Potter refusa d'en entendre parler : Kenaran n'aurait aucun accès à l'esprit de Drago, un point c'est tout. Il avait perdu ce droit en refusant de lui demander l'autorisation. Le débat entre le Maléfistinien et le Survivant avait été houleux, et on ne reviendrait pas dessus.

Granger, qui assistait à l'échange, tenta d'argumenter :

« Si ça peut aider à…

– C'est comme ça. Malfoy en a assez fait, je pense. Mon job ici ne consiste pas seulement à punir les détenus mais aussi à assurer leur sécurité !

– Ce n'est pas comme s'il comptait… » tenta à son tour Drago, mais Potter lui coupa la parole :

« Revenir sur ma décision, c'est saper mon autorité, Malfoy ! »

Drago ne prononça pas un mot de plus.

Une nouvelle technique fut expérimentée dans la journée : On désigna l'un des gardes de Kenaran pour servir d'appât. L'homme fut recouvert de charmes de protections thermiques, gavé de chocolat et équipé d'une bulle respirante autour de la moitié inférieure du visage pour éviter un baiser, puis il fut promené en barque autour de l'île. Le Détraqueur ne se montra pas.

Quand une Dottoranda proposa de refaire la même expérience avec l'un des enfants, une dispute violente éclata entre le camp des Britanniques et celui de la délégation Européenne.

Le vieux Monsieur Temrah temporisa les choses en proposant de prendre la place du garde pour le second essai, sa longue expérience des Détraqueurs rendant leur pouvoir inopérant sur lui.

« Vous comprenez, insista longtemps Potter, que celui-ci n'a pas grand-chose à voir avec ses congénères. On ne sait pas comment il s'y prendrait pour vous attaquer. Vous n'avez probablement jamais vécu ça.

– Dites au petit Malfoy, répliqua le vieux en faisant à nouveau rougir Drago de honte, qu'à mon retour, il me faudra un cacao au lait d'amande non sucré, avec une cuillère de miel de châtaigner, et un bâton de cannelle. »

Drago n'assista pas à l'expérience : Il partit préparer le breuvage en se persuadant que celui-ci serait bu puisque Monsieur Temrah s'en sortirait indemne.

Ce fut effectivement le cas : Quand il revint, le vieux avait été réinstallé sous la tonnelle et recouvert de couvertures et de fourrures.

On lui expliqua que le Détraqueur avait surgit des flots, avait saisi son visage, avait eu le temps de refermer sa bouche sur celle de sa victime, mais n'avait pas eu celui d'aspirer son âme : Une véritable armée de Patronus avait été invoquée, autant sous leurs formes animales que murales, et même un nouveau sort de Potter consistant dans une flèche de Patronus tirée en plein cœur de la créature.

Le Détraqueur s'était débattu, ses mouvements avaient renversé la barque et le vieux était tombé à l'eau. La flèche n'avait pas eu d'effet, les murs avaient été pulvérisés sans qu'il ait même besoin de pousser son râle, et si quelques-uns des animaux avaient réussi à le blesser, ou en tout cas, à le faire hurler, il y en avait encore plus qu'il avait fait disparaître d'un simple geste. Ce fut à ce moment du récit que Drago réalisa qu'il manquait effectivement bon nombre des combattants de l'île qui avaient étés transportés soit à l'infirmerie d'Azkaban, soit à l'intérieur du carrosse.

« Il devient plus fort de jour en jour, annonça sombrement le Major Runcorn.

– Où est Po… Monsieur Potter ? demanda nerveusement Drago en tendant un mug brulant à Monsieur Temrah qui leva une main parcheminée pour s'en saisir.

– Il est reparti à sa poursuite. »

Drago faillit hurler et ordonner qu'on lui amène également un balai. En contenant sa rage, il était parti demander aux albatros des nouvelles, mais ceux-ci ne semblaient au courant de rien.

Potter était cependant rapidement rentré, et Drago fut soulagé à la fois de le voir se porter aussi bien que possible, mais surtout de constater qu'il n'était pas parti seul puisque tous les Weasley avaient été de la partie, ainsi que les deux Sorcières jumelles de Kenaran et un Auror.

Bill Weasley, le plus vieux de la fratrie, celui avec son visage aussi abimé que celui de Drago, était mal en point, ne parvenait pas à se déplacer seul, et Fleur Delacour se jeta sur lui pour l'embrasser avec passion avant de le soutenir pour l'amener à l'infirmerie.

Potter adressa un regard d'avertissement à Drago avant d'aller s'enquérir de l'état de santé de Monsieur Temrah.

« Je suis désolé de ce qui vous est arrivé, s'excusa-t-il. Je vais vous faire rapatrier chez vous. Vous avez largement mérité du repos.

– Dites au petit Malfoy, répliqua le vieux, que pour ce soir, ce sera miel de printemps. Pas de tilleul. Avec une goutte de Whisky Pur Feu. »

Le soir était tombé, et la journée de chasse s'arrêta là.

Drago n'eut pas l'occasion de parler à Potter avant que la nuit ne soit franchement entamée. Puisque celui-ci ne venait pas le rejoindre dans son, lit, il se dirigea de lui-même vers le logement que le jeune Directeur s'était attribué. Il s'apprêtait à frapper à la porte quand il entendit des voix en provenance de l'intérieur :

« Non, je t'assure que tu as bien fait, disait la voix de Granger. D'ailleurs, le Professore nous a déjà montré qu'il était efficace à plusieurs reprises, tu…

– Harry n'a pas tort, l'interrompit celle de Weasley. Regarde : Weiss, Temrah, Bill… On tombe les uns après les autres alors que de leur côté, rien. Kenaran est doué pour critiquer, mais dès qu'il s'agit de réellement mettre les siens en danger, il…

– Arrête, Ron, gémit enfin Potter. C'est entièrement ma faute pour Temrah et Bill : Lui avait proposé l'un des enfants, et…

– Et tu as eu parfaitement raison de t'y opposer ! » s'exclamèrent Granger et Weasley d'une même voix.

« Harry, reprit Granger au bout d'un moment. Tu ne dois pas refuser son aide ou le renvoyer. D'abord, ça créerait un incident diplomatique, et puis…

– On s'en fiche des incidents diplomatiques.

– Et puis on ne va pas tous pouvoir rester aussi longtemps qu'on le voudrait… Je veux dire… Tu sais bien que Ron et moi, on sera là autant que nécessaire : Shacklebolt peut me menacer tant qu'il voudra, mon travail passe évidemment au second plan. Ginny aussi a bien compris que tout ça était plus important que les Harpies de Holyhead. Mais Savage et Williamson ne pourront pas prolonger leur congé indéfiniment. Bill et Fleur aussi vont devoir retourner au travail. Tu ne peux pas empêcher tes Majors de prendre du repos, et…

– Je sais, je sais, gémit une nouvelle fois Potter. Je vais trouver une solution, Hermione, je te promets… »

La conversation s'arrêta un moment, et Drago hésita à nouveau à frapper, mais Weasley reprit la parole :

« Entre nous, c'est une si mauvaise idée que ça, d'utiliser Malfoy comme appât ? Je veux dire : On a tous vu qu'effectivement le Détraqueur semblait être plus attiré par lui que par tes Surveillants. Alors je ne sais pas si c'est sa marque des Ténèbres, le fait qu'il n'ait pas de baguette, ou quoi, mais c'est un détenu, et s'il perd son âme, personne ne t'en voudra pour ça…

– Ron ! râla Granger.

– Et j'ai pas fini : Malfoy est à peine humain, et rien ne prouve que les Détraqueurs soient capable d'embrasser les fouines ! »

Les trois Sorciers ricanèrent et Drago baissa la main.

« Je vais même pas en parler avec lui, expliqua Potter. Vous l'avez vu : il a un comportement complètement suicidaire avec ce Détraqueur. Il y va sans baguette, il prend des risques complètement insensés. Parfois je me dis qu'il a tellement fréquenté de Détraqueurs avec Voldy qu'il ne se rend pas compte de la dangerosité du truc.

– Raison de plus, si tu veux mon avis, répondit Weasley.

– En fait, la première fois que le Détraqueur est apparu… »

Potter raconta le souvenir de Mullan qu'il avait pu examiner : Le Détraqueur qui n'avait pas attaqué, les albatros qui l'avaient protégé…

« Maintenant que je le vois à côté de Temrah, je peux pas m'empêcher de me demander si ce n'est pas un peu la même chose : Il serait peut-être devenu insensible à force de fréquenter trop de Détraqueurs, d'être resté seul trop longtemps, d'avoir été bousillé à coups de Doloris, tout ça…

– Si c'était le cas, tu aurais remarqué le même comportement chez beaucoup de Mangemorts, supposa Granger. Non, tu as raison de le garder à l'œil, comme ça : Je ne pense pas que leurs situations soient comparables.

– Il y a quand-même une certaine ressemblance physique entre les deux. Déjà au niveau de la mâchoire… » plaisanta Weasley, et à nouveau, les trois amis rirent joyeusement.

La discussion reprit jusqu'à ce que Potter prétende tomber de fatigue. Drago s'éloigna de la porte, s'adossa à l'entrée du porche qui se trouvait à distance raisonnable et attendit de voir sortir les visiteurs de Potter.

Quand Weasley le vit, il grinça aussitôt :

« Qu'est-ce que tu fous ici, Malfoy ?! Tu nous espionnais ?

– Pourquoi, Weasley ? Tu as des choses à cacher ?

– Malfoy, intervint Granger tandis que le rouquin sortait sa baguette, Harry est fatigué. Si ce que tu as à lui dire concerne la gestion de la prison, je pense que ça peut attendre.

– Rassure-toi, Granger : Potter est tout à fait capable de me le dire, quand je deviens indésirable.

– Malfoy ? » Potter venait de rouvrir sa porte. « Il me semblait bien avoir entendu ton nom ! Génial, entre ! J'espère que t'as ramené ta plume, on a des tas de trucs à voir ensemble ! »

Drago adressa un regard condescendant à Weasley avant de rejoindre Potter.

« Bonne nuit les gars, à demain ! » s'exclama celui-ci avant de refermer sa porte.

Drago fit le tour de l'unique pièce et s'assit sur le petit bureau d'architecte qui meublait chaque logement.

« Tu fais la gueule ? demanda Potter en venant se poster devant lui.

– Non.

– Et tu fais bien. On était sept ! Je peux pas faire mieux. »

Drago sourit légèrement.

« Je suis soulagé que tu y aies pensé, Potter.

– Bon… » conclut ce dernier, penaud mais satisfait en se rapprochant et en venant poser ses mains de chaque côté des cuisses de Drago. « Tu n'es pas venu me faire signer une nouvelle commande de miel pour le vieux, j'espère ?

– Non.

– Tu es venu pour terminer notre discussion de tout à l'heure ? susurra-t-il en jouant des sourcils.

– Non. Et je refuse de parler de ça ici. Je te l'ai déjà dit : Les bâtiments ne sont pas assez solides pour supporter un assurdiato. On entend absolument tout de l'extérieur.

– Ouais, il faudra que je m'occupe de ça, d'ailleurs », marmonna-t-il en reculant de quelques centimètres.

Drago haussa les sourcils. Au moins, Potter ne pourrait pas lui reprocher d'écouter aux portes.

« Bon, dans ce cas, j'abandonne. Qu'est-ce que tu fais là ? »

Drago sourit légèrement :

« Tu me manquais », prétendit-il.

Le lendemain, on remarqua que le Détraqueur avait tenté à plusieurs reprises, pendant la nuit, d'attaquer à nouveau le dôme de protection de l'île : Son sang noir s'étalait en une dizaine d'endroits différents, en couches plus ou moins épaisses. La pluie qui n'avait pas cessé de la nuit en avait délayé et nettoyé une partie, et avait probablement aidé à atténuer son pouvoir de corrosion. On ne pouvait toutefois pas miser uniquement sur la météo capricieuse pour protéger les lieux, et on instaura de nouveaux tours de gardes, jours et nuits.

Plusieurs des Surveillants Brigadiers, venus faire leurs rapports journaliers à Drago, lui firent savoir que leurs équipes souhaitaient participer. Drago les éconduit tous en prétendant que veiller sur la population carcérale était leur seule et unique priorité : On n'avait pas besoin d'une émeute en plus…

Johnson l'inquiéta franchement quand il lui répondit :

« Justement : Pour éviter une émeute, je pense que régler les choses le plus rapidement possible est la meilleure solution, et pour cela, Monsieur Potter a besoin de toutes les forces disponibles. Ils savent tous qu'il se passe quelque chose. Ils ont remarqué que les menus du réfectoire ne comportaient plus de produits frais, ils savent qu'il y a eu de la casse et des blessés. »

L'homme dû sentir la panique de Drago, puisqu'il précisa :

« Ça ne commencera pas au corridor 3. Votre père et Monsieur Dolohov attendent tous deux que l'autre fasse le premier pas. Ils ont tous les deux perdus des hommes de valeur dans les personnes de Carrow, Jugson et Rockwood. »

Drago promit de s'en occuper.

Ce jour-là, on ne mit pas en danger Monsieur Temrah, et le Détraqueur ne se montra pas : Potter voulait d'abord analyser les raisons qui avaient fait échouer leur précédente tentative. On parla à nouveau des Patronus Chimériques, et on hésita à faire des tests, malgré leur dangerosité. Finalement, Kenaran et Potter s'exilèrent une partie de la journée dans le hangar, et ils revinrent avec un nouveau sort pour produire des Patronus en forme de cordes ou de lassos. Tous s'entraînèrent, mais les mines étaient fatiguées, et les résultats franchement médiocres.

A un moment de la journée, l'une des petites filles qui accompagnait la délégation du Maléfistinat vint le voir, les mains croisées dans le dos, les joues rosies par la gêne, et poussée par ses camarades qui gloussaient.

Elle baragouina une question en Italien. Drago tenta de répondre en Français. Finalement, ils se mirent d'accord sur un Grec ancien bancal.

Elle demanda si c'était le Détraqueur qui lui avait croqué le visage. Il répondit avec un vocabulaire pauvre et des phrases simplistes que non, il s'était fait ça tout seul, qu'il avait été un homme méchant et qu'il lui était donc arrivé de méchantes choses.

Elle demanda si les méchantes actions qu'il avait faites étaient celles qui l'avaient conduit en prison. Il répondit que non, qu'il s'agissait alors de choses encore plus méchantes.

Enfin, elle demanda, en riant et en détournant les yeux, s'il avait enfin compris qu'il fallait cesser d'être méchant. Drago ricana à son tour, et lui expliqua que les hommes méchants ne cessaient jamais vraiment de l'être, mais qu'il avait au moins arrêté ses mauvaises actions.

La gamine gloussa et se sauva pour répéter ses découvertes à ses amis.

Fleur Delacour, qui s'était approchée discrètement dès qu'elle avait vu la petite s'adresser au du détenu au caractère revêche, lui jeta alors un drôle de regard et sembla hésiter à parler.

En fin d'après-midi, Drago profita d'une minute d'accalmie pour Potter – Celui-ci sortait des toilettes – pour l'informer qu'il comptait se rendre à l'infirmerie pour aider à nourrir Carrow avant que le diner ne soit servi à la patinoire. Il hocha la tête, visiblement épuisé, et murmura : « Je t'y rejoins. »

Le précédent contact avec le malade datant seulement de la veille, celui-ci fut plus facile à faire obéir : « ouvre » et « mange » suffisaient à ce qu'il ne s'étouffe pas trop.

Potter débarqua au moins une heure plus tard. Drago en avait même profité pour faire la toilette du détenu, notamment son crâne, dont les cheveux mal peignés avaient dissimulé des plaques d'eczéma et des squames répugnants. Il en était à coiffer ses cheveux en arrière quand Potter arriva.

Ce dernier pénétra le carré de soin dédié au détenu, referma le rideau derrière lui, et vint enlacer Drago, lui fourrer le nez dans le cou, et inspirer profondément. Aussitôt, celui-ci lui rendit son étreinte.

Après un long silence immobile, Potter gémit dans son cou :

« Merci d'être là… »

Cela fit sourire Drago qui lui déposa un petit baiser sur la tempe.

« Je n'ai pas trop le choix, répondit-il. Je suis prisonnier, tu te souviens ?

– Quand cette affaire sera finie, je ferais en sorte que tu puisses avoir une remise de peine. » Drago se figea. « Je sais pas encore comment je vais m'y prendre. Peut-être… Je sais pas… Proposer des travaux d'intérêt général à la place, ou… »

Drago eut du mal à comprendre le reste de son discours. Il était improbable que Potter cherche à se débarrasser de lui. Encore une fois, tout ceci partait d'une bonne intention. Azkaban était dangereuse – aussi bien la prison que l'île – et Potter voulait sa sécurité. C'était un comportement logique et bienveillant, tout à fait du genre du généreux Harry Potter et de ses travaux de réhabilitation en faveur des loups-garous, ou…

« Tu m'écoutes ? »

Drago avala sa salive.

« Je… Je ne sais pas quoi te dire. Pour le moment, je n'ai pas l'impression que ce soit une bonne idée.

– Je ne dis pas ça pour qu'on s'éloigne. Au contraire, même.

– Je sais.

– Je vais pas faire ça dans ton dos, promit Potter en lui caressant doucement le visage. On en discutera. T'auras ton mot à dire. Bien sûr je t'imposerai rien.

– Potter, je… Je n'ai pas annulé ton rendez-vous de demain avec la psychologue. »

Les yeux verts se perdirent un instant sur le côté.

« Je ne savais pas ce qui comptait le plus pour toi… précisa Drago.

– Ouais… On va… On va annuler celui-là. Un seul manquement, c'est pas si grave. Je m'en occupe avec Hermione. »