Chapitre 1

La nuit venait de tomber sur Sunset Beach, mais la chaleur de cette journée qui touchait à sa fin était encore écrasante. À la fois contrarié et inquiet, Ricardo passa une main dans ses cheveux bruns et en bataille, et soupira. Les stores du loft étaient baissés. N'importe quel passant aurait pu se dire qu'ils étaient déjà fermés, mais l'inspecteur de police en avait la conviction : ils n'avaient, en fait, pas été ouverts de la journée. Il poussa la porte en même temps qu'un soupir et constata que rien n'avait changé depuis le début de l'après-midi, ni même depuis la veille au soir : Gabi était toujours là, sur le lit, couchée sur le côté, ses genoux repliés contre son ventre alors qu'ils écrasaient presque sa poitrine. On aurait facilement pu la penser endormie. Mais si les yeux de sa fiancée étaient bel et bien ouverts, l'étincelle qui les animait habituellement, elle, était complètement éteinte.

Dans le coin de la pièce, Vanessa s'étira avant de quitter le fauteuil sur lequel elle s'était installée.

- Désolé, j'ai été retenu un peu plus longtemps que prévu, murmura Ricardo. Merci d'avoir veillé sur elle.

- Ce n'est rien, répondit-elle d'une voix teintée d'inquiétude. Elle n'a pas bougé de l'après-midi, ajouta-t-elle, penaude. J'ai réussi à lui faire avaler un peu de soupe, mais… C'est tout.

Ricardo poussa un profond soupir.

- Elle a dit quelque chose ? demanda-t-il, plein d'espoir.

- Pas un mot.

- Bon sang, mais qu'est-ce qui se passe ? lâcha-t-il en frottant son visage.

Touchée par le désespoir de son ami, Vanessa posa une main amicale sur son épaule.

- Est-ce que tu veux que je demande à Tyus de passer la voir ?

Ricardo ferma les yeux, et, après un silence, il répondit :

- Je te remercie. Je vais essayer de lui parler encore ce soir, et si je n'obtiens pas de résultat… Je te ferai signe.

En guise de réponse, Vanessa hocha la tête et lui offrit un regard de compassion. Elle se retourna, s'agenouilla aux pieds du lit de Gabi, caressa la joue de son amie et lui dit d'une voix douce :

- Quoiqu'il se passe ma belle, je veux que tu saches que tous tes amis sont là pour toi. Tu n'es pas seule. Reviens-nous vite.

Les yeux de Gabriella Martinez s'accrochèrent l'espace d'une seconde à ceux de son amie, comme pour lui faire comprendre qu'elle l'avait entendue, avant de s'éteindre à nouveau. Tristement, Vanessa s'éloigna, salua l'inspecteur de police et quitta le loft.


Ricardo enleva ses bretelles, et déboutonna le haut de sa chemise orange. Cette fois, c'est lui qui s'agenouilla auprès de sa fiancée. Ses yeux s'embuèrent de larmes, qu'il tâcha tant bien que mal de réprimer.

- Mon amour… Je t'en prie, dis-moi ce qu'il y a.

Pas de réponse.

- Je sais qu'on s'est disputé, je sais que j'ai probablement dit des choses qui ont dépassé ma pensée. Je n'aurais pas dû partir comme ça. J'ignore si c'est à cause de ça, mais je t'en prie, parle-moi…

Pas de réponse.

- La dernière chose que je veux, Gabi, c'est te faire du mal. Tu es tout pour moi. Ces dernières semaines ont été étranges et tendues, d'accord, mais je sais qu'on va s'en sortir. Dis-moi ce qu'il y a… Dis-moi que ce n'est pas de ma faute…

Sa voix s'évanouit dans un sanglot. Il n'eut toujours aucune réponse verbale, mais une main vint se poser doucement sur la sienne. Ricardo releva soudainement les yeux vers Gabi. C'était la première réaction qu'elle lui offrait depuis presque deux jours, et son cœur s'enflamma en une seconde. Une larme coula sur sa joue et se fraya un chemin jusqu'à la commissure de ses lèvres, sur lesquelles un timide sourire se dessina.

- Gabi, Gabi, tu es là ?!

Il posa sa main libre sur celle de sa fiancée et la caressa doucement, cherchant désespérément à rallumer l'étincelle de ses yeux.

- Je t'en prie ma chérie, parle-moi… Peu importe ce qui se passe, tu peux tout me dire.

Les yeux de Gabi vinrent enfin s'accrocher à ceux de Ricardo, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Le cœur de l'inspecteur de police était sur le point d'exploser contre sa poitrine. Dans un élan d'espoir, il poursuivit :

- Je t'en prie… Dis-moi ce qui se passe. Je ferais n'importe quoi pour que tu ailles mieux. Dis-moi ce dont tu as besoin, Gabi…

Ricardo laissa sa tête s'écraser contre le matelas du lit. Il ne s'en était pas rendu compte, mais ses derniers mots résonnaient dans la tête de la jeune femme, qui émit une légère pression sur la main de son fiancé. "Dis-moi ce dont tu as besoin…". Sa bouche s'entrouvrit, et, comme si cela lui demandait un effort surhumain, elle parvint enfin à articuler un mot. Un prénom. Une prière pour elle, une douche froide pour lui.

Le regard de Ricardo se chargea d'incrédulité à mesure que ses sourcils s'arquèrent de surprise. Quelques secondes s'écoulèrent, le temps pour lui de digérer cette requête. Il poussa un soupir, posa un baiser sur le front de la femme qu'il aimait, puis se releva. Il consulta l'heure sur sa montre, attrapa le téléphone et s'isola à l'extérieur du loft en espérant qu'à l'autre bout du fil se dessinait peut-être les contours de la fin de son cauchemar.