Un chapitre beaucoup plus court, qui, je gage, devrait vous frustrer sur un point ^^' On commence à approcher doucement de la fin !
Bonne lecture !
Chapitre 20
Après leur petit éclat à Scotland Yard, ils s'attendaient à ce qu'il se passe quelque chose, mais il ne se passa absolument rien. Ils rentrèrent chez eux, discutèrent avec Mrs Hudson venue leur apporter à manger, Sherlock s'avachit dans son canapé, John mit à jour son blog, et sans qu'ils le réalisent, la journée s'étira tranquillement, sans la moindre contrariété.
En milieu d'après-midi, un bip trancha le silence confortable du salon, et le détective tendit la main à l'aveuglette en direction de la table basse pour attraper son téléphone.
John le regarda faire, amusé :
— Plus à gauche. Encore. Encore...
— Ce serait plus simple si tu me l'apportais, répliqua le détective en étirant son bras au maximum, toujours sans regarder ce qu'il fabriquait, couché sur le canapé.
— Beaucoup moins drôle, répondit John. Voilà, tu y es.
Avec un soupir mélodramatique, comme si cet effort lui avait coûté l'intégralité de son énergie, Sherlock referma ses doigts sur le petit objet, et le ramena vers lui, avant d'ouvrir pesamment une paupière pour regarder l'écran et savoir qui lui avait écrit.
— C'est Mycroft, commenta-t-il.
— Par SMS ? s'alarma John. Ton frère est malade ou en danger ?
Il en bondit presque de son fauteuil, prêt à réagir. Il n'aimait pas Mycroft, et il n'avait pas pardonné à ce dernier d'avoir fait enterrer un cercueil vide et graver une pierre tombale inutilement, sans avertir John qu'il savait la vérité. Pour autant, il savait que Mycroft était utile, et que son meilleur ami était attaché à son frère aîné, même s'il ne le reconnaîtrait jamais. Si Mycroft avait un problème, John agirait pour l'aider, c'était aussi simple que ça.
— Pas directement Mycroft. Sa secrétaire. Pourquoi es-tu à moitié debout ? demanda Sherlock d'un ton perplexe.
John inversa son mouvement avorté, et se rassit sur son fauteuil.
— Je me tenais prêt à réagir, marmonna-t-il.
— Pour Mycroft ? s'ahurit Sherlock.
— C'est ton frère. S'il a besoin d'aide, on doit être là pour lui, non ?
Sherlock haussa les épaules. Son mouvement négligé et son absence de réponse ne trompaient personne.
— Que dit Anthea, alors ? demanda John.
— Qui est Anthea ?
Un bref instant, le médecin fut tenté de finalement se lever, mais pour aller secouer Sherlock comme un prunier, tellement il l'agaçait à jouer les innocents. Il savait parfaitement qui était Anthea, et son air ingénu ne trompait personne.
— Sherlock... menaça-t-il à voix basse.
— Anthea dit que le nécessaire a été fait. Le DI Dominic Coulson a été inculpé pour agression sexuelle, et harcèlement sexuel...
Il balayait le mail rapidement des yeux.
— Ils ont suffisamment de matière sans avoir besoin de notre témoignage, et il n'y aura pas de charges retenues contre toi pour avoir frappé quelqu'un...
Un deuxième bip retentit. Le pouce de Sherlock balaya l'écran, ouvrait le deuxième mail.
— C'est de la part de Miss Helen Stevens.
— Qui est-ce ?
— La secrétaire de Scotland Yard qui nous a interpellé quand on parlait. Elle nous remercie pour notre intervention... et nous donne la version officielle, au cas où.
— Quelle version ?
— En gros, Coulson a eu des gestes déplacés envers moi, et tu as agi en état de légitime défense pour l'empêcher de m'agresser.
— Je lui ai pété le nez d'un seul coup de poing, et le poignet ensuite.
— Involontairement. Réaction proportionnée à l'agression, tu l'as frappé pour le repousser, par malchance le coup lui a fracturé le nez, et en tombant, il a heurté son bureau et s'est cassé le bras.
John resta abasourdi. Certes, il n'y avait pas vraiment eu de témoin, sinon la jeune demoiselle, mais modifier à ce point une version des faits lui paraissait monstrueux. Surtout en quelques heures. Parfois, le pouvoir de Mycroft le terrifiait.
— Et tout le monde va dire ça ? demanda-t-il.
— Miss Stevens va le dire, et nous aussi, dans le cas improbable où on nous interroge. Mais tous les autres, ils vont parler de leurs propres problèmes avec Coulson, et c'est ça qui l'a fait inculper. Il y a peu de chances qu'on s'intéresse à nous.
John en resta abasourdi. Satisfait, bien sûr, parce que l'homme paraissait être un immense connard, et ça en ferait un de moins libre dans la nature, mais son honnêteté bien ancrée s'indignait des méthodes pour en arriver là. Il avait déjà appris à faire tellement de concessions avec la loi en vivant avec Sherlock.
— Il y a vraiment beaucoup de superlatifs et de point d'exclamation dans le mail de Miss Stevens, commenta Sherlock d'un ton plat.
Troisième bip. Sherlock fit glisser son doigt pour l'ouvrir.
— Yana Semman. Collaboratrice de Coulson, seule femme de son équipe, toujours condamnée à rester dans les bureaux, et jamais sur le terrain. Elle a été nommée chef d'équipe par intérim et veut nous voir demain pour la résolution de l'enquête, dont elle a désormais la charge. Décidément.
John doutait qu'il y ait écrit tout ça dans les mails. Sherlock en déduisait aussi une partie.
— Plutôt une bonne nouvelle, commenta John. L'efficacité de ton frère fait peur, parfois.
Il y eut un autre bip. Nouveau mail de Yana Semman. Puis encore un autre, d'une autre agente que Coulson avait harcelée, ou fait des propositions indécentes tout en la réduisant à son rôle de femme servile.
— John. Je crois que je suis devenu un emblème de la cause féministe, énonça calmement Sherlock.
Le médecin ne put s'empêcher d'exploser de rire.
Mycroft n'était pas passé, ce qui leur avait semblé louche, mais avait soulagé Sherlock. Malgré tout ce qu'il pouvait dire, il n'était pas prêt d'affronter son frère sous sa nouvelle apparence. John ne comptait pas le presser, mais il doutait de plus en plus du fait que l'aîné des Holmes ne sache rien. Et le fait que Sherlock fasse semblant de rien n'était pas franchement une bonne chose.
— Sherlock ? appela-t-il après le dîner.
Ils avaient rendez-vous le lendemain matin avec Yana Semman pour achever l'enquête du noyé de la Tamise. Le détective paressait dans le canapé, comme souvent. Il fallait lui reconnaître qu'il avait mangé bien plus que d'habitude, ce soir, et donc qu'il était en pleine digestion intense, chose dont son corps avait assurément peu l'habitude. John l'avait rarement vu aussi affamé. Il s'était resservi deux fois, une première dans leur histoire.
— Hmm ? marmonna-t-il en réponse.
Le médecin s'approcha lentement de son ami, puis poussa ses pieds pour s'installer sur le canapé avec lui. Sherlock le laissa faire. Mais dès qu'il fut assis, il étendit de nouveau ses jambes, les posant sur les genoux de John. Il n'avait sans doute pas conscience de combien le geste pouvait paraître intime et affreusement domestique, et John carra les épaules, restant droit et fier, comme si tout était absolument normal, comme si Sherlock avait toujours posé ses chevilles sur ses genoux.
— Ton frère n'a pas appelé, n'est-ce pas ?
— Non.
— Et il n'est pas venu, non plus.
— De toute évidence, John, répliqua le détective d'un ton sarcastique. Tu étais là avec moi toute la journée, tu l'aurais remarqué si Mycroft était passé, il n'est pas du genre discret.
L'aigreur de sa voix n'entama en rien la résolution de John de lui parler. Il savait pertinemment que c'était une ruse. Il connaissait son colocataire par cœur. Il avait déjà déduit où allait les emmener cette conversation, ne souhaitait pas l'avoir, et se montrait insupportable pour tenter de détourner les choses. Ça ne prenait plus avec John depuis longtemps, mais on pouvait louer l'effort.
— Mais il s'est occupé de toute cette histoire avec Coulson avec efficacité. Bien plus qu'on ne l'aurait souhaité, d'ailleurs. Il aurait pu se contenter de payer ma caution pour me sortir de prison.
— Ne sois pas stupide. Je l'aurais fait avant que Mycroft n'ait eu le temps de réagir.
John lui jeta un regard désabusé. Machinalement, ne sachant pas quoi faire de ses mains, il les posa sur ses genoux. Sur les chevilles de Sherlock qui occupaient ses genoux, de fait. Aucun des deux ne parut s'en rendre compte.
— Sans vouloir te vexer, Sherlock, payer une caution n'est pas juste se pointer à la police et faire un chèque.
— Je ne vois pas en quoi ça pourrait être plus compliqué que ça.
— Ça ne l'est pas forcément, mais ça nécessite un certain degré de paperasse, de signatures sur des documents divers et variés, et devoir patienter le temps qu'on s'occupe de toi, qu'on traite ta demande, qu'on revienne vers toi parce qu'il manque quelque chose, etc. Tu n'aurais jamais eu la patience. Tu aurais fini dans la cellule voisine pour outrage à agent en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Donc, Mycroft aurait pu se contenter de payer ma caution, mais il en a fait davantage.
John essayait de recentrer la conversation. Sherlock n'avait pas l'intention de le laisser faire. Il se redressa à moitié, ses pieds bougeaient dans l'entreprise, glissant sous les doigts de John. Ils firent tous les deux très bien semblant de ne pas avoir remarqué le frisson du détective, la chair de poule sur ses mollets quand les doigts de John l'effleuraient.
— Tu oses sous-entendre que je ne saurais pas me tenir ? déclama Sherlock de son ton mélodramatique, grands gestes grandiloquents et main sur le cœur.
Un acteur oscarisé n'aurait pas fait mieux.
— Que je n'aurais pas été capable de faire preuve de patience, pour te sortir de là ?
À la réflexion, un acteur oscarisé aurait eu un jeu plus subtil. Sherlock était une drama-queen. Mais présentement, il le faisait exprès. Pour faire sourire John. Et pour le détourner du but de la conversation. Ça fonctionnait, du moins pour la première partie. Le médecin essayait de se retenir de rire, se mordant l'intérieur des joues. Par contre, il gardait très clair à l'esprit là où il voulait en venir.
— Honnêtement, s'amusa-t-il, non. Je ne t'en crois pas capable une seule seconde. Mais j'apprécie que tu essayes de prétendre le contraire.
Sherlock se renfonça dans les coussins, ses pieds retrouvant totalement leur place sur John dans le mouvement. S'il n'eut pas conscience qu'au passage, avant de s'immobiliser, il heurta et appuya sur l'entrejambe de John, le médecin lui ne put qu'en être brutalement très conscient. Pas à cause de la douleur, malheureusement.
Ils firent tous les deux semblant de rien. Du moins, John fit semblant de rien, maintenant sa respiration à un rythme le plus normal possible et en ignorant son pouls affolé, tout en pensant à tout sauf ça. Surtout des images horribles, susceptibles de lui couper l'envie. Ça tombait bien que la discussion porte sur Mycroft. Le frère de Sherlock était un excellent coupeur d'envie.
— Maintenant que ta tentative de me détourner de l'objectif de cette conversation a échoué, on peut en revenir à ton frère ? demanda John.
Sherlock soupira lourdement, comme la drama-queen qu'il était. Et qui reconnaissait sa défaite.
— Donc, disais-je, ton frère ne s'est pas contenté de payer la caution. Il a réagi avec efficacité, a fait arrêter un homme pour agression et harcèlement sexuels, le tout en nous préservant de devoir justifier d'avoir frappé un fonctionnaire de police. Il ne peut pas... il ne peut pas ne pas être au courant, Sherlock, acheva-t-il d'un ton doux.
— Au courant de quoi ? demanda le détective d'un ton ingénu.
Au temps pour John. Il avait cru que Sherlock avait cédé et accepté d'avoir cette conversation, mais manifestement, il lui restait encore un peu de ressource et de mauvaise foi.
— Au courant que tu n'as plus ton corps habituel, répliqua John.
Sa phrase fut prononcée avec plus d'aigreur et d'agressivité qu'il n'en aurait souhaitées, et il s'en voulut quand il vit Sherlock croiser les bras sur sa poitrine, comme dans un geste défensif. Ce n'était pas la seule différence avec son corps masculin, mais c'était assurément la plus visible.
— Pardon, Sherlock, murmura-t-il.
Instinctivement, ses doigts se posèrent sur les pieds du détective, sur ses genoux, dans une caresse apaisante. Dans un geste encore plus intime que précédemment, quand il se contenait simplement de poser ses doigts dessus. Là, il appuyait, massait, et sentait Sherlock y réagir favorablement. Même les pieds de Sherlock, John pouvait lister leurs différences avec avant. C'était subtil, des longueurs d'orteils, une forme d'ongles un peu différente, une cambrure modifiée. C'était des pieds, pourtant. Les pieds n'étaient pas très sexués, il était impossible de dire si certains étaient des pieds d'hommes ou de femmes, parce que c'était juste des pieds. Mais pourtant John connaissait suffisamment bien son colocataire pour être capable de lister les différences entre ses pieds d'avant, ses pieds d'hommes, et ceux d'aujourd'hui. C'était effrayant, une idée terrifiante qui lui faisait tourner la tête.
— Sherlock, s'il te plaît, parle-moi, implora-t-il en continuant de masser les chevilles et les pieds de Sherlock.
— Oui, Mycroft sait, répondit son ami dans un murmure.
— Tu lui en as parlé ?
— Bien sûr que non.
— Pas le fait de lui annoncer. Ça, je sais que tu ne l'as pas fait, que ce n'est pas toi qui l'as mis au courant. Mais s'il sait, vous en avez discuté ? De ce que ça impliquait, de comment c'est arrivé...
— Non, asséna le détective. Mais ça n'implique rien, et on ne sait pas comment c'est arrivé.
Sur la deuxième partie, John était d'accord. Ils n'avaient jamais su (et ne sauraient jamais) comment un tel évènement avait pu se produire. Par contre, il avait une liste assez longue des conséquences que cela entraînait.
— Tu ne devrais pas lui en parler ? Il n'est pas venu, aujourd'hui, Sherlock. Il sait, et il n'est pas venu. C'est bien la preuve qu'il te respecte, et essaye de ne pas se montrer intrusif. C'est plutôt une bonne chose. Tu pourrais faire un pas en avant, toi aussi.
Sherlock laissa échapper une exclamation de rire sans joie. Le médecin savait qu'il menait un combat perdu d'avance. Faire communiquer les deux Holmes sans qu'ils n'essayent mutuellement de s'assassiner verbalement relevait d'un fantasme.
— Ce n'est absolument pas la preuve d'une volonté de se montrer moins intrusif de Mycroft ! C'est juste que pour une fois dans sa vie, il ne sait pas comment régenter ma vie, alors il évite de débarquer pour n'avoir rien à dire d'intelligent. S'il y a bien une chose qu'il déteste, c'est passer pour un imbécile, donc il ne viendra pas ici sans un plan de bataille et une solution pour me prouver qu'il sait mieux que moi comment mener ma vie ! Ce n'est pas du respect à mon égard ! Et au passage, il se repose sur toi, il compte sur toi pour t'occuper de moi et de la situation ! Si j'étais seul et qu'il craignait pour ma vie, peut-être aurait-il débarqué plus tôt, mais tant que tu es là, aucun problème, il peut attendre !
John soupira.
— Tu n'en sais rien du tout. Si ça se trouve, Mycroft est très inquiet pour toi, ne sait pas ou n'ose pas t'en parler, et il ne vient pas parce qu'il attend que tu fasses le premier pas.
Sherlock darda son regard droit dans les yeux de John.
— Tu n'y crois pas toi-même, à ce que tu viens de dire.
— Non. En effet.
— Mycroft est un connard, conclut Sherlock.
Et il n'avait pas tout à fait tort.
Mycroft était peut-être un connard, mais John continuait de penser que c'était un connard prévenant. Il ne débarqua pas, n'appela pas, et à leur connaissance, ne les espionna pas d'une manière ou d'une autre. Sherlock avait affirmé un jour avoir supprimé un logiciel espion de son ordinateur, et le surveillait régulièrement pour le purger, tout comme celui de John. Le médecin lui faisait confiance.
John prit des nouvelles de Greg (qui allait mieux), et l'informa des derniers rebondissements dans l'affaire Coulson. Molly et le DI le félicitèrent d'avoir aidé, même sans le vouloir vraiment, à mettre hors d'état de nuire un connard machiste, sexiste et pervers, et les trois amis discutèrent longuement par messages. Lestrade s'enchantait de savoir que Yana Semman reprenait les enquêtes de Coulson. Il semblait apprécier sa collègue, et déclama avec emphase qu'il espérait qu'elle obtiendrait officiellement le titre de DI et cheffe d'équipe à l'issue de ce remplacement temporaire.
John ricana en regardant son téléphone.
« Donc, il y a quelque chose entre vous, ou bien, tu aimerais qu'il y ait quelque chose entre vous ? ;p » envoya-t-il.
Greg ne lui répondit pas.
Dix minutes plus tard, il n'avait toujours pas réagi au message de John, alors même que le message était indiqué comme lu.
« Tu crois que j'ai vexé Greg ? » envoya le médecin à Molly uniquement, devant l'absence de réponses manifeste de ses deux amis sur la conversation commune.
« John, parfois, t'es un véritable idiot »
— Quoi ? commenta John à voix haute en lisant la réponse de la légiste.
— Quoi ? lui fit écho Sherlock, croyant relativement logiquement que John s'adressait à lui, la seule autre personne de la pièce.
Le détective était toujours vautré dans son canapé, mais il n'arrêtait pas de gigoter depuis des heures, c'était insupportable.
— Rien, répondit John. Un truc que je comprends pas.
Sherlock n'eut même pas besoin de dire quoi que ce soit. Son visage parla de lui-même sur ce qu'il pensait de l'intelligence de John et son habilité à comprendre des choses.
— Fais pas le malin, Sherlock. Je suis sûr que tu ne comprendrais pas non plus !
— Explique-moi et je te prouve le contraire, le défia le détective.
John ne se fit pas prier, et lui raconta rapidement la conversation qu'il avait avec Molly et Greg, son commentaire, et l'absence brutale de réponse du DI, alors même qu'ils étaient en train de discuter.
Sherlock soupira avant même que John ait pu rajouter la partie où il écrivait à Molly seulement.
— Tu es encore pire que je ne le craignais, déclama-t-il. Un véritable idiot.
— Molly m'a dit la même chose, grommela le médecin.
— Elle remonte dans mon estime, sur ce coup-là ! s'exclama joyeusement Sherlock.
Il laissa aussitôt échapper un cri de douleur et bougea de nouveau, cherchant une nouvelle position dans le canapé.
— Eh bien merci pour vos commentaires très instructifs, répliqua John, sarcastique. Et pour l'amour du ciel, veux-tu bien cesser de gigoter comme un gamin hyperactif ? Tu n'as pas tenu une position pendant plus de trois secondes d'affilée au cours des quatre dernières heures, alors que parfois tu bouges tellement pas qu'on dirait que t'es momifié et c'est flippant ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Sherlock répondit un truc inintelligible, sans cesser de gigoter pour autant, manifestement à la recherche d'une position confortable.
— Quoi ? redemanda John. T'as un problème ?
— J'ai mal aux seins, marmonna le détective, refusant de croiser le regard de John. Et au dos. Et partout, en fait. C'est pénible, ce corps.
Le médecin haussa les épaules. Si c'était juste de l'inconfort, ce n'était rien de grave. Il savait que les femmes avec des poitrines imposantes — et Sherlock n'avait définitivement pas hérité d'un bonnet A dans le processus — pouvaient régulièrement avoir des problèmes de dos. Cela faisait un mois que Sherlock appréhendait ce nouveau corps, ça semblait cohérent qu'il commence à en souffrir. Molly les avait prévenus aussi sur des douleurs ou des démangeaisons improbables, par exemple des mamelons tellement secs qu'ils en devenaient douloureux, et qu'il fallait hydrater. Si les douleurs s'installaient de manière plus durable, il faudrait sans doute se pencher sur la question. Épisodiquement, Molly et John remettaient sur le tapis le fait d'avoir une consultation gynécologique, faire un frottis, une mammographie, des examens plus poussés. Sherlock s'enfuyait physiquement de la pièce ou mentalement dans son Palais Mental dès qu'on lui parlait d'un examen pouvant inclure un spéculum. Si les douleurs persistaient et avaient à voir avec sa condition de femme, il faudrait le convaincre et John en désespérait d'avance.
— Va te coucher, suggéra-t-il. Ça ira sans doute mieux demain, et tu seras mieux dans ton lit que sur le canapé pour dormir. Au pire, prends un anti-douleur avant de dormir. Ça t'aidera à t'endormir. Pas de codéine. Un Doliprane. 500. Pas plus.
Sherlock leva les yeux au ciel. Il avait, à demi-mots, reconnu avoir renoué avec quelques mauvaises habitudes, en exil, et John contrôlait avec plus de sévérité que jamais leur stock d'anti-douleurs. Ils avaient dans leur placard de la salle de bains des comprimés nettement plus fort que du Doliprane 500, à faire pâlir d'envie un pharmacien, mais John se montrait inflexible. Il était le seul à pouvoir les administrer ou non, et s'assurait que Sherlock ne prenne rien de trop fort, sauf en cas d'absolue nécessité (Parfois, le médecin semblait se préparer mentalement à l'éventualité de procéder à une amputation dans leur salle de bains). Sherlock trouvait cela stupide, premièrement parce que n'était pas un peu de codéine qui allait le rendre accro, deuxièmement parce qu'il maîtrisait parfaitement sa consommation et ses addictions, et que les fois où il avait complaisamment pissé dans un pot pour faire plaisir à son colocataire s'étaient toujours révélées négatives.
— Bonne nuit, Sherlock, lui lança le médecin.
Il était tard, et le détective se releva en grommelant. Il n'avait rien à perdre que de suivre le conseil médical et allait se coucher. Il était fatigué.
Prochain chapitre le Me 25/10 !
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