Titre : Cette fois, c'est pour de vrai. Elo&Pierrot, alone against everyone.

Il n'avait que rarement était aussi apprêté, il devait l'avouer. Pierre était un homme simple, d'ordinaire. Oui, mais ce jour-ci était tout sauf trivial et l'homme songeait qu'il méritait bien que l'on s'y penche suffisamment pour arborer son plus beau costume. Après tout, qui ne le ferait pas pour le jour de son propre mariage ?

Pierre n'était pas le genre d'homme à négliger les menus détails. Dans la vie, peut-être, mais pas lors d'événements si importants. Après tout, le mariage était comme un voyage, le plus important de sa vie et personne au monde n'aurait vocation d'attendre bêtement au pied d'une porte, au hasard de l'aéroport de l'amour. En ce jour béni, il était d'autant plus impensable de rater son vol.

Ainsi, tout devait être millimétré, parfait, jusqu'à l'emplacement des pétales de roses sur le sol tapis de blanc. La veille encore, il s'était senti submergé par la panique, se mettant soudain à hésiter longuement entre son costume noir habituel, à moins de tout changer à la dernière minute pour adopter un veston vert ? S'eut été de la folie. Aussi, il s'était contenté d'enfiler sa chemise blanche à manches longues, réajustant ses boutons de manchettes afin d'apparaître, au top de l'élégance à laquelle il aspirait.

En contrebas, Pierre observait maintenant tout ce beau monde qui arrivait dans le cour du château, tous si bien apprêtés eux aussi. Maintenant, il était trop tard pour changer quoique ce soit.

Il souffla un court instant, expulsant un air qu'il espérait être chargé d'un peu de son angoisse afin qu'elle le quitte un court instant. Mais lorsqu'il inspira de nouveau, cette dernière revint de plus belle, faisant battre son coeur à une cadence telle qu'il du s'éloigner de la vision qu'il avait des invités, évitant de peu le regard noisette d'une femme qui se mit, étrangement, à fixer la fenêtre désormais vide au dessus d'elle.

Au fil des minutes, les convives s'installaient tour à tour sur les chaises napoléoniennes prévues à cet effet, toutes décorées d'une note subtile de fleurs fraiches. Les amis étaient là, tout comme la famille. D'un côté comme de l'autre, le château était désormais envahi d'une foule compacte, discutant, commentant, riant avec légèreté aux détours de conversations usuelles. Au loin, une grande arche entourée de lierre et montée sur une estrade n'attendait que les mariés pour briller.

Dans l'ombre, Pierre avait descendu les escaliers de sa tour d'ivoire, se cachant des invités pour éviter d'afficher le stress qui l'envahissait. La tension était de plus en plus palpable. Tout dans l'atmosphère transpirait d'impatience à ce que la cérémonie ne commence, mais Pierre, lui, tentait de ne pas y penser, alors qu'il passait en revue tous les détails qu'il aurait pu omettre.

Mentalement, il cocha chacune des cases : le fleuriste déposant la dernière gerbe de fleurs sur la table d'honneur, l'insistance à ce que le DJ suive ses prérogatives et raye de sa liste Collectif Metissé, Johnny Hallyday et Keen'V. Il ne s'était accordé qu'une seule excentricité : son entrée vers le lieu de cérémonie. Un tel moment fort, le dernier instant où il demeurerait célibataire méritait bien d'être signé par la version instrumentale de la JMJ chantée par une artiste dont la voix s'apparentait à celle d'Adèle.

Les premières notes retentirent dans les enceintes, et le rideau derrière lequel il se cachait du monde s'ouvrit peu à peu. Pierre retint sa respiration. Ça y ai, le moment était arrivé.

Après une inspiration brève, Pierre avança doucement vers l'estrade sans oublier de saluer d'un regard et d'un léger mouvement de tête chacun des invités. Il cru voir Nora pleurer au loin, et lui adressa un faible signe de la main pour la soutenir dans cette épreuve difficile. Pauvre Nora.

Décidant d'ignorer au loin la sécurité qui maitrisait Sylvie pour éviter qu'elle ne se lance à corps perdu sur le micro afin d'encenser Jean Ferrat une nouvelle fois, Pierre arriva enfin devant le maître de cérémonie qui lui accorda à son tour, un coup d'oeil confiant.

Intérieurement, Pierre se félicita. Pour l'instant, tout demeurait sans accroc. La vieille peau de Sylvie était dehors avec Anne-Sophie et son déshabillé noir chic et choc, la musique s'était lentement tue sur une promesse d'amener quarante milles français à kiffer son mariage, même s'il avait tout de même du calmer la chanteuse dans son élan en lui disant de fermer sa gueule une fois l'instrumentale terminée.

Seulement, lorsqu'il se tourna, son corps entier se figea un bref instant, ainsi que sa respiration. Etait-elle dans le public ? Elodie… Non. Impossible.

Il devait forcément avoir rêvé.

Pierre se secoua la tête, tentant d'ignorer le bain de foule devant lui demeurant si intimidant, bien plus qu'au travers d'un écran. Combien étaient-ils ? Pas quarante mille, non, mais surement 500, si ce n'est plus ! Cette jeune femme dont il avait croisé le regard pouvait tout à fait simplement lui ressembler.

Il fixa le chemin devant lui, avant que les lumières ne s'éteignent, au même instant que le soleil commençait à se coucher dans le ciel.

La lumière était belle, tout était parfait. Sa future femme fit alors son entrée, parée de blanc, magnifique, une beauté à en faire pâlir tous les hommes de l'assemblé, et jalouser la moitié des jeunes femmes présentes, jusqu'à même sa propre mère. Pierre retrouva ainsi toute sa respiration, même si son coeur se pinçait car celle qui s'avançait pourtant avec un sourire resplendissant vers lui, ne portait pas ce fameux rouge à lèvres rouge qui le faisait tant rêver.

Après tant d'années à l'imaginer, peut-être que la mariée du jour n'était pas la femme tant attendue, mais elle était belle, presque aussi belle qu'elle. Pierre accorda un léger sourire à sa future épouse, avant que celle-ci ne se poste sur sa gauche, son bouquet de fleurs tremblant entre ses mains maladroites.

« Je suis heureux de vous accueillir, mesdames et messieurs, en ce 18 octobre 2023 dans ce merveilleux château afin de célébrer cette union. Je vais maintenant vous lire les textes officiels qui vous expliquent vos droits et vos devoirs en tant qu'époux. »

Pierre n'écouta bientôt plus que d'une oreille, car son attention semblait perturbée. Elle ne le devrait pas, et c'était peut-être bête au milieu de tant d'invités, mais il se sentait épié. Discrètement, l'homme tenta de jeter un coup d'oeil derrière lui, en vain. Elodie ne pouvait tout de même pas être réellement présente, si ?

« Si quelqu'un s'oppose à cette union, qu'il parle maintenant ou se taise à jamais »

Soudain, le silence. L'assemblée frissonne. Ce moment était si redouté, après tout. Et il aurait pu s'en passer, mais quelque part, en demandant à l'officiant de la poser, Pierre avait vainement, bêtement, naïvement espéré que…

« Je m'y oppose ! »

Pierre sentit son coeur s'arrêter et se tourna gravement. Cette fois, il ne pouvait plus nier sa présence.

Elodie.

Elle était là, debout, resplendissante, le regard vif et affirmant sa décision de la voix assurée de cette femme de caractère qu'elle était.

« Je ne me suis pas levée pour les 20.000 euros que tu me dois Pierre, le rassura-t-elle. Bien sur j'ai été l'organisatrice de ce mariage, mais je me devais d'y assister. Car en m'occupant de toute cette cérémonie avec toi, j'ai réalisé que… quelque chose, une étincelle s'était allumé entre nous. »

Pierre resta silencieux, stoïque, choqué avant d'ouvrir la bouche.

« Elodie, on ne peut pas faire ça, contesta Pierre.

_ Je le sais, oui mais nous avons toujours été…

_ Connectés ! Oui, j'en ai conscience, ma petite Elo. Nous finissons les phrases de l'autres, nous pensons la même chose, nous disons les mêmes choses…

_ Tu es mon Mulder.

_ Et toi, ma Scully.

_ Je suis ta Bonnie, ajouta-t-elle.

_ Et je suis ton Clyde.

_ Je n'ai jamais été satisfaite de mon mariage, Pierre. Et tu as dis toi-même que je le pourrais, alors c'est ce que je veux. Un mariage parfait, avec toi. Ce soir. Ce mariage. »

Le regard de Pierre s'illumina, sans qu'il ne le contrôle vraiment. Il n'aurait jamais pu être si heureux. Alors c'était vrai ? Ce soir, c'était pour de vrai ? Plus de Jérôme séducteur ni de Sylvie aigrie, juste elle et lui, dansant sur Bruno Mars, seuls contre tous, rendant illégales les flashmobs, faisant de leur mariage, un véritable combat. Tout à coup, c'était devenu plus, bien plus qu'une union, et celle-ci valaient bien plus que tous les 20/20 de l'univers.

C'est ainsi que Elodie s'élança vers Pierre, faisant tomber sa chaise en fracas avant qu'il ne la renverse pour lui accorder le baiser de cinéma dont elle avait toujours tant rêvé.

Contre toute attente, ils avaient tout deux virés de bord dans l'aéroport de l'amour, abandonnant tous leur bagages et leurs billets pour s'envoler vers le bonheur, le vrai. Car le succès du mariage reposait sur deux choses : trouver la bonne personne, et être la bonne personne et c'était le cas, ce soir, ensembles.

FIN

Et épilogue, pour les plus réalistes :

Lorsqu'il rouvrit les yeux, Pierre cligna plusieurs fois des paupières devant son écran de stream. Il avait eu un moment d'absence, surement.

Merde, il s'était imaginé en train de se marier avec Elodie !

« Vous pensez pas qu'on irait super bien ensemble elle et moi quand même ? demanda-t-il au chat composé de quelques 700 personnes qui lui demandaient s'il allait bien. »

(Vraie) FIN.