Note de l'auteur: Bonjour ! Vous voici face à un petit OS (façon de parler chez moi, oui, je connais la longueur de ce texte) qui se centre sur la résurrection des chevaliers d'or après la saga Hadès. Et plus particulièrement sur Milo, cette fois-ci. J'avoue que j'avais envie de me lancer le défi de tout écrire de son point de vue pour vous offrir une introspection un peu poussée sur le personnage.
Evidemment il y a un peu de Camilo, je ne sais pas trop faire sans, et quelques interactions avec d'autres personnages.
Rating : Je mets la fiction en T, parce que j'aborde de sujets un peu difficiles vu qu'il s'agit de résurrection, mais rien à signaler de bien choquant dans cette histoire.
Evidemment ces personnages ne m'appartiennent pas, ils sont à ce cher Kuramada !
Je vous souhaite une très bonne lecture et n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire pour me donner vos impressions !
Au-delà de la chute
Une lumière impossible à ignorer. Chaude, chatoyante, plus puissante que le soleil. Elle irradiait d'amour, elle irradiait de vie.
C'était ce qu'il avait face à lui. Tout était silencieux. Un vent frais soufflait dans son dos, faisant frissonner sa peau. Cette lumière l'aveuglait presque, peut-être était-elle un peu dure, mais elle le réchauffait.
Il fit un pas vers cette lumière.
« Viens vers moi, murmura une voix, qui lui sembla au-delà de la lueur. Est-ce que tu veux bien ? »
Tout autour de lui était vide. Qu'y avait-il à faire d'autre ? Il fit un autre pas.
« Oui, l'encouragea la voix. Viens vers moi. »
Un autre pas. Et encore un autre en direction de cette belle lumière. Ses jambes lui répondaient, mais plus il avançait, plus il avait la sensation qu'elles devenaient lourdes. Comme s'il traînait un boulet de plus en plus pesant à chaque pied.
« Courage. Je sais que tu en as. Viens vers moi ».
Il fit encore quelques pas, résolu à aller vers la lumière, trainant de force son corps en avant. La lumière l'enveloppait à présent quasiment, chaleureuse, et se déployait dans tout un spectre de couleurs. Il allait l'atteindre, plus qu'un petit effort. Il fit un dernier pas, et d'un seul coup, ce fut comme si ses chaînes se brisèrent. Léger désormais, il courut.
« Il se réveille ! » s'exclamaient des voix. Autour de lui, augmentant en volume, des bips rapides. Des bruits de bas, beaucoup d'agitation. Un son de respiration.
« Seigneur Milo, vous m'entendez ? » demanda une voix féminine.
Les draps sous lui étaient confortables. Il y avait dans l'air une odeur de propre. D'hôpital.
« Ne le brusque pas » dit une autre voix, davantage masculine.
« Je crois qu'il est en train de revenir à lui », s'avança une troisième voix.
Qu'est-ce que c'était que tout ce raffut ? A mesure que les secondes s'égrenaient, les bruits que faisaient les machines dans la pièce s'amplifiaient. Il voulut ouvrir les yeux. La lumière l'aveugla et il ne put faire autrement que les refermer aussitôt.
« Il a ouvert les yeux ! s'exclama la première voix. Seigneur Milo ? »
Seigneur Milo ? Qui l'appelait comme ça ?
L'intéressé tenta une nouvelle fois de rouvrir les yeux. La lumière était aussi vive que la première fois, et ce fut un nouvel échec. Il décida donc de papillonner des paupières pour tenter de s'habituer à la lumière.
« Seigneur Milo, vous m'entendez ? » Réitéra une femme, penchée au-dessus de lui.
A mesure qu'il put s'habituer à la vue, une image de plus en plus nette s'afficha sur sa rétine, lui dévoilant une femme dans un costume blanc. Sans doute une infirmière.
« Où je suis ? » s'entendit-il coasser.
Le visage face à lui s'illumina.
« Bon retour parmi nous, chevalier, lui souhaita la femme avec un sourire. Vous êtes à l'hôpital du Sanctuaire d'Athéna ».
A… quoi ?
« Le Sanctuaire… ?
- Oui, au Sanctuaire », confirma-t-elle d'une voix posée.
Le chevalier tourna légèrement la tête pour observer autour de lui. Il y avait effectivement dans la pièce deux autres personnes qui s'étaient arrêtées dans leur travail et qui le contemplaient avec attention. Elles devaient être en train de travailler sur la foule de moniteurs qui se trouvaient à côté de lui et qui faisaient un sacré vacarme.
Il se rendit également compte qu'il était relié par divers électrodes et perfusions à bon nombre de ces machines. Qu'est-ce qu'il lui était arrivé ?
« C'est quoi, tout ça, força-t-il sa voix enrouée à prononcer. Pourquoi vous m'appelez seigneur Milo ?
- Eh bien, vous êtes chevalier d'or, lui expliqua l'infirmière d'une voix un peu timide. C'est votre rang qui exige qu'on s'adresse à vous ainsi. »
Chevalier d'or, pensa-t-il à part lui. Et ce fut là que tout lui revint.
Oui. Chevalier d'or du Scorpion. Milo. Le puzzle qu'était sa mémoire se reformait doucement. Et par conséquent…
« Je devrais être mort, constata-t-il. Mes derniers souvenirs… »
Sa voix s'arrêta net. La guerre sainte, le mur des lamentations. Les batailles. Hadès. Et le néant.
« La déesse Athéna en personne a fait regagner votre âme dans votre enveloppe corporelle, l'informa l'homme qui se trouvait plus loin dans la pièce.
- La déesse ?
- Elle est allée chercher toutes les âmes des chevaliers qui souhaitaient encore vivre et se battre à ses côtés. Si vous êtes ici, c'est que la vôtre a répondu à son appel. »
Milo ferma les yeux un instant. Fronçant les sourcils, il les rouvrit.
« L'hôpital… du Sanctuaire ? releva-t-il après un silence. Il n'y a jamais eu d'hôpital au Sanctuaire.
- C'est Athéna qui l'a fait construire, pour notre bien-être à tous, l'informa l'infirmière.
- Et en quel honneur je suis censé vous croire ? l'interrogea Milo, tout de même méfiant. Je connais le Sanctuaire comme ma poche. Vous ne m'aurez pas comme ça. Qui êtes-vous et que me voulez-vous ?
- Seigneur Milo, nous ne voulons que votre bien ! s'exclama l'infirmière. Je sais que c'est beaucoup d'informations à la fois, mais c'est la stricte vérité ! »
Milo fit une moue circonspecte. Il commençait à avoir l'habitude des traquenards. Il avait du mal à ressentir son cosmos, et il était potentiellement seul contre ces trois personnes. Au meilleur de sa force, il n'aurait aucun mal à les plaquer contre un mur en un éclair, mais la situation était aujourd'hui à son désavantage.
Le chevalier tenta de bouger. Ses bras lui répondirent, mais il sentit vite que ses articulations étaient rouillées. Il arrêta son mouvement pour éviter d'énerver les personnes autour de lui.
« Nous étions des gardes du Sanctuaire d'Athéna, s'expliqua la troisième personne dans la pièce. Lorsqu'Athéna a fait construire cet hôpital, elle nous a recruté, avec certains des chevaliers qui ont survécu, pour faire fonctionner cet endroit et prendre soin de vous. Je vous jure sur mon honneur que j'ai servi Athéna toute ma vie. »
Elle ponctua sa phrase en posant sa main au niveau de son cœur. Les autres hochèrent la tête d'un air entendu.
« Va prévenir la déesse que le seigneur Milo s'est éveillé, s'il te plaît, » lui intima ensuite l'homme à côté d'elle.
Celle-ci ne demanda pas son reste : avec un hochement de tête militaire, elle sortit de la pièce d'un pas vif, en prenant soin de ne pas claquer la porte dans son passage.
Milo tenta de se servir de son cosmos. Il sentit une faible énergie lui venir, mais pas assez pour sonder les environs. Si ces gens qui l'observaient disaient vrai, il revenait effectivement de loin. Il espérait que cette faiblesse apparente ne serait que temporaire.
Le chevalier n'eut pas le temps d'ajouter quoi que ce soit d'autre. Des bruits de pas rapides se firent entendre dans le couloir. Des éclats de voix à la fois angoissés et surexcités. Le Scorpion se redressa un peu pour voir ce qu'il se passait.
« Vous devriez rester allongé, s'alarma l'infirmière qui était toujours à côté de lui. On ne sait pas si votre corps a récupéré assez d'énergie ! »
La porte s'ouvrit d'un seul coup. Tout le monde dans la pièce se figea.
Dans un grand bruit de talons, entra avec assurance nulle autre que la déesse Athéna.
« Altesse ! » s'exclamèrent à la fois l'homme et la femme dans la pièce, qui tombèrent de concert à genoux devant cette apparition.
Milo, lui, resta dans sa position à demi relevée. Il ne pouvait imiter les deux autres personnes dans la pièce, mais il inclina tout de même un peu la tête en signe de déférence.
La déesse d'avança vers lui, tout sourire. Milo put immédiatement sentir son cosmos. C'était bien celui de sa supérieure. Puissant, bienveillant, lumineux. C'était plus d'énergie qu'il n'en avait jamais ressenti. La déesse avait un cosmos incroyable.
« Milo du Scorpion, le salua-t-elle. Quel plaisir de te voir de nouveau parmi nous ! Tu ne sais pas à quel point ton retour nous procure de la joie. »
La déesse balança un peu la tête sur le côté, visiblement enjouée. Elle avait effectivement l'air ravie de le voir. Ses beaux cheveux lavande se balançaient à côté d'elle dans son mouvement. Elle était très belle, avec une parure en or sur la tête et une robe blanche très lumineuse. Milo se posa une seule question en la contemplant : combien de temps avait-il pu s'écouler pendant son absence ?
« Déesse Athéna, la salua-t-il de sa voix éraillée. Comment est-ce possible ? »
L'intéressée le regarda avec attention, et nota parfaitement son air perdu. Aussi, elle l'inonda de cosmos bienveillant pour apaiser son retour à la réalité.
« J'ai rappelé ton âme et redonné à ton corps une possibilité de l'accueillir, lui expliqua-t-elle. J'ai fait de même avec tous les chevaliers tombés au combat contre Hadès et dans les guerres fratricides qui nous ont frappées. Toutes les âmes qui ont bien voulu sortir de ce repos éternel nous ont rejointes, et tout le monde est en train de se réveiller en même temps. Je cours partout depuis une heure pour accueillir chacun parmi nous. »
Milo la considéra un moment, interdit. Cette situation lui faisait tout de même un choc. Il avait été préparé à mourir, dans les combats qui l'avaient opposé à Hadès, il avait su sa fin inéluctable, et pourtant, il se réveillait dans ce lit d'hôpital, branché à tout un tas de trucs bruyants.
« Merci de m'avoir ramené, déesse Athéna, la remercia-t-il après un silence. Je vous en suis extrêmement reconnaissant.
- Je ne fais que rétablir une injustice, l'informa-t-elle. Vous avez tous tant souffert… Et vous avez vaillamment combattu pour moi. Il était temps que je vous remercie pour tous les services que vous m'avez rendus. »
La déesse ponctua sa phrase d'un sourire à la fois bienveillant et mélancolique.
« Cela veut-il dire… Que les autres chevaliers d'or ?
- Toutes leurs âmes ont accepté de nous rejoindre, lui confirma Athéna avec un air ravi. Tu vas pouvoir les revoir dans peu de temps. En fait, toutes les âmes des chevaliers titulaires d'armures à mon service ont bien voulu revenir à mes côtés.
- C'est une très belle nouvelle, reconnut Milo, qui n'en revenait pas. L'armée est donc au complet ?
- Effectivement. J'ai de la chance d'avoir des chevaliers exceptionnels », déclara-t-elle sur un ton très fier.
Milo fit un simple sourire. Le premier depuis qu'il s'était réveillé. Il n'aurait pas pensé qu'une chose aussi belle aurait pu se produire.
La déesse n'eut pas le temps de lui expliquer quoi de que soit d'autre, malheureusement. La porte de la chambre se rouvrit, et une personne que Milo ne connaissait pas entra.
« Déesse Athéna ! Aphrodite des Poissons vient de se réveiller ! »
La déesse tourna la tête et fit signe à la personne qu'elle avait entendu.
« J'arrive tout de suite. Milo… Désolée de ne pas pouvoir passer plus de temps en ta compagnie. Comme je te l'ai dit, tout le monde est en train de se réveiller… Je dois courir les couloirs de l'hôpital. Je tiendrai une séance demain pour tout vous expliquer comme il faut. En attendant, s'il te plaît, suis bien les ordres des médecins ici. Je souhaite que tout le monde soit en état de circuler librement avant de pouvoir se retrouver. Prends ce temps pour te remettre comme bon de semble. Cette chambre est à ta disposition.
- Merci, déesse Athéna.
- A plus tard, Milo », fit l'intéressée en se levant du lit.
Celle-ci n'eut que le temps de faire un signe de la main pour lui dire au revoir avant de courir vers la porte et de repartir prestement dans le couloir. L'infirmière qui s'était le plus occupée de Milo à son réveil referma la porte derrière elle.
L'obscurité du soir était tombée sur l'hôpital. Dans sa chambre, Milo était seul pour affronter sa première nuit de sommeil depuis sa résurrection.
Après le passage de la déesse, Milo s'était laissé faire par les différents médecins qui avaient tourné autour de lui. Vérifications de son sang, de son cosmos, de sa tension, de sa motricité, il y en avait eu pour tous les goûts. Dans un coin de son esprit, Milo comprenait. Ce n'était pas tous les jours que l'on ramenait quelqu'un à la vie. D'un point de vue médical, ce qui lui arrivait était une bizarrerie sans nom.
Au fur et à mesure du temps, voyant que ses statistiques étaient normales, les médecins avaient fini par lui enlever les nombreuses électrodes qu'il avait sur le corps, afin qu'il puisse se reposer plus calmement. Les machines qui avaient servi à surveiller son état auraient fait du son toute la nuit, chose peu propice pour son sommeil.
Seule lui restait une perfusion dans le bras qui lui assurait de rester hydraté de manière constante et lui maintenir un bon taux de nutriments dans le sang. Milo avait mangé son premier repas et s'était senti bien, à la grande joie des médecins. Après cela, ils l'avaient laissé tranquille, avec la promesse que s'il était remis le lendemain, il pourrait sortir.
Une chose cependant était sûre, Milo ne pourrait trouver le sommeil. Les idées se bousculaient en lui, les choses étaient difficiles à digérer. Il se posait plein de questions sur ce qui allait se passer quand il sortirait de cette chambre et qu'il reverrait ses pairs. Athéna lui avait dit qu'elle avait rappelé à la vie des âmes consentantes à revenir se battre pour elle, mais ces personnes une fois réveillées voudraient-elles revivre dans un Sanctuaire avec une histoire tout de même lourde de conséquences ?
Milo ne savait même pas ce qu'il était advenu de la guerre contre Hadès. L'avaient-ils gagnée ? Hadès était-il mort ? Etaient-ils toujours en danger ? Athéna les avait-elle réellement ramenés pour les remercier, comme elle le disait, ou par nécessité, après avoir vidé le Sanctuaire de ses troupes ?
Milo pensait également à ses comparses chevaliers d'or, apparemment tous ressuscités, et se demandait bien comment allait s'établir le contact entre eux. Il pensait notamment à Saga, qui, s'il avait su se racheter pendant les batailles récentes, n'en avait pas moins berné le Sanctuaire pendant treize ans. Il songea également à Deathmask, connu pour semer la terreur au sein du domaine. Son retour serait-il acclamé ? Et lui-même, dont la réputation était tout de même assez peu flatteuse par moments, serait-il bien accueilli ?
Lui voulait vivre, mais était-ce le souhait des gens qui se retrouveraient de nouveau sous ses ordres ? C'était une vaste question.
Il y avait toutefois une interrogation pressante qui surplombait toutes les autres et qui lui donnait du mal à rester en place.
Camus.
Comment allait Camus ? Était-il éveillé ? Comment se sentait-il ?
Milo espérait que s'il était bien réveillé, le Verseau ne manquait de rien. Il avait envie de courir le voir, pour s'assurer de son état, et pour simplement revoir un chevalier qui lui avait tant manqué durant des années… Mais on lui avait interdit l'accès aux couloirs de l'hôpital. Milo et tous ses collègues dorés n'avaient pas le droit de se promener à leur guise pour le moment. C'était une règle médicale approuvée par Athéna. Celle-ci souhaitait avant tout que ses chevaliers soient reposés et aient le temps de se faire à leur corps et à leurs questionnements avant que de retrouver le monde autour d'eux.
Le Scorpion n'aimait pas cette mesure arbitraire. Lui, il s'était déjà assez questionné comme ça, et il était bien capable de marcher. Comment voulaient-ils qu'il ait envie de dormir une seule seconde alors qu'il revenait d'aussi loin ?
Milo se redressa dans son lit. Il tenta de se servir de son cosmos. Celui-ci lui répondit davantage que lorsqu'il venait de se réveiller. Avec, il en profita pour sonder les environs. Comprendre comment étaient faits les bâtiments. C'était une technique de survie qui avait la peau dure chez lui. Lors de ses missions avant la bataille du Sanctuaire, qui avaient parfois, même souvent, compris de tuer des gens discrètement sans se faire repérer, sonder rapidement les alentours de son cosmos était une opération essentielle. Cela permettait de savoir où se cacher, qui éviter, et trouver une sortie en cas de problème.
Milo constata vite qu'il n'était pas très loin de ses collègues dorés. Les cosmos les plus proches qu'il put ressentir furent ceux de Dôhko et d'Aioros. Ses voisins de temple. Ils étaient tous les deux derrière deux cloisons différentes de sa propre chambre. S'il étendait son énergie au-delà des deux chambres juxtaposées à la sienne, il tombait sur les cosmos de Shaka et de Shura. Pas besoin d'aller plus loin, il avait déjà compris la logique. Tous les chevaliers étaient dans des chambres côte à côte dans la même aile, avec Mû à un bout du couloir et Aphrodite de l'autre.
Facile de déduire où se trouverait Camus.
Milo mit le pied à terre. Il ne savait pas quelle heure il pouvait être. Tout le bâtiment était étrangement silencieux. C'était à se demander si les infirmiers étaient toujours là ou s'ils s'étaient endormis, eux aussi.
La belle affaire ! Le personnel médical devait être plus fatigué que lui.
Milo fit quelques pas dans la chambre avant de sursauter à un son métallique derrière lui. Il fit volte-face et comprit vite ce qui l'avait causé. Il était toujours attaché à sa perfusion et celle-ci était en train de le suivre dans son mouvement.
Milo considéra un instant la pochette accrochée à son bras. Et ce qu'il voulait faire.
Le Scorpion ne se sentait pas de rester dans sa chambre et de trouver le sommeil sans s'être assuré que le Verseau allait bien. Cela le rendait fou de devoir rester enfermé là sans pouvoir le vérifier.
Il se savait parfaitement capable de sortir sans faire de bruit et de trouver la chambre de son frère d'armes. Or voilà, c'était tout de même la volonté d'Athéna qu'il reste dans son lit sans faire de vagues.
Il était quand même un chevalier d'or, membre d'élite de la garde sacrée de la déesse, fiable en toutes circonstances, et la déesse venait de le ramener à la vie pour le remercier de sa loyauté et de son sacrifice au combat.
Chevalier du Scorpion, huitième gardien des temples du Sanctuaire d'Athéna, gardien de l'armure sacrée du Scorpion… égrena-t-il dans sa tête.
Ce n'était pas le moment d'être déloyal, si ?
Milo s'avança malgré tout, la perfusion roulant derrière lui, jusqu'à la porte. Il posa son oreille contre le battant, épiant le moindre son. Il n'y avait rien. Seulement le silence d'un couloir probablement inhabité à cette heure.
Le chevalier considéra de nouveau sa perfusion. Et d'un geste vif, il l'arracha de son bras. Ça, ce n'était pas contre les ordres d'Athéna. Il avait bien le droit si ça lui faisait plaisir.
Après avoir fait rouler l'encombrante pochette plus loin dans la pièce, il posa sa main contre la plaie dans laquelle l'aiguille avait été installée. Elle saignait un peu, c'était bien normal. Milo n'avait pas grand-chose à disposition pour arrêter l'écoulement, aussi, il appuya dessus sans grand espoir que cela fonctionne.
Ce n'était pas un peu de sang qui allait le mettre à terre. Il avait vu pire.
En revanche il était possible que les infirmiers lui fassent la morale le lendemain quand ils verraient que le chevalier s'était prématurément enlevé la perfusion. Mais de cela, Milo n'en avait cure. Il venait de ressusciter, ce n'était pas sa priorité. C'étaient de piètres détails médicaux.
Et puis, il tenait debout et il marchait correctement. Que demandait le peuple ?
Sur ces pensées, le Scorpion posa une main sur la poignée de la porte, hésitant. Il serait si facile de sortir pour vérifier. Juste regarder vite fait pour en avoir le cœur net. Il savait qu'il en était capable. Ces médecins n'avaient pas de cosmos et ils ne pourraient pas le repérer. Il était bien trop puissant pour eux. Même sans se servir de ses pouvoirs, Milo était rapide, et il savait se faire discret.
Enfant, il avait excellé au cache-cache dans les ruines, au grand dam des pauvres gardes innocents qui avaient été la cible de ses multiples farces.
Ce n'était tout de même pas une immense entorse au règlement, se dit-il pour tenter de ne pas culpabiliser. Il n'aimait pas l'idée de désobéir à la déesse, mais il était bien trop curieux. Et son sentiment d'urgence lui dictait de sortir.
Milo entrouvrit doucement la porte sans émettre le moindre son. Pas l'ombre d'un clic. Il s'y connaissait. Ravi de voir que ses capacités innées ne l'avaient pas quitté, il fit un sourire en coin.
Comme il l'avait escompté, le simple mouvement de porte n'avait alerté personne. Le couloir était plongé dans la pénombre. Personne ne devait être passé ici depuis un moment.
Milo ouvrit davantage la porte. Il se risqua à passer la tête dehors pour regarder comment étaient faits les lieux.
Le couloir était très long, et au fond, il y avait une petite salle faiblement éclairée par un néon blanchâtre, seul point lumineux de l'obscur bâtiment. Cela devait sûrement être la permanence des infirmiers. Il n'y voyait personne. S'il y avait quelqu'un, elle devait être dans un angle de la pièce qu'il ne pouvait pas voir. En tout cas, il ne détecta aucun mouvement.
Milo jaugea ses chances. Sa réelle crainte ne venait pas du personnel hospitalier, mais de ses pairs. Si n'importe lequel de ses collègues dorés avait l'idée de ne pas respecter le règlement, il se ferait vite griller.
Le Scorpion passa alors en revue les possibilités dans sa tête. Tout d'abord, il ne voyait pas Dôhko et Shura enfreindre les règles. Ensuite, Aldébaran, Mû et Shaka auraient probablement la patience d'attendre le lendemain avant de faire des bêtises. Aioros était dans un monde qu'il ne connaissait qu'à peine. Saga et Deathmask avaient bien meilleur compte à se terrer dans leur chambre pour le moment. Aiolia, même s'il devait se faire du souci pour son frère, n'aurait probablement pas l'idée d'aller le voir en pleine nuit pour le brusquer. Et enfin, Aphrodite ne sortirait certainement pas sans son maquillage. Quant à Camus… Eh bien, il était beaucoup trop sage.
Peu de chances donc, que quiconque d'autre ait la même idée que lui cette nuit.
Restait l'idée de désobéir à un ordre divin qui ne lui plaisait guère. Mais Milo savait au fond qu'il ne ferait de mal à personne, et surtout pas à la déesse avec cette petite entorse. Il était loin de commettre un crime en mettant le nez dans ce couloir.
Fort de ce raisonnement, Milo poussa la porte de la chambre davantage et refit une vérification de dernière minute. Toujours personne. La porte entrebâillée, il pénétra à pas de loup hors de la pièce. Il alla dans la direction opposée à la lumière de la permanence qui lui donnait le peu de lueur dont il bénéficiait pour y voir.
Il suffit à Milo de compter les portes pour savoir laquelle devait être celle de la chambre de Camus. Il n'osait pas utiliser son cosmos, de peur de se faire repérer, mais son instinct lui criait que c'était bien le Verseau qui se trouvait là.
Milo, une fois devant la porte, décida d'en enclencher très doucement la poignée pour jeter un œil à l'intérieur. Juste une toute petite vérification, et il s'en irait. Le battant s'écarta sans faire le moindre bruit. Le Scorpion n'ouvrit pas complètement, seulement ce qu'il fallait pour regarder brièvement à l'intérieur.
Le chevalier scruta l'obscurité à la recherche de son objectif. Il discerna péniblement un lit dans le noir, avec une silhouette étendue dessus. Milo crut voir de longs cheveux éparpillés sur l'oreiller, et il sut qu'il ne s'était pas trompé. Il essaya de trouver les traits du visage de celui qu'il cherchait, mais en vain. La pièce était bien trop obscure. La respiration du Verseau était paisible, et Milo en fut rassuré. Il resta là, sur le pas de la porte, interdit, pour se repaître de ce son régulier. Camus était en vie. Cela faisait tellement longtemps…
« Milo ? »
Le Scorpion rata un battement de cœur et s'aplatit contre le mur juste à côté de la porte par réflexe.
Ce n'était pas prévu, ça ! Le chevalier avait été à mille lieues de se douter que le Verseau ne dormait pas.
Il aurait dû s'y attendre, pourtant. Camus était une personne très difficile à surprendre. Milo savait être discret, certes… Mais la seule personne qui avait toujours su tromper ses techniques se trouvait dans cette pièce. Le Scorpion l'avait presque oublié.
« Milo ? réitéra la voix de Camus en un chuchotement. C'est toi ? »
Milo comprit à ce moment-là que s'il ne voulait pas être repéré, ce n'était pas le moment de s'attarder dans le coin. Le cœur battant, il s'élança immédiatement dans le couloir en direction de la porte de sa chambre avant qu'il ne vienne à l'idée au Verseau de se lever pour vérifier qui était là.
Heureusement pour lui, sa rapidité était inégalable, et il se retrouva dans les cinq secondes à nouveau dans sa pièce attitrée, derrière le battant de bois de sa porte.
Le Scorpion poussa un soupir. Ça avait été moins une.
Il ne s'était pas attendu à entendre la voix du français. Ou à frôler la crise cardiaque en se rendant compte que le Verseau l'avait repéré. Et pourtant, il ne regrettait absolument pas ce qu'il venait de faire. Avoir simplement pu vérifier que Camus était en vie lui procurait une joie sans bornes.
Milo étira un sourire doux. Il était heureux.
Et pour la perfusion, il n'aurait qu'à prétexter qu'elle s'était arrachée toute seule pendant son sommeil. Un petit mensonge qui ne ferait de mal à personne.
Au matin, ce mensonge ne fit, effectivement, pas de mal à grand monde. Les infirmières qui s'occupèrent de Milo ne furent pas contentes de trouver le chevalier non attaché à sa pochette, mais en regardant ses statistiques, elles virent que rien n'était anormal. Le chevalier aurait pu bénéficier d'être plus longtemps sous perfusion certes, mais son cas n'était en rien inquiétant. Il pourrait sortir de l'hôpital comme convenu.
Après ses derniers examens, on apporta au chevalier une tenue simple en toile afin qu'il s'habille de manière civile et confortable pour arpenter à sa guise le domaine. Milo enfila une tunique noire et un pantalon de toile bleue, des spartiates, et il quitta non sans contentement l'édifice médical.
Enfin à l'air libre, se dit-il en arrivant dehors. La lumière qui le frappa et qui réchauffa instantanément sa peau lui fit un bien fou. Cela avait du bon, d'être en vie.
Le Scorpion scruta le paysage du regard. L'hôpital qu'avait fait construire Athéna se situait plutôt en haut du domaine. Il était caché à l'arrière de la montagne, à l'écart des temples zodiacaux, mais non loin du Palais du Pope. Cela devait être plus pratique pour la divinité.
Milo ne tarda pas à être rejoint par une escorte composée de deux gardes. La liberté oui, mais la liberté encadrée tout de même. Visiblement, la déesse ne souhaitait pas encore qu'il erre à sa guise. Docile, il choisit de suivre les deux militaires vers là où ils avaient l'ordre de l'amener.
Le chevalier du Scorpion resta silencieux tout le long du chemin. Il connaissait le domaine par cœur, et les gardes n'eurent pas besoin de lui dire où ils allaient pour qu'il le sache lui-même. Ils se dirigeait tout droit vers le Palais du Pope. Sans doute la séance dont Athéna lui avait brièvement parlé la veille.
En arrivant dans le bâtiment, Milo eut du mal à s'y sentir aussi fier et puissant que par le passé. Il était maintes fois entré dans ce hall sûr de lui, dans son armure resplendissante, prêt à accomplir n'importe quelle mission d'une main de maître. Pourtant, aujourd'hui, dans ses habits de civils et ses appréhensions, il se sentait bien plus frêle. Et en parlant d'habits, il ne savait même pas si son armure avait survécu à la guerre.
Au cœur du bâtiment, les gardes finirent par l'amener dans une aile du palais qui lui avait l'air rénovée. Les fissures qui avaient autrefois décoré les murs de l'édifice semblaient avoir été colmatées et repeintes, et les meubles remis au goût du jour.
On finit par ouvrir à Milo la porte d'une grande salle de réunion. Le chevalier entra, et les deux gardes s'effacèrent avant de refermer derrière lui.
Dans la salle de réunion, il y avait du monde. Elle était assez grande, garnie d'une tablée à même de contenir au moins toute la garde dorée. Athéna était là aussi, en train de converser à voix basse avec Tatsumi. L'entrée de Milo ne lui fit absolument pas tourner la tête.
Milo scruta la pièce, et beaucoup de visages familiers lui apparurent. Il vit Mû, en train de converser doucement avec Shaka. Deathmask et Aphrodite se tenaient sombrement dans un coin, silencieux, probablement peu enclins à se mêler aux autres. Aldébaran discutait à voix basse avec Shura.
Il y avait du monde, mais Milo ne voyait pas…
« Salut, Milo » fit une voix à sa gauche.
L'interpellé tourna la tête. Son regard se posa sur Kanon. Milo fut un peu surpris de le trouver là. Athéna l'avait visiblement rappelé lui aussi. Kanon ayant eu un poste très disputé dans leurs rangs, Athéna aurait très bien pu choisir de ne pas le ramener.
Milo fit un signe de tête respectueux pour saluer son frère d'armes.
« Kanon. »
Le Scorpion s'approcha de lui, puisqu'on l'y conviait implicitement. Il vint se poster à côté de son collègue un peu à l'écart de la salle.
« Comment tu te sens ? lui demanda Kanon sur un ton las.
- Comme quelqu'un qui revient de loin, lui répondit le Scorpion avec un sourire pincé. Pas trop secoué ?
- Si, un peu. Ça fait bizarre. »
Il y eut un silence inconfortable entre eux.
« Tu sais, Milo, je pense que je te dois un merci.
- Merci ? s'étonna l'autre. Pourquoi ça ?
- Si tu n'avais pas prouvé aux yeux d'Athéna et à ceux de tous les autres que j'étais loyal, je ne suis pas sûr que la déesse m'aurait ramené. »
Kanon marqua une pause.
« Je pense te devoir davantage ma résurrection qu'à elle.
- Dis pas n'importe quoi, grinça le Scorpion. C'est pas parce que je me suis servi de toi comme d'un punching-ball que ça prouve quoi que ce soit.
- Ça l'a prouvé à tes yeux, déjà. Et à la déesse.
- Tu n'avais rien à prouver. Je le savais déjà quand j'ai lancé mon attaque. C'est bien pour ça que je t'ai épargné. Et puis, dans l'ensemble, c'est pas une attaque méga agréable. Je connais peu de monde qui est content de se la prendre.
- Faut croire que parfois, ça rend service, ton truc », l'informa Kanon avec un sourire en coin.
Milo le regarda et finit par lui sourire en retour d'un air entendu.
« Si ça peut te faire plaisir, écoute.
- J'irais pas jusque là, mais… »
Milo voulut ricaner, mais le cœur n'y était pas.
« Et ton frère ? S'informa-t-il à la place, en voyant Saga entrer à son tour dans la pièce.
- Quoi, mon frère, grogna Kanon en gardant son calme.
- Tu vas bien le vivre, ça, de te retrouver dans le même monde que lui ? »
Sous les yeux des deux compères, ledit Saga alla tout de suite s'isoler dans un coin de la pièce, visiblement peu enclin à prendre part à une quelconque discussion.
« On va voir. »
C'était probablement la réponse la plus diplomate que Kanon ait pu lui fournir.
Milo balaya la pièce du regard. Une autre personne entra dans la pièce. Des yeux améthyste, un air atlante, et des longs cheveux verts, hirsutes…
« Oh merde ! s'étouffa Kanon à voix basse. J'y crois pas… Elle a vraiment ramené le vieux ? »
Le Scorpion fut étonné également de voir Shion débarquer en chair et en os, dans la peau de ses dix-huit ans, au milieu de ses pairs.
« Shion ! » s'exclama une voix à l'autre bout de la pièce. Kanon et Milo virent, médusés, Dôhko littéralement courir à travers la salle et se jeter sur Shion pour le prendre dans ses bras. Ce que l'intéressé ne manqua pas de lui rendre.
« Au moins ceux-là, ils sont contents de se revoir, commenta platement Kanon. Pas le cas de tout le monde. »
Celui-ci pointa du menton son frère, qui eut l'air de rétrécir davantage si c'était possible. Saga avait l'air franchement sous le choc.
Le Gémeau numéro un donnait l'impression d'avoir envie de se changer en plante verte pour se faire oublier. Ce qui était compréhensible, pensa Milo. Lui n'aurait pas eu très envie de se voir confronté à une de ses anciennes victimes à peine ressuscité.
Le chevalier n'eut pas le temps de prolonger sa pensée. La porte s'ouvrit à nouveau, et cette fois ci, il crut manquer d'air en posant les yeux sur une silhouette plus que familière.
Des longs cheveux vert bleu, une démarche gracieuse… C'était bien Camus. Le Scorpion en fut foudroyé sur place.
« Euh… Ça va, Milo ? » prononça la voix de Kanon à côté de lui. Le Gémeau avait dû le remarquer en train de subitement gober de l'air.
Ce qui fit tourner la tête de Camus vers lui, car le Verseau venait d'entendre son nom.
Leurs regards se croisèrent.
« Chevaliers ! appela la déesse d'une voix forte. Je vois que vous êtes tous au complet, veuillez prendre place. »
Camus lança à Milo un simple regard d'excuse avant de se détourner. La déesse, debout face à la table ronde, venait d'imposer le silence. Tout le monde s'exécuta et s'avança à la table. Comme les chevaliers ne savaient pas où ils devaient s'asseoir, ils se placèrent dans une formation militaire relative à l'ordre de leurs temples. Comme ça, ils savaient inconsciemment quelle était leur place.
Tout le monde était revenu, certes, mais la joie se sentait assez peu dans l'air. Tous ces chevaliers en civil, dans de simples habits de toile, n'avaient pas vraiment le panache d'une quelconque parade militaire.
On observait surtout une appréhension monstre. Personne ne savait ce qui allait se passer, et tout le monde attendait de vastes explications.
Athéna se tourna vers Tatsumi.
« Fais les apporter, s'il te plaît. »
Les chevaliers d'or se lancèrent des regards. Apporter quoi ?
La déesse reporta son attention sur eux.
« Mes chevaliers… Prononça-t-elle avec émotion. Je suis si heureuse de vous voir enfin au complet. »
Elle marqua une pause. Et prit une grande inspiration.
« Vous devez vous poser mille questions. Et cette séance d'aujourd'hui sera consacrée en partie à cela. Je vais m'efforcer de répondre à toutes les interrogations que vous devez avoir. »
Le silence régna à nouveau. Personne n'allait l'interrompre. Tous étaient suspendus à ses lèvres dans une quête pressante d'informations.
« Vous avez tous été rappelés à la vie, auprès de moi, après de longues négociations. Il y a eu des discussions avec Hadès et Poséidon, contre qui nous nous sommes battus, et qui ont eux aussi sacrifié beaucoup de vies humaines pour nos désaccords. Après la guerre, Hadès a été vaincu, certes, mais on ne tue pas complètement un dieu. Son esprit demeure. »
On sentit dans la salle une vague de soulagement. Le sacrifice n'avait pas été vain. Même si Hadès avait perduré, Athéna avait visiblement gagné la guerre.
« Nous avons, devant cette injustice, décidé de déclarer une paix pérenne entre nous. Chacun de nous avons apposé une signature à un décret qui nous lie à jamais, pour que de telles atrocités ne puissent plus se reproduire. »
La déesse marqua une pause.
« Ce décret stipule que chaque armée de chaque divinité lui soit intégralement rendue. C'est pourquoi tout le domaine a été ressuscité avec succès. J'ai bien évidemment pris en compte les souhaits des âmes avant de les faire revenir. Si vous êtes tous là aujourd'hui, c'est que cela témoigne de votre envie de vivre et de rester à mes côtés. Et au-delà d'être extrêmement touchée par votre volonté de vivre, je nourris à jamais une dette envers vous. J'espère qu'en vous ayant tous ramenés à la vie, celle-ci est au moins un peu remboursée. »
Personne n'osa parler pour la rassurer, mais l'atmosphère qu'il y avait dans la pièce parlait d'elle-même.
Milo eut tout de même un frisson en pensant au fait que l'intégralité des Enfers avait lui aussi pu renaître. Il n'avait pas envie de recroiser le moindre spectre de sa vie. Il avait assez donné.
« J'ai récupéré vos enveloppes charnelles, et avec l'aide d'Hadès, aidé à ramener vos âmes vers elles. Cela a été un travail très long, mais je suis tellement heureuse de revoir ma garde enfin au complet ! »
Athéna fit un grand sourire.
« Vos corps ont été ramenés à leur état d'avant votre mort, leur expliqua-t-elle. Nous les avons fortifiés pour que vous ne ressentiez aucune séquelle de ce qu'il s'est passé. Si la moindre chose devait vous tracasser à ce sujet, veuillez m'en faire part. L'hôpital du Sanctuaire où vous avez été accueillis est à votre disposition. »
La déesse se tourna ensuite vers Aioros. Milo observa du coin de l'œil son voisin de table. Celui-ci lui parut bien jeune, d'un seul coup.
« Aioros, tu es désormais la personne la plus jeune de ma garde dorée. Beaucoup de temps s'est écoulé pour toi pendant ton absence, bien davantage encore que pour les autres. Je compte en particulier sur ton frère, Aiolia, pour t'aider à t'acclimater à ce nouveau monde. Mais sache que je suis là aussi et que si tu as besoin de la moindre chose pour aider ton retour, je serai là pour te dire tout ce que je sais. »
Aioros fit un signe affirmatif de la tête, n'osant parler. Milo vit assez vite qu'il n'était pas à l'aise dans cette assemblée de gens qui avaient dû prendre, pour la plupart, un sacré coup de vieux pour lui.
Athéna balaya l'assemblée du regard.
« Je compte également sur vous tous, appuya-t-elle d'un air entendu. Vous êtes ses frères d'armes, et j'espère qu'entre vous, vous vous épaulerez. »
La déesse s'arrêta et les contempla un à un.
« Est-ce que vous avez des questions à me poser ? »
Mû leva la main depuis son bout de table.
« Déesse Athéna, vous dites que le monde est en paix, c'est bien cela ?
- C'est exact, confirma-t-elle.
- Ma question est peut-être idiote, mais dans ce cas, pourquoi nous avoir rappelés ? Qu'avons-nous à faire pour vous si aucun combat ne nous attend ? »
Quelques membres du groupe appuyèrent d'un signe de tête cette assertion assez juste.
« Je ne vous ai pas ramenés à la vie pour vous jeter dans les bras de la mort directement, déclara Athéna avec grand sérieux. Je souhaitais simplement rendre à des hommes qui m'ont servie jusqu'au bout une existence qu'ils ont amplement méritée. En paix.
- Est-ce que nous sommes toujours vos chevaliers ? s'avança avec inquiétude Aiolia. Bien que je vous sois reconnaissant de votre générosité, je ne me vois pas vivre ma vie sans continuer à vous protéger. »
La divinité se fendit d'un sourire rassurant.
« Bien évidemment, que vous êtes mes chevaliers d'or, lui assura-t-elle. Votre mort n'enlève rien à votre grade. Vous êtes ma garde dorée, mon élite, et j'aurai toujours besoin de vous. C'est pourquoi je voulais aujourd'hui vous rendre ce qui vous est dû. »
Athéna tourna la tête vers son homme de main.
« Fais les entrer. »
A ces mots, celui-ci s'exécuta, et alla ouvrir la porte. Dans la pièce, le silence se fit. Douze gardes, chacun portant une boite étincelante d'or, pénétrèrent dans la pièce.
« Posez-les ici, indiqua Athéna en leur montrant un espace à côté de la table. Chevaliers, veuillez vous lever s'il vous plaît. »
Les chevaliers d'or s'exécutèrent. Certains avaient un sourire aux lèvres, visiblement heureux de revoir leur belle alliée leur revenir.
Athéna s'avança jusque devant les armures d'or et releva la tête.
« Mû, approche, s'il te plaît. »
Le tibétain lui obéit et se plaça face à elle.
« Appelle ton armure. »
Mû opina du chef et enflamma son cosmos doré. Immédiatement, la pandora box de l'armure d'or du Bélier se mit à vibrer, et s'ouvrit dans un éclat de lumière. Les pièces métalliques de l'amure d'or en recouvrirent immédiatement son propriétaire. Mû fit un sourire en voyant l'armure le rejoindre comme s'il ne l'avait jamais quittée.
« Mû du Bélier, chevalier d'or et gardien du premier temple du Sanctuaire, prononça Athéna en posant une main sur son épaule. Bon retour parmi nous. Puisses-tu me servir et protéger ce domaine encore longtemps. »
Mû s'inclina devant la déesse.
« Je vous servirai jusqu'à ma mort, déesse Athéna », prononça-t-il solennellement.
La déesse lui fit un sourire. L'armure du Bélier retourna dans sa boîte aussi rapidement qu'elle n'en était sortie, et Mû du Bélier s'écarta du chemin.
Athéna se tourna vers Aldébaran. Elle l'appela également, et il s'avança pour récupérer son armure. La même chose se passa, et Athéna le bénit à son tour. Le chevalier promit également sa loyauté à la déesse avant de se reculer.
Il y eut une certaine appréhension quand ce fut au tour de Saga de s'avancer. Milo observa Kanon derrière lui ronger son frein. Personne ne fit de commentaire. L'armure d'or des Gémeaux recouvrit sans aucun problème le corps de Saga. Athéna le bénit sans accorder la moindre attention à la tension dans la salle.
Lorsque Saga s'écarta, la déesse appela Kanon. Un silence de mort se fit. Personne ne sut ce qu'il allait se passer.
« Kanon, chevalier d'or des Gémeaux et gardien du troisième temple du Sanctuaire. Apelle ton armure. »
Kanon, abasourdi, s'exécuta. L'armure des Gémeaux, qui avait obéi à Saga au doigt et à l'œil, lui obéit également sans opposer la moindre résistance. Kanon contempla un instant son armure, subjugué.
« Bon retour parmi nous, lui souhaita Athéna. Puisses-tu me servir et protéger ce domaine encore longtemps. »
Kanon garda le silence un instant.
« Je vous servirai aussi longtemps que le destin me le permettra », lui assura-t-il, visiblement sous le choc.
La déesse hocha de la tête. Saga tirait une drôle de tête en voyant son frère porter l'armure qu'il avait revêtu deux minutes plus tôt. En voyant que les deux jumeaux n'y comprenaient pas grand-chose, la jeune femme décida de leur donner quelques explications.
« Je ne peux choisir un chevalier d'or plus méritant que l'autre pour porter l'armure d'or des Gémeaux, informa-t-elle les deux frères. Comme vous avez pu le constater, l'armure en est incapable elle aussi. Tant qu'elle vous choisira tous les deux et qu'elle voudra toujours vous accompagner dans vos combats, vous serez tous les deux titulaires du titre de chevalier d'or des Gémeaux. En tant que tels, vous serez tenus de protéger votre temple. Cela vous convient-il ? »
Les deux frères s'entreregardèrent. Il y avait un lourd passif avec cette armure, ils n'étaient pas les seuls à le savoir. Etrangement, celle-ci ne semblait aujourd'hui pas vouloir trancher. Les armures choisissaient les chevaliers, c'était ainsi. Si c'était ce que souhaitait également leur déesse, les deux frères n'auraient rien à dire.
« Oui », prononcèrent-ils à l'unisson.
Athéna, satisfaite, les invita alors à se mettre sur le côté alors qu'elle appela Deathmask.
L'italien s'avança face à elle avec une démarche empreinte d'incertitude. Il y avait de quoi, étant donné que son armure lui avait fait des crasses juste avant sa mort. Méritait-il toujours de la porter ?
L'armure lui donna sa réponse lorsqu'elle vint le recouvrir de son plus beau doré. Le Cancer poussa un cri de joie. Son soulagement était palpable.
Milo soupira à part lui. Si Deathmask était encore digne de porter son armure, c'était qu'à priori, tout le monde, lui inclus, devrait retrouver sa gardienne sans encombre.
L'ambiance aurait pu tourner assez vite au vinaigre si le Cancer avait essuyé un échec. La déesse n'avait pourtant pas eu l'air de douter. Milo supposait que si elle avait pris la peine de ramener tout le monde auprès d'elle, c'était qu'elle estimait tous ses chevaliers méritants.
Sans surprise, Aiolia, Shaka et Dôhko récupérèrent leurs armures sans problème. Ce fut un spectacle assez réjouissant de les voir ainsi. Ces chevaliers morts au combat se voyaient rejoints au-delà de leur chute par leur gardienne, symbole éternel de leur puissance et de leur loyauté. Cette restitution officielle était un moyen très efficace de le leur rappeler.
« Milo, approche-toi, s'il te plaît. »
Entendant son nom, le huitième gardien de l'armée d'Athéna obtempéra. Il s'avança et se posta face à la déesse, impatient.
« Appelle ton armure. »
Milo enflamma son cosmos. Aussitôt, son armure répondit à son appel. Il sentit toutes les plaques métalliques s'ajuster à la perfection à son corps et lui rendre comme un chant enjoué à son appel. Le Scorpion se sentit terriblement bien, d'un seul coup. C'était comme si on venait de lui rendre sa puissance d'antan.
Le chevalier fit un sourire. La déesse, le voyant ainsi, lui en rendit un.
« Milo, chevalier d'or du Scorpion et huitième gardien des temples du Sanctuaire. Bon retour parmi nous. Puisses-tu me servir encore longtemps et protéger la paix.
- Je la protègerai jusqu'à mon dernier souffle, déesse Athéna », lui répondit le Scorpion en s'inclinant devant elle.
La déesse ne lui rendit qu'un signe de tête et lui enjoignit de s'écarter pour qu'elle puisse accueillir son prochain confrère. L'armure du Scorpion rejoignit sagement sa boîte dans le mouvement.
En se mettant sur le côté, Milo croisa un instant le regard de Camus. Ses yeux bleus semblaient briller d'admiration. Milo en détourna le regard. Son comparse était terriblement communicatif, à tel point que cela lui donnait l'impression de brûler. C'était assez inhabituel de la part du réservé Verseau.
Aioros ne manqua pas de récupérer la tant convoitée armure du Sagittaire à ses heures, et de s'écarter timidement lorsque cela fut fait. Shura vint après lui, prenant soin de mettre une certaine distance entre eux. Milo pouvait ressentir que cette salle était encore pleine de tensions. Même si ses pairs avaient l'air heureux de récupérer son armure, personne ne savait encore trop comment se parler ou quoi dire. Rien que le fait de se placer à côté de quelqu'un pouvait être difficile, il le voyait bien ici avec Shura.
Celui-ci assura néanmoins sa loyauté sans bornes à la déesse, avant de se retirer.
Milo observa attentivement le Verseau s'approcher de la jeune femme. Il n'avait nul doute quant à la loyauté de l'armure du Verseau à son propriétaire. Le Scorpion se souvenait encore avec émotion qu'elle avait obéi à sa volonté même dans sa mort durant la bataille contre Poséidon.
Sans surprise, donc, l'armure du onzième gardien le recouvrit sans encombre, illuminant la pièce de sa lueur dorée habituelle.
Milo esquissa un sourire devant la scène. Il était content de voir Camus réintégrer sa place et son armure. Le surplis d'Hadès ne lui avait pas laissé de très bons souvenirs.
Le Verseau capta le sourire de son frère d'armes, et Milo vit dans ses yeux qu'il en était touché. Le Scorpion trouva cela presque embarrassant. Dans leur passé, Camus n'avait que très peu attesté de leur lien en public, et surtout pas devant l'armée d'Athéna. Ici, il semblait mettre un point d'honneur à ce que leur affection fasse aussi partie de ce moment. Milo ne savait pas trop s'il devait soutenir ce regard et se mettre mal à l'aise ou l'ignorer et se concentrer sur la déesse pour le moment.
Le Scorpion choisit de rester sur l'option numéro deux. Il n'avait même pas encore échangé le moindre mot avec le Verseau, et il ne savait pas comment il réagirait le moment venu. Il voulait se laisser encore un peu d'espace.
Aphrodite prit la suite de Camus et alla récupérer son armure lui aussi. Milo nota avec un certain amusement que son confrère était parfaitement maquillé comme il avait toujours eu l'habitude de le voir. Il commençait à se demander à force si c'était là l'état naturel de son frère d'armes. Était-il né maquillé ?
Lorsque le Poissons rangea son armure dans sa boite à son tour, le silence se fit. Les chevaliers attendirent, se demandant ce qui allait se passer maintenant que tout le monde avait retrouvé son statut devant la déesse.
Celle-ci les invita à reprendre place sur leurs chaises. Les gardes qui avaient amené les armures refirent leur apparition, et chacun prit une boite. Ceux-ci ressortirent dans le silence, emportant celles-ci vers une destination inconnue.
« Vos armures seront déposées dans vos temples respectifs, leur expliqua la divinité une fois qu'ils furent sortis. J'ai d'ailleurs la joie de vous annoncer que des travaux de reconstruction et de réaménagement ont été effectués dans chacun d'eux pour vous apporter tout le confort dont vous pourriez avoir besoin dans vos nouvelles demeures. »
Milo se demanda immédiatement à quoi devait ressembler son temple. La guerre contre Hadès avait endommagé une très grande partie du domaine, dont le temple de la Vierge, qui avait été complètement détruit à la suite de leurs attaques dévastatrices.
Shaka avait effectivement un air soulagé au visage. La pauvre Vierge avait dû se demander si son rôle fût désormais se cantonner à garder un champ de ruines.
La déesse n'était pas si cruelle, fort heureusement. Milo avait déjà envie de visiter tout le domaine pour voir ce qui avait changé.
« Vous avez pour devoir de garder vos temples, je suppose que vous le savez déjà, les informa-t-elle. Cependant, je considère qu'en temps de paix, et étant donné que l'armée est aujourd'hui au complet, plus de souplesse peut être accordée à cette règle. Vos lieux de garde restent inchangés, mais je ne vous y confine pas. Vous pouvez vous déplacer comme bon vous semble sur le domaine. Je n'y vois aucun problème au vu du climat actuel. Si vous avez besoin de sortir du Sanctuaire pour quelque motif que ce soit, sachez que je ne vous l'interdis pas, mais je vous demanderai de m'en faire part à chaque fois que vous en partirez. Je veux pouvoir être au courant de mes effectifs à toute heure. C'est la seule obligation que vous avez envers moi. »
Les chevaliers donnèrent leur assentiment en un hochement de tête collectif. C'était une bonne nouvelle. Tant de liberté allait les changer.
« Maintenant que je vous ai restitué vos armures et que je vous ai dit l'essentiel, il me reste une dernière chose à faire, leur annonça la déesse avec un sourire satisfait. Tatsumi, faites entrer, s'il vous plaît. »
Un garde apparut lorsque l'homme de main d'Athéna ouvrit la porte. Il portait dans ses mains une longue toge et un casque.
« Shion, si tu veux bien te lever », lui enjoignit la déesse.
L'ancien Bélier s'exécuta, sous le regard médusé de ses pairs. Dôhko retint son souffle.
La déesse se posta face à Shion et prit des mains du garde la toge qu'il tenait. Elle en recouvrit sobrement les épaules de son chevalier.
« Si tu es d'accord, Shion, j'aimerais que tu reprennes les rennes du domaine à mes côtés en tant que Grand Pope, lui annonça-t-elle avec bienveillance. Je comprendrais néanmoins que tu ne le souhaites pas. Tu as déjà tant donné pour le domaine pendant si longtemps. Je te remets cette toge, mais si tu le veux, ce ne sera que symbolique. Je ne peux te forcer la main. Je veux que ce soit ta décision. »
Tout le monde regarda la scène en silence. Chacun était suspendu aux lèvres de l'ancien Bélier.
« Personne n'est taillé pour reprendre ce poste mieux que toi, renchérit la déesse en le voyant garder le silence. Sache que si tu ne le souhaites pas, je ne nommerai personne à ta place. »
Un murmure de surprise parcourut l'assemblée. Personne n'osa regarder Saga. Celui-ci dut se sentir extrêmement mal face à la déclaration de la divinité.
« Déesse Athéna, vous pensez vraiment ce que vous dites ? lui demanda un Shion très surpris. Vous ne pouvez pas laisser le poste de Grand Pope vacant. Il y a des chevaliers aussi méritants que moi parmi nous, et je ne suis pas la seule option.
- Est-ce ton humilité qui parle, ou est-ce que tu veux me dire que refuses ? » s'enquit la déesse avec douceur.
Shion écarquilla les yeux, paniqué.
« Non, non ! s'exclama-t-il. Je ne refuse pas. Mais déesse… je vous ai trahi auprès d'Hadès. Voulez-vous toujours me faire confiance, alors que d'autres chevaliers ici présents n'ont pas commis cet écart ? »
A ces mots, Dôhko voulut intervenir, visiblement sur des chardons ardents, mais la divinité ne lui laissa même pas le temps d'ouvrir la bouche.
« Mais enfin, Shion, le gronda-t-elle gentiment. Tu te doutes bien que si je vous ai tous ramenés, c'est que je vous ai pardonné depuis longtemps. Et je sais que même si vous avez revêtu des armures qui n'étaient pas les miennes, vos cœurs m'ont toujours été loyaux. »
On sentit dans la salle une vive émotion. Milo vit du coin de l'œil Shura, qui avait l'air de vouloir se mettre à pleurer, manifester un soulagement ému.
« Cela fait plus de deux cents ans que je te fais confiance, Shion, lui assura la déesse. Rien ne me ferait plus plaisir que de te savoir à mes côtés. Acceptes-tu ce poste ?
- Si tel est votre désir, Athéna, bien sûr que j'accepte cet honneur, déclara l'ancien Bélier. Merci infiniment pour votre bienveillance.
- Dans ce cas, à genoux », lui demanda Athéna en se saisissant du casque doré du Grand Pope.
Shion obéit devant la déesse et s'inclina. La jeune femme posa le casque sur la tête de l'ancien Bélier et lui prit la main pour le relever.
« Shion, chevalier d'or du Bélier et gardien sacré du domaine, bon retour parmi nous. Je te nomme à nouveau Grand Pope, chef du Sanctuaire et de mes armées. Puisses-tu garder longtemps la paix en ces lieux. »
Athéna ponctua sa phrase par un grand sourire. Puis elle se jeta dans les bras de son Grand Pope, en s'exclamant : « Tu m'as tellement manqué, Shion ! »
Shion referma les bras autour de la déesse, touché. A ces mots, Dôhko se mit à applaudir, ne pouvant contenir sa joie. Mû le suivit de près, la larme à l'œil.
« Vive notre Grand Pope ! » l'acclama Dôhko, tout sourire. Les autres chevaliers d'or, heureux pour eux, suivirent petit à petit dans leurs applaudissements.
« Merci », fit simplement Shion.
La déesse elle-même, en le lâchant, se joignit aux applaudissements de la garde dorée, avant de finalement demander le silence.
« Merci d'avoir accepté de me seconder, Shion, déclara-t-elle, satisfaite. Puisqu'il en est ainsi, ce sera à lui que vous devrez répondre de vos actes. Il est de nouveau votre chef, et me représentera en mon absence. »
Un assentiment muet se fit comprendre. Puis la divinité quitta son air solennel et se détendit un peu.
« A présent, si vous le souhaitez, vous pouvez regagner vos temples comme vous le voulez. Mais sachez tout de même que depuis un moment maintenant, il y a derrière cette porte quelques personnes qui meurent d'envie de vous revoir. Je vais les faire entrer. Quant à moi, je vous laisse ici. Si vous avez le moindre problème n'hésitez pas à m'en faire part. Bon retour à vous ! »
Sur ces mots, Athéna se leva, et alla vers la porte de la pièce par laquelle les chevaliers étaient arrivés. Tout sourire, elle l'ouvrit.
« Vous pouvez entrer ! » déclara-t-elle d'une voix forte.
Un petit groupe de gens s'avança dans la pièce, avec en tête, filant comme un éclair, Kiki du Bélier.
« Maître Mû ! » cria-t-il en se ruant sur le chevalier d'or. Mû le prit dans ses bras en riant, extrêmement heureux de retrouver son jeune disciple. Le Bélier devait avoir conscience à quel point il était dur de perdre un maître aussi jeune, pour l'avoir vécu lui-même.
Il y avait parmi le petit groupe de personnes les cinq chevaliers de bronze qui avaient sauvé Athéna, et des disciples des autres chevaliers d'or qui attendaient leur retour. Milo avisa Shiryû, qui fonça droit vers son maître, ou les deux disciples de Shaka, qui avaient malencontreusement péri avant la bataille du Sanctuaire, ramenés à la vie, qui s'empressèrent d'aller vers lui. Seiya alla saluer Aioros, qui lui dit timidement bonjour, mais qui ne le connaissait que très peu. Les deux auraient des choses à se raconter. Milo vit Aiolia se glisser discrètement dans la conversation, visiblement pour donner un peu de contexte à son frère. Le Scorpion était heureux pour le Lion. Il avait connu le deuil d'Aiolia, secret, quand son frère avait péri sous la main de Shura, et il savait à quel point son grand frère lui avait laissé un vide. C'était touchant de les voir côte à côte, avec cet air de famille si flagrant qui les réunissait.
Milo remarqua que le Cancer s'éclipsa assez vite, probablement peu enclin à faire des sentimentalités avec des gens qui ne l'estimaient qu'à moitié. Saga avait réussi le tour de maître de s'enfuir sans que personne ne s'aperçoive qu'il était sorti, et Kanon contemplait la scène à distance.
Milo tourna la tête en direction de Camus. Sans surprise, Hyôga s'était jeté dans ses bras et était en train de pleurer doucement. Camus avait l'air heureux de revoir son disciple, cela se voyait dans son regard. Voyant que les retrouvailles étaient fusionnelles entre les deux chevaliers des glaces, Milo choisit de ne pas les déranger. Il savait que pour l'heure, ce n'était pas sa place.
De plus, il avait les pensées qui bourdonnaient dans sa tête avec tout ce qu'il venait de se passer, et il avait besoin d'air. Il choisit alors de quitter discrètement les lieux pour pouvoir respirer à l'extérieur.
Il salua dans la foulée d'un signe de tête Kanon, qui le lui rendit, et il sortit sans demander son reste.
Milo courut plus qu'il ne marcha à travers le bâtiment pour trouver le parvis devant le palais. Quand cela fut fait, il poussa une profonde expiration. L'ambiance dans cette salle de réunion avait été chargée.
Milo n'attendit pas que quiconque le rattrape. D'un pas énergique, il entreprit de descendre dans le domaine, curieux d'en explorer les alentours, et surtout, de retrouver son temple.
Le Scorpion choisit d'aller regarder le domaine d'abord d'un point de vue extérieur. Il partit au pas de course histoire de jauger son énergie et sa force. Voyant que son corps lui obéissait sans problème, il accéléra la cadence.
Il ne manqua pas d'arriver vite sur un pic d'où on pouvait voir tous les temples zodiacaux. Le Scorpion constata que la déesse n'avait pas menti. Les temples du zodiaque se dressaient tous fièrement dans la montagne, d'un blanc plus éclatant qu'il ne les avait jamais vus. Milo avait hâte de voir à l'intérieur.
Fort de cette pensée, il emprunta un petit sentier qu'il connaissait bien et qui menait, à travers les rochers et les buissons secs, vers le temple du Scorpion. Milo l'emprunta un peu moins vite : il était content de savourer le vent sec de la Grèce et l'air marin empli de sel aux abords du domaine.
Une petite demi-heure plus tard, Milo arrivait tranquillement en vue de son temple. En entrant dans les lieux, il constata effectivement que tout avait l'air flambant neuf. Les belles colonnes qui ornaient son temple, toutes fissurées à l'époque, avaient subi des rénovations conséquentes. Le marbre étincelait et les murs venaient visiblement d'être repeints. A l'intérieur du temple, il y avait même des frises colorées qui décoraient certains murs. Les personnes qui s'étaient occupées de son temple y avaient mis un soin particulier. Il n'y avait plus rien qui dépassait.
Une fois son inspection terminée, Milo se dirigea vers ses appartements privés. Il en poussa la porte, et une odeur de neuf lui entra vite dans les narines. Des travaux avaient été faits ici aussi, c'était certain. En arrivant dans son séjour, le Scorpion vit que certains de ses meubles les plus usés avaient été remplacés, et que la technologie moderne s'était fait une place dans son foyer. Au milieu de son salon trônait un grand canapé bleu garni de coussins, un fauteuil et une table basse très moderne. Contre le mur, il y avait un meuble télé, avec au-dessus, accroché au mur, un bel écran plat. Athéna n'y était pas allée de main morte.
Milo se dirigea vers sa cuisine, où il constata que la configuration des lieux n'avait pas changé. Les placards avaient été repeints et remplis d'ustensiles de cuisine neufs, mais la structure de la pièce restait la même. Quelque part, il en était content : même si son temple avait changé, et pour le mieux, il se sentait encore chez lui.
La suite fut à peu près la même lorsqu'il arriva dans sa chambre : un grand lit en son centre, dans des dimensions qu'il n'avait jamais eu le luxe de s'offrir, et un beau placard rempli de ses quelques effets personnels qui étaient restés là.
Dans la salle de bain, la douche avait été améliorée, rénovée et tout avait été nettoyé de fond en comble. C'était comme se retrouver dans un hôtel de luxe alors qu'il était chez lui. Incroyable.
En revenant dans le séjour, il nota que sur la grande table à manger qui se dressait non loin du canapé, il y avait une note manuscrite. Il la saisit pour la lire, surpris.
« Bienvenue chez toi, Milo » pouvait-on lire dans une écriture que le chevalier ne connaissait pas. Le grec supposa que c'était l'écriture de la déesse. Il doutait que ce soit un garde au hasard qui avait laissé ça là.
Milo reposa la note sur la table et fit un sourire satisfait. Tout ça n'augurait que de bonnes choses. Enfin, il avait une vraie maison équipée, propice au repos. Il savait qu'il s'y sentirait bien. Il ne pouvait que remercier la déesse pour tous ces généreux présents.
« Milo ! » entendit-il soudain une voix familière rompre le silence de sa demeure.
Milo n'eut pas le loisir d'esquisser le moindre mouvement. Un chevalier blondinet venait de le prendre dans ses bras et le serrait jusqu'à l'étouffer.
« Je suis tellement content de te voir, résonna la voix de Hyôga contre son torse. Tu ne peux pas savoir comme tu m'as manqué ! »
Milo écarquilla les yeux de surprise devant cette apparition. Il n'aurait pas cru que le Cygne ait pu ressentir un quelconque manque face à sa disparition. Ne sachant pas trop où se mettre, il referma les bras et rendit le câlin imposé par Hyôga.
« Content de te voir aussi gamin » fit-il pour toute réponse.
Hyôga finit par le lâcher et le regarder attentivement dans les yeux.
« Tu te sens bien ? s'assura-t-il d'une voix soucieuse. Le retour à la réalité n'est pas trop difficile ?
- Ça va, répondit vaguement Milo. Je viens de découvrir mes appartements. C'est plutôt classe.
- C'est vrai que c'est super joli chez toi ! appuya Hyôga sur un ton enjoué. Mais dis-moi ! J'étais déçu de ne pas t'avoir vu tout à l'heure ! Tu t'es éclipsé sans rien dire !
- J'avais besoin d'air, se justifia Milo. En plus, en parlant de la réunion… Tu n'es pas avec ton maître ?
- Si », résonna une troisième voix dans les appartements de Milo.
Ce dernier tourna la tête et vit que Camus venait d'apparaître comme par magie au beau milieu de son salon.
« Camus » prononça seulement le Scorpion en croisant son regard.
Le Verseau fit quelques pas vers lui, avant que de reporter son attention sur son disciple.
« Est-ce que tu pourrais nous laisser, Hyôga ? J'aimerais pouvoir discuter seul à seul avec Milo.
- Pas de problème, acquiesça docilement le disciple. On se voit plus tard, maître. Salut, Milo !
- A plus tard, Hyôga.
- Salut, gamin. »
Hyôga, qui avait vraisemblablement senti la tension dans l'air, se dirigea prestement vers la porte d'entrée et en ferma doucement la porte.
Il y eut un long silence pendant lequel les deux hommes s'entreregardèrent. Milo ne savait pas quoi dire. Il n'arrivait qu'à détailler le beau visage qui lui faisait face. Laisser couler ses yeux sur la longue tignasse bleu-vert de Camus, ou se perdre dans ses yeux si troublants. Avoir le français devant lui comme ça, après tout ce qu'il avait enduré, était de l'ordre du surnaturel. Le Verseau était si beau, et le Scorpion en avait quasiment oublié à quel point.
Rompant quelque peu leur stase muette, Camus s'avança encore pour se retrouver pile en face de Milo. Et il fit quelque chose à laquelle le Scorpion ne s'attendait certainement pas.
Il mit genou à terre devant lui.
« Camus ! s'exclama Milo en le voyant faire. Qu'est-ce que tu fais ? Redresse-toi !
- Pardonne-moi, Milo, prononça Camus en ignorant sa surprise. Pardonne-moi pour tout ce que je t'ai fait. Je sais que je t'ai fait souffrir. Toi plus que quiconque. »
Milo resta un instant interdit devant cette scène. Camus qui implorait son pardon. A genoux devant lui. C'était une première.
« Relève-toi, Camus, fit Milo en lui prenant les épaules pour l'inciter à se remettre debout. Relève-toi, tu n'as pas besoin de faire ça.
- Je le devais, se justifia le Verseau d'une voix posée, se relevant dans le mouvement. Je t'ai trahi… Je suis impardonnable. C'est le moins que je puisse faire.
- Mais enfin, Camus ! le gronda Milo. Tu devrais savoir que je t'ai déjà pardonné. »
Le Scorpion regarda le Verseau dans les yeux, le cœur battant. Ce n'était pas une scène à laquelle il aurait pu s'attendre pour de telles retrouvailles. Le silence s'imposa une nouvelle fois entre eux.
« Hyôga m'a dit… hésita le Verseau. Il m'a dit… »
La voix de Camus mourut dans sa gorge.
« Quel âge tu as, Milo ? »
Le grec ferma les yeux en comprenant d'où venait la question. C'était vrai, et cela avait dû faire un choc au Verseau lorsqu'il l'avait appris. Beaucoup de temps s'était passé entre la bataille du Sanctuaire et le conflit contre Hadès. Milo avait vécu un long moment sans lui.
« 25 ans », lui révéla-t-il sommairement.
Milo vit Camus s'arrêter de respirer un instant face à la nouvelle.
« Cinq ans… murmura-t-il. Hyôga… Il a bien grandi, je l'ai vu tout de suite. Et toi… »
Le Scorpion se sentit mal pour le Verseau. Il n'était pas en mesure de comprendre ce qu'il vivait, mais il pouvait concevoir que cela devait lui faire un choc.
« Hyôga a changé, mais tu es toujours le même, à mes yeux, fit le français dans un souffle. Tu comprends… Pour moi, c'est comme si c'était hier, tout ça. »
Milo opina simplement du chef, lui signifiant qu'il comprenait.
« Je suis toujours là, tu vois, lui répondit le Scorpion dans l'espoir de le rassurer un peu. 25 ans ou pas, je partage les mêmes souvenirs que toi. »
Camus ne dit rien. Il y eut encore un silence. Il y avait beaucoup de tension entre eux. Et Milo, en le regardant bien, décelait une lueur dans ses yeux qui n'avait rien d'habituelle. Le Scorpion était le seul qui savait la décrypter, cette lueur, et il savait bien ce qu'elle voulait dire. Le Verseau cachait assez mal qu'il était terrifié.
« Qu'est-ce qui te fait peur, Camus ? » Lui demanda-t-il très franchement.
Milo vit la surprise passer un instant sur le visage magnifique qui lui faisait face. De fait, il se surprenait un peu lui-même. Cinq ans avaient passé sans qu'il ne voie le Verseau, et pourtant, il pouvait le lire sans même avoir à y réfléchir. Cela le troublait. Après tout ce temps… Rien n'avait pu effacer ces automatismes. Ils étaient en lui, comme innés.
« Comment veux-tu que je dise ce genre de choses, grogna le onzième gardien. Je… »
Le français déglutit. Milo resta suspendu à ses lèvres.
« Rien n'a changé pour moi, comme je te l'ai dit. Pour moi, hier, tu avais vingt ans. Et… Quand tu avais vingt ans, on s'aimait. »
Camus marqua une autre pause, péniblement. Milo eut pitié et décida de terminer à voix haute la pensée du Verseau, qu'il avait comprise.
« Et tu veux savoir si je t'aime toujours », soupira un Scorpion las.
Un hochement de tête positif lui répondit. Voilà ce qui faisait si peur au français.
« Je t'ai toujours aimé, Milo, lui dit Camus dans un murmure. Je ne peux pas te prétendre le contraire maintenant, au bout des choses. Mais toi… Plus de temps s'est passé pour toi. Alors, je comprendrais, si… »
La suite de sa phrase, probablement trop abominable pour être prononcée, ne suivit pas.
Milo garda le silence un instant. La simplicité de Camus était touchante, tout comme le fait qu'il vienne directement à sa rencontre pour verbaliser ce genre de choses. Le Verseau venait le chercher, explicitement, chez lui, alors que lui avait fui, pour le mettre directement au pied du mur.
Que faire de tout ça ? C'était clair que pour lui, ses vingt ans, ce n'était plus hier. Pas très loin, mais plus très proche. Il avait passé le plus clair de ces cinq ans à pleurer Camus. Est-ce que pleurer, c'était aimer ? Il n'en savait rien. Il savait juste que Camus était important pour lui et qu'il le serait toujours. Ç'aurait été mentir que de dire le contraire.
Le Verseau vit le trouble du Scorpion et s'approcha davantage de lui pour lui prendre les mains. Il planta son regard océan dans le sien, inquisiteur. Milo avait l'impression que Camus essayait de noter la moindre nuance d'émotions dans ses yeux à lui. Le grec sentit son pouls s'accélérer sous le toucher des mains fraîches du Verseau. Il avait l'impression que de l'électricité passait par tout son corps. Il n'en croyait pas ce qu'il ressentait. C'était tellement intense de revoir quelqu'un qu'il avait pleuré bien vivant lui tenir les mains. Emotionnellement, tout se bousculait dans sa tête.
« Ne va pas me faire une crise cardiaque, retentit la voix à la fois inquiète et amusée du Verseau.
- Tu en as de bonnes, toi, marmonna un Scorpion qui sentait son cœur tambouriner dans ses oreilles. Aux dernières nouvelles, tu étais mort, mets-toi deux secondes à ma place…
- Je suis là, maintenant », lui assura le français.
Milo ressentit quelque chose qu'il n'avait plus vécu depuis si longtemps. De la douceur. Camus, quand il était juste avec lui, sans témoins, pouvait être incroyablement gentil avec lui. Cela lui faisait tourner la tête.
« Tu as toujours été important pour moi, prononça Milo d'une voix tremblante. Tu le seras toujours. Tout ça, ça fait beaucoup d'un seul coup… »
Le Scorpion sentit des larmes lui monter aux yeux, et il voulut les ravaler.
« Tu m'as terriblement manqué, tu ne peux pas savoir à quel point. »
A ces mots, le Verseau, touché, se rapprocha davantage de lui, coulant ses bras le long des siens. Milo comprit et le prit complètement dans ses bras.
« Milo…
- Camus. »
Milo et Camus restèrent quelque temps comme ça, à savourer la présence l'un de l'autre. Milo sentit des larmes lui échapper, alors il se blottit encore plus contre le Verseau. Il était tellement soulagé de le sentir vivant contre lui. De sentir son cœur battre. De retrouver son odeur, ses belles mains contre lui. Il fit un sourire à travers ses larmes. Il était ému, oui. Mais il était heureux. Profondément heureux comme il ne l'avait plus été depuis longtemps. Camus était son unique lumière.
Milo s'écarta finalement un peu de Camus, et croisa son regard.
« Tu m'en demandes beaucoup d'un seul coup, lui affirma-t-il d'une voix nerveuse. Même si ce n'est pas exactement hier pour moi, te revoir comme ça, c'est…
- Trop ?
- C'est miraculeux, je dirais. »
Le Scorpion ferma les yeux un instant, le temps de rassembler ses idées. Il ne pouvait pas laisser le Verseau comme ça, sans réponse. Il fallait bien qu'il lui dise quelque chose de cohérent. Et qu'il prenne une décision malgré tout. Prendre de la distance, ou se jeter à corps perdu dans une relation comme si celle-ci n'avait jamais cessé un instant. Considérer la mort de Camus comme une parenthèse, ou comme la rupture définitive avec ce qu'il avait toujours connu.
Pouvait-il seulement supporter de penser que Camus serait loin de lui pendant cette nouvelle vie ? Certainement pas, il le savait déjà. Alors…
« Je ne crois pas que j'ai cessé de t'aimer, lui révéla-t-il enfin d'une voix plus sûre. Je ne sais pas si j'en suis capable. »
Milo vit un soulagement intense se peindre sur le visage de Camus.
« Tu m'as fait peur, lui avoua-t-il nerveusement.
- Pas autant qu'à moi », lui répondit le Scorpion avec plus de mélancolie.
Camus hocha de la tête, compréhensif.
« Je suis désolé de t'avoir laissé tout seul, Milo. Je ne peux pas savoir ce que tu as vécu, et je sais que ce que je te dis ne vaut pas grand-chose malgré tout.
- C'est déjà un début. »
Milo poussa un soupir. Il enchaînait les situations et les émotions compliquées depuis qu'il s'était réveillé dans cet hôpital.
Camus le contempla un instant.
« Est-ce que je peux t'embrasser ? » lui demanda-t-il plutôt timidement.
Milo hocha simplement de la tête. Deux lèvres se posèrent sur les siennes.
Le Scorpion eut l'impression d'exploser. Son cosmos se déploya et illumina la pièce sans qu'il ne puisse rien contrôler. C'était trop beau pour être vrai.
Lorsque le baiser se termina, Camus regarda autour de lui. Des volutes dorées du cosmos de Milo rayonnaient dans tout le salon.
« Visiblement, je te fais encore de l'effet.
- Evidemment, idiot. Et si tu m'en fais encore plus, je ne te garantis pas de rester à la verticale. »
Camus lui fit alors un sourire. Un très joli sourire. C'était probablement la plus belle chose que Milo avait vue depuis qu'il s'était réveillé. Le Verseau était incroyable.
« Tu es toujours aussi beau, toi, laissa échapper le grec en le regardant. Tu es vraiment magnifique.
- Tu l'es aussi. »
Le Verseau n'y tint pas et lui fit un second baiser, plus appuyé. Le Scorpion eut l'impression que tout son corps implosait. Ces lèvres fines lui électrifiaient le corps par leur simple toucher. Il en avait des frissons.
« Milo, fit le Verseau sans s'éloigner de son amant. Je peux te poser une question ?
- Bien sûr, vas-y.
- Qu'est-ce que tu es venu faire dans ma chambre, cette nuit ? »
A ces mots, le Scorpion se fendit d'un simple sourire amusé. Il s'était douté que son amant finirait par lui parler de ça. Il n'avait pas été discret, il le savait.
« Dans ta chambre ? De quoi tu parles ? » l'interrogea-t-il sur un ton malicieux.
Camus laissa échapper un petit rire.
« Ne me fais pas passer pour un fou, je sais très bien que c'était toi. Alors ?
- Je suis resté sagement dans mon lit cette nuit, voyons, lui répondit le grec avec un sourire en coin. Tu me connais, je ne désobéirais quand même pas à un ordre d'Athéna.
- Toi ? Jamais », appuya le Verseau avec un sourire.
Milo et Camus se regardèrent silencieusement, avant d'éclater de rire dans un bel ensemble. Rire comme ça fit un bien fou au Scorpion. Il avait la sensation de retrouver le complice de toujours qu'avait été le Verseau pour lui. La simplicité de leurs échanges lorsqu'ils avaient été plus jeunes et plus insouciants. Tout cela était encore en eux. Ce constat le rassura immensément.
« Tu es resté le même sale gosse, lui asséna Camus sans cacher son amusement. Tu n'as pas honte de désobéir à la déesse au saut du lit, à peine ressuscité ?
- T'as aucune preuve que c'était moi, fanfaronna Milo. Qui te dit que tu n'as pas halluciné ?
- A d'autres. Je te reconnaîtrais entre mille. Je sais ce que j'ai vu.
- Tu es bien sûr de toi.
- En ce qui te concerne, oui, je suis sûr de moi. Il n'y a bien que toi qui pourrait faire ce genre de bêtises. »
Le Scorpion croisa les bras sur la poitrine, faussement vexé.
« Dis tout de suite que je suis un gosse.
- Peut-être que tu as conservé cette part d'enfant en toi, alors. »
Milo se fendit d'un sourire doux. C'était assez touchant que Camus voie encore ça en lui après tout ce qu'il avait enduré. Le fait que le français le reconnaisse comme son ami de toujours, et pas seulement son amant, lui réchauffait le cœur. Avec toutes ces batailles, le grec avait craint parfois de s'être perdu lui-même.
« Du reste, j'ai été heureux que tu viennes me voir, lui avoua plus timidement le Verseau. J'étais rassuré de constater que tu allais bien.
- C'est pour ça que je suis venu, lui dévoila Milo. Je n'arrivais pas à rester en place sans savoir comment tu allais.
- Tu l'admets enfin.
- J'ai toujours tenu à toi, Camus, tu le sais. Bon, à la base, je t'avoue que je ne pensais pas me faire repérer si facilement…
- Tu me sous-estimes, parfois.
- Bah. L'espoir fait vivre… »
Milo prononça avec une légère mélancolie cette dernière phrase. Puis il reprit un air plus enjoué.
« Mais que ce soit clair, officiellement, tu ne m'as jamais vu.
- Bien évidemment, lui assura son vis-à-vis en haussant les épaules. Pour qui me prends-tu ? »
Le Scorpion rit doucement.
« Pour l'amour de ma vie, lui dit-il sans cesser de sourire. Je t'aime, Camus.
- Je t'aime aussi, Milo. »
Camus s'avança pour reprendre Milo dans ses bras. Le Scorpion se laissa bercer par le câlin, aux anges. Plus rien ne comptait désormais que leur lien dans cette étreinte. Milo en oublia la pièce dans laquelle ils étaient, ses interrogations et ses doutes. Toutes ces choses qui lui prenaient la tête et qui pouvaient lui procurer de l'appréhension, parties. N'existait plus que le cœur battant de son amant, et la perspective d'un bonheur radieux tant qu'il serait à ses côtés.
Cette fois-ci, il se le jura, plus rien ne viendrait jamais les séparer.
« Milo, je ne veux plus me cacher, lui révéla le Verseau sans cesser leur étreinte. J'y ai réfléchi longtemps cette nuit. On a vécu trop d'horreurs, trop de pertes, et avec ces résurrections, je crois que c'est une seconde chance qu'on nous tend. Si tu le veux bien, je voudrais vivre notre relation, cette fois. A fond. Sans restriction. Ne pas profiter assez de ta présence a été la pire erreur que j'ai pu commettre de mon existence. »
Milo accentua l'étreinte contre Camus, très touché de l'entendre dire une telle chose d'une voix aussi résolue. Vu la manière dont il en parlait, il n'avait probablement pas formulé cette pensée en cinq minutes. Connaissant la discrétion du Verseau, cela ne devait pas être une décision qu'il avait prise à la légère. Le fait qu'il priorise leur bonheur ainsi, au lieu du regard des autres et du possible jugement d'Athéna, le touchait énormément.
« Je suis d'accord, lui répondit-il tranquillement. Cette fois-ci, moi aussi, je veux vivre. Avec toi. »
Un autre baiser clôtura cette assertion romantique.
Ils allaient prendre leur revanche sur la vie.
Tant de baisers. La bouche de Camus ne tarissait jamais de tendresses. Milo était au paradis. Combien de temps cela faisait-ils qu'ils se bécotaient ? Il n'en savait rien et cela n'avait aucune importance. Sur ce canapé, dans ce salon tout neuf, ils inauguraient un nouveau départ, celui d'une belle relation. Alors ils réapprenaient doucement, tous les deux. Quelles caresses étaient les meilleures, quels baisers les plus doux, quelles parties les plus sensibles. Maintenant qu'ils étaient ensemble, ils pouvaient tout vivre et tout découvrir.
Alors Milo s'appliquait avec dévotion à tout réapprendre de ce corps qui l'avait manqué. A commencer par cette bouche qui lui avait été refusée tant de temps. Tout était si doux avec Camus dans ses bras.
« Milooo ! entendit-il une voix complètement étrangère à la situation résonner à ses oreilles au milieu d'un baiser langoureux. Vieux frère ! Je suis tellement content de te rev- hiiiii ! »
Le Scorpion coupa net son baiser et son corps revint immédiatement à la réalité lorsqu'il tourna la tête et qu'il reconnut, au milieu de son salon, Aiolia du Lion. Pire encore, celui-ci était flanqué de son frère, et ceux-ci n'avaient visiblement pas manqué une miette de la scène.
Milo se releva brusquement. Aiolia s'était stoppé dans son mouvement, se demandant probablement s'il devait laisser son frère observer la scène ou pas. Il était visiblement choqué de tomber sur une telle chose.
C'était bien normal. Milo et Camus n'avaient jamais divulgué leur relation à qui que ce soit par le passé. Le Lion devait tomber des nues.
« Qu'est-ce que vous… » bégaya-t-il.
Milo se dégagea précipitamment de Camus, en un réflexe bien rôdé, soudain très embarrassé d'avoir des visiteurs non programmés.
« Aiolia ! s'exclama-t-il, paniqué. Qu'est-ce que tu fais là ? »
L'intéressé jeta un regard gêné à son frère juste à côté de lui.
« Ben, je faisais faire un tour du Sanctuaire à Aioros, se justifia-t-il maladroitement. Je l'accompagnais pour qu'il fasse un peu connaissance avec tout le monde… »
Aioros, à son côté, n'osa rien dire. Il observait la scène, visiblement intrigué. Aux côtés de Milo, Camus venait de se relever et de se planter à côté de lui.
« Ah, comprit Milo, se sentant coupable de donner une impression pareille au premier contact.
- On peut savoir ce que vous faisiez ? De là où j'étais, on aurait cru…
- C'est pas ce que tu crois ! s'exclama Milo, voulant rattraper le coup.
- C'est mon mec », résonna une voix froide à côté de lui.
Tout le monde tourna la tête vers Camus. Milo y compris, qui venait d'ouvrir les yeux grands comme des soucoupes au soudain éclat du Verseau. Décidément, le français ne cesserait jamais de le surprendre.
« Geuh ? fut la seule réponse intelligente qu'Aiolia put trouver.
- C'est mon mec, réitéra Camus avec fermeté, un air de défi dans les yeux. On est ensemble.
- Comment ça, vous êtes « ensemble » ?
- Aiolia », intervint finalement la voix d'Aioros.
L'intéressé tourna la tête vers son frère. Celui-ci ne semblait pas le moins du monde choqué de ce qu'il venait de voir.
« Je ne pense pas qu'il y a besoin d'en faire tout un plat, déclara celui-ci sur un ton serein. Tu les embarrasses. »
Aiolia haussa les épaules. Lui ne semblait pas de cet avis.
« Milo ? l'interrogea-t-il, visiblement incrédule.
- On est ensemble, oui, confirma celui-ci d'une voix nerveuse. On est amoureux l'un de l'autre, quoi. »
Il y eut un silence dans la pièce. Camus continua de fixer Aiolia d'un air qui lui communiquait parfaitement qu'il n'avait pas intérêt à dire quelque chose de travers.
« Et… Ça fait longtemps ? s'enquit-il seulement, perdu.
- On a décidé ça il y a cinq minutes, ironisa Milo avant de redevenir sérieux. Evidemment que ça fait quelques temps. Après, je sais pas si tu as remarqué, mais il y a peu, on était pas vraiment en capacité. »
Il y eut un autre silence gêné.
« Félicitations à vous deux », déclara Aioros pour briser cette stase désagréable.
Puis il se tourna vers son frère, lui prenant d'autorité le bras.
« Allez, viens, Aiolia, on repassera plus tard pour faire connaissance, décréta-t-il sur un ton ferme. Je crois qu'on dérange plus qu'autre chose. »
Le Sagittaire embarqua un Lion docile vers la sortie des appartements de Milo. Aiolia marmonna quelque chose d'incompréhensible.
« Ravi de vous avoir revus, les salua le neuvième gardien avec un sourire entendu, en ignorant son frère. Vous avez bien grandi… Je repasserai plus tard. »
Milo lui fit un simple sourire entendu.
« A plus tard », les salua-t-il d'un geste de la main.
La porte se referma sur les deux frères. Milo se tourna vers Camus, qui n'avait pas bougé d'un poil.
« Comment tu l'as mouché, le pauvre…
- Il l'a cherché, bougonna le Verseau. Ce n'est quand même pas surnaturel de voir deux personnes s'embrasser…
- T'es un peu dur, quand même, affirma le grec pour défendre son ami. Il croyait tout savoir par cœur de moi il y a deux minutes, et il me retrouve comme ça…
- Il devrait pourtant savoir qu'on ne peut pas prétendre connaître entièrement quelqu'un. »
Malgré la fermeté de cette réponse, Camus se pencha et fit un baiser sur la tempe du Scorpion.
« Ne t'en fais pas trop, il va bien finir par s'en remettre, le rassura-t-il plus doucement. Il fera deux et deux et il y verra plus clair. »
Milo hocha de la tête pour montrer son assentiment. Après tout, la réaction du Lion à cette nouvelle n'était pas de sa responsabilité. Peut-être valait-il mieux ne pas trop y réfléchir.
« Alors je suis ton mec ? fit plus malicieusement le grec. Je ne t'aurais pas cru si protecteur.
- Tu es mon mec, confirma Camus. Et le premier qui ose te jeter un regard de travers le verra immortalisé en statut de glace artistique. »
Milo fit un sourire amusé et attendri.
« Je ne sais pas si je trouve ça mignon ou terrifiant de ta part, lui avoua le Scorpion. Tu ne m'as pas habitué à ça.
- Eh bien habitue-toi, lui enjoignit le Verseau. Ce n'est qu'une question d'heures avant que tout le Sanctuaire ne soit au courant.
- Ça me semble inévitable.
- Et je ne les laisserai pas nous piétiner », déclara le Verseau sur un ton féroce.
Milo lâcha un rire.
« Personne n'osera jamais, lui assura le Scorpion. Ils ont tous bien trop peur de mon Aiguille Ecarlate… »
Ce qui était bien pratique dans certaines circonstances, il fallait se l'avouer.
Camus finit par se détendre à cette phrase. Il fit un petit sourire.
« Le Sanctuaire n'a qu'à bien se tenir. »
FIN
