Chapitre 26.

Charlie.

Du haut de ses huit ans, Charlie avait toujours été une fillette singulière. Sa conception était à la fois miraculeuse et mystérieuse. C'est du moins ce qu'on lui disait sans qu'elle ne sache vraiment ce que cela pouvait bien vouloir dire.

Elle avait du mal à comprendre ce qui se passait dans le monde. Elle voyait chaque jour son univers devenir de plus en plus sombre, les gens devenir de plus en plus inquiets en commençant par ses parents.

Sa sœur qu'elle aimait tant partait souvent pendant de longues périodes. Et bien que ses mamans étaient au petits soins avec elle, elle ressentait la détresse qui émanaient d'elles.

Chaque nuit elle faisait d'étranges rêves teintés de rose et de mauve. Ils avaient une atmosphère inquiétante et lui faisaient parfois peur. Mais dans ces rêves elle n'était jamais seule. Une femme lui tenait toujours la main. Elle était blonde, avait un sourire affectueux, lui parlait toujours avec beaucoup de gentillesse. Charlie avait une impression de familiarité et se sentait en confiance avec elle. Parfois elles étaient seule, parfois il y avait d'autre personnes avec elles. Elle avait l'impression de tous les connaître sans les avoir vu autre part que dans ses rêves. Ils l'avaient en quelques sortes accompagné toute sa vie.

Ce dernier mois avait été très éprouvant. Du jour au lendemain elle s'était retrouvé seule avec sa sœur, a fuir une menace qu'elle ne comprenait pas, Tiffany avait tout fait pour la protéger et la cacher de gens qui semblaient leur vouloir du mal.

Cette nuit là, chez son grand-père, elle se sentait particulièrement seule. Couchée dans la chambre de ses parents, dans le grand lit qui avait gardé leurs parfums, elle regardait le mobile scintillant que Raelle avait accroché au dessus du lit, un assemblement de chose qui était censé lui porter bonheur. Dans le salon elle pouvait entendre le vieux poste de radio d'Edwin qui crachotait une émission musical. Son grand-père avait dû sans doute s'endormir affalé dans son vieux fauteuil.

Elle aurait voulu que Tiffany soit là pour la border, lui raconter des histoires et surtout elle avait besoin d'une présence réconfortante. Elle alluma la lumière repoussant l'obscurité de la pièce autant que celle de ses rêves à venir. Elle scruta la chambre familière, regardant chaque détail, s'attendant presque à voir ses mamans ouvrir la porte en riant. Elle posa ses yeux sur la correspondance que Raelle entretenait avec sa mère Willa. Charlie les avait toujours vu là punaisées sur le mur. Elle n'avait jamais connu sa grand-mère, Raelle et Scylla en parlaient souvent. En écoutant les discutions de ses parents elle imaginait Willa comme une grande guerrière, autoritaire, un peu sévère avec de grands pouvoirs. Son grand-père n'en parlait presque jamais ou du moins jamais avec elle. Mais tous auraient voulu qu'elle connaisse sa petite fille. Le miracle dont elle n'était pas étrangère.

Charlie n'avait jamais vu de photo de sa grand-mère, ni au phare ni chez son grand-père, ce qu'elle trouvait d'ailleur étrange car il y avait des photos partout, d'elle, de Tiffany, de ses tantes et ses oncles en missions, de grand-père Edwin revenant de la pèche, mais pas de sa grand-mère. Chacune d'elles avaient une histoire que sa mère Raelle aimait raconter. A croire que l'image de Willa n'existait plus que dans leurs mémoires.

Elle se leva et alla décrocher une des lettres du mur et retourna s'asseoir sur le lit. Elle avait choisi une enveloppe sur lequel il y avait des symboles et des petits dessins. Elle écarta doucement l'ouverture de l'enveloppe pour y prendre le papier à l'intérieur. Elle le déplia soigneusement. Les boucles de l'écriture de Willa étaient fines et fluides et même si Charlie ne comprenait pas tout les mots qu'elle pouvait lire, elle y voyait une aventure extraordinaire dans un pays lointain, des méchants et des héroïnes. Le récit de Willa était sombre mais elle avait toujours une pensée réconfortante pour Raelle, comme ses mamans et Tiffany le faisait quand elles appeler au phare pendant leurs missions. Charlie savait qu'elles faisaient un travail dangereux mais la fillette avait une grande admiration pour elles. Et elle en était persuadée, elle aussi un jour elle serait grande et forte et vivrait de grandes aventures.

Malheureusement pour elle, l'aventure était arrivé plus tôt que prévu, elle n'était ni grande ni forte et encore moins une héroïne, elle subissait en silence l'apocalypse, essayant de cacher ses peurs pour ne pas inquiéter sa sœur qui avait déjà assez à faire avec les soldats qui les poursuivaient.

Elle parcourut plusieurs fois la lettre, essayant de déchiffrer chaque mot, regardant chaque symbole, chaque dessin que Willa avait griffonné, elle n'en connaissait pas le sens mais elle les trouvait jolie. Puis elle replia le papier et prit l'enveloppe qui avait glissé doucement sur ses couvertures. Elle fût surprise de voir autre chose à moitié sortie de l'enveloppe. C'était une photo. Elle regarda la photo avec beaucoup d'étonnement, elle y reconnu Quinn et a coté d'elle il y avait la femme, celle qui l'accompagnait dans ses rêves. Elle était vêtu d'un uniforme, son visage était fatigué et couvert de poussière et malgré cela elle souriait. On voyait dans ses yeux de la tendresse et de la malice.

Charlie n'en revenait pas. Ce pourrait t'il que la femme qui l'accompagnait dans ses rêves n'était autre que sa grand-mère Willa ? Elle se leva soudainement du lit et se précipita dans le salon la photo à la main sans même faire attention au bruit de ses pas claquant sur le parquet de la vieille battisse.

Comme elle s'y attendait, Edwin s'était endormit dans le fauteuil. Le vieille homme avait ses habitudes et le fauteuil était devenu au fil des années son couchage par défaut.

Le voyant endormit elle freina sa course et s'approcha de lui sur la pointe des pieds. Elle passa doucement sa main sur son bras pour le réveiller en douceur. Mais Edwin sursauta en sentant la main de la fillette sur lui.

« Charlie ! Est ce que tout va bien ? Tu as besoin de quelques chose ma petite chouette ? »

Il semblait un peu inquiet, depuis qu'il avait enfin retrouvé ses petites filles il se sentait responsable d'elles et ne se sentait plus aussi en sécurité que ça, même dans la concession.

La petite fille se tenait debout à coté de lui, un air interrogateur sur le visage, un papier plaqué sur sa poitrine.

Edwin se mit à lui sourire, sa petite fille lui rappelait sa propre fille au même age. Son petit visage rond, ses grands yeux bleu et sa petite frimousse grimaçante qu'elle tenait de Scylla lui réchauffa un moment le cœur et l'esprit.

« Qu'a tu là mon petit cœur ? »

Charlie hésita un instant, puis finalement lui tendit la photo.

« Est ce que c'est grand-mère Willa ? »

Edwin prit doucement la photo dans ses mains et la regarda un instant. La petite s'était rapprochait de lui et lui avait saisis le bras pour regarder la photo avec lui. Puis le vieille homme posa la photo sur l'accoudoir du fauteuil saisi sa petite fille et vint l'asseoir sur ses genoux. Il reprit la photo et la plaça devant eux.

« Oui c'est bien ta grand-mère, c'était il y a longtemps. Ta mère devait être à peine plus âgée que toi quand Willa le lui a envoyé. Tu lui ressemble un peu, ce petit regard malicieux, c'était tout Willa. »

La petite fille n'en revenait pas, c'était bien sa grand-mère qui l'accompagnait dans ses rêves, qui la rassurait dans l'obscurité qui la hantait.

« Grand-père ? »

Charlie hésita un instant à parler à Edwin.

« Qu'y a t'il ? Tu sais, tu peux tout me dire. »

« Quand je dors, je la vois dans mes rêves. Est ce que c'est étrange ? »

Edwin fronça les sourcils. Avec Willa tout était possible, il l'avait déjà vu revenir d'entre les morts sous une autre forme.

« Avec ta grand-mère tout est possible. C'était une femme extraordinaire, plus forte que n'importe quelle autres sorcières. Et même morte je sais qu'elle veille sur toi et sur tes mamans. Quelques soit l'endroit où vous êtes. »

« Est ce que tu me trouve bizarre ? »

La question de Charlie troubla Edwin.

« Pourquoi dit tu cela ? »

« Grand-mère dit que je suis spéciale, que je suis unique, que j'aurai un grand rôle à jouer. »

Edwin resta un moment silencieux, regardant la photo, serrant un peu plus sa petite fille dans ses bras.

« Tu sais, ta grand-mère à toujours eu des secrets, c'était sa façon de nous protéger. Si elle t'a dit ça, elle doit avoir ses raisons. Pour le moment tout ce que tu dois savoir c'est que tu es en sécurité ici. Et que même si tes mamans ne sont pas là, je te protégerai. »

Charlie se mit à sourire. Elle avait du mal à imaginer son grand-père se battre, mais il semblait sincère et il l'aimait beaucoup. Ils restèrent un moment comme ça regardant la photo de Willa. Le son de la radio les berça et sans même qu'ils ne s'en rendent compte, ils s'étaient tout les deux endormis dans le vieux fauteuil du salon.