Isaac était fier de lui. Faire sortir son meilleur ami de son antre n'était pas chose facile, alors… Pour le faire plus ou moins sociabiliser ? Encore moins. Pourtant, Stiles était autrefois quelqu'un d'extrêmement sociable et qui adorait parler. Si le deuxième élément était toujours véridique à l'heure actuelle, ce n'était plus vraiment le cas du premier. Peu importait : il avait réussi son coup, et c'était l'essentiel. Stiles était là, avec lui. Sur le siège passager de sa vieille Jeep. Normalement, il était le seul à la conduire mais pour cette fois, il avait fait une exception.
- Puisque tu tiens tant que ça à me faire sortir, tu ne verras donc aucun inconvénient à te farcir la route à ma place.
C'était ce qu'il avait maugréé, dans l'espoir qu'Isaac, qui détestait conduire, lâche l'affaire. Le laisse tranquille dans son petit appartement, à se farcir le nouveau Barbie qu'il avait réussi à télécharger illégalement. Stiles avait attendu un temps monstrueux et il avait enfin l'occasion de se regarder ce film qui le tentait tant ! Et puis voilà, il avait fallu que son meilleur ami se ramène et le bassine ou plutôt le harcèle pour qu'il accepte de lui faire l'honneur de sortir de son appartement pour aller boire un verre.
- Je te hais, ne put s'empêcher de lâcher l'hyperactif.
De ses doigts fins, il tapotait exprès sur le bout métallique de sa ceinture de sécurité. Le tableau de bord vieillot étant trop loin, il avait la flemme de tendre le bras juste pour emmerder Isaac..
De son côté, Isaac sourit et prit un air de dramaqueen lorsqu'il lâcha :
- Arrête, je suis l'homme de ta vie et tu le sais.
- T'es le roi des emmerdes, surtout, rétorqua Stiles, sans un sourire.
Et pourtant, il avait envie de rire, Isaac le sentait. Son meilleur ami, hyperactif, se contenait juste pour ne pas lui montrer que la situation l'amusait quand même un peu. Manque de chance pour lui, Isaac Lahey, beau jeune homme aux boucles blondes, était un loup-garou. Il pouvait tout sentir, tout entendre, jusqu'à son odeur et les battements de son cœur. Stiles avait beau être au courant de ce fait depuis des années, il faisait comme si ce n'était pas le cas. Pour se venger, il le titillait. Ça ne marchait jamais, mais peu importait. Isaac s'amusait de cette manière qu'il avait de râler pour tout et n'importe quoi.
Enfin, il préférait ses sourires d'autrefois, mais ne pouvait pas le lui dire.
- Dois-je te rappeler qui de nous deux est le plus maladroit et qui s'attire généralement le plus d'emmerdes ? S'enquit le loup-garou sur un ton rhétorique, en lui jetant un regard en biais.
- C'est pas moi qui ai cassé le vase de Lydia en attendant, lâcha Stiles d'un ton railleur.
A ce souvenir qui pouvait en faire frissonner plus d'un, Isaac grimaça.
- Elle y avait glissé de l'aconit ! Se plaignit-il.
Il s'agissait d'une petite pochette, toute petite, qu'elle avait glissé entre les fleurs. Baignant dans l'eau, elle avait parfumé celle-ci et Isaac, en voulant déplacer le vase qu'il avait peur de faire tomber puisque Lydia l'avait posé sur la commode qu'il devait repeindre, l'avait fait tomber. Et brisé, soit dit en passant. Leur amie banshee, Lydia Martin, lui avait passé un savon dont il se souviendrait toujours, avant de lui expliquer qu'elle avait fait cela pour repousser naturellement d'éventuels intrus loups mais qu'à voir le je-m'en-foutisme complet d'Isaac face à l'odeur – pour sa défense, son nez était bouché –, cela ne faisait pas grand effet. Enfin, suffisamment pour qu'il se montre d'une maladresse aussi prodigieuse qu'inédite. Les pauvres oreilles du loup-garou en avaient pris un coup. Ses tympans avaient souffert du cri poussé par Lydia Martin qui, pour cette fois, n'annonçait pas la mort.
- Pas mon problème, fit Stiles en haussant les épaules.
Son regard était toutefois moqueur. Oh oui, il se moquait ouvertement de lui. Ça, c'était quelque chose qui n'avait pas changé et Isaac adorait le suivre malgré lui.
- En tant que meilleur ami, je te signale que t'es censé me soutenir, fit-il mine de se plaindre.
- Tu t'approches d'un ravin, je te pousse, rétorqua Stiles, l'air de rien, en haussant les épaules.
- Eh, c'est pas gentil ça !
- Bien sûr que si, je t'aide à tomber plus vite.
L'humour de Stiles était devenu étrange, mais il fallait bien le connaître pour ne pas le prendre mal. Par chance, Isaac connaissait le jeune homme depuis des années. C'était une crème. Un peu piquante, mais une crème restait une crème. Disons qu'Isaac ne changerait de meilleur ami pour rien au monde, quand bien même celui-ci lui montrait son affection d'une manière un peu brute et sarcastique, quelques fois cyniques. Stiles avait peut-être changé sur bien des points, cependant, son essence restait la même et son regard, bien que plus sombre, gardait un éclat de vie qui l'encourageait à persévérer dans ses efforts. A le bousculer, à le faire sortir de sa zone de confort. A blaguer à tort et à travers, à jouer avec Stiles comme Stiles jouait avec lui. Au moins, il n'avait pas perdu ça. Ainsi, Isaac continua de sourire et de le taquiner. Chaque grognement que sortait son ami hyperactif était un signe que ça allait, parce qu'au moins… Il obtenait une réaction de lui. D'autant plus qu'à côté de cela, son odeur lui donnait quelques informations supplémentaires sur son état moral. L'odeur de Stiles était perpétuellement alourdie par quelque chose qu'Isaac était incapable d'identifier mais ça allait. Il était dans ses bons jours.
Heureusement qu'Isaac le faisait sortir maintenant. Qui pouvait lui certifier que Stiles serait de bonne humeur le lendemain ?
Stiles soupira bruyamment lorsque son chauffeur personnel lui annonça d'un ton exagérément joyeux qu'ils étaient arrivés à bon port.
- J'ai pas envie, râla-t-il encore.
- C'est ça, fais-moi croire que tu n'as pas envie de te faire démonter le cul ce soir, railla Isaac en manœuvrant pour garer la Jeep.
- C'est toi que je vais enculer quand tu me ramèneras, rétorqua Stiles en levant les yeux au ciel.
Isaac rit, amusé. Il connaissait tout de Stiles : de sa pointure jusqu'à ses goûts en termes de partenaires – ils étaient rares, mais, hé, ils existaient !
- Vas-y, fais le malin. Tu riras moins quand je t'enculerai à sec.
Isaac feignit le dégoût, mais au fond, il savourait leurs joutes verbales, même s'il devait avouer que Stiles le surpassait largement dans le domaine. Il était du genre cru, à dire les choses sans réfléchir… Ou à justement faire au mieux pour gêner, déranger, juste parce que ça l'amusait. A côté de cela, il savait que ses petites « menaces » ne mèneraient jamais à rien, puisqu'elles-mêmes n'étaient rien de plus qu'un jeu.
Et aussi un moyen de se détendre.
Car Isaac n'était pas dupe. Stiles, il le connaissait comme s'il l'avait fait et s'était davantage attelé à le décoder ces dernières années. L'hyperactif appréhendait réellement le fait de devoir sociabiliser. De se retrouver dans un bar, à boire des verres. S'il était là, c'était cependant aussi parce qu'il le voulait un peu, au fond, mais… Il était certain qu'il n'y serait jamais allé si Isaac n'avait pas insisté. Et l'air de rien, il avait besoin que celui-ci le pousse un peu de temps en temps.
Isaac sentit d'ailleurs Stiles se crisper dès lors qu'ils entrèrent dans le bar. Dans un geste purement amical et réconfortant, le bouclé posa sa main sur son épaule. Il était là, il ne le quitterait pas.
- Détends-toi, fit-il en se rapprochant de son oreille.
Il y avait du monde, mais pas assez pour ne pas se trouver une table. Tiens ! Il venait tout juste d'en repérer une dans un coin, et poussa à la rejoindre Stiles en descendant sa main dans son dos.
- Seul l'alcool a ce pouvoir, Isaac, maugréa l'hyperactif en avançant à contrecœur.
Et si son meilleur ami l'avait traîné ici, il était certain que Stiles n'allait pas se contenter d'un seul verre – pour survivre à cette aventure, il lui en faudrait plusieurs.
Stiles commença par un verre de whisky tandis qu'Isaac préféra se contenter d'un jus. De toute façon, l'alcool ne lui faisait pas le moindre effet du fait de sa nature lupine, alors… Autant taper dans du soft. Il discuta avec Stiles, parlant plus fort pour essayer de se faire entendre malgré la musique ambiante et l'observa vider son premier verre d'une traite. Il fronça légèrement les sourcils et se fit la réflexion qu'il allait devoir surveiller sa consommation… Juste au cas-où.
- Qu'est-ce que tu fais ? S'enquit Stiles d'un ton râleur alors qu'Isaac commençait à adopter, selon lui, une attitude bizarre.
Il regardait partout, semblait scruter chaque personne qui passait, et avait même l'air… De passer les pantalons des hommes au rayon X. Soudain, il se rappela leur conversation dans la voiture.
- Isaac, si t'es en train de faire du repérage pour…
- C'est exactement ce que je fais, le coupa le bouclé sans cesser de zieuter les mâles présents dans la grande salle.
- Mais toi, je vais vraiment te…
- Stiles, tu ne vas rien faire. Je te couche quand je veux.
Un rappel inhérent de sa nature lupine et de cette force incroyable… Qui lui avait brisé une côte par le passé. Le visage d'Isaac se para d'un sourire un peu désolé à ce souvenir. Un sourire qu'une certaine détermination vint élargir. Il faut savoir que boucles d'or était un professionnel du repérage : Stiles ne repartirait pas seul ce soir.
