Xie Weizhe avait invité Boya à partager une coupelle de vin avec lui et ses collègues. Les premières minutes avaient été tendues. Ils étaient avec un ancien Chasseur, un ancien Tueur de Démons. Ils le savaient depuis la veille bien sûr. Mais le voir assit avec eux, à boire de l'alcool avec eux, ici, dans ce temple qui prônait la coopération entre leurs deux races, un temple emplis de pacifistes capable de vaincre bien des cultivateurs de sectes connues pour leur violence, avait quelque chose de perturbant.
Savoir qu'il était un esclave les avait tous davantage perturbés encore. Ils savaient que c'était quelque chose qui se faisait encore beaucoup dans les royaumes humains, mais ce n'était pas pour ça qu'il trouvait que c'était une bonne idée.
"- Qu'est-ce qui vous a amené à changer de secte ?"
"- JingYun m'a vendu à un marchant d'esclave quand il est clairement apparu que je ne retrouverai pas mes yeux."
Le calme tranquille et froid du jeune homme, son acceptation de la chose les mis tous en émois.
"- Donc la secte ici vous a acheté ?"
"- Zhong Xing Zongzhu a été contacté par mon Shifu qui lui a demandé de m'acheter quel qu'en soit le prix pour me mettre à l'abri ici." Au moins avait-il eut de l'aide de quelqu'un.
Mais ça n'apaisait pas la colère du petit groupe de soldats. Boya était un Tueur de Démon, mais il était un soldat, comme eux. Ils n'osaient imaginer ce qui se passerait si le Seigneur Anbei décidait soudain qu'un soldat incapable de se battre serait vendu comme esclave une fois qu'il n'était plus utile.
"- Les membres de JingYun ne sont guère plus que des esclaves." Expliqua soudain Boya. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait soudain besoin de justifier ce qu'il avait pu faire ainsi que la condition de ses frères. "Personne ne décide de rejoindre JingYun. Y sont emmenés des enfants trouvés dans la rue, ou amenés là par leurs parents parce qu'ils ont trop de bouches à nourrir. Dans mon cas, j'étais le seul survivant du massacre de ma famille part une renarde à deux queues." Un flottement se fit parmi les soldats. Ho… Il y avait donc une justification.
"- Yuan Boya… Je doute que vous le sachiez, mais les renards qui attaquent ainsi les humains pour tuer sont généralement malades et déjà mourant. Ils souffrent d'un parasitisme causé par un insecte qui se loge dans leur dantian et phagocyte leur Node dore. Ils sont obligés de tuer et de se nourrir de chair humaine pour survivre. Ce n'est pas une excuse mais… Ou alors, c'est qu'ils ont été payés pour tuer."
Bon, il y avait bien des tordues qui aimaient tuer pour tuer, mais elles étaient rares. Les renard-démons préféraient généralement se nourrir de leur victime sur le long terme de leurs ressources matérielles autant que de leur vie avant de les abandonner lorsqu'ils les avaient mis sur la paille. Il était très rare qu'une victime de renard en bonne santé ne défunte de ses actions. Quand ça arrivait, c'était plus généralement des renards très jeunes encore maladroit. Ou une volonté délibérée.
Boya resta silencieux un long moment. Il serra très fort les doigts sur sa canne. Une brutale envie de pleurer au fond de la gorge, il luttait comme il le faisait depuis des mois contre les brutales bouffées d'émotions qui le mettait régulièrement à terre.
"- Je… Je vois… merci pour cette explication. Enfin… j'étais le seul survivant. J'ai été emmené à JingYun. Là-bas, les disciples payent pour tout. La nourriture, le logement, l'éducation… Comme un enfant ne peut pas payer pour tout ça, cela devient une dette. A notre arrivée, on nous tatoue la marque de la secte sur la nuque." Comme on le faisait aux esclaves impériaux, tout simplement. "Tout ce que l'on peut faire pour la secte est défalqué de notre dette. Même balayer le sol rapporte quelques rognures de cuivre. Même les plus petits shidi apprennent très vite à se prendre en charge et à se charger d'un maximum de corvées pour ne pas trop creuser leur dette." Les démons étaient atterrés. Et c'était EUX les monstres sanguinaires ? "Une fois plus grand, quand on peut partir chasser, il est plus aisé de réduire sa dette. Il est même possible de se donner un peu de luxe. J'étais un bon chasseur !" Il y avait une amertume évidente dans sa voix. "J'avais même réussit à m'offrir un édredon à moi." Et pour JingYun, C'ETAIT un luxe. Lui, il n'avait pu le récupérer et le pleurait encore. "il y a d'autres façons de se faire un peu d'argent mais l'argent est la seule chose qui peut un jour permettre à une disciple de JingYun de retrouver la liberté."
"- Et pour ceux qui arrivent à rembourser leur dette ? Ils peuvent quitter la secte ?"
"- Ho non ! Il n'y a que deux moyens de quitter JingYun : vendu comme esclave ou mort. Non, une fois la dette remboursée, ceux qui y arrivent quittent le terrain pour devenir des anciens. Ce sont eux qui enseignent aux plus jeunes. Une fois la dette remboursée, le tatouage sur la nuque est brulé au fer rouge mais la cicatrice est significative. Tout le monde sait ce qu'elle veut dire à la Capitale. Tout le monde sait qu'un ancien de JingYun appartient à JingYun jusqu'à sa mort."
Boya prit une nouvelle gorgée d'alcool.
"- C'est odieux."
Le chasseur haussa les épaules.
"- C'est ainsi…"
"- Pourquoi nous dites-vous cela, Yuan Boya."
L'humain soupira.
"- Je sais ce que je suis pour vous : un monstre. Comme la renarde qui a massacré ma mère est pour moi un monstre. C'est… normal. Mais ne croyez pas qu'un chasseur s'est un jour levé un matin en décidant qu'il allait massacrer des démons. Un chasseur n'a pas le choix." Boya haussa les épaules. "Je commence à peine à parvenir à ne pas avoir envie de tuer tous les démons qui passent autour de moi et qui sont des shishen. Chaque jour est une épreuve pour lutter contre des réflexes qui m'ont été inculqués à coups de fouet depuis mes six ans. Tous les disciples de JingYun sont élevés ainsi. Personne ne vient de son plein grès à JingYun… Je sais que vous haïssez les chasseurs. Avec raison. Mais s'il vous plait, si vous devez les tuer, faites le proprement." Il n'eut pas besoin d'expliquer pourquoi. Sa simple existence misérable était une raison en soi. Il aurait préféré mourir avec ses frères.
Le silence était pensant lorsque Boya se leva.
Il remercia pour l'alcool, s'inclina devant le groupe, repris sa canne et s'en fut en silence, avec juste le raclement de sa canne sur le sol alors qu'il le balayait devant lui à la recherche d'aspérités et de son chemin.
Les démons ne cherchèrent pas à le retenir mais ils étaient d'accord sur quelque chose. S'ils devaient un jour être opposés à des chasseurs de JingYun, ils se battraient pour tuer. Et s'ils parvenaient à se défaire de leur adversaire, ils ne se contenteraient pas de blesser, ils achèveraient leurs victimes. Ce serait plus humain.
Le moral de Boya était un peu bas lorsqu'il s'approcha des arènes, guidé par le bruit des encouragements et des cris du public.
Il s'assit sur un bout de banc et resta au milieu des disciples et des démons, esprits et créatures présents pour assister aux match de combat à la main, noyé dans la foule, anonyme parmi les autres, protégé par le nombre et l'enthousiasme autour de lui.
Il resta à sa place une petite heure environ, juste à se vider la tête grâce aux présences et aux cris autour de lui. L'enthousiasme et le plaisir de s'amuser tout autour de lui était un baume sur son cœur maltraité. Il ne savait pas pourquoi il avait donné sa dague à Xie Weizhe alors qu'elle était si importante pour lui. Il ne savait pas pourquoi il avait raconté tout ça aux soldats. Il ne voulait ni de leur pitié, ni de leur compassion.
Peut-être juste un peu de compréhension ? Ou simplement, peut-être, l'espoir d'être haït pour ce qu'il faisait et non pas juste ce qu'il avait été. Peut-être finalement, qu'il aurait souhaité leur pardon, le pardon de tous ces démons qu'il avait tué, pour la grande majorité sans raison à part leur simple existence.
Il finit par quitter sa place pour rejoindre ses appartements. Il y resta enfermé jusqu'au début de l'après-midi et le concours de chant. Comme pour le combat à mains nues, il trouva une place dans le public pour écouter les chanteurs les uns après les autres. Pour ça au moins, il n'avait pas besoin de voir. Et si les chansons à boire s'enchainaient avec des berceuses, des comptines enfantine et des chansons d'amour, seule comptait la voix et les émotions qu'elle distillait.
Lorsqu'il sentit son bandeau s'imbiber de larmes à cause d'une chanson de mer d'une douceur et d'une nostalgie terribles qui lui serra le cœur, il préféra quitter les lieux pour l'un des nombreux jardins de la secte. Il avait besoin de calme et de solitude.
Quelqu'un l'y trouva deux bonnes heures plus tard, juste avant le diner.
La démone s'accroupit juste devant lui, curieuse.
"- Je ne pensais pas trouver un prêtre ici. Etes-vous perdu ?"
Boya sursauta. Il ne l'avait ni vu, ni entendu, ni même perçu. Depuis combien de temps était-il assit sur son banc solitaire, immobile au milieu des arbres délicatement protégé du froid cuisant des montagnes par des épaisseurs de sigils et de talismans si épais qu'il aurait pu monter dessus ?
"- Perdu ? Ne le sommes-nous pas tous un peu dans l'existence ?"
Le rire perlé de la démone le charma très vite.
"- Je m'appelle Yuan Boya."
"- Qin Jianjun, j'appartiens à l'armée du Seigneur Anbei. Vous ne le voyez sans doute pas, je ne suis pas une démone mais un esprit de feu."
"- Votre qi me dit le contraire." Boya était plus étonné qu'autre chose.
"- Oui, c'est normal. C'est ma combativité naturelle qui fait ça." Rit encore la jeune femme. "Mais vous me faites de la peine, tout seul dans votre coin. Un aussi joli garçon." Ronronna-t-elle sans la moindre pudeur.
"- C'est une invitation ?"
"- Si vous avez une chambre ?"
"- Effrontée !"'
"- Ça tient pas chaud la nuit. Un joli garçon comme vous, beaucoup plus."
Boya se leva. Il offrit son bras à l'esprit de feu.
"- Ma chambre est dans l'aile ouest."
Le sourire de la jeune femme se fit plus large.
"- Et c'est moi l'effrontée ?"
"- Je n'ai jamais dit que j'étais farouche."
Le rire satisfait de l'esprit aussi bien qu'elle-même l'accompagnèrent jusqu'à ses petits appartements.
Boya referma la porte derrière elle avec un mélange d'excitation et d'angoisse. Savait-il encore satisfaire une demoiselle ? Cela faisait si longtemps…
Boya n'avait que peu dormit après que Qin Jianjun soit partit. Il n'avait jamais rencontré de femme comme elle. Elle était dominante, sure d'elle et de ce qu'elle voulait de lui, joyeuse et dévergondée, tranquille et généreuse tout à la fois. Pour un peu, il aurait presque comprit pourquoi certaines personnes adoraient le sexe et ne le pratiquait pas simplement pour le soulagement physique qu'il apportait.
Elle avait compris sans peine ses difficultés lorsqu'il lui avait avoué qu'il n'avait pas eu de demoiselle dans ses bras depuis qu'il avait perdu la vue. Son rire n'avait été ni méchant ni moqueur. Au contraire, elle avait été flattée d'être à son gout pour se remettre le pied à l'étrier.
Boya s'était très vite retrouvé en terrain connu heureusement. Même sans ses yeux, il savait satisfaire une amante. Encore plus avec une femme aussi libre de ses passions et de ses désirs. Elle l'avait guidé sans la moindre honte pour qu'il lui donne ce dont elle avait envie avant de le satisfaire à son tour. Ils s'étaient un peu reposés, avaient remis le couvert, puis elle avait utilisé la baignoire de Boya avant de le laisser à son repos. Il n'y avait eu ni faux semblant, ni vaines promesses oubliées au matin, ni gêne et encore moins de confusion. Deux adultes consentants avaient pris quelques heures pour échanger un peu de plaisir, ni plus, ni moins. Il n'y avait ni commentaire à faire, ni demande outrancière à garder pour soi.
A son réveil, Boya avait un peu grimacé de se sentir tout collant. Il aurait dû se baigner dès que la jeune femme était partie mais les orgasmes successifs avaient sapés aussi bien ses angoisses que ses forces. Il avait dormit comme un sourd jusqu'à ce que les cloches de la secte ne marquent l'heure du petit déjeuner.
C'est donc un peu raide mais satisfait qu'il se prépara pour sa journée. Il devait participer au concours de tir à l'arc dans la matinée et comptait bien faire mieux que le troisième tour, cette fois. Il n'imaginait pas pouvoir gagner bien sûr. Pas encore. Pas cette fois. Plus tard. Quand il aurait progressé.
Pour l'instant, il espérait juste parvenir au quatrième tour de l'épreuve, mettre la moitié de ses flèches dans le centre et sortir avec des résultats correct.
Il s'en pensait capable.
C'est donc bien plus calme que l'avant-veille qu'il rejoint le grand hall avec sa canne pour prendre son petit-déjeuner. Tant qu'il y aurait toujours autant de démons dans la secte, il peinerait à se déplacer. Leur présence l'aveuglait toujours. Moins heureusement. Il lui faudrait encore des jours pour parvenir à ne plus être gêné de leur présence. C'était un travail de tri qu'il lui était pénible de faire en se concentrant dessus et presque impossible sans y penser. Sa canne était plus rassurante pour l'instant.
"- Bonjour Boya, prêt pour le tir à l'arc ?"
Boya s'inclina devant Zhong Xing. La voix du chef de secte était chargée de fatigue. Le pauvre homme n'avait pas du dormir beaucoup depuis trois jours.
"- Bonjour Shifu. Oui, je compte bien parvenir au quatrième tour."
"- Quoi, pas capable de gagner ? Le grand chasseur qui n'est pas fichu de tirer un lapin ?"
"- Bonjour aussi, He Shouyue. Je vois que vous vous êtes remis de la correction prise dans l'arène ? Il est plaisant de vous savoir aussi résistant."
"- Tu…."
"- Ça suffit vous deux." Gronda Zhong Xing, épuisé. "N'allez pas commencer à vous japper dessus alors que le soleil n'est même pas levé." Mais bon, il ne se lèverait pas avant des jours alors… "Où est ton arc He Shouyue ?"
"- Dans mes appartements."
"- Va le chercher. Le concours va commencer dès que le déjeuner sera finit."
"- Oui mais…"
"- Va."
Le jeune homme s'inclina, foudroya du regard Boya qui ne s'en soucia guère, trop occupé à se servir de quoi se remplir la panse. Il ne savait pas pour He Shouyue, mais lui avait remis son uniforme de cuir blanc. Si des robes à larges manches ne gênaient pas trop au combat, tout au moins dans un combat comme celui qui les avait occupé l'avant-veille, tirer à l'arc avec une robe était infiniment plus problématique. He Shouyue devrait se changer ou retirer sa robe extérieure s'il ne voulait pas faire de nœud avec son arme.
Le Shixiong de Boya lui sauta presque dans les bras.
"- Alors comme ça, on lève des filles pour passer la nuit avec et on ne prévient même pas les copains ?" Il était scandalisé d'avoir raté des cancans.
Boya parvint à ne pas rougir, même lorsque Zhong Xing parut très intéressé.
"- Vraiment Boya ? Vous vous êtes trouvé une amie ?"
"- C'était juste une compagne d'une nuit, Zongzhu. Entre adultes raisonnables. C'est tout."
"- Quel dommage." Soupira Shao Zhiqiang. "Si tu trouves à te marier, je veux être le premier au courant ! Je veux négocier ton mariage !"
Boya leva le bandeau au ciel.
"- Tu es ridicule." Il n'était pas en position de se marier, même s'il l'avait voulu. Et ce n'était vraiment pas le cas.
Zhong Xing protesta immédiatement. Si Boya devait se marier un jour, c'était LUI qui négocierait ! Il était son Shifu.
Le maître de secte et l'ancien chasseur paralysé se mirent à se bouffer le nez comme deux pigeons qui se disputent une miette jusqu'à ce que Fangyue arrive et leur balance à chacun un coup d'éventail sur l'arrière du crâne
"- Vous êtes ridicules tous les deux !"
Les deux hommes, l'un dans la quarantaine, l'autre qui en avait presque le double, baissèrent le nez comme des petits garçons pris en faute.
"- Oui Furen."
"- Oui Fangyue."
Elle s'assit avec la dignité d'une reine près de son mari sous les gloussements des autres maîtres.
"- Alors la rumeur est vraie, Boya ? Vous vous êtes trouvé une petite amie ?"
"- Pas vous aussi !" Gémit le chasseur.
Il finit son déjeuner pour fuir aussi vite que possible vers les arènes où des disciples installaient les lignes et les cibles de tir.
Il préférait être là qu'à se faire chahuter par sa secte. Même si c'était bon enfant, personne n'avait besoin de commenter ce qu'il faisait de son entre-jambe.
De l'autre côté de grand hall, très occupé à déjeuner avec les siens après deux jours passés à la table haute avec le chef de secte locale, le Seigneur Anbei avait tout entendu. Ainsi donc, le chasseur avait régné sur sa haine des esprits et des démons pour s'amuser avec un esprit. Ce n'était pas encore un démon bien sûr. Mais c'était déjà un large, très large progrès.
Une fois que Boya eut quitté la salle, Qin Jianjun s'approcha de son Seigneur sur un signe de sa part. Elle ne rougit pas une seconde lorsqu'il lui demanda de lui raconter l'intimité qu'elle avait partagé avec le chasseur.
Il voulait être sûr qu'il n'avait pas été brutal ou toxique, mais également… Non, il ne voulait pas qu'il y ait autre chose. Il voulait juste s'assurer que tout allait bien pour sa subordonnée.
C'était le cas, aussi n'insista-t-il pas davantage.
Lorsque la cloche sonna encore pour marquer la fin du petit déjeuner et le début proche du concours d'archerie, il se dirigea tranquillement vers les arènes.
Il s'assit à sa place pendant que les groupes étaient tirés au sort.
Boya reçut un jeton vert, comme He Shouyue. Ils allaient s'affronter directement avec deux autres archers. Il y avait quatre lignes de tir.
"- Je vous rappelle les règles. Trois volées de trois flèches. Pas plus. Une pause entre chaque volée pour que vos points soient comptés et qu'on vous rapporte vos flèches. Une fois les trois volées tirées, ne passeront à l'étape suivante que les deux meilleurs de chaque série.
Il y avait une vingtaine de série. Tirer à l'arc était plus facile que manier l'épée. Parmi ceux qui tentaient leur chance, il y avait même des petits shidi de huit ans. Leurs arcs étaient petits, mais adaptés à leur taille. Ils n'auraient aucun mal à toucher les cibles placées à trente pas.
L'un des deux autre membres de leur série, un démon, lui offrit son bras pour le conduire à sa ligne de tir lorsqu'ils furent appelés. Sans surprise, He Shouyue l'avait méprisé avec passion, au point de choquer l'autre disciple et le démon dans leur série. Vraiment, He Shouyue avait un mauvais caractère à tuer un âne !
Les quatre membres de la série attendirent qu'on leur donne la permission de tirer. He Shouyue tira ses trois flèches avec fluidité, toutes les trois proches du minuscule centre de la cible à trente mètres.
Le disciple près de lui prit un peu plus de temps mais fit aussi bien, vite imité par le démon qui mit ses trois flèches au centre.
Boya fut le dernier à finir. Il était dans la même moyenne que les deux autres membres de la secte même s'il fut plus lent. Il devait attendre que les autres aient finit de tirer pour ne pas être gêné par leur qi pour pouvoir sentir la cible et tirer.
"- Vous êtes lent, Boya Daren." Persifla He Shouyue.
"- Peut-être, mais j'avais une jolie fille dans mon lit cette nuit. Moi."
He Shouyue s'empourpra affreusement, choqué, gêné et fondamentalement outré d'une telle réponse.
Le démon et le disciple près d'eux gloussèrent sans pitié.
Le fils du chef de secte se mit à bouder.
Il attendit à peine l'ordre de tirer pour que ses trois flèches retournent se loger autour du centre de la cible.
Le démon rata un peu, le disciple ne fit pas mieux et Boya ajusta davantage son tir.
"- Ne vous a-t-on jamais dit de ne pas perdre votre feu avant un combat ?" Tenta quand même encore He Shouyue.
"- Je tire à l'arc avec mes doigts et mon arc. Si vous avez besoin d'une autre partie de votre anatomie pour faire de même, je vous invite à consulter."
Cette fois, le disciple et le démon riaient pour de bon, tant et si bien que l'arbitre de leur série gueula pour avoir un peu de calme.
Ils durent même faire quelques minutes de pause pour que toute le monde reprenne son sérieux.
Pourtant, dès qu'on leur rendit leurs flèches, les quatre participants se concentrèrent. C'était la dernière volée de flèches et ils étaient coude à coude.
Ils relâchèrent leurs flèches, Boya encore une fois en dernier, puis attendirent.
Lorsque le juge de leur série leur donna leurs résultats, Boya était content. Il était second à un point derrière He Shouyue, le démon à un point derrière lui et le disciple trois points encore derrière. Leur série avait été affreusement serrée. Mais au moins, He Shouyue et lui ne se rencontreraient plus avant les quart de finale s'ils allaient jusque-là.
Pendant qu'ils laissaient la place aux suivant, Boya s'installa dans un coin au calme pour attendre sa prochaine volée.
Lorsque quelqu'un s'assit près de lui, il le, ou la salua de la tête. Il sentit très vite l'hésitation de la personne près de lui.
"- Puis-je quelque chose pour vous ?"
"- Ha ! Excusez-moi… Je ne voulais pas vous troubler."
La jeune femme se leva et fila.
Boya secoua la tête. D'accord, sa conquête de la nuit avait dut parler de lui à des copines. Il connaissait ça par cœur. Au moins son lit serait chaud jusqu'au départ des invités…
Amusé, il se détendit un peu sur son bout de banc. Il sentait sur lui les regards intéressés de quelques-unes des invités. Pour un peu, il en aurait éclaté d'un rire amer. Lui qui tuait les démons encore quelques mois auparavant se retrouvait à devoir se rabattre sur des demoiselles non humaines pour avoir quelque satisfaction physique. C'était… pathétique.
Qu'est-ce qu'il était en train de devenir ? Qu'étaient devenus ses principes ? Mais étaient-ils SES principes avant toute chose ou juste ce qu'on l'avait forcé à acquérir en les lui enfonçant dans la gorge depuis qu'il avait mis les pieds à JingYun ?
Boya n'eut que le temps de boire une tasse de thé avant qu'on l'appelle pour la série suivante. Ses adversaires avaient bien prit le coup. Ils l'accompagnaient jusqu'aux lices, s'assuraient qu'il savait où tirer, puis le laissaient tranquille. Le faire échouer exprès aurait été honteux.
Boya était une fois de plus écœuré. Non par ses adversaires ou son état, non… Il était écœuré de savoir que dans une situation similaire, ses frères de JingYun auraient tout fait pour le faire échouer. Enfin, pas ses frères, mais les plus âgés au-dessus de lui en tout cas. La compétition était aussi féroce que ridicule pour des postes à responsabilité d'une stupidité sans nom. Être le Premier Disciple ne lui avait rien rapporté quand il l'était à part des tracas et des punitions en plus. Certes, il pouvait plus aisément choisir ses chasses. Mais est-ce que ça valait les coups de fouet quand une mission qu'il avait organisé sans y participer se passait mal ? Est-ce que ça valait les heures passées à genoux dans les arènes pour expier quelque trouble causé par les shidi les plus jeunes parce qu'ils ne l'avaient pas écoutés ? Pas davantage.
"- COMMENCEZ !
Boya attendit que ses trois adversaires tirent puis tira à son tour. Il attendit qu'on lui rapporte sa flèche puis recommença une seconde, puis une troisième fois.
Il était second de sa volée, une fois de plus. Petit à petit, il gagnait en précision. Mais ses adversaires étaient meilleurs également.
Dans la série suivante, He Shouyue aussi réussit à se qualifier pour le troisième tour.
Cette fois, quand Boya alla s'isoler sur son banc, la même jeune femme lui apporta une tasse de thé et un bao.
"- Bonjour."
"- Bonjour."
Le silence s'étira jusqu'à ce qu'on appelle Boya pour sa troisième série.
Quand il revint se poser pour attendre la quatrième, la jeune femme était encore là.
Il se présenta finalement.
"- Yuan Boya."
"- Je sais qui vous êtes. Tout le monde sait qui vous êtes. Vous avez fait grande impression à vous battre sans vos yeux il y a deux jours."
Boya se sentit rosir. Se balader tout nu devant les filles de sa secte ne le dérangeait maintenant pas plus que ça, mais louez ses qualités de guerrier et il rougissait comme une gamine. Ça montrait bien où étaient ses priorités dans l'existence malgré tout.
"- Et vous êtes ?"
"- Ho ! Pardon."
"- Je m'appelle Han LiQiu. Je suis…"
"- Une démone."
"- Oui… Je suis une démone des arbres."
Boya fronça les sourcils. Il était fier de lui d'avoir réussi à retenir son reflexe de poser sa main sur ses armes, tout autant que de pas s'être mis sur la défensive. C'était compliqué, mais il y était parvenu.
"- Je ne crois pas avoir jamais rencontré un démon comme vous."
"- Vous être un rat des villes. Les démons comme moi sont inexistants en ville."
"- Ceci explique donc cela…. Excusez-moi, je viens d'être appelé."
Boya partir pour sa quatrième série. Lorsqu'il revint s'asseoir pour attendre les huitième de finale, la démone était toujours là.
"- Vous êtes très séduisant vous savez ?"
"- Vous m'honorez."
"- Je suis aussi très séduisante."
"- Si votre apparence est à la semblance de votre voix, je n'en doute pas un instant."
"- Vous ne pouvez vraiment rien voir ?"
"- Je peux percevoir des forces pour ce qui est chargé en qi mais c'est tout. Je ne "vois" par réellement. Je perçois juste l'écoulement des énergies autour de moi."
"- Et vous arrivez à vous battre et à tirer à l'arc ? C'est remarquable !"
"- Il est plus aisé de se battre que de tirer à l'arc. Je perçois mon adversaire. Alors qu'une cible n'est pour moi qu'un point noir d'absence sur le tableau de mes perceptions."
Boya entendit un petit hoquet de surprise.
"- Et vous arrivez à tirer aussi juste comme ça ? Chapeau."
Le chasseur reconnaissait cette voix.
