une statue d'argile, aussi fragile que du bois mort. Il refuse de s'égarer dans les limbes.
Akaashi ne revoit pas le Fou. Des étoiles sont apparues sur le plafond. Il confie ses secrets à Cassiopée et elle reste silencieuse.
Il pleut en continu depuis sept jours. Les nuages ne se dissipent plus et Kuroo se demande s'il a un jour vu le soleil. Il est sorti ce matin faire quelques courses, mais le konbini était fermé. Il a dû marcher longtemps avant de trouver un magasin ouvert.
Personne ne parle. La radio ressasse les mêmes voix monocordes. Les mots sont de plus en plus plats et perdent de leur sens. Le vent se lève ; il espère que les bourrasques feront voler les arbres dans le ciel gris.
— Je t'ai acheté un croissant, déclare-t-il à Daishou.
Il pose le petit paquet qui se froisse sur la table de nuit. Son ami bouge, mais ne se réveille pas. Les draps sont trempés de sueur. Daishou gémit avant de se tourner sur le côté. Kuroo soupire, las.
— Il reste du café chaud, si tu veux.
Pas de réponse. Il quitte la chambre d'un pas traînant. Une fois dans la pièce à vivre, il ouvre la porte-fenêtre qui donne sur un balcon minuscule. Un cendrier est posé en équilibre sur la rambarde. Il tangue dangereusement vers le vide, au-dessus d'une route d'habitude bruyante. Il n'y a plus de trafic. Les rares voitures qui passent roulent à toute vitesse, sans se soucier du reste du monde.
Il allume une cigarette. La fumée âcre le fait tousser. Malgré tout, il inspire une seconde fois. Il sort son téléphone de sa poche, essaie d'appeler Mika.
— Allez, réponds-moi, s'agace-t-il.
Là aussi, c'est le silence qui lui parle.
Il entend Daishou hurler. Il écrase précipitamment sa cigarette, se hâte vers la chambre. Son ami est assis sur le lit. Il murmure des phrases qui ne veulent rien dire. Son ombre se dissipe par endroit comme une brise qui pousserait les nuages.
Quelques gouttes perlent sur son front. Il a le regard hagard, malgré ses yeux écarquillés. Il fixe le mur blanc où sont accrochées des peintures de paysages : une montagne prise dans un orage, les ruines d'un château et une ruelle où déambulent des silhouettes.
Daishou retombe brutalement sur le matelas. Il continue de marmonner, sans que Kuroo y comprenne quoi que ce soit. Il s'approche doucement, se mord la lèvre pour ne pas pleurer.
— Réveille-toi, espèce de crétin.
Le corps de Daishou, sa peau translucide. Ses veines qui courent, alors que certains morceaux de sa chair se sont déjà envolés. Ses doigts ont disparu et une partie de son visage est si pâle qu'il se confond avec le coussin blanc. Daishou s'efface et le monde continue de tourner. Son ombre n'existe plus depuis longtemps. Ses jambes si maigres. Son souffle se fait de plus en plus faible.
Kuroo passe ses doigts sur son nez, mais ne sent rien — seulement le tissu humide en dessous. Il attrape le croissant avant de mordre dedans. La nourriture est fade. Il repose la viennoiserie, son estomac agité par la nausée.
Il pleure des cendres, mais les paupières de Daishou restent closes.
La Reine des Coupes était assise sur son trône de pierres, épuisée. Elle caressait distraitement sa cape, ses mains embrassant les vagues discrètes de son vêtement. Au bord d'un ruisseau, elle observait un poisson chercher désespérément de l'air sur la rive. Des galets l'entouraient, formant déjà son tombeau. La Reine ne bougeait pas. Elle le regardait mourir.
— Ma reine.
La voix de son valet la sortit de ses pensées. Elle s'attendrit à la vue de l'enfant. Il tenait dans sa main gauche une coupe dorée dans laquelle nageait un poisson aux écailles bleues. Son couvre-chef n'était qu'un fleuve discret, se mêlant à ses cheveux.
Il effectua une révérence insolente. Elle sourit. Les arbres au bord de l'eau leur offraient un peu d'ombre et de fraîcheur.
— Notre travail est presque achevé. Il va bientôt être l'heure et alors… (il hésite une brève seconde.) Ce sera à votre tour.
Elle imaginait ses doigts effleurer les silhouettes. Elles se volatiliseraient et soudain, les corps ne seraient plus qu'une eau limpide, aussi claire que les yeux de son tendre valet.
— Parfait. Lui avez-vous annoncé la nouvelle ?
Il secoua la tête.
— Nous pensons qu'il serait préférable que vous vous en chargiez.
Elle passa sa main sur son menton et fit tourner sa coupe du bout de son index. Sa couronne lui pesait. Elle aurait aimé que ses cheveux se perdent dans les eaux troubles.
Elle se leva sans un mot et embrassa son valet.
— Où allez-vous ? osa-t-il demander.
— Je vais réveiller quelques dormeurs. Il serait terrible que vous fassiez tout le travail à ma place.
Elle éclata de rire. Le garçon ne sembla pas surpris. Il se contenta d'observer son poisson bondissant hors de sa coupe. La reine s'enroula dans sa cape, et disparut dans un tourbillon de pluie. Elle aperçut l'enfant la saluer d'un geste de la main vigoureux, un sourire innocent aux lèvres.
Durant son voyage, elle effleura chaque ombre qu'elle croisa. Les silhouettes devinrent chair. Un sommeil profond envahit les villes. Le brouillard s'intensifia et embauma les habitations ternes. Des cartes traînaient sur le sol, cornées et abîmées, aussi vieilles que la naissance du Monde.
Le poisson à côté du trône eut alors un dernier soubresaut. L'air fit exploser ses branchies et il mourut, ses yeux révulsés vers la plage de galets blancs.
Kiyoko est réveillée par les cris de Kageyama et Hinata. Elle passe son bras sur ses yeux pour ne pas sentir tout à fait la lumière qui traverse le tissu de sa tente. Elle espère pendant un instant qu'ils vont se calmer. Les minutes s'écoulent et le brouhaha demeure. Elle soupire et se redresse franchement, résignée.
— Ce n'est pas comme ça que Shimuzu-san nous a appris à faire ! s'énerve Kageyama alors que la jeune femme fait glisser discrètement la fermeture éclaire.
— Et alors ? J'y arrive très bien comme ça ! Regarde.
Elle observe Hinata tapoter sur diverses parties de son corps. Son ombre semble naître de ces trous invisibles qu'il a creusés et elle s'enroule progressivement autour de lui. Bientôt, il ne reste plus qu'une silhouette grise.
— Bravo, siffle Kiyoko, impressionnée.
— Tu ne devrais pas le féliciter, bougonne Kageyama. Regarde la suite.
En effet, quelques secondes plus tard, la brume légère se résorbe comme une bulle de savon qui éclate.
— Tu vois ? C'est un cas désespéré ! Il refuse d'écouter son corps.
— Parce que tu le fais, toi peut-être ? assène Hinata qui a retrouvé ses cheveux flamboyants, sa petite taille et cette agitation qui ne le quitte jamais. T'es pas foutu de rester dix secondes assis pour te concentrer sur ta respiration !
Kageyama arbore un air vexé avant de se jeter sur l'autre garçon. Kiyoko observe la scène sans bouger, le menton appuyé sur son poignet. Le sommeil lui colle encore à la peau, et lui offre pendant un bref moment une douce paresse.
Hinata vient se placer devant elle, les mains sur les hanches, un sourire aux lèvres. Vêtu d'un simple haut à manches courtes malgré le froid, il n'a pas l'air frigorifié.
— Bien dormi ? lui demande-t-il.
— Ça va. Vous êtes levés depuis longtemps ?
Il hoche la tête. Il se dirige vers le van, embourbé dans la terre humide. Il farfouille quelques instants avant de revenir vers elle, un pull à la main. Elle l'attrape et l'enfile rapidement.
— Merci.
Elle saisit le réchaud pour mettre de l'eau à bouillir. L'air est morose, comme il l'a toujours été. Toutefois, la grisaille s'estompe chaque matin : le visage des deux garçons suffit à balayer la bruine. Cela fait bientôt un mois qu'ils ont établi leur campement dans cette forêt qui borde un chemin désert. Avant, le champ d'à côté était labouré, mais l'homme qui s'en occupait était mort il y a longtemps.
Les hauts sapins les protègent de la pluie. Des oiseaux viennent chanter le soir, avant qu'ils ne s'endorment. Kiyoko apprécie le calme de la nature. Il lui arrive souvent de descendre le chemin en pente pour observer les fleurs qui naissent sur le terrain d'à côté.
Les rues sales et les lampadaires allumés en permanence ne lui manquent pas. Elle n'a aucune attache à la ville ; des souvenirs étouffants. Un déguisement perpétuel. La peur lui noue le ventre : les silhouettes la dévisagent.
— Tu ne vas pas voir Iwaizumi aujourd'hui ? l'interroge Kageyama alors qu'elle souffle sur sa boisson fumante.
Elle ignore la question muette du garçon : l'impatience dans son regard suffit.
— Je ne pense pas. J'ai déjà aidé Oikawa il y a deux jours. De toute façon, on va avoir besoin d'aller récupérer de quoi manger en ville.
Elle pose sa tasse sur une petite table en plastique placée juste à côté des restes du feu. Le bois qui a survécu à la nuit est humide, la terre gluante. La tente de Kageyama et Hinata en face de la sienne penche dangereusement sur la droite.
— Il va falloir que vous remontiez votre tente, avise-t-elle. Encore.
— C'est de la faute d'Hinata. S'il ne bougeait pas autant, on ne passerait pas notre temps à la remettre comme il faut.
— Hé ! s'exclame le concerné. Si tu ne ronflais pas si fort, j'arrêterais de m'agiter toute la nuit parce que tu me réveilles !
Kiyoko ne peut s'empêcher de laisser échapper un rire. Ses amis n'ont pas vraiment changé depuis le lycée : toujours fourrés ensemble, et malgré tout incapable de communiquer calmement. Le poids des soucis leur passe au-dessus de la tête. Il y a quelque chose de reposant à les regarder faire.
Néanmoins, elle n'est pas stupide. Kageyama part faire de longues marches solitaires à la nuit tombée. Elle a retrouvé des feuilles griffonnées de mots si tristes qu'elle a égaré un bout de son cœur. Hinata sanglote parfois, perché très haut dans les arbres, persuadé que personne ne peut le voir.
Kiyoko comprenait. Les Arcanes n'étaient indulgents avec personne.
Bokuto leur manque. Ils s'efforcent de surmonter son absence – pas de bonne ou mauvaise façon.
Il y a un vide laissé par le silence. Un besoin terrible de gestes maladroits. Les plaisanteries ont disparu, Hinata rit seul à ses idées farfelues. Kageyama le suit, mais ce n'est pas pareil. Il a toujours été là et il arrive qu'Hinata soit tant habitué à cette main chaude dans la sienne qu'il l'oublie. En guise d'excuse, il embrasse son ami, mais personne n'est dupe – la blessure est plus profonde que ça, même si les Amoureux les protègent.
Kiyoko avait peur : elle devait trouver une liseuse au plus vite. C'était son dernier espoir pour comprendre, pour se rappeler.
Un ciel dégagé. Une voix familière et une femme qui tient un sceptre. Elle secoue la tête — ce n'est pas l'heure.
Elle repose son attention sur les deux garçons assis en tailleur, les yeux clos. De temps en temps, l'un d'eux ouvre l'œil pour observer l'autre. Kiyoko se surprend à détailler leurs corps. Elle a toujours pu voir au travers de la brume, mais le spectacle qui s'offre à elle est différent : elle n'est pas celle qui brise le miroir. C'est lui qui s'enfuit, car il n'est plus nécessaire.
Le visage anguleux de Kageyama, la mâchoire saillante d'Hinata. L'expression apathique du premier et le nez retroussé de l'autre. Des détails qui changent et ceux qui restent. Leurs gestes brusques, des respirations régulières malgré tout.
Kiyoko vient s'asseoir entre eux — ils lui laissent toujours cette place, une attention anodine qui lui réchauffe la poitrine. Elle se plonge dans la pénombre et ne se concentre plus que sur la vie de son corps. Elle écoute son souffle, sent son ventre se soulever, les muscles de ses jambes se tendre. Ses doigts bougent d'eux-mêmes.
— Tu es ta chair et elle est toi. Mais bien que vous vous confondez, n'oublie jamais qu'elle existe. Ton corps est.
Une éducation lointaine. Son père qui lui répétait cela sans cesse, alors qu'elle pleurait à cause d'un genou éraflé.
Ses pensées embrassent sa peau. Sa colonne vertébrale s'assouplit, tandis qu'elle se laisse aller en avant, les bras tendus. Kiyoko écoute ; elle n'a rien d'autre à faire.
Elle est à l'intérieur. Ce qu'elle perçoit n'a plus besoin d'être exploré par son esprit. Il suffit que cela soit vécu.
Un souffle chaud contre sa nuque et de grands bras l'enlacent. Une mère oubliée, si vieille qu'elle n'a peut-être jamais existé. Et soudain-
Une branche craque et Kiyoko brise le lien. Elle ouvre les yeux. Kageyama est debout, sur le qui-vive.
— Des gens approchent, chuchote-t-il.
Hinata respire et son ombre revient. Kageyama fait de même. Les voilà à nouveau silhouette. Une tristesse remplit ses poumons, mais elle laisse aussi la sienne coller à sa peau.
Un bruit d'un moteur que l'on coupe. Des portes claquent. Les deux garçons rentrent à l'arrière de la voiture, tandis que Kiyoko se dirige vers l'avant. Des voix éclatent.
— Iwa-chan, je pense que ce n'est pas le bon endroit. Qui irait se terrer ici, franchement ?
— Arrête de me prendre pour une buse, Oikawa. Je sais parfaitement où je vais, maugrée le jeune homme.
Les épaules de Kiyoko se détendent. Elle contourne le van avant de taper sur la portière arrière.
— Vous pouvez sortir. Ce n'est rien, prévient-elle.
Elle se gratte distraitement le ventre alors qu'un groupe de quatre personnes arrive sur leur campement de fortune. Kageyama et Hinata viennent se placer rapidement derrière elle, méfiants.
— Bonjour, Iwaizumi, salut Kiyoko un sourire dans la voix.
Elle laisse son ombre s'envoler dans le ciel, ainsi que toutes les autres. Il y a bien longtemps qu'elle n'a plus besoin de se concentrer pour apercevoir les hommes. Elle remarque le visage surpris d'une fille aux cheveux blonds. Cette dernière recule de quelques pas.
— Salut.
Il y a un instant de flottement. Iwaizumi semble chercher quoi dire.
— Je ne pensais que viendriez si vite, fait-elle pour dissiper le malaise naissant.
Elle ne comprend pas la gêne palpable. Elle sait qu'ils sont là pour une bonne raison : il n'y a rien de honteux à demander de l'aide.
Iwaizumi fait glisser la capuche de son pull malgré la pluie.
— Je te présente Mika et Yachi, dit-il en désignant les deux femmes à ses côtés. Tu connais déjà Oikawa.
— Hey !
Le concerné agite la main gaiement. Kiyoko hoche la tête.
— Et voici Hinata et Kageyama.
Ses deux compagnons s'avancent un peu. Kageyama arbore sa mine renfrognée. Hinata fait glisser ses doigts à l'arrière de son crâne en souriant timidement. Yachi fronce les sourcils.
Kiyoko s'attarde sur Mika qui n'a pas dit un mot depuis leur arrivée. Son ombre à elle n'a pas disparu, comme si elle s'était protégée instinctivement de ses yeux. Un violet l'entoure, il ondule doucement sur son corps caché.
— Du thé ? Du café ? propose-t-elle poliment. Nous avons de quoi manger aussi. Vous êtes bien matinaux, vous devez avoir faim. La route est un peu longue depuis la ville.
En réponse à Kiyoko, le ventre de Mika gargouille bruyamment. Hinata pouffe et Kageyama se mord furieusement la lèvre pour réprimer un rire.
— Je crois que ça ne nous fera pas de mal, accepte Iwaizumi.
Elle les invite à s'asseoir sur le sol humide après avoir sorti quelques couvertures. Des gouttes de pluie coincée dans les feuilles se glissent dans ses cheveux.
Une fois qu'ils sont tous installés, Kiyoko patiente. Elle n'est pas pressée — elle aime observer les comportements timides des autres. C'est Yachi qui se décide la première : son regard dur contraste avec les traits doux de son visage.
— Il paraît que vous allez sauver votre ami, lance-t-elle.
— En effet.
— Nous avons aussi quelqu'un à secourir.
Elle triture ses doigts, fait tourner une bague qu'elle porte à son index. Un oiseau se pose juste au-dessus d'elle.
— Je sais.
Yachi la fusille du regard.
— Nous venons avec vous.
Son ton est catégorique. Kiyoko ne peut s'empêcher de sourire. Elle n'a pas le temps de répliquer que Kageyama s'énerve déjà :
— Je te trouve bien présomptueuse. Tu es une inconnue et tu t'imposes de la sorte ?
Les joues de la jeune fille s'empourprent. Mika pose une main sur son épaule. L'autre a un sursaut presque imperceptible.
— Oikawa nous a dit que vous connaissiez parfaitement l'endroit où Akaashi était enfermé. On a besoin de vous, mais nous pouvons aussi vous aider.
— Ah, vraiment ? raille Kageyama d'un rictus arrogant.
— Ce que Yachi essaie de dire, tente de temporiser Mika, c'est que nous aimerions aller avec vous pour sauver notre ami, enfin, Akaashi.
— Ce n'est pas le tien ? l'interroge alors Hinata.
Le ton du garçon n'est empreint d'aucune animosité — rien qu'une curiosité peut-être déplacée.
— C'est…
Les mots meurent dans sa bouche.
— Ce n'est pas important (elle soupire). Écoutez, si l'on est venu jusqu'ici, c'est pour vous réclamer de l'aide.
— Oikawa, tu n'en avais pas déjà parlé avec eux ?
Yachi le dévisage, les poings serrés. Cette colère semble inhabituelle chez elle, incontrôlable.
— Hum… J'avais seulement demandé à Kiyoko, mais-
— Vous savez, je ne vois pas où est le problème, les coupe la concernée.
Hinata et Kageyama se tournent vers elle.
— Pardon ? s'exclame Kageyama. Franchement, Shimizu-san ! On ne les connaît pas et tu voudrais leur faire confiance ?
— Je fais confiance à Iwaizumi et Oikawa, rétorque-t-elle. Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas non plus offrir mon aide à leurs amies.
Kageyama grogne. Tous dévisagent Kiyoko. D'un air tranquille, elle grignote un morceau de pain de mie.
— J'accepte que vous veniez avec nous, mais à une condition. (Elle marque une pause.) Mika, tu lis les cartes, je me trompe ?
Son violet pâlit.
— Euh… oui.
Kiyoko a un sourire satisfait.
— J'ai besoin que tu me fasses un tirage.
La fille acquiesce en silence. Du coin de l'œil, elle voit Kageyama se lever, avant de partir s'enfermer dans sa tente. Elle ne cherche pas à le retenir. Sa colère est justifiée. Ils avaient déjà parlé d'inclure Oikawa à leur tentative de sauvetage. Kageyama avait d'emblée refusé. La discussion s'était terminée de la même manière qu'aujourd'hui : un mutisme pesant et un Hinata tiraillé.
Alors que ce dernier se lève, elle saisit son poignet.
— Laisse-le. J'irai le voir, ne t'en fais pas.
Hinata hésite, avant de capituler. Il se rassoit.
— Tu ne respectes pas vraiment la règle, Kiyoko, déplore-t-il.
Elle lui offre un sourire d'excuse, mais elle remarque qu'il est déçu. Elle pensera à cela plus tard. Lorsqu'elle se retourne vers le groupe, elle prend soin de ne rien laisser paraître. Des cendres roulent sur ses mollets nus.
— Alors ? l'interpelle Yachi, la sortant brutalement de sa contemplation.
— Je vais vous expliquer ce qu'il en est. Nous avons trois jours devant nous pour préparer cette évasion. Ça ne va pas être facile.
Kiyoko passe le reste de la journée à parler d'une voix posée alors que les autres l'écoutent attentivement. À la nuit tombée, Kageyama n'est toujours pas sorti de sa tente.
— Ils sont partis, Kageyama-kun, le prévient-elle.
Froissements dans la forteresse.
— Je t'ai fait un lait chaud au miel. Je le laisse devant.
Hinata lui lance un regard interrogatif depuis leur feu de camp. Elle hausse les épaules. Ils attendent. De longues minutes s'égrènent. Alors que Kiyoko s'apprête à abandonner, la fermeture éclair se baisse.
Une main timide saisit la tasse.
— Allez Kageyama, sors de là ! s'agace Hinata. Je refuse de dormir dehors une fois de plus à cause de tes caprices !
— Ce n'est pas un caprice, objecte le concerné.
Sa voix est rauque. Kiyoko s'en veut. La marée est haute dans le cœur du jeune homme.
— Je suis désolée. Je n'aurais pas dû accepter sans vous demander.
— Tu l'as quand même fait. Il n'y a plus de retour en arrière.
— Qu'est-ce qui t'effraie, Kageyama ? l'interroge-t-elle. Je t'assure, j'ai eu beau tourner le problème dans tous les sens depuis la discussion que nous avons eue au sujet d'Oikawa, je ne comprends pas. Tu crains qu'ils nous trahissent ?
Il met un long moment avant de parler. Les braises diminuent doucement. La pénombre les enveloppe.
— S'il y a plus de gens qui nous accompagnent, cela veut dire qu'il y a plus de chance que tu te sacrifies.
Il avoue cela si bas que Kiyoko se demande si elle a bien entendu. Elle essaie de croiser les yeux d'Hinata, mais il évite son regard.
— On te connaît, Shimizu-san, continue Kageyama, la voix tremblante. Tu es persuadée que la vie des autres est plus précieuse que la tienne.
— Ce n'est pas-
— Tu fais des cauchemars. Les choses que tu murmures suffisent pour comprendre.
Un buisson au loin s'agite et un lapin en sort. Il court, indifférent.
Des nuits sans rêve, certaines peuplées d'arbres qui se resserrent autour d'elle. Le mal du pays et la conviction qu'une maison l'attend quelque part. Des chrysanthèmes éclosent sur ses lèvres. Bokuto hurle son prénom, mais elle est incapable de bouger. Le ciel se teinte de mauve. Ses pieds deviennent les racines de toutes les fleurs du monde.
— Je vois.
Elle s'engouffre dans la tente. Kageyama baisse la tête, tandis qu'elle allume la petite lanterne accrochée à l'intérieur. Kiyoko se colle à lui et passe un bras autour de ses épaules, avant de l'enlacer très fort.
— Pardon, Kageyama.
Elle sent les larmes de son ami couler dans le creux de son cou. Ils restent ainsi longtemps, jusqu'à ce que les sanglots se tarissent. Hinata choisit ce moment pour les rejoindre et l'étreinte s'allonge, elle s'égare dans les méandres de la nuit.
— Je ferai attention.
— Tu le jures ? insiste Kageyama.
Il agite son petit doigt sous le nez de la jeune femme. Elle n'hésite pas une seconde et lui offre le sien.
— Si je mens, le lait disparaîtra à tout jamais.
— C'est donc ça, la véritable fin du monde, se moque Hinata.
— Tais-toi, espèce d'idiot.
Kiyoko éclate de rire. Ils finissent par s'endormir tous les trois, collés les uns aux autres. Cette nuit-là, elle est perchée sur un croissant de lune ; la mer est calme.
Étrange souvenir, pense-t-elle, vagabonde d'un sommeil profond.
Mika est emmitouflée dans un pull en laine. Elle frotte frénétiquement ses bras pour se réchauffer. Elle patiente à l'orée de la forêt, juste devant le petit chemin qu'ils ont emprunté la veille. La montée lui semble plus ardue qu'hier. Elle bâille.
Un cerf traverse le champ sans un bruit. La pluie commence à tomber. Mika grogne.
— Bonjour.
Elle sursaute. Elle n'a pas entendu Kiyoko arriver, alors qu'elle s'était perdue dans la contemplation d'une pervenche.
— Salut, lâche-t-elle en se frottant les yeux.
Il est tôt. Mika n'est pas très matinale ces derniers temps. Elle dort mal. Ses nuits sont agitées, malgré la présence rassurante de Yachi.
Kiyoko est enroulée dans une écharpe grise, affublée d'un bonnet de la même couleur. Les mains dans les poches, elle s'assoit sur un rocher humide qui borde le sentier sauvage. Son regard se pose sur le lointain. Mika ne peut s'empêcher de la dévisager, fascinée par la désinvolture avec laquelle elle se laisse apparaître au monde.
— Ça ne te fait pas peur ? demande-t-elle alors.
Kiyoko se tourne vers elle. Elle fronce les sourcils.
— D'être moi-même ? rétorque la jeune femme en souriant.
— D'être vulnérable.
Un rire. Des oiseaux s'envolent.
— Je trouve que c'est une force. Tu ne penses pas ? Se montrer au monde, la chair à vif. Sentir les choses sans se cacher est une expérience formidable.
Mika n'a rien à répondre. Elle croit comprendre ce sentiment. La liberté a quelque chose d'effrayant. Une promesse de mouvement qui attire. Son ombre remue contre son gré. Kiyoko la fixe un peu trop, mais ne fait aucun commentaire.
— Oikawa m'a dit que tu lisais les cartes, déclare-t-elle après un court silence.
Elle hoche la tête. Son paquet pèse lourd au fond de la poche de son manteau. Depuis quelque temps, les cartes brûlent et se brouillent, elles sont des traits confus. Il ne reste que la Grande Prêtresse qui se tient à ses côtés.
— Ça fait longtemps ?
— Depuis que je suis enfant, répond-elle, évasive.
Mika n'a plus envie de réfléchir à tout ça. Elle n'en parle pas, mais la fatigue suffit. Elle sent ses membres lourds et sa peau sèche.
— C'est de famille, je suppose ?
— Ma mère m'a appris.
Elle pense à Takeshi et à sa promesse. Le silence, une absence lancinante — une malédiction qu'elle n'avait pas vu venir. Peut-être finira-t-elle comme lui. Emporter dans les limbes, il ne restera d'elle que ses cartes et un carnet à moitié vide.
Elle ne cherche pas à comprendre parce qu'il n'y a plus rien à saisir. Elle regrette la douceur du lit et le souffle tranquille de Yachi.
— Mes lectures ne sont pas concluantes, ces derniers temps, ajoute-t-elle sans trop savoir pourquoi. Le ciel est moins…
— Limpide ?
Mika redresse la tête, surprise.
— Exactement.
— C'est normal. Avec une ombre aussi envahissante, ce ne doit pas être facile de percevoir le dehors.
Elle serre le poing, mais ne relève pas. À quoi bon ? Elle plonge sa main gauche dans sa poche et en tire son paquet de cartes.
— Tu te refermes sur toi-même en ce moment, je me trompe ? insiste Kiyoko.
Elle l'ignore, mais l'intensité dans le regard de son interlocutrice ne faiblit pas.
— Probablement, souffle-t-elle.
— Ce n'est jamais bon pour une liseuse. La sensibilité est une qualité remarquable, mais votre empathie démesurée vous blesse. Les mots de vos cœurs semblent plus difficiles à former que ceux des autres.
Mika tique, confuse.
— Des liseuses ?
L'écriture de sa mère voile ses yeux. Des phrases innocentes qu'elle avait prises pour une poésie naïve.
— Vous êtes les protectrices de l'avenir. L'Impératrice vous aimait beaucoup, il y a longtemps.
— Alors toi aussi tu… balbutie Mika.
— Iwaizumi ne t'a pas dit ? C'est étonnant, il adore se moquer de moi par rapport à tout ça. (son regard calme change brutalement, animé d'une conviction brûlante) Les contes ne sont pas seulement des histoires. S'ils l'étaient, je n'existerais pas.
Une feuille vole lentement et se dépose dans sa paume.
— C'est un signe de chance, observe-t-elle en caressant délicatement la feuille.
— Il paraît.
Mika retire son manteau malgré le froid et le laisse dans la terre humide pour en faire une couverture de fortune. Elle s'installe en face de Kiyoko et commence à battre les cartes.
— Tu sais comment ça marche ?
— Je n'ai que de vagues souvenirs, explique-t-elle, en agitant ses bras en guise d'excuse.
— C'est très simple : tu n'as rien à faire. Je te poserai peut-être quelques questions pour affiner le tirage, mais c'est tout.
Elle coince la feuille verte dans ses cheveux. Kiyoko croise ses jambes et tient son menton dans sa main. Elle bat les cartes, absente.
— Tu ne cherches pas à répondre à une interrogation précise ? demande-t-elle tout de même.
Kiyoko secoue la tête. Très vite, il n'y a plus que le son de la pluie. Mika oublie le monde. Elle ne sent plus que la présence des cartes qui murmurent sous ses doigts. Elle n'en tire que trois, mais ne remarque pas l'air intrigué de Kiyoko.
L'impératrice, la Force renversée et le Jugement.
Un frisson. Soudain, sa peau plonge et l'environnement disparaît. Mika est emportée dans un tourbillon. Elle tombe sans jamais que sa chute ne se termine. Comme chaque fois, ses yeux mettent un long moment à s'habituer à la pénombre. Elle n'a plus aussi peur qu'avant. Les abysses ne sont que des frontières. Le passé, le présent et l'avenir se confondent. Elle se voit dégringoler alors qu'elle n'a que huit ans. Le cri strident résonne durant une éternité. L'enfant finit par s'estomper, dévorée par le noir.
Mika se laisse flotter, jusqu'à ce qu'elle se stabilise. Elle ne tombe plus : la voilà immobile, figée comme les aiguilles brisées d'une horloge.
Elle patiente. Le temps n'a pas de prise sur elle : il n'existe plus. Le passé rompt la première brèche. Elle est aspirée par sa lumière dorée.
Elle se retrouve dans une tour. Une prairie verdoyante s'étale au loin, embrasse une forêt de pins. Une enfant aux cheveux noirs est assise sur un rocher, les pieds dans le vide. Un sourire immense orne ses lèvres. Un arc trône fièrement dans son dos.
Une femme très grande s'approche et pose une main sur sa tête. Sa longue robe fleurie traîne sur les pierres blanches. Il n'y a personne autour. Son corps juvénile se tourne vers elle et ses yeux pétillent de bonheur. Elle semble dire quelque chose, car sa bouche s'agite. Mais le son ne perdure pas dans les souvenirs. Ses mains bougent avec ferveur. Le soleil illumine leurs visages. La chaleur ne se dégage pas du ciel, mais de leurs corps, faits de chair ; leurs sentiments débordent et des milliers de flèches les entourent, leur pointe tournée vers de rares nuages. Elles ne soucient de rien, si ce n'est du regard de l'autre, égarées dans une étreinte invisible.
C'est alors que Mika chavire. Elle chute de la tour et la pénombre revient. Elle ferme les yeux.
Mika est éblouie par une lumière blanche. Elle laisse ses paupières retomber quelques instants. Un cil vagabond lui chatouille la joue. Elle l'ôte d'un geste distrait, l'aperçoit voler dans la poussière de la pièce. Elle est debout, dissimulée derrière un lourd rideau de velours. Lorsqu'elle l'écarte, elle découvre un lion. Majestueux, sa fourrure dorée luit sous la lueur de la lune. L'animal grogne. Mika recule de quelques pas.
Elle retrouve la jeune fille. Elle a grandi. Ses jambes se sont allongées, tout comme son visage qui a perdu de sa rondeur. Des cernes creusent ses yeux. Son sourire lumineux n'est plus que le pâle reflet d'une innocence disparue. Des larmes strient sa peau nacrée, presque grise.
Elle caresse la crinière du lion. Il se laisse faire lorsqu'elle l'enlace. Elle tombe à genoux, secouée de sanglots. Il se blottit contre elle. En bas de la grande maison, un ruisseau coule avec force. Le courant emporte de nombreux bibelots, mais personne ne semble s'en soucier.
Une lourde porte s'ouvre avant de faire trembler les murs en claquant. Une femme se tient à l'entrée, sa tête ornée d'une couronne de fleurs fanées. Son regard est dur. L'autre ne la remarque pas, son visage enfoui dans le cou de l'animal. D'un pas léger, elle s'approche, majestueuse. Elle pose la paume de sa main sur le dos de la fille. Cette dernière se redresse d'un coup, la figure tordue de douleur. Mika parvient à lire sur les lèvres de la divinité.
— Oublie.
Une commode se renverse et les trois tiroirs tombent au sol. Le bois éclate à l'instant où la jeune femme perd connaissance. L'animal s'approche alors de sa maîtresse qui contemple la scène d'un air indifférent.
La lune est voilée par un nuage. Mika croit voir le lion la fixer. Il découvre ses crocs acérés. Le parquet s'ouvre brutalement sous ses pieds. La chute reprend. Elle retient quelques larmes.
La mer dans ses yeux s'évapore alors qu'elle se retrouve dans les airs. Suspendue à un clairon, elle se hisse à la force de ses bras sur le bout de celui-ci. L'instrument est si grand qu'il envahit le ciel, en balaie les nuages. Les vibrations qui émanent de l'objet font trembler Mika. De son perchoir elle reconnaît Kiyoko, agenouillée sur la terre, très loin d'elle.
Un ange se tient derrière Mika. Des mèches ondulent et des reflets orangés dansent sur sa chevelure. Ses grandes ailes pourpres créent des bourrasques terrifiantes, emportant les bâtisses qui jonchent les champs de blé. Une foule de silhouettes est en dessous, les bras levés vers le ciel.
Kiyoko détonne de cette masse visqueuse. Sa peau brille sous les étoiles malgré le soleil ardent qui brûle certains corps, se métamorphosent en un tas de cendres.
La montagne lie les cieux et la terre. Le sol se fissure. Les ombres sont avalées une à une et le gardien reste impassible, continuant de jouer de son clairon.
Kiyoko est seule dorénavant. Elle tient sur la dernière parcelle du monde. Elle s'est relevée, mais sa main n'est pas tendue vers l'ange. Du bout de ses doigts, elle dessine une vague. C'est alors que le trait s'épaissit, laissant place à un cercle parfait. Mika se penche. Elle manque de tomber à cause des vibrations qui la font chavirer. Elle croit apercevoir une ombre à côté de la jeune femme.
Le cercle est un passage où se dessine un paysage : une forêt dense et mystérieuse. Un renard au pelage criard va en trottinant, insensible au chaos.
L'intensité de la musique redouble ce qui fait chuter Mika de son perchoir. Alors qu'elle est enveloppée par les abysses, Kiyoko se glisse dans la brèche sans un regard pour l'ange.
La première chose que fait Mika en reprenant connaissance, c'est de vomir. Une aigreur lui transperce la gorge. Elle tousse violemment, son ventre se tord. Elle recrache la totalité de son petit déjeuner.
Kiyoko se précipite vers elle. Elle passe une main rassurante sur son épaule, silencieuse. Elle attend que Mika se calme. Les battements de son cœur ne s'apaisent pas, mais elle prend tout de même la parole. Les fougères qui encadrent le sentier frémissent.
— Tu as eu une douce enfance, confesse-t-elle d'une voix rauque.
Les yeux de Kiyoko s'écarquillent, avant de se poser sur les cartes. Elles ont été emportées par le vent et gisent dans la boue. Aucune d'elle ne se lève pour les ramasser.
— Je ne m'en rappelle pas, avoue la fille.
— C'est normal. Le lion a gardé tes souvenirs heureux.
Mika saisit sa main et la serre doucement. Kiyoko ne dit rien, mais elle sait — elle a toujours su.
— Ton mouvement sera créateur d'une nouvelle idylle, reprend Mika après un court silence. Tu retrouveras ta maison et la forêt de ton enfance. Tu seras celle qui engendrera le pont, la jonction entre le passé et l'avenir. Chacune des pierres sera tienne. Mais tu ne seras pas seule.
Elle n'ajoute rien de plus. Elle a trop d'images qui tourbillonnent sous ses paupières. Kiyoko a l'air de saisir son épuisement puisqu'elle ne pose pas de questions.
— Merci à toi liseuse.
— Cela faisait longtemps que je n'étais pas allée aussi loin dans les abysses.
— Tu as besoin de repos, observe Kiyoko.
Mika acquiesce, avant de se relever. Elle époussette son pantalon sale et ramasse ses cartes qu'elle serre très fort dans sa main. Kiyoko ne lui propose pas de rester et Mika l'en remercie. Alors qu'elle la salue, un peu ailleurs, elle se retourne une dernière fois vers elle.
— Tu seras guide, mais il ne faut pas que tu t'égares en chemin. Ton cœur est pur, Shimizu. Tu dois le protéger de l'amour dévorant des Arcanes.
Elle ne répond rien, mais son visage parle de lui-même. Ses yeux sont si tristes que l'océan semble naître de ses pupilles. Elle agite sa main et Mika réalise que sa peau embrasse la grisaille : son ombre a faibli sur certaines parcelles de son corps. Elle ne s'en soucie plus ; les Arcanes l'entourent encore et elle sent à nouveau le monde.
Kiyoko explique quelque chose, mais Oikawa est incapable de dire quoi. Ils sont chez Iwaizumi, assis en cercle au milieu de son salon. La jeune femme a déposé une carte au centre et ses doigts courent sur le papier. Elle parle d'entrée et de sortie. Cela n'évoque rien à Oikawa. Il ne pense qu'à Akaashi et ses rêves morbides.
Le Fou lui attrape la main, le tire dans des corridors nauséabonds. Une musique inquiétante. Du sang sur les murs. Akaashi étendu au milieu d'un jardin, immobile.
Il ne lui adresse plus la parole : il ne fait que montrer. Oikawa se réveille en hurlant, une boule dans la gorge si grosse qu'il a l'impression qu'elle lui transperce la pomme d'Adam.
Il n'a rien dit à ses compagnons. Ouvrir la bouche pour parler de tout ça serait admettre une réalité qu'il refuse.
Des fictions, pense-t-il chaque matin. Un simple écho d'une peur enfouie.
Il voudrait serrer Akaashi dans ses bras.
— Comment savez-vous tout ça ? interroge Yachi, sceptique.
— On a fait du repérage, répond Kageyama d'un regard courroucé.
Il n'aime pas ce garçon. Il manie son ombre avec une facilité qui le glace sur place. Oikawa a beau s'entraîner chaque matin, il n'a qu'une aisance feinte — la sienne se dissipe toujours contre son gré, elle lui glisse des doigts. Kageyama, lui, joue avec sa silhouette. Il l'enroule autour de son ventre, la laisse danser au-dessus de sa tête. Cela a l'air simple, mais la vérité est tout autre. Il l'agace par son talent brut, si parfait qu'il en devient insolent.
— Sans vous faire attraper ? intervient Mika.
— On ne s'est pas trop approché, éclaircit Kiyoko. Enfin, Kageyama est allé plus loin que nous, mais c'est notre éclaireur : il sait être discret.
Kiyoko profite du silence pour reprendre ses explications. Oikawa essaie de se concentrer, mais il ne retient pas grand-chose. Le complexe est immense et tous les prisonniers sont probablement enfermés au même endroit, dans le bâtiment principal. Elle ajoute des détails sur la protection du lieu, des geôliers et des caméras. Les mots lui glissent dessus.
Le temps passe et la seule chose dont Oikawa se souvient une fois que le calme se fait, c'est que Yachi l'accompagnera. Cela lui suffit : il n'a pas besoin de plus pour aller sauver Akaashi.
hihi big action in coming ou quoi là
j'espère que ça vous a plu, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé!
sur ce, je retourne à Aristote, souhaitez-moi bonne chance haha
à très vite!
