Bonjour à tous !
Eh oui, vous ne rêvez pas, une nouvelle fic ! Je sais, je suis de moins en moins présente, mais en fait, je suis toujours là, dans l'ombre. C'est juste qu'ayant beaucoup moins de temps pour moi, je consacre à l'écriture (au sens large : écriture, relecture, correction, upload, etc.) trente minutes par jour environ, du coup j'avance pas forcément bien vite. Mais à la fin de la fable, c'est quand même la tortue qui gagne ! Alors j'avance pas vite, mais j'avance absolument tous les jours, régulièrement !
Et donc enfin, je parviens au terme de ce texte et tout ce qui va autour et je peux vous le livrer ! :)
Infos sur l'histoire : Ceci est le cadeau prévu pour Kty Koneko, promis depuis... hum, si longtemps que j'ai oublié la date exacte, faites comme si de rien n'était. Je ne suis donc pas responsable du plot, c'est elle qui me l'a demandé !
Vous allez voir (enfin, pas tout de suite), c'est un peu particulier. Du coup, j'ai un warning/long blabla un peu spécial à vous faire, mais ce sera à la fin du chapitre 2, parce que vous devez d'abord lire le début. Je n'en dis pas plus. Mais le titre vous donne un indice !
Petite information également, pour des tas de raisons (notamment que le scénario de base a été esquissé y'a des lustres), ce texte prend place après la Chute de Sherlock, en fin de saison 2. Je ne reprends aucun des éléments des saisons ultérieures, ni Mary, ni Eurus, bien que je les aime généralement d'amour, ces deux là. Mais dans le contexte de ce texte, il était impossible de les inclure !
Rythme de publication : hebdomadaire, les mercredis. Aucune pause prévue, du 07/06 au 29/11/2023. Ça fait 27 chapitres de taille assez variable, j'ai préféré couper à des moments plus opportuns dans le texte que garder un équilibre parfait entre les chapitres et interrompre une scène en plein milieu !
(Et je sais, on dirait que je le fais exprès pour pile poil pouvoir coller un Calendrier de l'Avent juste après, mais non. Je vous le promets, y'aura PAS de calendrier cette année. Écrire des conneries de Noël, pourquoi pas, mais plus jamais de Calendrier !)
Bêta : Elie, ma Merveille, mon amour, une de mes âmes-sœurs. Existe-t-il un monde où tu n'existes pas et que tu n'y es pas parfaite comme toujours ? Si oui, ça doit être ce qu'on appelle l'enfer. Je ne saurais exister dans un monde où tu n'es pas.
Disclaimer : À mon immense regret, je ne possède pas Sherlock Holmes. Le lore original est la propriété de Sir ACD, et l'adaptation récente appartient à la BBC, et à messieurs S. Moffat et M. Gatiss. Ces derniers ont l'extrême amabilité parfaitement inconsciente de me prêter leurs jouets pour que je puisse faire des bêtises avec ! Les personnages originaux m'appartiennent totalement, parfois à mon grand regret également, vu que certains ne sont pas franchement positifs !
Rating : M. On ne change pas une équipe qui gagne. Et puis, y'a des meurtres et des enquêtes, hein.
Si vous ne me connaissez pas encore, sachez que je suis enchantée de vous rencontrer. Même si je ne suis pas certaine que ça soit le meilleur texte pour me rencontrer. Allez lire le reste de mon profil d'abord. Non ? Bon tant pis, restez là, je vous aurai prévenus.
Si vous me connaissez déjà, enchantée de vous retrouver, fidèle au poste. J'espère ne pas vous décevoir une fois encore.
N'oubliez pas que les reviews sont fortement appréciées (mais pas obligatoires), mais particulièrement dans le contexte de cette fic, restez gentils et bienveillants, merci.
Si vous êtes arrivés au terme de cette lecture d'introduction assommante, félicitations, vous êtes des héros et vous venez de gagner un cookie au chocolat !
Kty, j'espère de tout mon coeur que ça te plaira !
Bonne lecture à tous ! :)
Chapitre 1
John regardait d'un œil distrait Sherlock faire son show, autour du cadavre et parmi les techniciens de Scotland Yard. Il était particulièrement en forme, ces derniers temps, et John avait dû lui faire promettre de bien se tenir. Dans le taxi qui les amenait sur la zone de crime, il avait haussé un sourcil délicat, qu'il arrivait à rendre perplexe et ironique tout à la fois, et John avait songé comme souvent que ce mec était un enfoiré.
— « Bien se tenir » ? avait-il demandé avec un air angélique. Qu'est-ce que ça veut dire ? Je me suis toujours bien tenu.
John leva les yeux au ciel.
— Tu m'as très bien compris. Évite de sautiller de joie devant la famille endeuillée, n'insulte pas tous les gens qui passent et qui font seulement leur boulot, même si on a bien compris que tu le ferais bien mieux qu'eux à leur place, ne roule pas des yeux dans tes orbites comme si tout était évident au bout de dix secondes et que nous sommes des abrutis qui n'avons rien compris... Tiens-toi bien, quoi. J'en ai marre de te récupérer en cellule. Ta prochaine caution, c'est ton frère qui la paye, j'ai plus les moyens !
Sherlock, pour faire bonne mesure, fit rouler ses yeux dans ses orbites avec un air faussement vexé, avant de sourire ironiquement à John. Il savait pertinemment que ni John ni Mycroft ne payait ses cautions, ou rarement. Même quand Lestrade, dans un élan d'agacement, le foutait au trou pour outrage à agent, soit il finissait par regretter et le relâchait au bout d'un moment, soit Sherlock pouvait se montrer si insupportable que les flics préféraient le libérer plutôt qu'endurer une seule autre seconde en sa compagnie. Une forme d'amusement comme une autre.
— Promis, John, accepta-t-il néanmoins.
Ainsi, John le surveilla, et constata à sa grande surprise que tout se passa bien. Oh, bien sûr, le détective grommelait à voix basse, et John ne doutait pas qu'il râlait sur tout et les traitait de débiles aveugles, mais il ne le faisait pas de manière trop marquée.
Le crime était assez atypique. En tout état de cause, la victime allongée au milieu de la pièce n'avait aucune blessure. Elle était décédée, seule au milieu d'une pièce, d'une crise cardiaque. En soi, on ne déplaçait pas la police pour ça. Mais la jeune femme avait à peine vingt-cinq ans, et était sportive professionnelle. Ses examens médicaux et bilans ne montraient en aucune manière la moindre défaillance cardiaque qui aurait pu être à l'origine de sa mort. Et, bien sûr, il y avait les lettres de menaces et de mort qu'elle recevait depuis plusieurs mois. À tel point qu'elle avait fini par aller porter plainte à la police, quelques jours plus tôt.
Ainsi, quand elle avait été trouvée morte par des gens de sa famille, avant même d'examiner le corps, ses proches avaient pensé à un crime et avait appelé la police. Ces derniers, arrivés sur place et mis au courant de la situation, avaient constaté la mort parfaitement naturelle et sans la moindre lésion externe, et légèrement surpris, avait fait appel à Scotland Yard, au cas où.
Scotland Yard, légèrement surpris et par crainte d'être dépassé, avait fait appel à Sherlock.
Et Sherlock, penché sur le cadavre et marmonnant dans sa barbe en se déplaçant à travers la pièce, semblait légèrement surpris et dépassé aussi, en cet instant précis.
John le regarda faire, totalement passif. Il avait examiné le cadavre, échangeant avec le médecin légiste, mais tant qu'il n'y aurait pas d'autopsie, leurs conclusions restaient quasi inexistantes : il n'y avait absolument rien sur le corps de la jeune femme qui pouvait faire penser à un meurtre, et aucune blessure apparente. À peine un ongle cassé, qui avait dû saigner un peu et avait laissé un liseré rouge autour de l'ongle. Sa famille avait confirmé qu'elle s'était fait cela la veille, en plein repas, dans un faux mouvement pour couper un morceau de pain sec qui s'était glissé sous son ongle et l'avait blessée. Un accident stupide et mineur comme les gens en avaient des tas par jour. Même Sherlock n'y avait trouvé aucun intérêt.
— Tu progresses ? demanda le médecin au détective quand celui-ci passa à côté de lui.
Le décor lui-même était banal. Une petite maison dans les quartiers nord de Londres, pas les plus riches. La maison était modeste, et elle abritait beaucoup de gens, toute la famille qui vivait entassé là. Ils s'en sortaient tous, bon gré mal gré, et la victime espérait décrocher prochainement un contrat professionnel important qui l'aurait mené à la qualification pour les JO, et une meilleure rémunération pour aider sa famille. John avait de la peine pour cette famille endeuillée, qui souffrait de la perte, n'aurait pas les moyens de déménager et devrait continuer à vivre là où leur fille, sœur, nièce, était morte, perdait en outre un des plus forts moyens de rémunération de la famille, et devrait payer les obsèques par-dessus le marché.
— Pas vraiment, répondit le détective frustré.
John le regarda, surpris. Que Sherlock ne trouve pas d'indices était déjà une chose surprenante en soi, qu'il le reconnaisse à voix haute en plus n'ajoutait que davantage de perplexité pour John.
— En attendant d'avoir l'autopsie, je ne suis pas sûr de pouvoir faire grand-chose, grommela-t-il. Je n'ai RIEN. Il n'y a AUCUN indice.
— La famille va autoriser l'autopsie ? demanda John.
Dans un coin de la pièce, Greg était en train de débattre avec des gens qui reniflaient et sanglotaient dans leurs mouchoirs, assurément les parents et sans doute le jeune frère de la victime. S'ils n'autorisaient pas l'autopsie, il était presque certain que l'enquête finirait classée sans suite faute d'éléments au bout d'un moment. Mais donner la permission de charcuter son enfant, l'ouvrir en deux, prélever et analyser des morceaux de son corps n'était pas une chose aisée à envisager pour des parents. D'autant que le processus pouvait prendre du temps, durant lequel le corps ne pouvait évidemment pas être rendu à la famille. Et sans corps, pas d'enterrement ou de crémation possible. Nombre de familles ne souhaitaient pas procéder aux veillées funéraires et autres rites de passages pour dire adieu au défunt sans cela. Et le chagrin durait encore plus longtemps. Les enterrements étaient souvent des étapes importantes dans le processus de construction et d'acceptation du deuil.
John n'entendait pas la conversation du DI, mais il semblait insister. Ces pauvres gens semblaient trop éplorés pour prendre une décision rationnelle. Bien sûr, c'était eux qui initialement avaient pensé à un crime, mais depuis les premières conclusions de tous les légistes et policiers débarqués au milieu de leur maison, ils n'en étaient plus si sûrs.
Sherlock regardait aussi en direction de la famille en larmes, sans avoir répondu à John. Il n'était même pas certain qu'il ait entendu la question.
— Sherlock ! Non ! ordonna John en le voyant amorcer un geste pour aller vers eux.
— Quoi ?
— N'y va pas.
— Pourquoi ?
— Je sais que tu as envie de résoudre cette affaire parce que ça titille ton ego de ne trouver aucun indice...
Le détective se peignit un air outré plus vrai que nature, mais John savait qu'il ne faisait que semblant. Il le connaissait par cœur. Et surtout, il avait raison : Sherlock était frustré de ne rien trouver.
— ... Mais tu n'aideras pas Greg à les convaincre de pratiquer l'autopsie en allant faire ton show de connard arrogant c'est-moi-le-meilleur. Au mieux, tu vas t'en prendre une et te faire péter le nez.
— Ce ne serait pas la première fois, ricana Sherlock.
Il s'interrompit aussitôt quand il vit John détourner le regard. John lui avait asséné un coup de poing qui avait brisé son nez lorsqu'il était revenu d'entre les morts, quelques six mois plus tôt. Ils vivaient de nouveau ensemble, et John lui avait pardonné son absence et sa dépression durant tout ce temps. Mais parfois, Sherlock disait ce qu'il ne fallait pas et il voyait que cela faisait souffrir John. Il restait entre eux une gêne, un flottement parfois. Le détective n'avait jamais réussi à l'analyser, et malgré toute son incompétence à comprendre certains comportements humains comme le tact, il n'avait jamais posé la question. Il devinait confusément que soit il n'aurait pas de réponse, soit la réponse ne lui plairait pas. Il s'apprêtait à s'excuser, ce qu'il ne faisait jamais, sinon auprès de John, quand une femme entra dans la pièce.
Elle concentra soudain tous les regards de tous les techniciens, policiers, et même la famille sembla surprise de la trouver là. Petite, tout de noir vêtue, elle marchait courbée et appuyée sur une canne. Son visage disparaissait à moitié sous le voile qui recouvrait ses cheveux, mais ses mains étaient visibles et plus ridées que jamais. Comme si la peau n'avait jamais été lisse un jour, tant elle faisait des plis.
— On dirait une sorcière, chuchota quelqu'un près de John.
C'était sans doute déplacé, mais il n'avait pas entièrement tort. Elle ressemblait à une sorcière de contes de fées, le voile noir qui la drapait des pieds à la tête, la démarche lente, la carrure voûtée. Et surtout, ses yeux blancs, entièrement blancs. C'était la seule chose qu'on voyait clairement de son visage à moitié dissimulé dans l'ombre de son voile, ses pupilles laiteuses et aveugles.
— Mama ! s'exclama l'un des membres de la famille, la femme, probablement la mère de la victime. Tu ne devrais pas être là !
Elle se précipita en direction de sa mère, qui leva un doigt impérieux pour l'arrêter. Et sans la moindre aide, marcha droit vers le cadavre de sa petite-fille, sans hésitation. Comme si elle voyait, alors qu'il était totalement évident que ce n'était pas le cas.
John la regarda faire avec stupeur. L'apparition de la vieille femme avait provoqué le silence de la pièce, plus écrasant que jamais. Concentrée sur cette dernière, John rata le regard de Sherlock, son petit reniflement méprisant, son visage peint de cet air supérieur qu'il affectionnait beaucoup trop pour que les choses se passent bien.
La vieille aveugle arriva soudain au corps de la victime, et s'arrêta à quelques centimètres. La canne qu'elle avait ne lui servait pas à identifier son trajet, elle s'appuyait dessus parce que ses jambes semblaient la porter difficilement. Autant tous les meubles de la pièce, elle aurait pu les connaître par cœur et savoir les éviter. Autant les gens présents en masse dans le petit espace, ils s'étaient tous écartés pour la laisser passer en apercevant ses yeux blancs qui ne voyaient pas. Autant le cadavre de sa petite-fille, elle n'avait absolument aucun moyen de savoir qu'il était à cet endroit précis, et pas un centimètre plus loin ou plus près. Pourtant, elle s'était arrêtée à l'endroit parfait, et John en fut bluffé. Il avait déjà entendu des histoires de gens handicapés, privés d'un sens ou de plusieurs, qui compensaient avec les autres, mais pas à ce point-là. Ça ressemblait plus à quelque chose d'extra-sensoriel. John était médecin, et se considérait comme relativement rationnel. Pourtant, il savait qu'on n'expliquait pas tout avec la science. Il y avait des choses improbables, parfois des sortes de miracles. Il y avait des gens qui avaient réellement des dons inexplicables. John n'y croyait pas jusqu'au jour où, à l'âge de quinze ans, il s'était brûlé très fort chez un ami. Ce dernier avait alors sauté sur ses pieds et appeler sa mère à pleins poumons, arguant qu'elle pouvait couper le feu et que ça irait. Et il avait eu raison. La douleur et la brûlure avaient disparu quand la femme avait posé ses mains sur John. Dix ans de médecine plus tard, il n'avait jamais eu l'explication de ce phénomène. Alors il avait admis qu'il y avait des choses incompréhensibles dans ce monde.
Mais il avait oublié que l'être le plus rationnel et le moins enclin à croire à l'incroyable se tenait à côté de lui.
La vieille femme tomba soudain à genoux, se mettant à pleurer, gémir et psalmodier dans une langue inconnue. Un coup d'œil à Sherlock, qui semblait tendu, lui apprit que le détective non plus ne comprenait pas, et qu'il ne savait même pas ce que c'était. Un dialecte, probablement. Sa dégaine faisait penser à moitié à une gitane, à moitié aux veuves corses ou siciliennes. Sherlock parlait italien et français, mais les mots qui s'échappaient comme une mélopée de sa bouche ne ressemblaient pas ni à l'une ni à l'autre des langues.
Ses mains s'agitaient au-dessus du cadavre, comme si elle le dessinait, sans jamais le toucher, ni même l'effleurer par mégarde, alors même qu'elles étaient extrêmement proches de la peau froide. John se fit de nouveau la réflexion que c'était impressionnant, considérant qu'elle ne pouvait pas voir.
— Mama... appela de nouveau la mère de la victime. C'est inutile.
À part elle, il n'y avait pas un bruit, comme si tous les policiers retenaient leur souffle. Ils ne savaient pas vraiment à quoi servait le rite qu'elle pratiquait, et il n'aurait pas dû être autorisé avant qu'on ne rende la dépouille à la famille, après les analyses, l'autopsie. John se fit la réflexion absurde que peut-être, ça allait fausser toutes les analyses. C'était absurde, elle ne touchait pas le corps. Pourtant, il ressentait qu'elle faisait quelque chose, à la lourde ambiance qui s'était abattu sur la pièce.
— Bon, ça suffit ! Arrêtez votre charlatanisme !
La voix de Sherlock avait claqué comme un fouet, et détruit l'ambiance en un clin d'œil. John le regarda, le trouva tendu et frustré. D'ailleurs, toute la pièce le regarda. Y compris la vieillarde agenouillée, qui se dirigea au son. Lorsqu'elle redressa la tête, son voile glissa un peu en arrière. Elle braquait ses yeux (faute de pouvoir regarder) dans leur direction, et John put plus clairement distinguer le visage craquelé, marqué, la peau sombre distendue et marquée par la vieillesse. Se détachaient nettement ses deux yeux laiteux, entièrement blancs. Aucune lentille de contact au monde ne pouvait fausser une telle apparence. Elle était bien aveugle.
— Arrêtez ça, répéta Sherlock sans se démonter. Ça ne sert à rien, vos boniments et vos sortilèges ! Cessez vos mensonges, ou on vous arrête comme étant la coupable !
John en resta béat de surprise. Ce que disait Sherlock n'avait absolument aucun sens.
— Cou... coupable ? bégaya l'un des membres de la famille, abasourdi.
— Eh bien oui ! s'exclama Sherlock d'un ton victorieux. Elle prétend être aveugle, mais elle sait où se trouve le cadavre, sa position, au centimètre près.
John reconnut qu'en effet, la jeune victime était tombée dans une position grotesque, les bras et les jambes faisant un drôle d'angle, que personne n'avait touché jusque-là. Et la vieille femme avait suivi cette forme sans hésitation.
— Comment pourrait-elle le voir ? Elle ne peut pas ! Donc si elle le sait, c'est qu'elle est la coupable !
John n'avait jamais entendu une rhétorique aussi faible chez Sherlock, et il fut tenté de rire tant cela lui paraissait absurde, avant de réaliser que son ami était parfaitement sérieux. L'enquête devait vraiment l'avoir mis de mauvais poil pour qu'il énonce des hypothèses aussi peu sérieuses. D'ailleurs, autour d'eux, personne ne semblait savoir s'il fallait rire ou pleurer.
Il y eut un long instant de flottement. John vit Greg se préparer à dire quelque chose. Il n'en eut pas le temps. La vieille femme poussa un long hurlement inhumain.
Elle se redressa soudain, aussi vite que son corps semblait le lui permettre, se mettant à cracher de colère des mots, toujours dans une langue inconnue. Sherlock, pétrifié, la regarda venir vers lui, sans cesser de crier, l'invectiver dans cette langue étrange qui, un instant plus tôt, sonnait comme une douce musique et qui semblait désormais si agressive.
Elle avançait aussi vite que possible, hurlant, insultant Sherlock sans que personne ne réagisse. Ce n'était pas qu'ils n'avaient pas le temps, elle ne progressait pas si vite, mais personne ne semblait savoir comment réagir face au chagrin et à la colère que la femme ressentait et qu'elle dirigeait contre Sherlock, qui ne l'avait pas vraiment volé.
— MALEDICTA ! cria-t-elle soudain, alors qu'elle n'était plus qu'à quelques centimètres de Sherlock et John.
Elle était, courbée et ratatinée sur sa canne, presque deux fois plus petite que le détective, mais ça ne l'empêchait pas de paraître dangereuse, à sa manière. John n'aurait pas été surpris si elle s'était mise à lancer des éclairs ou des plumes de corbeau.
— MALEDICTA ! répéta-t-elle en levant le bras.
John aperçut un chapelet, ou un bracelet de pierres rondes à son poignet, quand sa manche se releva. Il réagit trop tard, mû par l'instant, il écarta Sherlock, juste un peu, l'attrapant par le bras. Ce ne fut pas assez. La femme le toucha, au niveau de la poitrine, et le détective sursauta en laissant échapper un cri de douleur. Elle l'avait pourtant juste touché, au travers de ses vêtements.
— Mama ! cria de nouveau la mère de la victime, la seule chose qu'elle semblait capable de dire, avançant en direction de sa mère.
Greg reprit les choses en main.
— Madame, calmez-vous ! John, fais sortir cet abruti d'ici !
La scène si figée et si silencieuse sembla alors reprendre vie dans un grand capharnaüm, alors que chacun sortait de sa transe et essayait d'agir. John attrapa Sherlock et le tira, l'emmenant loin, très loin de cette maison surréaliste.
— John, j'ai mal, grinça Sherlock dans le taxi qui les ramenait à Baker Street.
Le médecin fut tenté de l'envoyer paître, avant de lui jeter un regard. La souffrance du détective n'était pas feinte, et il portait la main à sa poitrine. Il n'était pas en train de mourir dans les flammes de l'enfer, mais il avait réellement mal, John pouvait le dire à la crispation de son visage, de ses dents serrées, de ses jointures qui blanchissaient alors qu'il serrait le poing.
Comme trop souvent avec Sherlock, John arrêta d'être en colère contre lui alors même qu'il continuait de mériter l'énervement.
— Mal comment ? demanda-t-il.
Ils étaient bientôt arrivés à Baker Street, d'après les rues dans lesquelles le taxi glissait. Mais si c'était plus grave, il leur faudrait rejoindre l'hôpital, et c'était plus loin.
— Ça brûle, murmura Sherlock.
John eut la surprise de le voir essuyer une goutte de sueur sur son front. Sherlock était ce genre de personne absurde qui semblait ne pas être capable de suer même après une course-poursuite. John supportait mieux la chaleur que lui, mais son système de sudation était parfaitement au point et fonctionnait très efficacement pour aider à la régulation de sa température. Pas Sherlock. Alors le voir suer, dans un taxi à température ambiante au printemps londonien, c'était bizarre.
— Où ? demanda-t-il.
— De partout, en fait. J'ai chaud comme si je brûlais, mais encore plus là.
Il désigna sa poitrine, là où la vieillarde l'avait touché. John observa brièvement le chauffeur, qui ne leur accordait absolument aucune attention. Ils étaient bientôt arrivés, et il prit la résolution de détacher sa ceinture, pour se déplacer et venir se positionner devant Sherlock. Une main sur son front lui apprit qu'il avait de la fièvre, et qu'elle montait rapidement.
Puis il descendit sa main en direction de la poitrine, et l'effleura. Sherlock gémit de douleur. John retira sa main, surpris. La zone irradiait de chaleur, comme pour une blessure de grand brûlé. Il était désormais franchement inquiet.
Le taxi entra dans leur rue, il n'était plus qu'à quelques mètres.
— T'as un truc qui va pas, décréta John. Tu préfères que je t'examine à la maison ou qu'on aille directement à Saint Bart ? T'as de la fièvre, et ça augmente.
— Maison, gémit Sherlock.
La réponse n'était pas franchement étonnante. Pour quelqu'un qui adorait les morgues, il détestait l'hôpital. Et faisait un très mauvais patient. John en avait pris son parti depuis longtemps, et avec l'aide de Greg, Molly et étonnamment Mycroft, il avait chez eux de quoi s'occuper de Sherlock presque aussi bien que dans une clinique. Il ne pouvait pas l'opérer, mais il disposait sinon de matériels et médicaments de professionnels. Rangés sous clé. Certains opiacés allaient bien au-delà du simple tube d'aspirine et n'étaient pas à laisser tomber entre les mains d'un ex-junkie.
— Tu peux marcher ? demanda-t-il alors que le taxi s'arrêtait devant leur porte. Je vais avoir du mal à te porter.
Sherlock lui renvoya une œillade courroucée. Il n'allait pas si mal s'il avait encore l'énergie de s'offusquer du fait que John puisse devoir le porter comme un bébé.
— Va, ordonna John en se penchant par-dessus son corps pour lui ouvrir la portière. J'arrive.
Le détective ne répliqua pas, preuve qu'il se sentait quand même mal. Chaque geste pour s'extirper du véhicule et tituber jusqu'à la porte semblait le faire souffrir. John sentit son cœur se serrer. Depuis qu'il était revenu d'entre les morts, John avait souhaité qu'il souffre. Qu'il ait mal autant que John avait souffert de son absence, de sa perte, de son deuil inutile. Qu'il ressente un tout petit peu de la souffrance qui avait été celle du médecin tandis qu'il regardait son arme de service en se demandant si ça irait vite, s'il mettait le canon dans sa bouche et appuyait sur la détente. Lui casser le nez à coups de poing n'avait pas été vraiment suffisant. Parfois, quand Sherlock était particulièrement insupportable, John avait envie de lui en coller une, et il avait peur de ne pas être capable de s'arrêter de le frapper. Il avait peur, souvent, de cette violence latente en lui. Cette envie de lui faire du mal, très mal.
Mais pourtant, en cet instant où il souffrait — pour des raisons totalement extérieures à John — le médecin ne supportait pas de le voir ainsi, et il avait au contraire envie de le protéger de toutes ses forces, de le mettre à l'abri de tout. C'était parfaitement absurde, et assurément pas sain. Si John voyait encore une psy, il était certain qu'elle n'aurait pas approuvé. Les gens n'avaient pas des envies démesurées de protéger et épargner la douleur à leurs meilleurs amis pour être les seuls à avoir le droit de les frapper pour leur infliger de la douleur. À vrai dire, c'était même totalement le raisonnement d'un psychopathe, John en avait conscience. Parfois, il se laissait aller à se demander si c'était le genre de choses que pensait Moriarty, si John était en train de devenir comme lui, si Sherlock aimait ça, aimerait ça, s'il aimerait John comme il avait aimé Moriarty, de cette fascination étrange, immense, dévorante.
Puis la haine et la violence reprenaient le dessus. John n'était pas totalement irrécupérable. Il savait que ce qu'il ressentait pour Sherlock, c'était de la colère. Pour Moriarty, c'était de la haine pure et dure, une envie de le voir mort en ayant souffert encore et encore auparavant. Si Sherlock lui avait dit pour son projet de démanteler le réseau du génie criminel, si John l'avait accompagné, les choses se seraient mal passées, c'était certain. John serait devenu ses pires cauchemars, se vengeant sur les autres de ce qu'il ne pouvait plus infliger à Moriarty. Il était probable que Sherlock le sache, et que cela soit une raison supplémentaire d'avoir tenu John dans l'ignorance et affronter sa quête en solitaire.
John paya le taxi, davantage qu'il n'en demandait. L'homme avait l'air de les trouver bizarre, et il n'avait pas envie de répondre à la moindre question, et l'argent réglait généralement assez bien le problème. Les gens préféraient empocher le surplus et se taire, comme si un billet de plus achetait leur tranquillité.
Il se dépêcha de rejoindre Sherlock, qui avait atteint la porte et réussi à l'ouvrir. Il entamait l'ascension de l'escalier en grimaçant à chaque marche. John resta derrière lui, sans faire mine de l'aider. Le détective aurait trouvé ça humiliant, alors il se contenta d'être là pour le rattraper s'il ratait une marche, et avançant sans être frustré du rythme lent de Sherlock, dont la fièvre semblait s'intensifier.
— Droit au lit, ordonna John quand ils atteignirent le palier.
Le fait que le détective obéisse sans discuter renseigna John sur la gravité de ce qu'il lui arrivait. Il le laissa se diriger vers sa chambre tandis qu'il faisait un arrêt dans la salle de bains, prenant son matériel et sa trousse de soins.
Quand il le rejoignit, Sherlock avait laissé tomber son manteau au sol, et assis au bord du lit, se débattait avec ses chaussures comme un enfant. S'approchant, John constata que la fièvre avait dû s'amplifier, vu combien Sherlock irradiait de chaleur.
— Couche-toi. Je vais te déshabiller, t'examiner. C'est d'accord ?
Sherlock obéit, à moitié groggy, non sans hocher la tête pour donner son consentement. Il s'écroula dans les coussins, et laissa John lui ôter ses chaussures, dégrafer son pantalon pour qu'il respire mieux, ouvrir tous les boutons de sa chemise pour regarder son torse. Sherlock était souvent blessé, mais ce genre de situations n'était quand même pas fréquente. En général, le détective saignait, était blessé, mais était capable de se déshabiller de lui-même pour que John le recouse, pose des strips, désinfecte les plaies. Qu'il soit si démuni brisait le cœur de John.
Pourtant, rien ne l'avait préparé à ce qu'il vit quand il acheva d'ouvrir la chemise pour libérer le torse. En son centre, un peu vers la gauche, à l'endroit exact où Sherlock avait été touchée par la vieille, il était brûlé. Une vraie brûlure, la peau très abîmée, rouge et à vif, et des cloques semblaient déjà se former.
— J'ai mal, John, pleurnicha Sherlock.
La voix de son colocataire ne pouvait pas être décrite autrement. John ne l'avait jamais vu comme ça. Il était pourtant hautement résistant à la douleur, sous toutes ses formes. Il avait déjà été brûlé, John l'avait déjà soigné pour ça. Certes, c'était des brûlures de premier degré, mais quand même. Ils avaient échappé à un incendie une fois, et ils avaient eu chaud (dans tous les sens du terme) et des vêtements roussis, et Sherlock ne s'était pas plaint de la manière dont il se plaignait actuellement.
— Commence par prendre ça, ordonna-t-il en attrapant dans son stock de médicaments des anti-douleurs.
Il les surdosa, comme toujours. Le corps de Sherlock avait besoin de doses plus importantes que la moyenne, mais John savait aussi le niveau maximum qu'il pouvait prendre sans redevenir accro. La codéine n'était certes pas de la cocaïne, mais les risques étaient quand même présents.
Sherlock se redressa en grimaçant, sa peau tirant sur les cloques et la brûlure, et goba les comprimés que lui présentaient John. Sa capacité à avaler tout rond des médicaments avec sa seule salive et même pas besoin d'un verre d'eau était un talent que John lui envierait toujours.
— Ça va aider ta fièvre et la douleur. Mais il va falloir que je nettoie ta blessure, Sherlock. Ta chemise a accroché la peau abîmée, il faut enlever les morceaux de tissu... bref, ça va faire mal. Je suis désolé.
Sherlock se laissa retomber dans ses oreillers sans commenter, serrant les dents. John voyait distinctement la sueur sur son front, désormais. Il ne savait pas contre quelle infection le corps de Sherlock luttait, mais c'était grave. La brûlure, aussi moche soit-elle, était trop récente pour que ça le mette déjà dans cet état. Ça n'avait aucun sens. Mais au fond, rien n'en avait. Sa blessure elle-même était dépourvue de fondement, il avait juste été effleuré par une vieille dame qui ressemblait à une sorcière. John voulait bien croire à certains miracles, à la nature plus forte que la science, à l'esprit plus fort que le corps, mais il n'avait jamais entendu parler de quelqu'un qui pouvait provoquer une brûlure de deuxième degré rien que par apposition des mains.
Il secoua la tête, chassant ces pensées inutiles. Savoir comment c'était arrivé n'était pas l'important, présentement. Il fallait soigner Sherlock.
Il alla chercher du matériel, plus de compresses, de l'eau tiède dans une bassine, avant de revenir et se poster au milieu du lit. Sherlock serrait toujours les dents.
— Sherlock, tant que tu es encore conscient, j'ai besoin que tu m'écoutes.
Il savait qu'il le faisait souffrir à ne pas le soigner immédiatement (encore que le soin serait dans un premier temps pire que le mal quand il allait toucher la peau cloquée), mais il avait besoin de dire quelque chose.
Le détective rouvrit un œil, le regarda avec un léger hochement de tête pour lui montrer qu'il écoutait.
— Je sais que tu détestes les hôpitaux. Pour ce soir, j'estime qu'on peut gérer ici, ta brûlure n'a pas encore trop dégénéré. Mais tu as énormément de fièvre. Si demain matin, ça ne s'est pas arrangé, que tu sois conscient ou non, d'accord ou non, je t'emmène aux urgences. Si la brûlure s'aggrave et qu'il faut débrider ta peau... Il faudra qu'on soit là-bas. C'est bien clair ?
Sherlock hocha péniblement la tête.
— Tant que c'est toi qui t'occupes de moi, murmura-t-il.
John acquiesça. Il avait quelques liens à Saint Bart, suffisamment pour qu'on le laisse donner des ordres à un interne et qu'on lui mette du matériel de professionnel pour soigner Sherlock dans un environnement aseptisé.
— C'est parti, décréta-t-il en se penchant sur la brûlure.
Sherlock commença à gémir dès qu'il effleura sa peau. Il le soigna lentement, nettoyant la plaie de chaque fibre de tissu accroché, faisant hurler le détective quand il désinfecta la peau lésée, passa une crème grasse et cicatrisante, fit un pansement spécial pour les brûlures.
À la fin de ses soins, Sherlock était à moitié endormi, abruti par les médicaments. John le laissa sommeiller. Il acheva de le déshabiller, tout en le prévenant de ses gestes par acquit de conscience, tandis qu'il manipulait le corps lourd qui se laissait peser.
John, attentif à ses besoins, n'essaya pas de lui remettre un pyjama, une fois qu'il fut en boxer, mais parvint à ouvrir les draps et le faire glisser en dessous.
— Dors, ordonna-t-il au détective gémissant. Je veille sur toi.
Sherlock ne sembla pas avoir de réaction, et ses yeux restèrent fermés, ce que John interpréta comme le fait qu'il allait obéir. Il ramassa ses affaires et quitta la pièce, laissant Sherlock se reposer. Il allait en être quitte pour une nuit sur le canapé, pour pouvoir l'entendre et réagir dans la nuit au besoin.
Prochain chapitre : Me 14/06
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