Boya écrasa son talon dans ce qu'il estima être le nez de quelqu'un. Le bruit du cartilage et de l'os qui se brisent puis de la chute d'un corps le firent sourire avec cruauté.
Il s'était réveillé depuis quelques heures à peine mais avait déjà cassé à son estimation deux ou trois bras, une demi-douzaine de genoux, plusieurs mâchoires et venait probablement de tuer quelqu'un.
Autour de lui, un silence horrifié avait remplacé le mépris libidineux de son "hôte" et de ses petits camarades.
Il était loin le Boya apathique et suicidaire que le noble avait voulu acheter quelques mois plus tôt lors de la vente aux enchères qui avait sauvé le chasseur de sa situation. Boya avait retrouvé ses muscles, sa combativité et toute sa cruauté naturelle. Il avait été entrainé pour être un tueur, il restait un tueur.
"- Il… il est mort ?"
"- Il l'a tué !"
"- Mais c'est quoi ce monstre !"
"- Luan Shen… Luan Shen ? Ho merde, il est vraiment mort ! Il lui a broyé la tête avec son pied !"
Boya se permit un petit ricanement cruel. Qu'est-ce qu'ils croyaient ?
"- Merde, Chang Li, tu avais dit qu'il était docile comme une jouvencelle !"
"- MAIS FERME LA ! PAS DE NOM !" Siffla une voix que Boya avait déjà entendu. C'était lui qui l'avait "acheté" donc..
"- Chang Li donc.. Intéressant." La voix de Boya était chargé de toute la rage qu'il était capable de rassembler. "Tu crois vraiment que tu vas t'en sortir ?"
Pendant qu'il le titillait, il se creusait la cervelle pour se souvenir pourquoi le nom lui était familier. Chang Li… Chang li…
Chang… Comme le grand argentier de l'Empereur ?
"- Fils de Chang Fei, Grand Argentier Impérial. Enlèvement et séquestration d'un Maître du Yin Yang. Il y a de quoi précipiter la chute de toute la famille." Continua Boya
Il sentit arriver la gifle avant qu'elle le ne touche. Il n'avait peut-être plus accès à sa cultivation, mais il restait un tueur entrainé avec une force physique supérieur à celle de 99% de la population impériale. C'était sa cheville droite qui était attachée à une menotte et une longue chaine ni ses mains ni sa tête. Il pouvait encore utiliser les deux.
Il attrapa le bras pour le casser comme une branche morte.
Le noble hurla de douleur.
Les gardes se précipitèrent pour le passer à tabac.
"- Seigneur, il est dangereux ! Vous ne devez pas vous en approcher !"
"- NON ! Je l'ai payé trop cher pour le gaspiller !"
C'était sans doute la seule raison qui expliquait que Boya soit encore en vie d'ailleurs. Surtout après avoir tué un des amis de Chang Li, lui avoir cassé le bras et déboité beaucoup trop de mâchoires.
Les gardes le frappèrent jusqu'à ce que la tête lui tourne et que ses muscles protestent mais s'il ne pouvait utiliser sa cultivation vers l'extérieur, elle était encore en lui pour le soigner.
Il rua contre les gardes et parvint à en amocher encore plusieurs au passage.
"- Merde, il est beaucoup trop dangereux." Siffla un des jeunes hommes qui accompagnait Chang Li.
"- Il a raison. Je m'en vais." Confirma un autre.
"- Attendez ! Il ne peut rien faire !"
"- Il a déjà tué une personne et estropié la moitié de tes gardes ! Je sais pas ce qu'il te faut !"
"- Il est aveugle il…"
"- JUSTEMENT ! Il est aveugle. Si personne ne dit son nom, il ne sait pas qui on est."
Les autres jeunes nobles approuvèrent. Il désertèrent rapidement la pièce dans la plus grande confusion malgré les cris du fils Chang qui leur hurlait dans le dos de revenir et le rire cruel de Boya qui les encourageait à fuir comme les lâches qu'ils étaient.
"- Toi… Si tu ne m'avais pas couté si cher !"
Chang Li le frappa lui-même avec un morceau de bois ou quelque chose qui fit siffler Boya de douleur.
"- Et encore, imaginez ce qui va vous arriver quand ma secte va me retrouver."
Cette fois, le noble eut un reniflement.
"- Parce que tu crois qu'ils te cherchent ? Toi ! Un esclave vendu par le fils du patron ? Ha !" La bonne blague.
On attrapa Boya par le menton et on serra très fort. Boya chercha à se débattre pour mordre mais n'y parvint pas.
"- Ça fait une semaine que tu es là, esclave. Tu crois vraiment qu'ils te cherchent ?"
Boya lui cracha au visage.
"- Bien sûr qu'ils me cherchent !" Mais si sa voix était assurée, intérieurement, il commençait à douter.
Avec son passé, avec JingYun, comment aurait-il pu ne pas douter ?
Les petits shidi étaient bien silencieux depuis une semaine. Mais depuis une semaine, ils s'inquiétaient affreusement pour le shixiong qui avait disparu. Les adultes tentaient de ne pas leur laisser voir leur angoisse mais ils étaient tous assez sensibles pour comprendre. Alors histoire de ne pas leur faire plus de soucis qu'ils n'en avaient déjà, ils se taisaient et se concentraient pour être les petits shidi les plus obéissant de toutes les sectes de l'Empire.
"- Zongzhu ? Vous avez trouvé quelque chose ?"
Les maîtres étaient sur les dents. La disparition de l'un d'eux dans des conditions aussi étranges les angoissaient affreusement
"- Non, rien."
"- Seimei Daren est revenu ?"
"- Pas encore."
Le vieux maître était partit depuis près de cinq jours pour faire le tour de ses espions. Zhong Xing avait contacté les siens aussi mais il savait qu'ils ne seraient pas plus efficaces que ceux de Seimei.
"- On a vraiment rien ?"
"- Il est partit par portail. Il peut être n'importe où."
"- Il ne peut pas en ouvrir. C'est forcément l'un des nôtres qui l'a emmené." Lâcha soudain un des anciens d'une voix lugubre.
Zhong Xing c'était affreusement crispé. Il y avait pensé bien sûr. Mais il refusait de l'accepter parce qu'il n'y avait que deux candidats à la chose. Le maître qui avait perdu ses shishen à cause de Boya. Et surtout, son fils.
Mais la relation entre He Shouyue et Boya s'était normalisée ! Il ne pouvait pas… Il n'était…
La porte de son bureau s'ouvrit d'un coup.
"- ZHONGZHU ! VENEZ VITE ! IL VA LE TUER !
"- OU ?"
"- LE GRAND HALL !"
Le chef de secte ouvrit immédiatement un portail. Au milieu des disciples qui hurlaient, Fangyue était pendue au bras de Seimei et lui hurlait de lâcher He Shouyue que le vieux maître tenait à bout de bras
"- PARLE !"
"- Je… JE…"
"- PARLE OU JE T'ARRACHE LES YEUX !"
"- SEIMEI ! LACHEZ MON FILS !
"- QU'EST-CE QUE C'EST QUE CE FOUTOIR ?"
L'arrivée de Zhong Xing fit lâcher Seimei. He Shouyue se précipita à quatre pattes pour se cacher derrière son père.
"- Seimei ! Est-ce que je peux savoir ?"
"- Demandez plutôt à votre fils où il a trainé Boya."
"- Seimei…"
"- J'ai des preuves. Et des témoignages." Il eut un geste du menton vers plusieurs des amis de He Shouyue. "Le jour de la disparition de Boya. Avant même que quiconque ne se rende compte de sa disparition, He Shouyue n'a pas été s'entrainer avec Boya comme il le faisait tous les jours sans exception depuis des semaines. Comme s'il savait. Mais c'est justement parce qu'il était au courant. Il savait qu'il n'avait pas besoin d'y aller. N'est-ce pas ?"
He Shouyue jeta un coup d'œil nerveux à ses parents.
"- Je n'ai rien fait de mal !"
"- Fils…" Soupira Zhong Xing.
Le pire était sans doute qu'il n'était même pas réellement étonné. Détruit par sa responsabilité de père, mais étonné ? Non…
"- Où est Boya ?"
"- PARLE !" Rugit Seimei.
Il arrivait au bout de sa patiente.
"- Si je dois t'arracher la vérité, He Shouyue, je te promets que tu ne vas pas apprécier."
"- Il… Il… Il est à la Capitale du Nord. C'est le chef de JingYun qui l'a pris et revendu à un noble."
La gifle monstrueuse de Zhong Xing puis de sa mère le jetèrent par terre.
"- He Shouyue est consigné dans ses appartements. Que quelqu'un bloque sa cultivation. Nous nous occuperons de son cas après qu'on ait retrouvé Boya." Siffla le chef de Secte.
L'organisation du sauvetage allait se faire très vite. Retrouver Boya par contre…
La capitale du Nord était grande.
"- Zongzhu !" Un des amis de He Shouyue semblait aussi horrifié qu'hésitant.
"- Quoi ?"
"- Nous… nous sommes souvent allés jouer à des jeux d'argent chez le Seigneur Chang." Avoua le sénior.
Il savait qu'ils seraient puni, mais mieux valait être puni qu'avoir un mort sur la conscience.
Zhong Xing jura violement.
"- C'est déjà quelque chose."
Le chef de JingYun. Son fils avait contacté le chef de JingYun. A quel point devait-il détester Boya pour avoir contacté son ancienne secte ?
"- Zhong Xing ! On vous attends !" Aboya Seimei.
Le chef de secte hocha la tête. Un des autres anciens avait déjà ouvert un portail pour la Capitale du nord. Certain des membres du Yin Yang connaissaient mieux la capitale que d'autres. C'était le cas de celui-là.
Zhong Xing n'avait probablement jamais vu autant de maîtres rassemblés près à en découdre.
"- Allons-y."
Ils passèrent tous le portail qui se referma derrière eux.
Ils étaient apparus en plein milieu de la grand place de la ville. Leur arrivée impromptue avait déjà fait fuir la plus part des piétons nocturnes. Les quelques gardes les observaient de loin sans savoir quoi faire.
"- où ?"
Un gradé finit par trotter vers eux.
"- Sergent Yan" Se présentât-il. " Que se passe-t-il ?"
"- Un de nos membres a été enlevé. Nous sommes venus le récupérer."
Les gardes ouvrirent de grands yeux horrifiés.
"- Que pouvons-nous faire pour vous aider ?"
Les disciples du Yin Yang étaient ce qui les protégeaient du surnaturel depuis des siècles. Si la secte se retrouvait mal disposée envers eux, tout le domaine du Nord risquait d'en souffrir.
"- Où est le domaine du Seigneur Chang ?"
Les gardes se mirent immédiatement en formation pour escorter la petite centaine de maîtres en blancs et les deux ou trois cents séniors jusqu'au domaine demandé. Jamais de mémoire de Nordistes autant de disciples du Yin Yang n'étaient venu en même temps ici. Jamais personne ne les aurait cru aussi nombreux non plus. Il était rare d'en voir plus d'un ou deux à la fois, souvent un maître et son ou ses élèves. Là ? Toute la secte devait être de sortie. Ou presque.
C'était le cas.
Quelques anciens étaient restés en arrière pour s'occuper des plus jeunes mais sinon ? Toute la secte était là pour récupérer celui qui leur avait été enlevé.
Boya était à eux.
Ils ne laisseraient pas la stupidité d'un enfant et la mesquinerie d'un autre temple faire plus de mal à celui qu'ils avaient lâchement abandonnés et vendus.
Boya ne s'était jamais sentit aussi…. Perdu ? Non. Il n'était pas perdu. Il s'était même retrouvé.
En position de faiblesse ? Il aurait pu. Il était seul, aveugle, à la merci d'ennemis qui voulaient le briser.
Il ne fallait pas être grand clerc pour savoir ce qu'ils lui voulaient. Même si la majorité des amis du jeune Chang avaient pris la fuite, il en restait quelques-uns. Les gardes qui les protégeaient conservaient maintenant une saine distance entre eux et lui. Il avait gravement blessé une douzaine d'entre eux au moins après tout.
Un petit sourire cruel monta aux lèvres de l'aveugle même s'il était bien moins à l'aise qu'il ne le laissait paraître.
Les paroles du noble l'avaient malgré tout marqué. Et s'il avait raison ? Et si le Yin Yang ne faisait rien pour le sauver ? Il ne le pouvait pas seul. Il était lucide malgré tout. Il pouvait résister, mais pas fuir. Il allait finir par fatiguer, par se déshydrater. S'il était un humain normal, il serait déjà mort.
Et si He Shouyue avait simplement obéit à son père ? C'était sans doute ce qui le blesserait le plus. Il avait cru faire de tels progrès avec le jeune homme. Il avait vraiment cru qu'ils pouvaient être amis s'ils prenaient le temps. He Shouyue progressait si vite maintenant !
Cette trahison blessait davantage Boya que sa présente situation.
Il était là depuis une semaine. Son ravisseur avait raison.
Une semaine.
Mais il avait suivi He Shouyue de son plein gré. Le fils de son Shifu pourrait assurer sans mentir qu'il ne l'avait pas enlevé. Qu'il ne l'avait pas forcé à le suivre.
Boya se débattit un peu plus dans ses chaînes. Le fer bleu sur sa cheville l'empêchait d'avoir la force de la casser. Comme il l'empêchait d'être vraiment dangereux. Ce n'étaient "que " des médiocres en face de lui aussi pouvait-il les tenir à distance. Mais sauver sa vie ? S'enfuir ? Non. Il en était incapable. Il était dépendant d'un sauvetage qui ne venait pas.
Qui ne viendrait jamais ?
"- Revendez-le, Seigneur. Il est trop dangereux ! Il y a des cercles de combats qui tueront pour avoir un champion aussi intéressant que lui. Vous vous rendez compte ? Un aveugle capable de tenir tête à des guerriers entraînés ? "
"- Je veux rentrer dans mes frais ! Ce ne sera jamais le cas ! "
"- Le chef de JingYun vous a arnaqué, Maître. Il faut que vous l'acceptiez. "
"- Je suis d'accord. " Siffla un de ses rares amis qui était resté avec lui. Non pour profiter de Boya finalement mais pour voir ce qui allait se passer.
"- NON ! J'ai trop dépensé pour lui ! Je le veux et je l'aurais !"
"- MAITRE ! LA GARDE !"
Un serviteur s'était rué dans la pièce.
"- Quoi ?"
Un énorme chien démon envoya bouler le serviteur contre un mur.
Des hurlements, des jurons, un poids énorme qui sautait sur le lit au-dessus de Boya et y restait.
Le Chasseur se débattait de son mieux contre la chaine à la cheville et l'énorme démon qui venait de se coucher sur lui pour… le protéger ? En tout cas les cris d'agonie et de déchirures autour d'eux semblaient la seule raison sa présence sur lui.
Puis le poids se retira enfin de lui.
"- BOYA !" Une voix de femme.
Fangyue.
Il se retrouva presque aussitôt pressé contre une poitrine féminine et engloutit dans une étreinte rassurante.
"- Boya…" Une voix masculine pleine de soulagement.
"- Shi…fu…"
Zhong Xing le prit à son tour dans ses bras
"- Comment te sens-tu ? Tu es blessé ? ils ne t'ont pas fait de mal ?"
Boya ne répondit pas. Il en était incapable. L'angoisse qu'il avait repoussé de son mieux depuis que He Shouyue l'avait livré au noble l'ensevelissait lentement. Il avait cru… Il avait cru qu'il allait être abandonné ici par sa secte comme il l'avait été par la précédente. Mais ils étaient venu. Ils étaient venu le sauver.
"- Zhong Xing. Sa cheville." Seimei.
Boya s'accrochait de toutes ses forces à ceux qui le prenaient dans leurs bras. Il s'accrochait à eux parce qu'il n'était pas sûr qu'ils étaient bel et bien là. Il n'était pas sûr qu'il était sauvé. Il aurait voulu les voir. Il aurait voulu.
Une douleur soudaine lui déchira le front lorsque quelqu'un posa sa cheville sur un billot de bois et frappa avec un fort marteau la serrure qui la retenait.
Sa cultivation lui redevint accessible d'un coup et avec elle un rush de qi qui aurait sans doute pu lui faire faire une déviation si elle n'avait trouvé une échappatoire.
Le troisième œil sur son front s'ouvrit une seconde fois.
Il voyait.
Il voyait Zhong Xing. Il voyait Fangyue et Yi ChuHua qui avait relâché sa cheville de ses chaines. Son Shixiong était là aussi dans les bras de son shishen et..
L'obscurité l'engloutit à nouveau.
Il s'effondra dans les bras de son Shifu.
Il était venu.
Ils étaient tous venus.
Il le saurait plus tard, mais Zhong Xing avait brisé lui-même la nuque du jeune Chang lorsqu'il avait voulu protester et les empêcher de passer.
Son Shifu avait tué pour le protéger malgré les problèmes que ça allait forcément causer au Temple.
Il allait pleurer encore beaucoup dans les jours à venir.
Boya était bien au chaud dans "son" lit à l'infirmerie lorsqu'il se réveilla.
Il aurait sans doute pu paniquer mais ce n'était pas le cas.
Il était… Bien…
Il se sentait en sécurité.
"- Boya Daren ?"
"- Yi Xiaolian ?"
"- Comment vous sentez vous ?"
"- Je suis à la maison ?"
"- Oui. Nous sommes venus vous chercher. Vous êtes en sécurité."
"- Hmmm…"
Il s'étira dans son lit pour y faire un peu plus son trou, confortable.
"- Vous n'avez aucune blessure à part quelques abrasions à la cheville et quelques bleus. Ils… n'ont pas eu le temps de vous faire de mal ?" Pas besoin d'expliquer ce qu'elle voulait dire.
"- Non. J'en ai tué un au moins et amoché les autres."
"- Vous êtes un barbare, Boya Daren. Je suis très fière de vous !"
Boya eut un petit sourire. Il se sentait encore bien las malgré tout.
"- He Shouyue…"
"- Il est aux arrêts. Son père… N'est pas content comme vous vous en doutez. Et il n'est pas le seul. Il a fallu retenir Seimei Daren de lui arracher le cœur. Et le Seigneur Anbei à officiellement convoqué Zhong Xing Zongzhu pour discuter de ce qui s'est passé."
Boya grimaça.
"- Je suis désolé"
"- Ce n'est pas votre faute, Boya."
"- Si. Je n'aurais pas dû le suivre. Je pensais… Je pensais avoir réussi à… Enfin… Qu'il était prêt à s'ouvrir un peu et à devenir un ami."
Plus que son enlèvement, c'était sans doute ce qui heurtait le plus Boya. Il avait vraiment cru… vraiment espéré. Mais non. He Shouyue l'avait trahis malgré tout.
"- Reposez-vous encore un peu, Boya Daren. Vous allez avoir pas mal de réponses à donner mais autant que vous soyez bien reposé."
"- Manger ?"
On posa un plateau sur ses genoux.
"- Mangez !"
Boya avala son repas avant de s'endormir à nouveau.
Lorsqu'il ouvrit -bien inutilement- les yeux plus tard, il faisait nuit mais il y avait du monde avec lui.
"- Boya-xiong !"
Six petits corps étaient pressés étroitement autour de lui et trois plus grands veillaient dans la chambre.
Ses shidi.
"- Vous nous avez fait très peur vous savez !"
Boya ne put que largement sourire pendant que les six gamins le grondaient avec toutes leurs ressources de tragédiens parce qu'ils avaient eu très peur lorsqu'il avait disparu.
Yi Xiaolian ne tarda pas à passer la tête derrière le paravent pour venir voir ce qui se passait.
"- Ha ! Vous êtes réveillé. Vous allez manger encore, prendre un bain puis si vous vous sentez assez bien et uniquement si vous vous sentez assez bien, vous pourrez aller voir Zongzhu."
Boya accepta docilement le programme. A mesure qu'il se réveillait, il se sentait de plus en plus passif. On était venu le chercher. Il n'était plus en danger. Il pouvait se permettre de se laisser aller à la peur rétroactive.
lentement, il se recroquevillait un peu sur lui-même avant de s'effondrer.
Il mangea lorsqu'on lui apporta un plateau, il suivit ses shidi aux bains qui se battirent presque pour l'aider à laver ses cheveux et se battirent pour de vrai pour les brosser et les tresser lorsqu'ils furent propres. Les trois séniors l'aidèrent à s'habiller, pas davantage désireux que les six juniors de l'abandonner à sa solitude.
Boya se laissait dorloter avec un mélange de surprise et de plaisir qu'il n'aurait jamais anticipé. On le guida enfin jusqu'au bureau de Zhong Xing pour qu'il puisse s'entretenir avec lui.
Quelqu'un criait à l'intérieur avec une âpreté agressive mais ses propos étaient incompréhensibles, sans doute grâce à un talisman.
Lorsque Boya toqua, les cris à l'intérieur se turent puis Zhong Xing l'invita à entrer.
Alors seulement ses poussins laissèrent Boya pour retourner à leurs lits. Il était tard.
"- Comment vas-tu, Boya ?"
"- Je vais bien. Un peu… Ailleurs encore. Mais physiquement, je vais bien."
Le soupir de soulagement de Zhong Xing n'était pas inattendu.
"- Je suis désolé, Boya. Ce qui s'est produit est ma faute."
"- En aucun cas, Zongzhu."
"- Si j'avais mieux élevé mon fils.."
"- Si je ne lui avait pas fait confiance."
"- Je ne pensais pas qu'il irait jusque-là."
"- Je pensais que nous étions sur le bon chemin pour devenir amis."
Ils pouvaient continuer longtemps comme ça.
Le silence se fit pesant.
"- Boya… Je ne sais comment te présenter mes excuses." Il aurait pu se prosterner devant le jeune chasseur pour les actes de son fils mais ça ne changerait pas grand-chose. Il commençait à connaitre assez Boya pour savoir qu'il s'en fichait un peu de ses excuses.
"- Vous n'êtes pas responsable, Shifu. Votre fils à choisit de faire ce qu'il a fait. Je ne sais pas si, comme il l'a dit, il a été forcé par des dettes de jeux d'obéir mais même si c'est vrai, il aurait dû savoir que je l'aurai aidé de mon mieux s'il m'en avait parlé. Et je suis sûr que vous aussi vous l'auriez aidé s'il vous en avait parlé. Il a choisi et fait le mauvais choix. Je vais bien." Relativement. Peut-être physiquement mais psychologiquement, la claque supplémentaire avait été dévastatrice pour Boya. Il en avait conscience et savait qu'il n'avait pas fini d'y réagir.
"- Je ne voulais pas en arriver là avec lui, mais il est plus que temps que je prenne des mesures drastiques. Cette dernière… transgression ne peut pas être passé sous silence ou oubliée. Ni punie de quelques coups de canne ou de séclusion forcée." Zhong Xing en avait mal au ventre.
C'était sa faute mais ce serait son fils qui paierait le prix de son incompétence en tant que père.
"- Boya… Ce n'est pas uniquement pour parler de He Shouyue que je t'ai fait venir."
"- Shifu ?"
"- Je ne sais pas si tu l'as su à un moment ou un autre, mais le chef de JingYun a été impliqué. C'est à lui que tu as été "acheté". Une plainte à bien sûr été déposée auprès des autorités locales, mais je ne fais pas confiance à ce chien pour qu'il te laisse tranquille. Même si mon fils a été stupide au point de le contacter, nous ne pouvons prendre le risque que quelqu'un veuille venir ici pour te reprendre."
Théoriquement, Boya était un esclave. Faire de lui un Maître était une aberration et si le Trône suivait la lettre de la loi, le temple pourrait avoir une amende à payer. Mais surtout, Boya risquait de leur être arraché. Ils feraient tout pour protéger leur membre. Comme ils le feraient pour chacun des membres de la secte.
"- Shifu…" Boya avait la tête qui lui tournait.
Zhong Xing voulait-il le chasser ? Voulait-il qu'il parte ? Il ne supporterait pas de quitter sa nouvelle maison. Même si c'était pour l'envoyer dans le Sud ou l'Ouest, il ne pourrait supporter de perdre encore ses amis et sa maison.
"- Je vais te confier au Seigneur Anbei quelques temps. Juste le temps que ça se tasse ici et que je sois sur que tu n'es plus une proie potentielle pour JingYun. Le Seigneur Anbei saura te protéger mieux que je n'ai pu le faire."
Si Boya n'avait pas été au bord de la panique, il aurait sentit la rage qui brûlait au fond de Zhong Xing. Devoir envoyer un de ses disciples au loin pour le protéger le hérissait affreusement. Comment pouvait-il se présenter comme un vrai chef de secte s'il n'était pas capable de faire ce qu'il fallait pour les siens ?
"- Ce n'est que momentané, Boya. Jusque quelques semaines, quelques mois au mieux et tu reviendras parmi nous."
Mais Boya ne répondait pas. Les poings serrés dans ses robes, il basculait lentement dans la plus profonde des crises de panique.
Chez les démons. Zhong Xing voulait l'envoyer chez les démons…
Il ne pourrait pas. Il n'y survivrait pas.
Il….
"- BOYA !"
Zhong Xing le gifla doucement d'un peu de qi pour le sortir de son mieux de son angoisse avant qu'il ne fasse une déviation.
"- Boya… S'il y avait une autre solution, soit certain que je préfèrerai que tu restes ici avec nous. Mais je suis certain que le Seigneur Anbei saura te protéger."
Mais Boya était incapable de lui répondre. Pas alors qu'il venait de se recroqueviller mentalement sur lui-même pour se protéger des terreurs anciennes et nouvelles dans lesquelles on le jetait encore et encore comme si on cherchait à le rendre fou.
