Chapitre 10.
Malgré tout, Hermione était restée clouée sur sa chaise de longues secondes, qui lui parurent pourtant interminables. Elle porta machinalement sa main vers son ventre en fronçant les sourcils dans le vide.
Une sensation étrange venait de lui tordre l'estomac. Elle ignorait si c'était agréable, ou non. Mais c'était là… Et en vérité, c'était même inscrit dans sa chaire depuis à présent de longs mois. Elle avait juste choisi de l'ignorer jusqu'à maintenant.
Hermione leva lentement ses yeux vers Snape, dont le regard passait sur sa classe avec une sévérité qui s'était faite pourtant, plus rare. Elle avait la sensation que quelque chose s'était produit, une étincelle venait de s'allumer, ou plutôt, de prendre une ampleur qu'ils avaient réussi à contenir jusqu'à maintenant.
Hermione avait la sensation de ne plus avoir aucun contrôle sur son souffle, sur les battements de son coeur et que les tremblements de ses mains allaient finir par se voir. Elle en avait même peur de se lever, car ses jambes auraient pu tout aussi bien la lâcher. Pourtant, ce n'est que quand le silence se fit, et que Snape se tourna de nouveau vers elle, qu'elle finit par s'exécuter, avec autant de difficulté que de bénédiction qu'elle ait pu le faire sans tomber à la renverse sur le sol comme une idiote.
Minerva McGonagall pensait qu'il l'aimait.
C'était ce qu'elle se répétait à présent en boucle dans sa tête, les yeux fondus dans le vide et ses oreilles incapables d'écouter le moindre mot, tant cette information peinait à faire son chemin.
Un sentiment amoureux… Cela impliquait plus, tellement plus qu'une simple entente voire même, qu'une amitié aussi profonde soit-elle. Hermione projeta vite devant ses yeux les difficultés que toute cette situation amenait.
Il y avait Harry, il y avait Ron, il y avait l'école, les rumeurs, les mauvaises langues, les préjugés, le jugement… Et il fallait être si solide pour y faire face.
L'était-elle ?
Hermione cligna une fois encore des paupières avant de réaliser ce qu'elle venait de penser.
La question de l'aimer en retour ne lui était même pas venu à l'esprit, tant cela lui parut évident. Comment n'avait-elle pas pu le réaliser avant ?
Elle avait agit comme une parfaite idiote, parce que Severus Snape était son type d'homme, et ce sur tous les points possibles et imaginables.
Il était cultivé, perspicace, doué en de nombreux domaines, tant qu'il lui avait prouvé qu'il avait encore beaucoup à lui apprendre et à lui apporter. Mais il lui avait montré également des qualités surprenantes, car Snape était un homme attentionné, qui savait écouter, ponctuant le tout par de nombreuses pointes d'humour, bien trop subtile pour quelques gens qui auraient pu s'en vexer. Mais ce n'était pas le cas d'Hermione.
Quant à son physique, c'étaient maintenant les images de cette fameuse nuit qui tournaient en boucle dans sa tête. Hermione se retrouva bien vite incapable de réfléchir, ni de se concentrer et porta sa tête dans ses mains comme si cette dernière était devenue trop lourde.
Hermione ferma brièvement les paupières et bien vite, elle ne parvenait plus à se concentrer que sur cette soirée bizarre qu'ils avaient passés ensemble, celle durant laquelle il l'avait « soulagé » d'une bien grande tension. Dire qu'elle avait enterré ces souvenirs loin, les enfermant dans une boite qu'elle avait choisi de jeter au plus profond de sa tête.
Mais c'était comme si elle venait de prendre un retour extrêmement violent sans crier garde. Hermione rougissaient désormais sous ses mains cachant son visage. Un immense sentiment de désir puissant et inattendu venait de l'envahir, et elle en était bouleversée, tellement qu'elle ne remarqua pas Snape au loin.
Les pensées de la jeune femme envahissaient la pièce et, puissant légilimens, elles avaient introduit l'esprit du potionniste. Snape avait ainsi même été jusqu'à son bureau avec difficulté avant de lancer une préparation à ses étudiants sans un seul mot, n'invoquant qu'un parchemin sur leurs paillasses avec les instructions.
S'écroulant plus qu'il ne s'était vraiment assis dans son siège, c'est un exercice d'inspirations et d'expirations profondes et régulières qu'il entama. Mais rien ne soulageait ce qu'il vivait intérieurement. Il avait l'impression d'entendre les gémissements de la jeune femme, de sentir sa peau sous ses doigts. Pourquoi avait-elle choisi de revivre ce souvenir tout à coup et pourquoi avec tant d'intensité ?
L'idée qu'elle le fasse exprès lui avait effleuré l'esprit bien sûr, mais quand il avait redressé ses yeux vers elle, il l'avait constaté bien trop préoccupée pour songer à ce genre de choses.
Nerveux, Snape se mit à remuer la jambe sous son bureau. C'était forcément lié à son « aveux ». Sans doute avait-elle remis en perspective l'ensemble de leurs échanges pour tenter de comprendre à côté de quoi elle avait du passer. Mais revivre un tel instant était une véritable torture.
« Granger ! beugla soudain Snape, à bout de nerfs en tapant son poing sur la table. »
L'ensemble de la classe observa le maître des potions, tous surpris et soudain plus silencieux encore qu'ils ne l'étaient déjà.
Hermione avait sursauté et cela eut au moins le don de lui faire cesser ses élucubrations.
Snape resta à la fixer, d'un regard assez assassin qu'Hermione interpréta de travers.
Voulait-il remettre une certaine distance avec elle ? C'était qu'il avait déjà commencé en l'évitant soigneusement depuis des jours.
Blessée, Hermione sentit son cœur se briser. Elle se pinça la bouche, tentant de rassembler tout son courage pour ne pas pleurer, ce qui serait bien trop ridicule dans ce contexte, devant tout ce monde.
Mais elle n'arrivait pas à rester dans la même pièce, dans cette maudite salle de cours, avec son regard inquisiteur et professoral pointé sur elle.
Hermione sembla hésiter un instant. Durant peut être une minute, elle tenta de faire bonne figure, mais, s'avouant d'avance vaincue par son tourment, elle rassembla ses affaires à la hâte avant de se sauver des cachots sans aucun mot.
Seul le bruit de ses affaires qu'elle avait fourré dans son sac et de ses pas courant vers la sortie alertèrent ses camarades. Snape se leva à sa suite et marmonna à sa classe de continuer le travail avant de s'en aller lui aussi.
Le sorcier ne remarqua bien sûr pas la majeur partie des Gryffondors se regarder entre eux, en particulier Ron et Harry qui portaient la même expression dépourvue de surprise. Mais il n'était pas de la priorité de Snape de les recadrer maintenant.
Au loin, il se contenta surtout d'accélérer la cadence pour la rattraper et il le fit sans un mot, lui choppant le bras en la faisant de ce fait, se retourner vers lui en une expiration étouffée. Hermione resta silencieuse un instant, se contenta de le fixer avec hargne.
« Alors c'est ça ? finit-elle par sangloter. Avec toutes ces histoires, vous ne voulez plus rien avoir à faire avec moi ! »
Snape fronça les sourcils, un peu perdu.
« Vous me rejetez, parce que ça va trop loin, continua-t-elle. Mais c'est injuste, et c'est idiot. Qu'est ce que ça peut bien faire qu'on s'entende bien au bout du compte ? Préfériez-vous qu'on s'entretue à la place ? Pas moi ! »
Hermione se défit de sa poigne, alors que Snape n'avait toujours pas sorti un seul mot.
Il n'était pas dans son genre de commenter ce genre de choses. Et cela ne la mettait que plus en colère encore.
« Je crois que je me suis trompée, et que je n'aurais pas du vous faire confiance car je ne comptes pas alors que, bêtement, je vous avais accordé de l'importance.
_ Pourquoi dites-vous cela ? demanda Snape avec interrogation. Mon attitude a laissé pensé ce genre de choses ?
_ Vous venez de me hurler dessus, se braqua-t-elle.
_ Parce que vos pensées envahissaient ma tête. »
Dans le fond, elle s'en était doutée. Mais c'était bien difficile de se raisonner lorsqu'on parlait de Severus Snape et que l'on marchait dans l'incertitude constante en raison de son manque abyssal de mots concernant ce genre de situation tout sauf anodines.
« Vous m'évitiez avant de vous emportez, et ce n'est pas arrivé depuis des mois, depuis que nous avons commencé à entretenir une relation extra-professionnelle.
_ J'ai continué de vous râler dessus chaque fois que vous interveniez trop souvent ou que vous apportiez une aide non avenue à un de vos camarades.
_ C'est différent, se vexa-t-elle.
_ Je ne comprends pas.
_ Oui, c'est le soucis. Vous ne comprenez rien. »
Snape leva un sourcil, circonspect et froid. Mais cela n'empêcha pas Hermione de croiser les bras sur sa poitrine en évitant son regard. Elle était en colère.
Elle était en colère car il n'avait pas cherché à résoudre le problème avec elle, préférant se murer dans le silence et la réflexion, seul. Pourtant, la naissance de sentiment sortant du cadre amical aurait du la concerner elle aussi, non ? Tout restait si bizarre après tout ! Le simple fait d'être ami était bizarre, le fait qu'il l'ait touché cette nuit là était bizarre, et le fait qu'ils se disputent était bizarre, car même cela avait perdu de son cadre normal depuis qu'ils avaient emménagé ensembles.
« Est-ce que vous vous éloignez de moi car on ne vit plus ensemble ? marmonna-t-elle.
_ Bien sûr que non. Je devais réfléchir.
_ A quoi ?
_ A savoir si ce qu'à dit Minerva est vrai ou non, et ce que cela implique.
_ Et qu'en avez-vous conclu ?
_ Que c'était bizarre. »
Hermione pouffa un peu, car ce mot était revenu dans sa tête en boucle depuis qu'il le lui avait annoncé. Mais elle continua de trifouiller ses chaussures avec nervosité et gêne.
« J'ai aussi songé au fait que vous n'entreteniez aucune relation amoureuse avec un homme, finit-il par laisser échapper.
_ Je ne suis pas douée pour ce genre de choses en effet, murmura-t-elle.
_ Vous pourriez trouver quelqu'un, suggéra-t-il.
_ Je pourrais, oui, finit-elle par dire en redressant ses yeux vers lui. Et alors ?
_ Alors je crois que ça me contrarierait.
_ Vraiment ? demanda-t-elle, surprise.
_ Je suppose… que je voudrais vous avoir pour moi seul. »
Hermione ouvrit la bouche, puis la referma avant de rougir et de dévier ses yeux vers le mur pour éviter les siens.
« Désolé, soupira-t-il. Mon… égoïsme est presque de notoriété publique.
_ Non, souffla-t-elle. Vous n'êtes pas égoïste.
_ Il n'est pas juste que je contrôle votre vie, j'aurais mieux fait de me taire.
_ Je ne le vivrais pas mieux si vous aviez quelqu'un vous savez, finit-elle par chuchoter. Et je doute qu'une autre femme accepte ce genre de situation.
_ Une autre femme ? Il n'en est pas question, trancha-t-il. »
Sa réponse si spontanée l'amusa un peu, et elle finit par lui adresser un léger sourire. Snape la trouva belle. Et il y avait peu de choses au monde que le sorcier trouvait beau.
Oh il songea qu'il pouvait bien s'amuser à la fixer ainsi durant des heures, afin de décortiquer chacune de ses expressions, imprimer son visage dans sa tête, chaque subtilité émanant de la couleur de ses yeux jusqu'à son grain de peau, ses fossettes, ses mains délicates…
« J'ai besoin d'y réfléchir, finit-il par souffler. Ce n'est pas une situation habituelle pour moi, et ne prenez pas mon silence comme un manque de respect.
_ Je comprends.
_ Dans l'état actuel des choses, il serait peut-être délicat de revenir en classe. »
Hermione hocha un peu la tête. Elle ne s'imaginait pas rester en sa présence durant encore deux heures avec ce qu'ils venaient de se dire, de toute façon.
« D'accord, chuchota-t-elle. »
Elle s'avança timidement vers lui, approchant son visage du sien, car cela faisait depuis leur voyage qu'elle avait pris cette habitude de l'embrasser pour lui dire au revoir. Seulement, là où d'ordinaire, ce baiser chaste et presque amusant n'était qu'un geste banal d'une amie à un autre, ce fut bien différent cette fois.
Hermione prit une légère inspiration lorsque sa bouche s'approcha de sa joue et de sa nuque, et Snape ferma machinalement les paupières en sentant les lèvres de la jeune femme sur sa peau. Machinalement, il glissa sa main sur sa taille dans son geste, et Hermione ne s'en alla pas, pas tout de suite. Elle garda elle aussi, les yeux clos et son coeur battait si fort que sa gorge en resta nouée.
Un instant, elle le sentit rassembler ses esprits avant qu'il ne dépose à son tour, ses lèvres dans le creux de sa mâchoire en guise de réponse.
Hermione ne put retenir un léger gémissement. Elle l'embrassa de nouveau avec volupté, au même endroit. Elle le fit une fois, avec lenteur. Puis, une seconde fois, avec prudence, jaugeant sa réaction. Un peu enfermée dans la bulle qu'ils venaient de créer, Hermione le fit une troisième fois, se rapprochant chaque seconde d'avantage du coin de ses lèvres.
Snape osa enfin ouvrir les yeux pour fixer ses pupilles dans les siennes. Et ils purent y lire bien autre chose qu'une simple cordialité. Un détail, pourtant essentiel avait changé.
Déjà bien assez proches l'un de l'autre, il baissa son regard doucement vers sa bouche et Hermione eut ainsi l'occasion d'y lire tout le désir dont il pouvait transpirer. C'est alors d'un geste commun qu'ils s'avancèrent lentement l'un vers l'autre, les paupières se fermant peu à peu. Hermione posa sa main sur son épaule, Snape pressant la sienne vers sa taille afin de la coller plus encore à lui, jusqu'à ce qu'ils scellent enfin leurs lèvres ensembles.
D'abord timide, Hermione resta ainsi quelques secondes avant d'appuyer sa bouche contre la sienne. Elle sentit le sorcier suivre le mouvement. Puis, il la caressa et la choya avec une douceur hors norme. Il effleura sa lèvre inférieure, avant de la capturer entre les siennes pour mieux savourer l'instant. Et c'était si bon qu'Hermione pencha un peu plus la tête sur le côté afin de lui donner le champ libre pour qu'il approfondisse son geste.
Elle sentit la main chaude de Snape glisser de sa taille contre sa nuque pour se nicher à la naissance de ses cheveux, son pouce se mettant à caresser lentement sa mâchoire. Tout était si délicat, si bon.
Hermione eut de doux frissons avant qu'il ne se détache lentement d'elle pour reprendre une légère inspiration, chose qu'elle ne tarda pas à faire à son tour. Enfin, ils ouvrirent les yeux en même temps et la Gryffondor fouilla l'éclat dans ceux du maître des potions.
Il semblait si troublé. Pour autant, il ne retira pas sa main de sa nuque et Hermione le jaugea un léger instant, avant de se mordiller la lèvre. Elle tenta le tout pour le tout, et intima un léger mouvement d'approche de son visage, prenant le risque qu'il ne s'éloigne, accordant à ce premier baiser le gout du doute ou d'un égarement. C'est ce qu'il aurait pu faire, mais Snape choisit d'écouter ses envies et se pencha à son tour pour capturer sa bouche en un baiser plus franc, et plus envieux.
Cette fois, le gémissement qu'Hermione laissa échapper était bien plus clair et brut. C'était que ce second geste était bien plus intense, mettant de côté une timidité mal venue pour faire place à une envie dévorante. Snape la pressa contre lui avec tant de force, elle avait le sentiment d'étouffer dans ses bras, sans que cela ne soit pour autant désagréable. Loin de là dirait-elle même. Elle suivit tant bien que mal la cadence de son baiser qui aurait pourtant pu encore plus s'approfondir avant qu'il n'y mette brutalement un terme afin que cela ne dérive vers autre chose.
Une chose qui ne pouvait se produire au détour d'un couloir public.
Cette fois, c'est essoufflée qu'elle tenta de reprendre sa respiration, et Snape ôta sa main d'elle pour la poser sur sa bouche d'un air grave, reculant d'un pas et détournant son regard tant il sentait sa pudeur revenir de plus belle.
Merde, comment avait-il pu perdre les pédales aussi facilement ?
« Je dois… dit-il avant de se racler la gorge.
_ Oui, répondit-elle, gênée avant de faire de même.
_ Nous en discuterons… plus tard, balança Snape en se soustrayant à elle. »
Hermione osa enfin jeter un regard surpris et timide vers sa silhouette qui partait d'ici, laissant trainer sa longue cape derrière lui comme elle l'avait toujours connu.
Lorsqu'il disparu derrière un autre dédale de couloir, elle porta enfin ses doigts vers sa bouche, n'osant y croire.
