Disclaimer : tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. L'auteur de cette fanfiction ne retire aucun profit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Résumé : un Sanctuaire inconnu va se retrouver mêlé, contre son gré, aux problèmes que va rencontrer celui d'Athéna à cause d'une nouvelle menace non divine. Pour la combattre, les Chevaliers, les Spectres, les Marinas et les Guerriers Divins vont être ramenés à la vie. L'histoire se déroule après la Guerre Sainte contre Hadès.

NOTE IMPORTANTE : cette histoire a été écrite en 2007/2008. Elle n'est donc pas nouvelle. Mais lorsque je l'ai relu et que j'ai vu toutes les fautes qui m'avaient échappé, j'ai eu honte d'avoir publié un texte aussi épouvantable avec des erreurs d'école primaire. Je ne l'ai pas réécrite pour lui conserver l'esprit dans lequel je l'ai rédigé et le charme qui a plu à l'époque, mais je l'ai corrigée. Il doit certainement rester des coquilles, mais au moins, je me sens moins embarrassée de présenter ce texte. Vous y trouverez certainement de la naïveté et de la simplicité. Je n'ai pas éliminé la première version pour garder précieusement les commentaires qui m'ont tant fait plaisir.

Si vous la lisez, j'espère qu'elle vous plaira. Et si vous la relisez, peut-être apprécierez-vous de la redécouvrir. N'hésitez pas à le dire, je n'ai jamais mordu mes lecteurs. ^^

Quoi qu'il en soit, bonne lecture.


Chapitre 5

Sanctuaire d'Athéna, avril 1995. Le lendemain…

Le soleil éclairait tout juste le ciel de ses premiers rayons quand Saori entra dans le Palais. Elle courut plus qu'elle ne marcha vers l'escalier qui menait au premier étage, où étaient les appartements. Soudain elle s'arrêta, sentant une présence, un cosmos qu'elle connaissait bien. Elle fit volte-face et aperçut une silhouette dans l'ombre d'une colonne. C'était un homme. Il s'avança vers la jeune femme, se retrouvant dans le halo de lumière d'une lampe. Elle eut un sursaut d'étonnement. Cet homme ressemblait tellement à Mû, le Chevalier d'Or du Bélier. Leurs regards s'accrochèrent pendant de longues secondes et ce fut lui qui détourna les yeux pour s'agenouiller avec l'aisance due à l'habitude.

— Déesse Athéna, commença-t-il d'une voix à peine audible, je suis heureux de vous revoir.

Saori l'observait toujours. Elle s'approcha de lui et posa une main sur son épaule.

— Shion, mon fidèle Chevalier, murmura-t-elle à son tour, la Déesse prenant le pas sur l'humaine, relève-toi, je t'en prie.

Elle enflamma son cosmos et enveloppa l'Atlante qui leva vers elle ses yeux rose vif pleins de larmes dans lesquelles elle put lire toute l'adoration qu'il lui portait. L'émotion lui serra la gorge, mais elle se contrôla et lui adressa un magnifique sourire.

— Allons nous asseoir, fit-elle, l'invitant d'un geste de la main à rejoindre le salon d'où il sortait.

Elle décrocha le téléphone et appela les cuisines où il y avait toujours quelqu'un prêt à satisfaire les désirs de la Déesse. Après avoir commandé un copieux petit-déjeuner pour deux, elle retrouva l'ancien Bélier d'Or qui ne l'avait pas quittée des yeux.

— Alors mon ami, comment vas-tu ? demanda la Athéna sur le ton de la conversation.

Shion fut un peu surpris par cette familiarité, mais s'en accommoda, plutôt content de ne pas être déjà soumis au protocole.

— Eh bien… je ne sais pas par où commencer. Je sais que c'est vous, mais vous êtes différente.

— Ma précédente réincarnation était blonde et plus jeune lorsqu'elle est décédée (1). Je conçois que tu sois un peu désarçonné.

— Pourtant vous êtes bien là et je ne sais pas qui je dois remercier pour m'offrir cette chance de pouvoir encore vous servir.

— Shion, tu m'as servi comme peu de mes Chevaliers l'ont fait depuis la nuit des temps. Tu es revenu du Royaume des Morts avec d'autres pour contribuer à ma victoire sur Hadès au risque d'être damnés pour l'éternité.

— Nous y avons vu une opportunité de vous aider à nouveau et nous n'avons fait qu'accomplir notre devoir, protesta-t-il avec modestie.

Un serviteur apparut, poussant une desserte chargée du petit-déjeuner qu'il laissa à côté d'une table. Shion et Saori s'installèrent face à face, tout en poursuivant leur conversation. À l'odeur des croissants chauds et du café qui vint agréablement chatouiller ses narines, l'ex-Chevalier d'Or du Bélier réalisa qu'il mourrait de faim.

— As-tu une idée des raisons pour lesquelles Seiya et toi êtes ici ?

— Pas la moindre. Je me souviens d'être retourné aux Enfers aux premières lueurs du jour, à la fin des douze heures qu'Hadès nous avait accordés. Mais je n'ai pas eu l'impression d'être... mort, un peu comme si je sentais une présence, mais sans en avoir la certitude. Et puis quand on est mort, on ne pense pas, on ne réfléchit pas.

Il s'arrêta de parler, plongeant dans ses souvenirs pour tenter de les rapporter le plus fidèlement possible. Athéna patienta, lui laissant le temps, et bien qu'elle fût impatiente de connaître la suite, elle ne voulait pas le brusquer.

— Après un certain temps, reprit-il en terminant sa tasse de café, j'étais sûr que je n'étais pas seul. Mais je n'avais aucune sensation, pas de douleurs, pas d'odeur, je ne voyais rien. Je ne me sentais même pas respirer, pas de bruit non plus. Je ne rêvais pas, j'étais indifférent au passage du temps. Je ne pourrais pas dire si ça me plaisait ou pas, j'étais insensible. Oui je crois que c'est le terme qui se rapproche le plus de l'état dans lequel j'étais. Une totale insensibilité, une totale indifférence aussi bien physique que psychologique.

— Je ne sais pas si j'arriverai un jour à appréhender ce que tu as vécu. Ce devait être effrayant.

— Par contre, à un moment donné, je suis certain d'avoir perçu une cosmoénergie très puissante et d'une incroyable douceur. La seule sensation que j'ai eue. J'ai cru que c'était la vôtre pendant un instant puis j'ai compris que non.

— Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? s'enquit la Déesse vivement intéressée.

— Chaque cosmoénergie est unique comme vous le savez. On ne peut pas en confondre deux, même si elles se ressemblent beaucoup. Je vous prie de m'excuser d'avoir pu me méprendre, mais je n'étais pas vraiment dans mon état normal, dit-il avec un sourire désarmant.

— Tu crois sincèrement que je pourrais t'en vouloir ? Shion, je suis trop à la joie de votre retour pour en vouloir à qui que ce soit aujourd'hui, fit-elle avec un petit rire.

— En tout cas, je peux vous assurer que je suis toujours à votre service. J'ai la prétention de croire que vous allez avoir besoin de moi, sinon mon retour n'aurait aucun sens.

— Je suis bien d'accord. C'est pourquoi j'aimerais t'offrir à nouveau le poste de Grand Pope. Tu es libre de refuser bien sûr et je comprendrais que tu aies envie de profiter de cette nouvelle vie comme bon te semble.

Shion la regarda, avec une expression indéfinissable sur le visage qui se transforma en un sourire éclatant. Un rire silencieux secoua ses épaules devant l'air interloqué de la jeune femme.

— Ne m'en veuillez pas Déesse, mais ma dernière expérience en la matière s'est plutôt mal terminée.

— Nous ferons attention à ce qu'aucun Chevalier des Gémeaux ne vienne te déranger à Star Hill.

Tous deux partirent à rire doucement. Shion se sentait de plus en plus à l'aise avec Athéna. Elle était sa Déesse, celle pour qui il mourrait encore un million de fois, mais elle était aussi Saori, une jeune femme vive, pleine d'esprit, douce et splendide.

— J'ai aboli certains aspects du protocole. Tu ne seras plus obligé de porter un masque et la toge ne sera de mise que lors des cérémonies officielles.

— Mmm… je sens que je vais aimer redevenir Grand Pope, plaisanta-t-il.

— Ça veut dire que tu acceptes ?

— En doutiez-vous ? J'aimerais aussi vous demander une faveur.

— Elle est accordée d'avance.

— Je souhaiterais poursuivre la formation de Kiki. Il devait succéder à Mû, mais avec notre disparition à tous les deux, personne n'a pu finir de lui apprendre les techniques propres au Chevalier d'Or du Bélier. De même que la réparation des armures.

— Je te laisse carte blanche avec Kiki, même si nous n'avons aucune armure à lui offrir.

— Je ne peux m'empêcher d'espérer que ce qui m'est arrivé se produise pour les Chevaliers d'Or aussi.

— C'est l'espoir qui nous a fait surmonter tous les obstacles. L'espoir nous fait vivre et moi je veux vivre.

— Moi aussi Déesse, je veux vivre pour la Paix de cette planète, pour les Chevaliers qui sont là et pour vous.

— J'ai fait rénover et moderniser le Domaine Sacré, fit-elle d'un ton plus léger et changeant de sujets.

— Je m'y suis promené cette nuit et ce que vous avez fait est incroyable. L'entraînement dur et long que nous dispensons aux novices, pour les raisons que nous connaissons, nous a fait oublier trop longtemps que ce sont avant tout des êtres humains. Des enfants. Et un peu de détente ne peut pas être nuisible à leur potentiel ni remettre en cause leur engagement envers vous.

— Je vais donc te laisser reprendre possession du Domaine, Grand Pope. J'ai quelqu'un d'autre à aller voir.

— Saori, donnez-vous du temps pour vous redécouvrir, fit-il en s'adressant à la jeune femme et non plus à la Déesse. Vous n'étiez que des enfants à l'époque. Aujourd'hui, les choses sont semblables et différentes à la fois. N'oubliez pas qu'il a encore treize ans dans sa tête, mais pas dans son corps. Et, à moins qu'Athéna ait changé davantage de choses qu'elle ne l'a déjà fait, ne lui donnez pas trop d'espoir. Votre déception à chacun pourrait vous anéantir tous les deux.

L'allusion non dissimulée de Shion fit rosir les joues de Saori et elle fut frappée par la clairvoyance de l'Atlante. Elle se leva, lui adressa un dernier sourire et quitta le salon. Saori était impatiente de revoir Seiya. Elle se précipita dans les escaliers qu'elle grimpa deux par deux. Elle longea le couloir à la recherche de cette cosmoénergie qu'elle connaissait si bien et qui lui avait tant manqué.

Elle s'arrêta devant la porte de la chambre de Seiya. Elle respira profondément à plusieurs reprises avant d'entrer. La pièce était plongée dans la pénombre. On ne distinguait que les silhouettes noires des meubles. Saori s'avança lentement vers la fenêtre avec l'intention d'ouvrir un peu les épaisses tentures de velours bleu marine.

— Je t'attendais…, fit une voix masculine qu'elle ne connaissait pas. Elle s'arrêta à mi-chemin entre la porte et la fenêtre, paralysée, ne sachant comment réagir.

— … n'ouvre pas les rideaux, s'il te plaît…

Elle sursauta. La voix était juste derrière elle, grave, profonde. Une voix d'homme. Lentement elle se tourna pour lui faire face. Elle ne vit qu'une ombre, une ombre qui ne ressemblait en rien à ses souvenirs. Elle remercia Athéna de lui laisser l'initiative dans ce face-à-face. Elle voulait retrouver Seiya avant que la Déesse ne retrouve Pégase.

— Saori… j'ai peur… murmura-t-il

— Moi aussi… je ne sais pas quoi faire, quoi dire…

— Moi non plus… je voudrais juste…

— Quoi…

— … j'arrive pas encore… à croire ce qui m'est arrivé, j'ai du mal… à me reconnaître…

— Je comprends…

— J'ai le souvenir d'une petite fille capricieuse et d'une adolescente d'un incroyable courage qui avait fini par accepter son destin… mais maintenant t'es devenue une jeune femme… Je sais plus où j'en suis…

— Où veux-tu en venir Seiya ?

— Tu connais mes sentiments pour toi… on est plus des enfants Saori, j'ai peur de ce que je ressens, j'ai peur de te décevoir, j'ai peur de ce qui m'arrive…

— Je sais tout ça, moi aussi je suis un peu perdue, mais tu conviendras qu'on ne peut pas rester ainsi. Tôt ou tard il faudra bien affronter la réalité.

Un silence tomba. Elle vit l'ombre de Seiya baisser la tête. Elle le sentait si fragile alors qu'il était le plus solide des Chevaliers Divins d'Athéna. L'émotion lui serrait la gorge, elle s'approcha d'un pas, puis d'un autre, elle allongea le bras et lui pris la main. Ce contact les bouleversa. Ils étaient si proches qu'ils pouvaient sentir la chaleur que dégageait le corps de l'autre. La tension entre eux était palpable. Seiya prit l'autre main de la jeune femme. Ni l'un ni l'autre ne voulaient précipiter les choses, mais le besoin de se voir se faisait de plus en plus impérieux. Saori fut la première à réagir en se dirigeant d'un pas décidé vers la fenêtre et ouvrit le rideau d'un geste nerveux. Elle resta là sans bouger, à nouveau hésitante.

Quand il posa ses mains sur ses épaules, elle tressaillit violemment. D'une légère pression sur son bras, il lui fit comprendre qu'il voulait qu'elle se retourne. Comme dans un rêve, elle pivota sur elle-même et plongea son regard dans celui de l'homme qui se tenait devant elle. Ce qu'elle lut dans ses yeux, un Amour si fort, si grand qu'il avait défié la mort elle-même, eu raison de ses dernières barrières. L'émotion la submergea et des larmes emplirent ses yeux. Elle reconnaissait ce regard droit, franc, perçant avec cette lueur taquine qui l'agaçait si souvent à une certaine époque. Elle sourit, un magnifique sourire avec un petit rire. Elle ouvrit les bras et serra Seiya. Deux bras puissants se refermèrent sur elle comme un étau. Elle pleura de bonheur de retrouver enfin ce garçon dont elle était éperdument amoureuse, qu'elle aimait plus que sa propre vie.

Seiya commença à réaliser qu'il la tenait enfin dans ses bras. Il enfouit son visage dans les cheveux de son cou, s'enivrant de son odeur, de sa douceur, de sa force aussi. Il sanglota, incapable de se contrôler. Il voulait la garder, ne plus la lâcher, ne plus la perdre, jamais. Ils restèrent ainsi longtemps, sans parler, juste à s'emplir de la présence de l'autre, des bras de l'autre, du corps de l'autre. Et ils prirent conscience qu'ils n'étaient effectivement plus des enfants. C'est à cet instant qu'Athéna décida d'intervenir avant qu'ils ne perdent le contrôle de leurs émotions.

— Chevalier Pégase, je suis également heureuse de te revoir, entendit celui-ci à son oreille, lui faisant l'effet d'une douche froide. Ils se séparèrent à contrecœur. "Tu as manqué à tes compagnons et tu m'as manqué."

— Je suis très content de pouvoir à nouveau te servir, Athéna. Je ne comprends pas encore les raisons de mon retour, mais je te renouvelle mon serment d'allégeance.

— Je te remercie Chevalier, je n'ai jamais douté de ton dévouement. Tu es mort pour moi et pour que règnent la Paix et la Justice sur la Terre. Ce geste t'honore au-delà de tout ce que je pourrais dire. Quant aux raisons qui t'ont ramené parmi nous, eh bien, j'espère que nous les découvrirons bientôt.

— Je te remercie, laissa-t-il tomber d'un ton las.

— J'ai besoin de Saori quelques heures pour régler les affaires courantes du Sanctuaire, mais je n'en ai pas pour longtemps. À plus tard, Chevalier.

Seiya s'inclina respectueusement et regarda la jeune femme sortir. Il serra les poings pour tenter de contenir la frustration qu'il sentait monter en lui. Il aimait Saori et il aimait Athéna, d'un amour différent certes, mais il les aimait toutes les deux. Jamais il n'oserait un geste déplacé envers sa Déesse. Mais Saori le rendait fou. D'instinct, il comprenait la réaction de son corps. Il avait envie d'elle, l'avoir tenue dans ses bras pendant quelques instants avait éveillé en lui des sensations qui lui étaient jusque-là inconnues et ça lui faisait peur. Mais il avait trop de respect pour elle pour se laisser aller à commettre un acte déshonorant. Il allait devoir prendre son mal en patience. Et la patience n'était pas vraiment une de ses qualités. Il était malheureux, mais également fou de joie d'être là. Il regrettait une chose, pourtant, c'était d'avoir perdu neuf années à savoir où, manquant des expériences qu'il aurait dû faire pendant tout ce temps. Il avait l'impression qu'on lui avait volé une partie de sa vie, mais il était là, vivant, il ne fallait peut-être pas trop en demander. Les Dieux devaient avoir leurs raisons…

Il était presque neuf heures du matin. Il décida de mettre ses états d'âme entre parenthèses pour l'instant et d'aller prendre une douche et un bon petit-déjeuner avant de rejoindre ses frères. Ils avaient tant de choses à rattraper…

Après avoir réglé quelques affaires, Athéna était retournée dans sa chambre et s'était allongée sur le lit. Elle endormit Saori, puis gagna l'Olympe. Elle avait une requête à présenter à son père, le tout puissant Roi des Dieux, Zeus en personne…

Shion était entré dans son ancien bureau. Il fut un instant surpris par les changements. Le mobilier était beaucoup plus moderne. Un écran de télévision et une chaîne hi-fi occupaient un coin de la pièce. Trois canapés moelleux entouraient en U une table basse sur laquelle s'épanouissait un énorme bouquet de roses fraîchement coupées, probablement en provenance de la roseraie du douzième Temple. "Aphrodite!" À cette pensée, son cœur se serra. Deux des murs étaient toujours tapissés de rayonnages croulant sous d'innombrables livres plus ou moins vieux et couverts de poussière. Entre les deux grandes fenêtres, sur son bureau trônait un ordinateur à côté d'un téléphone sans fil. Il n'avait pas la moindre idée du fonctionnement du pc et cela lui tira un sourire amusé. Il se dit que la maîtrise de cet appareil promettait de lui valoir quelques nuits blanches.

Il s'assit dans l'un des canapés et respira profondément. Il se sentait chez lui, il était bien. Il vida son esprit pour tenter une technique de méditation. Le calme afflua en lui, il enflamma légèrement son cosmos pour en retrouver la plénitude. Depuis qu'il était réapparu à l'entrée du Domaine, il n'avait pas trop osé se risquer à ça. En tant qu'Atlante, la téléportation ne faisait pas appel à lui, alors que les autres Chevaliers devaient utiliser leur cosmoénergie pour y parvenir, et baisser la barrière était un exercice qui ne demandait que très peu d'énergie. Sans comprendre pourquoi, il n'était pas sûr d'y parvenir. Et sans un cosmos fort, il ne serait d'aucun secours pour Athéna. La sensation de force et de puissance qu'il ressentit alors lui fit éprouver un sentiment de joie proche de l'euphorie.

— Crystal Wall, murmura-t-il.

Aussitôt la puissante protection du Bélier d'Or se matérialisa devant lui. Il avait toujours ses pouvoirs et pourra transmettre son savoir à Kiki. Le mur de Cristal disparut et son cosmos décrut. Il resta ainsi, méditant encore de longues heures. Un tiraillement au creux de l'estomac le sortit de sa concentration. Il se leva et prit le téléphone comme l'avait fait Saori le matin même. Il regarda la liste des différents numéros de postes et composa celui des cuisines pour qu'on lui apporte son déjeuner. Un quart d'heure plus tard, une jeune fille entra. À cette apparition, Shion sut qu'il était vraiment vivant. Il l'observa traverser la pièce et poser le plateau sur le bureau. Elle devait avoir une vingtaine d'années, de longs cheveux bouclés d'un roux flamboyant, un jeans moulant et une chemise noire. L'Atlante sentit s'éveiller en lui des sensations qu'il n'avait plus ressenties depuis de bien trop nombreuses années. Il avait encore un peu de mal à ne pas oublier qu'il avait retrouvé le corps de ses dix-huit ans avec tout ce que cela impliquait. La force, la puissance, la robustesse, mais aussi le désir de la chair. D'autres souvenirs lui revinrent en mémoire.

Avant la dernière Guerre Sainte de 1743, les Chevaliers d'alors avaient des mœurs assez dissolues. En particulier les Ors. En dehors des entraînements, les jeunes gens ne se privaient d'aucun des plaisirs de la vie, surtout du plaisir que seul peut procurer un homme ou d'une femme. Les soirées dégénéraient souvent en orgies sexuelles ou les corps s'emmêlaient les uns aux autres. Et Shion n'était pas le dernier à s'amuser. C'était un libertin.

Et cette jeune fille venait de faire ressurgir tous ses merveilleux souvenirs. Il se leva et s'approcha d'elle en silence tandis qu'elle débarrassait son plateau sur le bureau. Il prit une boucle rousse entre ses doigts et la porta à son nez. Une odeur de vanille s'en dégageait. Elle sursauta et se retourna pour se trouver nez à nez avec le Grand Pope.

— Je t'ai fait peur ? Ce n'était pas mon intention, fit-il d'une voix profonde.

— Je… non, je ne…, bégaya-t-elle plongeant dans le regard améthyste. Un éclair de surprise passa sur son visage.

— C'est la première fois que tu vois un Atlante ? demanda Shion, taquin, poussant son avantage pour se rapprocher encore d'elle.

— Non, je connais Kiki, mais il a toujours été persuadé qu'il était le dernier, expliqua-t-elle reprenant un peu de son assurance

— Ah oui… Kiki. Quelles sont tes fonctions ici ? questionna-t-il encore tout en la frôlant pour contourner son bureau, laissant traîner une main dans son dos.

À ce léger contact, son teint rosit de façon adorable qui dessina un sourire félin sur les lèvres du Grand Pope.

— Je travaille aux cuisines et à l'entretien du Palais.

— Comment te nommes-tu ?

Elle leva ses magnifiques yeux gris acier vers Shion qui en eut le souffle coupé.

— Thémis, Monseigneur.

— Thémis comme la Titanide, Déesse de la Loi et de l'Équité. Eh bien Thémis, j'ai été ravi de faire ta connaissance. Tu peux me laisser.

Elle obéit. De nouveau seul, Shion se permit un sourire éclatant, celui de quelqu'un qui est vraiment content de lui. Son charme opérait toujours sur la gent féminine. S'il avait poussé un peu plus les choses, cette petite serait en train de crier de plaisir entre ses bras. Mais il n'avait pas envie de se presser. La chasse aussi était excitante, guetter sa proie, la traquer, la piéger pour finalement s'en repaître. C'était ça que Shion aimait. Tout en avalant son repas, il se demanda s'il aurait autant de facilité avec les hommes…

Il fut tiré de ses pensées par Saori qui venait de faire irruption dans la pièce. Il se leva précipitamment et mit un genou au sol devant la Déesse.

— Non, non, non ! Relève-toi, sourit la jeune femme. C'est moi Saori, pas Athéna.

— C'est difficile à savoir avant que vous ne parliez, princesse, se défendit-il. Athéna avait pris totalement possession de sa dernière réincarnation et je n'ai jamais eu affaire qu'à la Déesse.

— Très bien, on va établir quelques règles. Lorsque nous sommes en privé, je ne veux pas que tu t'agenouilles devant moi. Tu m'appelles par mon prénom et tu me tutoies. J'en ai assez de m'entendre donner du "princesse" à longueur de journée. Quand j'étais une gamine, ça flattait certainement mon ego, mais aujourd'hui ça me gonfle prodigieusement. Quant à Athéna, tu sauras vite faire la différence entre elle et moi.

Shion la regardait, médusé d'entendre un langage si familier dans la bouche de la réincarnation de sa Déesse. Mais cela l'amusa et il prit le parti de se conformer aux règles ainsi établies.

— Je suis venue pour te montrer comment te servir de l'ordinateur.

— Ah… je savais bien que je n'y couperais pas !

— Tu verras que c'est pas si compliqué et que c'est un outil bien pratique.

— Je veux bien vous croi… te croire, rectifia-t-il en lui souriant.

— Bien au travail, dit-elle en s'asseyant sur une chaise à côté du fauteuil de Shion.

Pendant plusieurs heures Saori expliqua au grand Pope les mystères du cyberespace. Comment surfer sur internet, envoyer des e-mails, rédiger et sauvegarder des documents avec un traitement de texte. Elle n'aborda cependant pas le progiciel de gestion du Sanctuaire qui était assez complexe. Ce serait pour plus tard.

Au terme de ce premier cours, Shion eut l'impression d'avoir un grand vide à la place du cerveau. Il n'arrivait plus à aligner deux pensées cohérentes l'une derrière l'autre. Mais il venait de se découvrir une fascination pour les technologies modernes…

Seiya avait passé la journée avec ses frères à parcourir le Sanctuaire, s'extasiant des améliorations qu'avait apportées Athéna par l'entremise de Saori. Il avait l'impression de se retrouver dans un village de vacances par rapport au souvenir qu'il en avait. Lorsqu'il était arrivé dans le Domaine, il n'avait que six ans. Le paysage n'était que rochers, falaises abruptes, poussière, cailloux et temples en ruines ou presque. L'été, la chaleur était si caniculaire, que les entraînements avaient eu raison de bon nombre d'apprentis. Seuls les plus résistants étaient encore là. Mais malgré ce confort apparent, il n'y avait pas de laisser-aller dans la discipline. Depuis qu'Athéna était revenue des Enfers, les effectifs des Chevaliers de Bronze et d'Argent avaient augmenté et plusieurs armures avaient trouvé un porteur. Mais il manquait une caste, celle des Chevaliers d'Or. Les armures n'étaient toujours pas là et bien que certains novices semblassent développer un potentiel pour en revêtir une, ils ne pouvaient pas subir l'épreuve finale. De plus, la Déesse n'arrivait toujours pas à demander à son frère Héphaïstos d'en créer de nouvelles. Elle ressentait un profond sentiment de trahison à cette seule idée.

Les Chevaliers Divins avaient dégusté leurs retrouvailles avec un plaisir non dissimulé. Ikki était beaucoup moins taciturne et sauvage que dans les souvenirs de Seiya. Hyoga faisait penser à son maître Camus tant il parvenait à contrôler ses émotions. Mais la gouaille du Chevalier de Pégase avait réussi à faire fondre ce bloc de glace. Shun était calme et serein. Il avait cette douceur désarmante dans le regard qui avait même troublé Charon d'Achéron, le passeur, un des spectres d'Hadès, qui avait renoncé à le tuer grâce à sa ressemblance avec le Dieu des Enfers. Mais il avait perdu sa naïveté. Il était devenu un jeune homme séduisant au charme subtil et irrésistible. Quant à Shiryu, il était toujours aussi solide. Athéna avait fait le bon choix en lui confiant les rênes du Sanctuaire. Mais maintenant que Shion était revenu, tous les cinq étaient persuadés qu'il allait reprendre son titre et son poste, ce qui soulageait le Dragon. Diriger le Domaine Sacré n'était pas son activité favorite. Il préférait de loin superviser l'entraînement des apprentis.

Leurs pas les avaient menés jusqu'à l'arène qui avait vu des dizaines de générations de Chevaliers d'Or s'entraîner. C'était leur arène. Tout le monde pouvait assister aux combats, mais personne n'aurait posé le pied dans le cercle de sable. Ce sol n'avait jamais été foulé par d'autres pieds que des pieds chaussés d'Or. L'arène des Chevaliers d'Or était un lieu sacré à l'intérieur d'un autre lieu sacré. Les cinq Bronze s'assirent en silence dans les gradins de pierre. Ils laissèrent leurs yeux parcourir cet endroit mythique chargé de mystères et de légendes. Ils pouvaient encore sentir des résidus de cosmoénergie tout comme quand ils traversaient les douze Temples.

— Seiya, tu crois qu'ils vont rev'nir ? murmura Shun.

— Je l'espère, j'suis bien là moi, et Shion aussi.

— Moi c'est l'absence des armures qui m'fait espérer, poursuivit Ikki.

— N'oubliez pas mes amis, que nous sommes les Chevaliers de l'Espoir, sourit Shiryu tristement.

— Ils nous ont appelés comme ça juste avant de détruire ce putain de Mur, acheva Hyoga bouillonnant d'une colère froide.

Ce souvenir leur fit monter les larmes aux yeux. Ils le ressentaient comme si l'évènement avait eu lieu la veille. Seiya enflamma son cosmos, bientôt imité par ses compagnons. Ils laissèrent leur énergie se répandre dans l'arène et se mêler aux résidus de cosmos dorés.

— Toi qui m'as ressuscité, cria soudainement Seiya les yeux levés vers le ciel, les bras écartés en signe de supplication, ramène-les aussi ! Tu dois nous rendre les Chevaliers d'Or ! On a besoin d'eux ! Athéna a besoin d'eux ! Ramène-les !

Son hurlement était empreint d'une telle détresse, d'une telle souffrance que Shiryu et Shun se précipitèrent vers lui pour l'entourer de leur bras et le soutenir. Hyoga posa sa main sur l'épaule d'Ikki et la serra à la briser.

Shion avait sursauté en sentant le cosmos de Seiya exploser. Il s'était précipité vers la fenêtre, l'ouvrit et chercha d'où provenait une telle puissance. Il se tourna en direction de l'arène d'Or et comprit en partie ce qui s'était passé.

Saori entra à ce moment-là et ils se dévisagèrent dans une muette compréhension. Athéna sentait la tristesse de ses Chevaliers et enrageait de ne pas pouvoir la soulager. Elle avait bien tenté de parler à Zeus, son père, mais il ne lui avait donné aucune réponse. Peut-être était-ce là une épreuve de plus que tous devaient endurer. Mais pour prouver quoi ?

Patience Chevalier, tout vient à point à qui garde l'espoir et sait attendre, songea Gaïa, donne-moi encore un peu de temps

À suivre…


(1) Lorsque j'ai écrit cette histoire, The Lost Canvas de Shiori Teshirogi n'était pas encore sorti.