Disclaimer : tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. Les autres personnages sont à moi et ceux de la mythologie à tout le monde. Je n'ai pas d'informations précises concernant certains personnages de Saint Seiya, j'ai donc mis ce que m'arrangeait.
Résumé : Un Sanctuaire inconnu va se retrouver mêlé, contre son gré, aux problèmes que va rencontrer celui d'Athéna à cause d'une nouvelle menace non divine. Pour la combattre, les Chevaliers, les Spectres, les Marinas et les Guerriers Divins vont être ramenés à la vie. L'histoire se déroule après la Guerre Sainte contre Hadès.
NOTE IMPORTANTE : cette histoire a été écrite en 2007/2008. Elle n'est donc pas nouvelle. Mais lorsque je l'ai relu et que j'ai vu toutes les fautes qui m'avaient échappé, j'ai eu honte d'avoir publié un texte aussi épouvantable avec des erreurs d'école primaire. Je ne l'ai pas réécrite pour lui conserver l'esprit dans lequel je l'ai rédigé et le charme qui a plu à l'époque, mais je l'ai corrigée. Il doit certainement rester des coquilles, mais au moins, je me sens moins embarrassée de présenter ce texte. Vous y trouverez certainement de la naïveté et de la simplicité. Je n'ai pas éliminé la première version pour conserver les commentaires qui m'ont tant fait plaisir à l'époque.
Si vous la lisez, j'espère qu'elle vous plaira. Et si vous la relisez, vous apprécierez peut-être de la redécouvrir. N'hésitez pas à le dire, je n'ai jamais mordu mes lecteurs. ^^
Quoi qu'il en soit, bonne lecture.
Chapitre II
Sanctuaire de la Déesse Athéna, mi-décembre 1986
Cinq corps venaient d'apparaître sur l'esplanade où s'élevait quelques heures plus tôt l'immense statue de la Déesse Athéna. L'onde de cosmoénergie dégagée avait ameuté tous les Chevaliers présents. Ils avaient bien compris qu'Hadès avait été vaincu, puisque l'Ultime Eclipse avait été stoppée et depuis, ils attendaient de voir ressurgir ceux qui avaient, une fois encore, sauvé l'Humanité.
Cette onde déferla sur le Domaine Sacré provoquant un sentiment de joie intense. Marine et Shaina se regardèrent, inquiètes malgré le soulagement qu'elles ressentaient aussi. D'un même mouvement, elles s'élancèrent vers les Douze Temples du Zodiaque et commencèrent à gravir les marches suivies de loin par des Chevaliers moins rapides qu'elles.
Lorsqu'elles arrivèrent en haut, elles virent Saori et les Bronze qui tentaient de se redresser, encore faibles et tremblants. Shaina s'approcha de la Déesse et lui posa une main sur l'épaule la faisant sursauter.
— Princesse, murmura le Chevalier d'Ophiuchus, vous êtes saufs. C'est terminé.
Saori tourna vers elle son beau regard bleu, mais ne semblait pas la reconnaître. Elle prit la main de Shaina et la serra.
— Il est mort, souffla la jeune fille. Je n'ai pas su le protéger…
Shaina sentit un étau lui broyer le cœur. Baissant la tête, le Chevalier d'Argent secoua ses cheveux verts de droite à gauche dans un mouvement de refus. Elle savait de qui parlait la princesse. Seiya. Celui qu'elle avait cru haïr lorsqu'il avait obtenu l'armure de Pégase en battant son apprenti, Cassios. Puis, lorsqu'elle avait voulu lui reprendre l'armure, il avait fendu son masque en la combattant et avait vu son visage. De par la loi des femmes Chevaliers, elle devait soit le tuer, soit l'aimer. Elle n'avait pas pu le tuer. Elle savait qu'Athéna aimait aussi Seiya, mais pas de la même façon. Elle l'aimait d'un amour pur et platonique. Mais qu'en était-il des sentiments de Saori ?
La jeune femme aida sa Déesse à se relever, faisant fi des larmes qui coulaient sur ses joues, sous son masque. Puis la colère remplaça la détresse et Shaina, de rage, arracha ce déguisement pour le jeter loin d'elle, dévoilant son visage à tous ceux qui étaient enfin arrivés sur l'esplanade. Athéna la regarda un instant, interdite, mais ne dit rien. Tous pénétrèrent dans la salle du conseil du Palais. Les quatre Chevaliers Divins se laissèrent tomber dans les fauteuils, épuisés physiquement et moralement, leurs armures en miettes. Ils savaient que leur frère était mort, que jamais plus ils ne le reverraient, jamais plus ils n'entendraient son rire, sa voix, son humour si particulier. Jamais plus ils ne l'entendraient les encourager à se surpasser encore et encore, pour accomplir l'impossible.
Sorties de nulle part, de l'eau et de la nourriture apparurent devant leurs yeux. Ils n'avaient pas réalisé à quel point ils étaient assoiffés et affamés. Ils prirent ce qui leur était offert, mais ne purent pas avaler grand-chose. Ils avaient la gorge trop serrée.
— Princesse, que s'est-il passé ? demanda enfin Hyoga d'une voix éteinte. Il était dans nos bras et... il a disparu.
— Je ne sais pas, répondit-elle sur le même ton. J'étais à bout de force, je n'étais pas sûre de pouvoir nous ramener, j'étais concentrée sur notre retour. J'ai ressenti une puissante cosmoénergie nous envelopper et… et Seiya s'est volatilisé.
— Moi aussi j'ai senti ce cosmos, dit Ikki.
— C'était celui d'un Dieu, j'en suis certain, poursuivi Shun. Il avait la même particularité que les cosmos des Dieux.
— Qu'est-ce que tu veux dire par "la même particularité" ? demanda Shiryu.
— Je saurais pas l'expliquer. Hadès m'a possédé et c'est là que j'ai découvert que son cosmos avait un point commun avec celui d'Athéna. Je ne sais pas comment appeler ça, peut-être… l'empreinte de l'immortalité. Et cette cosmoénergie avait cette particularité identique. C'est pour ça que je suis certain que c'était un Dieu.
— Je n'ai pas senti cette similitude entre le cosmos d'Athéna et celui de Poséidon lors de la bataille du Sanctuaire sous-marin, répliqua Ikki. Ils avaient une puissance incroyable, mais c'est tout.
— Peut-être, comme je l'ai dit que je perçois cette différence parce qu'Hadès m'a possédé.
— Je crois que Shun a raison, intervint Athéna. Plus j'y pense et plus j'ai la sensation d'avoir déjà rencontré ce cosmos. Mais c'est tellement loin…
Chacun replongea dans ses pensées tandis que les autres Chevaliers s'occupaient d'eux. Marine avait elle aussi ôté son masque. Il lui semblait qu'elle respirait mieux sans. Seiya avait été son élève, son disciple. Elle lui avait appris tout ce qu'elle pouvait. Puis il avait gagné son armure et avait poursuivi sa formation seul, sans elle, au fil de ses combats. Il avait atteint le septième sens, puis le huitième et il était devenu un Chevalier Divin ainsi que ses compagnons. Ils étaient devenus aussi puissants, sinon plus, que les Chevaliers d'Or eux-mêmes.
Shaina avait réveillé les employés du Palais pour qu'ils préparent des chambres. Athéna et les Chevaliers avaient besoin de se reposer afin de trouver le courage de reprendre le cours de leur vie. Ils se laissèrent guider jusqu'à leur lit. C'est à peine s'ils eurent le temps d'enlever les restes déchiquetés de leurs armures avant de s'écrouler comme des poupées brisées et de glisser dans un profond sommeil sans rêves…
Seiya ne sentait plus la douleur fulgurante qui lui avait traversé la poitrine. Il se souvenait de s'être jeté devant Athéna pour la protéger alors que l'épée d'Hadès filait droit sur sa Déesse. Il avait entendu son hurlement en même temps qu'il avait ressenti la lame se frayer un chemin jusqu'à son cœur. Et puis plus rien. Il n'avait plus aucune sensation. Plus de douleur, plus de peur, pas même les cosmos de ses frères ni celui d'Athéna ne lui parvenait. Pourtant il percevait une puissante cosmoénergie qu'il ne connaissait pas. Il se sentait en sécurité, il savait que tant qu'elle serait là, il ne lui arriverait rien de mal. Il se détendit, se laissa envahir par cette présence, par sa douceur, sa gentillesse, son Amour. Ce cosmos ressemblait à celui de Saori, mais ce n'était pas le sien. Il glissa dans cette douceur et ce bien-être. Si c'était cela d'être mort, ça n'avait rien de si effrayant. "Ce n'est pas si terrible de mourir, j'ai fait mon devoir de Chevalier d'Athéna j'ai sauvé ma Déesse. Non, ce n'est si terrible…" pensa-t-il avant de sombrer dans le néant…
Sanctuaire de la Déesse Gaïa, mi-décembre 1986…
La reine Physia, Tyrin, le Commandant Suprême et Kamryl qui était devenue l'Oracle depuis la mort de Zinya en 1979, attendaient dans la chambre de la clinique. Elles savaient que la Déesse allait leur apporter un chevalier d'Athéna. Une douce lueur inonda le lit puis elle fut si intense que les trois femmes durent fermer les yeux. Quand elles les rouvrirent, il y avait un jeune garçon, torse nu, une blessure béante au milieu de la poitrine. Il ne semblait pas plus vieux que celui qui dormait dans une autre chambre depuis treize longues années, depuis qu'elles l'avaient soustrait à la mort.
— Voici le second, murmura Tyrin. Il n'est pas en meilleur état que l'autre quand on l'a trouvé.
Dans un coin de la pièce l'amure divine de Pégase dans un état lamentable était également apparue sous sa forme totem sans que personne n'en fût étonné.
— N'oublie pas qu'il vient d'affronter le Dieu Hadès, lui sourit sa reine.
— Nous devons empêcher le premier de vieillir davantage, leur rappela Kamryl. Je vais auprès de lui pour invoquer la Pouvoir de la Flamme.
Quand elle eut quitté la chambre, le médecin et ses infirmières entrèrent. Après un rapide examen, la femme en blouse blanche eut un soupir de soulagement.
— Son cœur n'est pas touché, mais il s'en est fallu d'un poil. Il a un poumon perforé, de multiples fractures et une commotion cérébrale. Son cosmos est encore perceptible et devrait aider à la guérison des plaies les moins graves. Pour les autres, je vais devoir l'opérer d'urgence. Pour l'instant je vais arrêter l'hémorragie.
— Fais ce qu'il faut Doc, mais sauve-le ! lui intima la Reine.
Le médecin enflamma son cosmos et frappa de son doigt la poitrine de Seiya comme Koris l'avait fait treize ans plus tôt sur le Chevalier du Sagittaire. Physia et Tyrin sortir de la chambre laissant le Chevalier entre les mains du médecin. Elles allaient entrer dans l'autre pièce quand Kamryl en sortit.
— C'est fait, il est en stase, répondit-elle à la question muette des autres femmes.
— Comment va-t-il ? demanda Tyrin
— Pour quelqu'un qui est dans un sommeil artificiel depuis tant de temps, je dirai qu'il va extraordinairement bien.
— Maintenant il va falloir faire la même chose avec l'autre s'il survit à ses blessures et à l'opération, fit la reine songeuse.
— Si au moins on savait combien de temps on doit les garder, rétorqua Tyrin d'un ton frustré.
— Zinya a dit qu'elle avait vu de nombreuses silhouettes masculines, leur rappela Kamryl. On doit s'attendre à en voir arriver d'autres.
— Je n'arrive pas à comprendre où Gaïa veut en venir, poursuivit Physia. La Guerre Sainte s'est terminée sans que nous y participions, Athéna a vaincu ses ennemis alors pourquoi doit-on garder ces Chevaliers ? Ça n'a pas de sens !
La reine venait de dire tout haut ce que les deux autres et toutes celles qui étaient au courant de la situation pensaient tout bas. Soudain Kamryl saisit le bras de Tyrin avec violence la faisant sursauter.
— Hé ! Mais qu'est-ce…, commença-t-elle à protester.
— Tais-toi ! la coupa la reine. Elle a une vision…
Kamryl tremblait légèrement et son regard était vide. Ce n'était pas vraiment une vision, mais plutôt une sensation diffuse de mal être. Quelques images furtives se formèrent dans son esprit, mais assez précises pour qu'elle en saisisse tout le sens et se mette à tressaillir plus fort. Brusquement son bras retomba, elle lâcha Tyrin et s'effondra sur l'une des chaises du couloir de la clinique. Le Commandant Suprême alla lui chercher de l'eau alors que la reine s'asseyait à côté d'elle.
— Kamryl, commença-t-elle doucement, dis-moi ce que tu as vu.
L'Oracle vida d'abord d'un trait le verre d'eau que lui tendait Tyrin et se frotta les yeux dans un geste illusoire pour s'éclaircir les idées.
— La Guerre Sainte n'est pas terminée, laissa-t-elle tomber d'une voix sans timbre. Le pire est à venir. J'ai vu des cadavres. J'ai aussi vu des hommes allongés comme les deux autres. Des chiffres aussi, deux 9, un 1 et un 8
— Une date ? fit la reine
— 1998. C'est peut-être la date à laquelle les combats reprendront, suggéra Tyrin.
— Non je ne crois pas, les chiffres flottaient au-dessus des corps allongés. Je pense que ce sera dans le courant de cette année 1998 que nous les verrons chez nous.
— 1998 ? Mais c'est dans douze ans ! Sais-tu combien ils seront ? demanda encore Physia.
— Non pas exactement, douze ou quinze peut-être.
— Douze ou quinze ? hoqueta Tyrin. Par les Dieux ! On va se retrouver avec toute la Chevalerie d'Athéna ici si ça continue !
— On n'a pas vraiment le choix, répliqua la reine. Le premier Chevalier, nous sommes allées le chercher. Pour le second, c'est Gaïa qui nous l'a amené. Elle peut donc en ramener autant qu'elle veut.
— Non, Elle l'a ramené parce qu'il était dans les Enfers et c'est Elle qui l'a protégé, déclara Kamryl contredisant sa souveraine. On ne peut pas descendre vivant dans les Enfers sans s'être éveillé au huitième sens. Ce chevalier l'a obligatoirement découvert puisqu'il a combattu au côté d'Athéna.
— Mais comment a-t-il pu découvrir le huitième sens alors qu'il si jeune ? se demanda la reine.
— Ce n'est pas une question d'âge, mais de foi, expliqua Tyrin. Si tu es persuadé que ce pourquoi tu te bats est une cause juste, une cause bonne, si au fond de toi tu es certain d'être du bon côté de la barrière parce que tes combats passés te l'on prouvé à maintes reprises, et si tu as une confiance aveugle et absolue en ceux qui combattent à tes côtés alors tu peux t'éveiller au huitième sens. Il est au-delà du septième sens. Il transcende la notion même de la vie et de la mort.
— Et on sait que les Chevaliers d'Athéna se battent pour la Paix, la Justice, la Liberté et l'Amour, poursuivit Physia. Ils ont vaincu les Guerriers Divins d'Asgard, Poséidon et ses Généraux des Mers ainsi qu'Hadès et ses Spectres.
— Seule leur foi inébranlable dans leur Déesse et leur cause leur a permis d'accomplir tout ça et de s'éveiller au huitième sens, termina Kamryl.
Pendant quelques secondes, elles se turent, chacune perdue dans ses réflexions.
— C'est vrai que ce sont de sacrés p'tits gars, sourit Tyrin.
— Les Chevaliers d'Or n'ont pas démérité non plus, renchérit la reine. Ça me rappelle que le médecin m'a dit avoir observé une augmentation de l'activité cérébrale du premier Chevalier pendant presque une trentaine de minutes un peu avant que Gaïa ne nous amène le second. Elle l'avait remarqué à plusieurs reprises dans le courant de ces derniers mois, mais pas façon aussi intense.
— Une augmentation de l'activité cérébrale ? répéta Tyrin.
— Elle n'a pas pu m'expliquer pourquoi, mais c'était très net et sans équivoque. Elle suppose qu'il faisait un rêve, mais que pour lui c'était réel.
— Et pour l'armure, qu'est-ce qu'on fait ? On la laisse là où elle est ? se rappela Physia.
— De toute façon on ne pourra pas la toucher, fit l'Oracle. C'est son armure à lui. S'il est menacé d'une quelconque manière, elle recouvrira son corps pour le protéger même dans l'état lamentable où elle est. Ou bien l'amure du Sagittaire. Il l'a revêtue à plusieurs reprises pendant ses combats.
— Espérons qu'elle ne prendra pas l'intervention chirurgicale comme une danger, sinon ça risque de faire désordre au bloc ! plaisanta Tyrin avec un sourire en coin.
— Tu dis que l'armure du Sagittaire l'a revêtu à plusieurs reprises au cours de cette année ? questionna l'Oracle qui venait de faire un rapprochement dont elle voulait vérifier la logique.
— Oui, pourquoi ?
— Nous avons une chronologie précise des évènements qui se sont produits au cours de cette année grâce à nos espionnes. Je vais demander au médecin les dates où elle a observé l'augmentation de l'activité cérébrale du Sagittaire. Je pense que la comparaison pourrait nous en apprendre un peu plus sur ses réactions.
Se sentant mieux, Kamryl se leva, mettant un terme à leur discussion. Il y avait finalement plus de questions que de réponses. Les trois femmes sortirent de la clinique et regagnèrent le Palais pour la reine et son Commandant Suprême, sa villa pour Kamryl. Tout n'était pas encore terminé, le pire semblait se profiler dans le lointain.
L'oracle vérifia son intuition sur les rapports informatiques qu'elle avait à sa disposition. Elle ne s'était pas trompée. Chaque période d'augmentation de l'activité cérébrale du Chevalier du Sagittaire correspondait aux moments où son armure avait protégé le Chevalier Pégase. Et la dernière période, quelques heures plus tôt, où il avait rejoint ses frères devant le Mur des Lamentations pour le détruire. Il n'y avait aucun doute. Même par delà la mort, ces chevaliers d'Or étaient capables d'accomplir des miracles…
Sanctuaire d'Athéna, quarante-huit heures plus tard…
Un rayon de soleil se glissa entre les rideaux tirés de la fenêtre de la chambre et caressa le visage de la jeune fille endormie dans l'immense lit. D'un geste inconscient, elle passa sa main devant ses yeux encore fermés, gênée par cette lueur qui se frayait un chemin derrière ses paupières. Elle tourna la tête, émergeant lentement du sommeil dans lequel elle était plongée depuis presque deux jours et ouvrit enfin les yeux. L'espace d'un instant, elle se demanda où elle pouvait bien être et brusquement la vague de souvenirs déferla en elle avec une puissance qui lui coupa le souffle. La douleur qu'elle éprouva fut si intense que son hurlement resta dans sa gorge. Elle se mit à suffoquer, incapable de respirer convenablement. Elle était étendue sur le dos, les bras écartés, la bouche ouverte à la recherche d'un souffle d'air comme un poisson hors de l'eau. Elle aurait voulu se contrôler, mais elle avait trop mal. Des larmes brûlantes coulèrent sur ses tempes. Elle se laissa aller, ne pouvant rien faire d'autre. Elle se recroquevilla et pleura longtemps, les genoux repliés sur sa poitrine en position fœtale, les yeux ouverts sans rien voir d'autre que le corps de son Chevalier transpercé par une épée. Puis le flot de larmes se tarit, la raison reprit ses droits et Saori se remit à penser.
Athéna sentait sa douleur comme si c'était la sienne. La jeune fille n'avait que treize ans et parce qu'elle avait choisi de s'incarner en elle, elle avait subi des épreuves que jamais une enfant de cet âge ne devrait connaître. Et ces Chevaliers, hein ? Tous ces Chevaliers qui s'étaient sacrifiés pour qu'elle vive et continue à protéger l'Humanité, ils n'avaient pas commencé à profiter de la vie que déjà ils étaient morts. Tous ces jeunes gens si forts, si beaux, si dignes et fiers disparus à l'aube de leur existence. Athéna était écœurée par tous ses destins gâchés à cause des caprices des Dieux et leurs ambitions démesurées. Ne pouvaient-ils une fois pour toutes laisser la Terre aux hommes et mettre un terme à ses massacres ? Elle soupira, sachant pertinemment qu'elle prêchait dans le désert. Les Guerres Saintes ne s'arrêteraient jamais et elle serait toujours là pour s'opposer à ceux qui voudront détruire la Terre ou réduire les Hommes en esclavage et leur faire endurer mille maux. Mais au moins, elle pouvait faire certaines choses pour ses Chevaliers, du moins ceux qui lui restaient et ceux qui reformeraient sa Chevalerie dans les années à venir.
— Saori ? Tu m'entends? demanda la Déesse en s'adressant à l'esprit de la princesse.
— Oui Athéna, je t'entends… toujours, murmura la jeune fille dans un soupir de lassitude.
— J'ai beaucoup réfléchi et j'ai pris certaines décisions, mais j'ai besoin de toi pour les mettre en application.
— Laisse-moi tranquille ! La Guerre est terminée, tu as gagné alors laisse-moi vivre ma vie maintenant !
— Ce n'est pas aussi simple, il y a encore une échéance. Oh…, elle n'est pas pour tout de suite, mais elle est inévitable.
— Comment ça encore une échéance ? Qu'est-ce que tu racontes ?
— Une nouvelle bataille se profile. J'en ai eu la certitude lorsque nous revenions des Enfers. J'ai besoin de toi. Ne m'oblige à te forcer la main!
Saori sursauta et s'assit sur le lit. Elle sentait la colère monter en elle. Alors ce n'était pas fini, elle allait encore devoir se battre et souffrir pour Athéna ?
— Pourquoi ? Tu m'as pris tout ce que j'avais de plus cher au monde ! J'ai souffert dans mon corps et je souffre dans mon cœur et mon âme ! Qu'est-ce qu'il te faut de plus ? Va te réincarner dans un autre corps ou utilise le tien pour une fois et fous-moi la paix !
Elle avait hurlé ces dernières paroles en s'écroulant en pleurs sur le lit. Elle ne voulait plus se battre, elle n'en avait plus le courage. Elle en avait assez de voir le sang couler et mourir ces jeunes garçons qui luttaient pour ce qu'elle représentait.
— Saori, je t'en prie. Habille-toi et allons nous promener. Je t'expliquerai ce que je souhaite que tu fasses. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est mieux que rien. Je t'en prie, fais-moi confiance, s'il te plaît…
La Déesse laissa ces mots faire leur chemin dans l'esprit et le cœur de Saori. Elle savait que tôt ou tard la jeune fille se rangerait à ses côtés. Mais elle avait subi un énorme traumatisme psychologique et il lui faudrait du temps pour s'en remettre. Au bout de presque une demi-heure, Saori se leva et se dirigea vers la salle de bains. Elle entra sous la douche et ouvrit l'eau. Elle laissa le liquide couler sur elle comme s'il pouvait emporter avec lui toute cette douleur, toute cette tristesse qu'elle sentait lui coller comme une seconde peau. Puis les automatismes reprirent le dessus. Une éponge, le gel de douche, le shampooing… Lorsqu'elle eut terminé, il lui sembla qu'elle venait de renaître. La Déesse l'avait entourée de son cosmos si doux et aimant, la soutenant, l'encourageant et Saori lui en était reconnaissante. Et puis, elle était curieuse de savoir ce qu'Athéna avait à lui dire. Elle enfila un jeans délavé, un pull-over bleu, une paire de bottes et attacha ses cheveux mauves en une queue de cheval haute sur son crâne. Elle attrapa un gros blouson, car un mois de novembre même en Grèce ce n'était quand même pas les Tropiques. En sortant de sa chambre, elle tomba sur un garde qui s'inclina devant elle.
— Où sont Shaina et Marine ? lui demanda-t-elle avec un sourire qui fit chavirer le cœur du jeune homme.
— Euh… elles… elles sont au mess des officiers, Princesse, bégaya le pauvre bougre.
— Merci !
Elle lui tourna le dos et s'en fut, d'un pas léger. Elle entra dans la pièce où se réunissaient les officiers de sa garde pour les repas et les moments de détente. Elle y trouva les deux jeunes femmes assises à l'écart devant une grande cheminée qui chauffait toute la pièce. Elles ne portaient plus leur masque, mais la Déesse ne releva pas l'entorse au règlement. L'apercevant, tous mirent un genou à terre.
— Relevez-vous, je vous en prie, dit-elle, je voulais juste vous informer que je vais aller me promener dans le Sanctuaire et que je veux le faire seule. Sans escorte.
Des murmures de protestations s'élevèrent, mais elle les fit taire d'un geste de la main.
— C'est non négociable et si jamais j'en vois un ou une, fit-elle en coulant un regard entendu vers Marine et Shaina, qui me suit, il ou elle aura droit à une petite semaine de cachot. Et je ne plaisante pas ! termina telle en haussant le ton. Pour l'instant la paix est rétablie et dans le Sanctuaire je ne risque rien. Et si les Chevaliers Divins vous posent des questions, vous n'aurez qu'à dire que vous ne m'avez pas vu. Est-ce bien clair ?
Elle les regarda tous les uns après les autres dans les yeux pour être bien sûr que le message était bien compris. Elle sortit du mess et du palais et entreprit la longue descente des escaliers, en traversant chaque Temple. Cette fois c'est Saori qui sentit la tristesse d'Athéna. Le premier qui se dessina devant elle était celui des Poissons. Aphrodite, le Chevalier d'Or qui en était le gardien s'était fourvoyé faisant passer ses intérêts avant ceux de sa Déesse et des Hommes, mais il avait fini par s'amender et par-delà la mort il s'était battu pour elle. Le suivant était celui du Verseau. Camus, glacial Chevalier, imperturbable, si maître de lui et de ses émotions, le Chevalier d'Or du Capricorne, celui à qui la Athéna avait offert la légendaire épée Excalibur, Shura en avait hérité comme ses prédécesseurs. En arrivant devant le Temple du Sagittaire vide depuis treize longues années, Athéna fit une halte et ses yeux se portèrent sur le fronton. Aïoros…, il avait donné sa vie pour la sauver quand Saori n'était qu'un bébé de quelques semaines. Il tenait une place particulière dans son cœur de Déesse.
Le Scorpion, redoutable et passionné, Milo avait fait subir sa "Scarlet Needle" à Kanon pour être sûr de sa repentance. Dohko, fidèle Chevalier de la Balance, celui à qui elle avait fait don du misopethamenos, le gardant jeune sous l'apparence d'un vieillard pour qu'il monte la garde sur son sceau qui maintenait enfermées les cent huit étoiles maléfiques d'Hadès et qui n'avait pas failli une seule seconde à son devoir pendant deux cent quarante-trois ans. Shaka, gardien du Temple de la Vierge, celui qui l'avait accompagné dans les Enfers, l'homme le plus proche de Dieu. Le Temple du Lion se profilait, Aïolia, le petit frère d'Aïoros, courageux et emporté. Ah ! Le Temple du Cancer et du Chevalier surnommé Masque de Mort. Comme Aphrodite, il s'était détourné de ses engagements envers Athéna et son armure l'avait quitté lors de son combat contre Shiryu, le Chevalier de Bronze du Dragon, ne le jugeant plus digne d'elle. Mais lui aussi avait su reconnaître ses erreurs pour offrir à nouveau sa vie à la Déesse.
Le Temple des Gémeaux. Saga et Kanon, deux frères jumeaux, deux écorchés vifs. Saga, victime d'une possession, avait tué le Grand Pope et avait tenté de tuer Saori lorsqu'Aïoros était intervenu. Il était pourtant le Chevalier d'Or des Gémeaux, un jeune homme bon, gentil et attentionné, mais sa pathologie l'avait complètement transformé et c'est Athéna elle-même qui l'avait tué avec son sceptre. Mais son frère Kanon n'était pas étranger à cette transformation. Chevalier d'Or par intérim, Kanon avait un caractère difficile. Il était ambitieux, solitaire, rancunier et vindicatif. C'est lui qui avait proposé à son frère de tuer le Grand Pope et Athéna pour qu'ils puissent tous les deux régner sur le monde. Mais Saga l'avait enfermé au Cap Sounion où Kanon avait découvert l'urne dans laquelle la Déesse avait enfermé le Dieu Poséidon lors d'une précédente Guerre Sainte. Il avait pensé pouvoir manipuler un Dieu, mais avait échoué. Pétri de regrets et de remords, il avait encaissé quatorze coups de la Scarlet Needle du Scorpion sans broncher. C'est à cet instant seulement que Milo reconnut en lui un frère d'armes dévoué corps et âme à la Déesse. Saga revenue à la vie pour une douzaine d'heures avait retrouvé son frère quelques minutes avant de le perdre à nouveau, mais au final, tous deux s'étaient battu ensemble pour Athéna.
Mais voici qu'elle allait traverser le Temple du Taureau. Aldébaran, puissant Chevalier, bon vivant, mais parfaitement conscient de ses devoirs et fier d'honorer son serment, n'avait pas failli un seul instant. Il avait succombé à l'attaque d'un spectre d'Hadès, mais il l'avait emporté avec lui dans le royaume des morts. Et le premier Temple, celui qui était gardé par un Chevalier d'Or un peu particulier. Mû du Bélier, un Atlante, probablement le dernier de son espèce avec son apprenti, Kiki. Ses dons psychiques étaient un immense atout dans les combats. Sa douceur et son calme apparent cachaient un redoutable et puissant guerrier à la loyauté indéfectible et à la volonté de fer. En arrivant en bas des dernières marches, la jeune fille se retourna et regarda le chemin qu'elle venait de parcourir. Athéna l'avait vécu comme un pèlerinage, elle avait senti les traces de cosmoénergie de chaque Chevalier dans chaque Temple. Elle enflamma son cosmos et le répandit sur son Domaine, le mêlant à celui, résiduel, des Chevaliers d'Or. C'était un hommage qu'elle leur rendait, c'était bien la moindre des choses après tout ce qu'ils avaient accompli et perdu en son nom.
Ses pas la menèrent au Cap Sounion, dans les ruines d'un petit Temple dédié à Poséidon. Elle s'assit par terre, le dos contre un morceau de colonne effondrée à quelques mètres de la falaise, juste au-dessus de la prison où Saga avait enfermé son frère. Le soleil brillait, mais le vent était froid. Elle regarda la mer et le bleu de ses yeux, rencontra le bleu de flots agités de la Méditerranée. Elle leva son visage vers l'astre du jour et ferma les paupières. Saori se sentait vide, meurtrie, broyée. La Déesse en elle ne lui avait épargné aucune souffrance. Pourquoi l'avait-elle choisi elle plutôt qu'une autre ?
— Parce que tu es beaucoup plus forte que tu ne le crois, s'entendit-elle répondre par cette dernière. Penses-tu vraiment, avec tout ce dont tu as été le témoin, que les Dieux que nous sommes, choisissons nos réincarnations au hasard? Nous savons qui nous allons affronter, c'est ainsi depuis la nuit des temps, et je ne peux pas me permettre de faire d'erreur quand j'investis un corps. Les conséquences seraient trop graves pour la Terre et l'Humanité. Pour cette génération, tu étais la seule qui pouvait supporter tout cela. C'est vrai que tu es jeune, la plus jeune des mes réincarnations, j'ai même cru que tu ne viendrais jamais au monde. Mais même si tu avais eu la moitié de ton âge, je n'aurais pas eu le choix. Imagine un instant que Poséidon ou Hadès aient été les vainqueurs si j'avais ménagé tes sentiments, ton corps ou si je m'étais trompée de personne? Tu ne serais certainement pas ici en train de respirer l'air de la mer en sentant le vent dans tes cheveux et le soleil sur ton visage… Maintenant, laisse-moi te parler de ce que je souhaiterais que tu fasses…
À suivre…
