Chapitre 48

Boya n'arrivait pas à dormir, une fois de plus.

Le Seigneur des lieux était absent avec ses troupes depuis plusieurs semaines.

La fête où il aurait dû revoir les membres du temple du nord avait été reportée sine die.

Le Domaine Intérieur lui-même retenait son souffle pendant l'absence de son maître. Même si tous avaient l'habitude, l'inquiétude était toujours là.

"- Vous devriez dormir, Boya Daren."

"- Tu devrais dormir tout autant, Weilan."

"- Si vous êtes fatigué…"

"- Je ne suis plus un enfant, tu sais ?" Boya était presque amusé d'être materné par le tout jeune homme. "Et j'ai Zhuque qui s'occupe déjà bien assez de me tenir la main."

Le dieu-gardien leva la tête de sous son aile. Il tentait de dormir roulé en boule sur les genoux de Boya mais les deux hommes faisaient du bruit. Il leur caqueta à la figure avec irritation. Ils étaient dans le Domaine Intérieur ! Est-ce que Weilan pouvait arrêter de les couver ?

L'assassin s'inclina immédiatement, un peu désolé.

"- Pardonnez-moi."

Boya eut un petit geste désabusé. Il n'en voulait pas au jeune homme. Tout le monde était à la fois à cran et déprimé par l'absence de leur Seigneur.

Boya grimaça intérieurement. "Leur " seigneur, hein ? Il s'adaptait beaucoup trop au monde des démons et au Domaine du Seigneur Anbei. Il s'y plaisait beaucoup trop.

"- Le Seigneur Anbei vous manque ? "

"- Comme tout le monde j'imagine ? " Mais sa situation était différente de celle des démons qui vivaient sous les queues protectrices du renard.

Weilan resta silencieux malgré son excitation interne. L'absence de son Seigneur impactait grandement le prêtre du yin yang. C'était une bonne chose.

"- Boya Daren, si je puis me permettre, vous avez besoin de repos. Vous faire un sang d'encre ne fera pas rentrer le Seigneur Anbei et vos amis plus vite. Par contre, dormir vous permettra d'être en bon état pour fêter leur retour sans une égratignure. "

Boya grogna. Il avait raison et Boya le savait. Ca ne lui faisait pas plaisir mais la réalité était là.

Zhuque se permit enfin de caqueter son approbation. Le petit humain psychopathe avait raison.

Boya finit par se laisser convaincre. Il retourna à l'intérieur de ses appartements et de sa chambre pour tenter de s'endormir. Zhuque s'installa sur son torse comme il en avait pris l'habitude. Boya glissa ses doigts sur les plumes de l'oiseau gardien.

"- J'en fait trop n'est-ce pas ? " Souffla doucement Boya.

"- Tu es inquiet pour ton partenaire. Ce n'est pas inattendu. " Contra le phénix.

Boya leva les yeux au ciel. Son partenaire. Ben voyons.

"- Sha ShengShi est comme un petit frère, pas juste un partenaire d'entraînement. " Non, ce serait plutôt le sergent qui était son partenaire. "…. Pourquoi tu te moques de moi ? "

"- Pour rien mon élu, pour rien. " S'amusait grandement Zhuque.

Boya était tellement naïf, s'en était adorable. mais à sa décharge, s'il pouvait sentir les phéromones du Seigneur Anbei autour de lui, il s'était tellement habitué qu'il ne réalisait même plus que ce qu'il prenait pour l'odeur habituelle du renard démon était une cour permanente. A quoi servait d'avoir un nez de chien de chasse s'il n'en faisait rien ? Zhuque était aussi amusé qu'il était résigné. Boya était définitivement dans le déni.

"- Le Seigneur Anbei aussi va revenir. " Rassura encore Zhuque.

Boya renifla avec amusement. Étrangement, il ne craignait pas trop pour lui.

"- Évidemment qu'il va revenir. Il a trop mauvais caractère pour ne pas revenir. "

Cette confiance aveugle fit hurler de rire Zhuque une fois de plus. Boya était vraiment une masse amusante de contradictions. Mais son rire eut l'effet escompté sur le jeune homme qui se détendit progressivement assez pour s'endormir.

QingMing égorgea d'un coup de patte le démon qui venait de sauter sur sa croupe dans une tentative désespérée de lui enfoncer sa lance entre les omoplates. Le renard l'avait débarqué d'un coup de queue dans le dos puis l'avait achevé sans meme lui jeter un regard.

Ils avaient repris la main sur l'invasion venu de l'ouest. Ils n'avaient pas encore gagnés mais la chute de leur adversaire était déjà écrite dans l'esprit de QingMing et de ses généraux.

"- Seigneur Anbei ? "

"- Poussez les jusqu'à la mer. "

C'était cruel mais la marée montante, la plage remplie de tourbière et de sables mouvants allait faire une bonne partie du boulot pour eux.

"- On commence à avoir des soldats ennemis qui veulent se rendre. "

"- Beaucoup ? "

"- Un bataillon entier. "

"- Quel âge? "

"- Des jeunes. Presque des bébés. " Xue Mao était scandalisé. On n'envoyait pas des soldats si jeunes sur le terrain, sauf pour déminer le terrain.

"- Qu'ils passent au sort de vérité dès que possible. "

Le démon tigre savait ce que cela voulait dire. Le gros des combats était passé. maintenant que leur Seigneur s'était montré implacable, il allait aussi montrer qu'il savait être généreux.

Ils seraient rentrés à la maison sous un mois. six semaines au plus si tout allait bien.

"- Ou est le Quatrième Général ? " L'assassin humain était introuvable depuis des jours.

"- En mission. "

Donc probablement à la recherche du seigneur ennemi et de ses généraux pour extirper le problème à la racine.

Kuang HuaShi bondit de son lit. Il piétina à moitié son compagnon qui jura lorsqu'il trébucha sur ses ailes et lui arracha une ou deux plumes au passage.

"- A-Shi ? Qu'est ce qui se passe ?" La bouche du tengu était pâteuse. Il n'avait jamais apprécié être réveillé en sursaut.

"- Boya a besoin de moi."

Kuang HuaShi enfila à la diable des vêtements sur sa nudité pour suivre Shi Weilan qui l'attendait avec impatience.

"- Qu'est ce qui s'est passé ?"

L'assassin était livide.

"- Je ne sais pas. Anbei Furen s'est mis soudain à hurler. Une Unité s'est précipité auprès de lui. Il est à ses côtés. Anbei Furen avait sa flute dans les mains."

L'Harmoniste était livide lui aussi. Il espérait qu'il se trompait.

Heureusement que QingMing n'était pas là ! le Seigneur Anbei faisait joujou à la frontière. Le Seigneur Renard avait pris une partie de son armée avec lui pour aller rappeler que son Domaine n'était pas celui du voisin. Ça retirait une grosse épine du pied de l'esprit. Si le renard démon avait été là, la situation aurait été cataclysmique.

"- Kuang HuaShi !" une unité de la Multitude avait mis sa main dans la bouche de Boya pour l'empêcher de se casser les dents ou d'avaler sa langue alors qu'il convulsait sur le sol.

L'Harmoniste s'accroupit près du jeune chasseur. Honey Bug était en train de touiller vigoureusement un calmant à faire avaler à Boya.

"- Je lui en ai déjà donné mais ça ne sert à rien !"

Ça confirmait les craintes de l'esprit. Il arma son bras et balança un direct du droit dans la figure du prêtre qui s'écroula, inconscient.

"- KUANG HUASHI ?"

"- Quoi ? Ça a fonctionné !" Et c'était sans doute la seule chose qui avait retenu Shi Weilan de lui arracher la tête.

"- Qu'est-ce qu'il a ?"

"- Il s'est laissé dépasser par sa cultivation musicale. En le cognant, j'ai désaccordé l'harmonie qui l'avait engloutit. Ça a suffi à l'expulser du cycle musical dans lequel il était bloqué."

"- … Il va aller bien ?" Weilan était inquiet.

"- Une bosse et un œil au beurre noir au pire. Et je vais lui passer le savon de sa vie demain." L'esprit était plus inquiet qu'il ne voulait le montrer.

Boya n'aurait jamais dû succomber ainsi à une Harmonie. Il n'y en avait qu'une qui devrait pouvoir le submerger ainsi s'il lui avait obéit. Donc soit il avait vraiment mérité de se faire cogner, soit il avait fini de jouer son Nom et en avait été totalement dépassé. Kuang HuaShi ne savait pas lequel des deux l'inquiétait le plus. Avec leur seigneur absent pour des jours, peut-être même des semaines suivant comment la Campagne dans les Marches de l'Ouest se passaient, la responsabilité de Boya lui retombait entièrement dessus. Si quelque chose se passait mal, il n'y avait pas de Chorégraphe pour recoller les morceaux.

Kuang HuaShi avait peur.

Peur pour son élève, peur pour QingMing et peur pour le domaine.

Les jours à venir allaient être difficiles. Si Boya avait vraiment découvert son Nom, il allait devoir trouver quelque chose pour l'occuper avant qu'il ne cherche à fouiller un peu plus dans l'Harmonie de son Nom.

Une fois les mort et les blessés mis à l'abri, les prisonniers interrogés, les traitres potentiels à la pitié de QingMing éliminés et les nouveaux membres du Domaine rassurés qu'il ne leur serait fait aucun mal tant qu'ils se tenaient à carreaux, le grand renard démon rejoint la tente qu'on venait de dresser pour lui.

Un bain brulant l'y attendait déjà. Sha ShengShi était déjà dedans en train de décanter. Il en bondit pour aider son maître à se débarrasser de son armure puis retourna dans l'eau chaude avec lui. Le démon de pierre et de lave était la meilleure chaufferette qui existait pour garder l'eau chaude.

Les trois autres généraux de QingMing ne tardèrent pas à les rejoindre. Les débriefing avaient souvent lieu dans l'eau chaude.

"- Alors ? "

"- Alors on a encore grignoté du terrain. "

"- Les messagers ? " QingMing pencha la tête en arrière pour interroger les unités de la Multitude qui étaient venu avec lui.

"- Nous avons perdu le contact très vite dès que notre unité a été introduite auprès du seigneur local. Notre unité a été détruite dès qu'elle a fini de répéter son message. "

QingMing n'était pas vraiment étonné. Sa proposition de se rendre sans condition en échange de la survie des hommes du jeune seigneur était mal passée. Il n'était pas du genre à échanger sa tête contre la vie de ses troupes. Tant pis. L'information serait rapidement connue des troupes ennemis. Avec un peu de chance, ils se révolteraient et lui livreraient eux-mêmes la tête de leur seigneur.

"- Alors on passe à la suite. Ceux qui m'apporteront sa tête en seront récompensés. Ils conserveront la vie sauve et celle de tout leur clan. "

En plus d'une branlée militaire, leur jeune ennemi allait avoir à gérer une révolte interne assez vite.

Sha ShengShi prit le savon pour le passer dans les cheveux de son maître. Les autres généraux pouvaient être jaloux, ils n'avaient qu'à avoir des shishen. Sha ShengShi n'était qu'à QingMing. Et s'il montrait les dents, ce n'était pas du tout parce qu'il était possessif. Il protégeait juste les affaires de son petit frère.

Boya avait émergé lentement.

Sa gorge lui faisait mal comme s'il avait passé des heures à hurler. Ses méridiens étaient enflammés, son Node doré vibrait d'énergie et..

"- Zhuque ?"

Le shishen poussa immédiatement sa main de son bec pour qu'il la pose sur sa tête. Docile, Boya le caressa malgré sa fatigue.

"- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

"- Vous avez sans doute réussit à jouer tout votre Nom, Boya Daren."

Des mains l'aidèrent à se redresser. On mit des coussins dans son dos puis on présenta une tasse odorante à ses lèvres. Boya avala le liquide chaud et doux avec reconnaissance. Il accepta plusieurs autres tasses avant de secouer la tête.

"- Combien de temps.."

"- Vous avez dormit deux jours."

"- … Infirmerie ?"

"- Non, vous êtes chez vous. Avec l'absence de QingMing, nous n'avons pas voulu vous déplacer."

"- … Mi Chong ?"

"- Ha ! Vous savez qui je suis."

"- … Fatigué."

"- Oui, c'est normal."

La jeune démone lui fit boire encore un peu de thé.

"- Il est réveillé ?"

"- Depuis peu."

Kuang HuaShi s'assit sur le bord du lit.

"- De quoi vous rappelez vous ? Comment vous sentez vous ?"

"- Vibrant." Murmura Boya, la voix pâteuse.

"- Ne vous rendormez pas tout de suite. Dites-moi ce qui s'est passé, voulez-vous ?"

Boya resta silencieux. Kuang HuaShi crut qu'il s'était rendormit mais le jeune homme soupira doucement.

"- Je jouais. Je jouais et tout d'un coup…. Tout d'un coup tout était là. Ça… ça a fait si mal ! Comme si toutes mes articulations étaient déboitées jusque-là et qu'en jouant, je les avais d'un coup toutes remises en place." La voix était confuse et hésitante. "Je ne sais comment décrire."

Mais c'était suffisant pour l'esprit qui serra gentiment son épaule.

"- Vous avez réussi à jouer totalement votre Nom. En le faisant, vous avez nettoyé une bonne partie des… résidus de votre existence." Il releva la manche de Boya, prit son autre main dans la sienne et la lui fit passer sur sa peau. "Vous sentez ?"

"- …. Sentir ?"

"- Vos cicatrices…"

Boya se redressa d'un coup, toute fatigue oubliée. Ses mains se portèrent à son visage. Ici non plus il ne sentait plus de cicatrices. Ce qui restait de ses lèvres tranchées presque jusqu'en haut de la mâchoire avaient totalement disparue.

"- Mes yeux…"

"- Peut-être."

Zhuque était déjà perché sur la tête de Boya pour en arracher le bandeau sur ses yeux. Si les cicatrices autour avaient disparues, les prunelles noires étaient toujours cotonneuses lorsqu'il ouvrit les yeux.

"- Boya ?"

"- … je ne vois toujours rien."

Mi Chong en était désolée pour lui. Elle approcha une bougie qu'elle retira plusieurs fois.

"- Une différence ?"

"- …. Non… aucune…"

"- Je suis désolée, Boya."

Le chasseur secoua la tête. Il ne pouvait pas tout avoir n'est-ce pas ?

"- Il y a une dissonance dans mon Nom. J'imagine que ce sont mes yeux".

"- Il faudrait quelqu'un capable de reconstruire votre Nom, mais…"

Boya secoua encore la tête.

"- Ce n'est pas nécessaire." Plus maintenant. Il avait d'autres armes, d'autres cordes à son arc.

"- Vous étiez déjà séduisant avant, Boya." Ronronna Mi Chong. "Mais là, vous êtes absolument à croquer !"

"- MI CHONG !"

Kuang HuaShi sourit et eut un petit signe de tête de remerciement pour la petite shishen. Son commentaire avait momentanément efficacement détourné l'esprit de Boya. L'esprit avait espéré que Boya retrouverait la vue mais les dégâts étaient trop profond. Seul le Seigneur Anbei aurait une chance, minime mais une chance, de pouvoir réparer l'Harmonie du Nom de Boya s'il acceptait de la lui confier. Connaissant le chasseur, il ne le ferait sans doute jamais.

"- Vous devriez vous reposer encore, Boya Daren."

La dernière bataille avait fait du dégât dans les deux camps. Heureusement, plus chez leur jeune ami que chez QingMing.

Le jeune seigneur avait senti le vent tourner. Le sabotage de Shi HuJian avait été efficace. S'il n'avait pu s'approcher assez près du jeune seigneur pour le tuer, il avait massacré la grande majorité de ses gradés. Assez pour terrifier les survivants.
QingMing l'avait fait revenir auprès de lui avant qu'il ne soit découvert.

Le massacre avait assez agité les survivants pour que le jeune seigneur n'ait plus trop le choix.
L'attaque désespérée était la conclusion logique à la déliquescence programmée de ses armées. QingMing lui avait fait croire qu'il avait une infime chance puis l'avait écrasé lentement jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus rien.

Le renard démon était vraiment triste de devoir l'éliminer. Il était intelligent et compétent. Il lui manquait juste l'expérience. QingMing avait tenté de le faire renoncer encore plusieurs fois mais ses messagers n'étaient pas davantage revenus que les premiers.

Des troupes ennemis se rendaient chaque jours un peu plus. Les déserteurs étaient accueilli à bras ouvert, évalués, puis écartés en attendant qu'on sache quoi faire d'eux. QingMing avait toujours interdit la maltraitance aussi bien sur les populations locales que sur les soldats ennemis. Certains seraient intégrés à sa propre armée, d'autre rendus à la vie civile une fois maudit avec une des inventions d'un shishen que QingMing avait relâché depuis bien longtemps et qui se basait sur les intentions. QingMing acceptait de relâcher des gens qui ne pouvaient rien contre lui. Il n'était pas stupide non plus. Ceux qui tenteraient de le frapper dans le dos seraient sèchement exécutés.

Ses intentions avaient été annoncées à tout un chacun avant même le combat via les hérauts de bataille qu'il avait envoyé au-devant de l'armée. Autant dire que plus d'un soldat ennemi avait discrètement rendu les armes. Il resterait toujours quelques rebelles mais le terreau sur lequel fleurir serait réduit pour eux lorsque les populations locales n'auraient pas à se plaindre de leur nouveau maître. Et encore. Les prises de terrain de QingMing étaient négligeables. Quelques centaines de li carrés, quelques villages, une ville ou deux… rien de bien fantastique. La meilleure prise était une tourbière monstrueuse et un lac poissonneux comme il n'y en avait que peu du coté de sa Capitale. Quoique si loin à l'ouest, poissonneux ou pas, les prises auraient bien le temps d'apprendre à marcher avant qu'elles n'arrivent sur sa table.

QingMing était monté lui-même à l'avant de ses troupes. Le renard démon était impressionnant sous sa forme animale protégée par une armure de métal faite d'une multitude de petites écailles argentées articulées les unes sur les autres. Il avait harangué ses troupes aussi bien que celles de son ennemi. Il avait renouvelé sa proposition de paix. Sans succès.

Leur ennemi savait que c'était la fin. Ceux qui restaient à ses côtés étaient les acharnés, les fanatiques et les trop lâches pour fuir.

Une dernière bataille était la seule chose qui restait au jeune seigneur avant que tout ne s'effondre. Il mourrait les armes à la main. Le Seigneur Démon qu'il avait attaqué lui reconnaissait sa détermination mais en était quand meme désolé. Toutes ces pertes pour rien….

QingMing savait que le combat serait aussi dur que désespéré. Il avait eu raison. Les deux armées s'étaient heurtées avec la violence d'une catastrophe naturelle. Les armes autant que les griffes, les crocs et la magie avaient taillés leur chemin dans la chair et le sang de bien trop de monde aux gouts du pacifiste renard.

Pendant que ses généraux géraient l'ultime assaut entre les deux troupes, lui avait cherché celui qui avait tenté de taillé son Domaine à la croupière du sien. C'était tellement dommage… QingMing aurait aimé qu'il soit plus intelligent et accepte de se soumettre. La région manquait d'un bon seigneur. S'il n'avait pas voulu à ce point son indépendance, il aurait pu faire quelque chose de son énergie. QingMing l'aurait laissé faire.

L'énorme mâchoire du renard démon s'était refermé sur la gorge de son adversaire.

Le jeune démon gisait à ses pieds dans une mare de leur sang à tous les deux. Le Seigneur Démon lui avait fait la grâce de se battre en duel contre lui lorsque tout avait été perdu. Il lui offrait la mort digne qu'il méritait.

"- Et je ne connais même pas son nom. Tellement de gâchis…. "

Mais ils pouvaient rentrer à la maison.

QingMing coupa la tête du démon, lui arracha le cœur puis détonna une énorme bouffé de qi qui fit se figer les combattants. Il exhiba la tête puis dévora le cœur pour s'approprier sa force.

Les derniers soldats ennemis rendirent les armes. C'était finit.

Ils avaient perdus.

Boya avait repris ses cours avec Kuang HuaShi maintenant qu'il connaissait son Nom. Comme l'avait espéré l'esprit, Boya ne risquait plus de se perdre dans l'Harmonie. Et si la présence enjouée de Sha ShengShi leur manquait à tous les deux, ils taisaient l'absence de leur mieux.

"- Vous avez progressé. Vous avez une base musicale solide, une cultivation profonde et un instinct très fort. Maintenant que vous ne risquez plus de vous noyer en vous-même, nous allons vous apprendre à tisser une Harmonie pour faire ce que vous voulez. Ce n'est qu'une application plus large que ce vous faites lorsque vous jouer les Appâts."

Boya avait envie de se spécialiser dans les mélodies de guérison.

"- Il n'y a pas de musique déjà écrite ?"

"- Nous ne parlons pas de musique, Boya. Mais d'Harmonie. En cultivation musicale, c'est une musique qui permet à la cultivation du musicien de prendre la forme qu'on veut lui imposer. Et de la forme dépends la fonction. L'Harmonie est différente. L'Harmonie prends ce qui existe déjà, la modifie, la renforce ou la contrôle. Elle change pour chacun. Ce qui cassera un verre ne brisera pas une pierre. Et inversement."

Boya hocha lentement la tête. C'était logique.

"- Et donc…"

"- ANBEI FUREN ! ANBEI FUREN !"

Boya sursauta.

Anbei Furen ? QingMing était marié ?

"- ANBEI FUREN ! VENEZ VITE ! NOUS AVONS BESOIN DE VOUS !"

Il était rare qu'un serviteur du Domaine Extérieur ose s'aventurer à l'Intérieur. Mais pour qu'il soit ici….

Boya resta immobile. A qui s'adressait cet homme ?

"- Nous arrivons, sortez." Ordonna sèchement Kuang HuaShi.

"- Kuang HuaShi ? Qui…"

"- Vous."

"- …. Moi ?" Comment ça lui ? "Quoi ?"

"- C'est de vous dont il parle quand il en appelle à Anbei Furen."

"- PARDON ?"

"- Je vous expliquerai de quoi il retourne, Boya Daren. Plus tard. Mais pour l'instant, s'il vous plait, jouez le jeu. Pour qu'on ait besoin d'un représentant de QingMing et qu'on ne se satisfasse pas de Mi Chong, c'est qu'il se passe quelque chose de grave. Elle a dut le renvoyer vers vous pour gagner du temps."

Boya ferma son bec. Il était outré mais si c'était une magouille parce qu'il se passait un truc grave, il pouvait accepter de mentir si ça pouvait aider son hôte. Après tout ce qu'il avait fait pour lui, il pouvait bien jouer les Anbei Furen quelques heures. Ou quelques jours.

"- On en discutera plus tard." Pour l'instant, le chasseur avait visiblement autre chose à faire.

"- Merci d'accepter la mission." Soupira Kuang HuaShi avec soulagement. Mais pas pour la raison à laquelle Boya pouvait penser.

L'esprit et le chasseur quittèrent la salle de musique pour la grande salle de réception. Une centaine de personnes s'y prosternèrent immédiatement sur un "Anbei Furen !" aussi remplit de soulagement que de crainte.

Boya grimaça mais ne leur aboya pas dessus.

"- Qu'est ce qui se passe ?"

"- Avec l'absence du Seigneur Anbei, il n'est pas rare que les esprits s'échauffent dans la Capitale. Les démons y sont calmes parce qu'un pouvoir plus grand écrase tout le monde. Mais en son absence…" Expliqua Shi Weilan qui jubilait intérieurement.

"- Plusieurs clans ont décidés que l'absence du Seigneur Anbei était le bon moment pour régler leurs comptes entre eux en toute discrétion." Xue TianGou.

"- Anbei Furen. Pitié." Boya tressaillit d'avoir un démon se jeter à ses pieds pour le supplier de son aide.

Il trouva la force de ne pas balancer un coup de pied dans la figure du démon qui s'était accroché à ses robes, mais de peu.

Weilan s'en chargea pour lui. Il repoussa sèchement le suppliant mais sans le blesser. Ça n'aurait pas été bien vu, pendant que Xue TianGou entrainait Boya pour le faire asseoir sur le trône de QingMing.

Boya se figea lorsqu'il sentit le trône sous ses fesses. Même sans le voir, il savait ce que c'était. Le qi dont il était surchargé était suffisant pour qu'il sache où Xue TianGou venait de l'asseoir. Restait à espérer que QingMing ne lui en voudrait pas quand on le lui dirait. Mais on lui avait demandé de jouer le rôle de son épouse alors….

Boya grogna intérieurement. Anbei Furen. C'était n'importe quoi. Il n'avait accepté cette stupidité que parce qu'il devait rembourser d'une façon ou d'une autre serait-ce qu'une fraction des bienfaits que son hôte lui offrait. Ce n'était pas grand-chose de jouer les épouses pour la galerie alors il pouvait bien faire semblant, n'est-ce pas ?

"- Qu'on m'explique calmement ce qui se passe. "

Le chef de clan se prosterna une fois de plus. Boya prit une grande inspiration pour ouvrir son troisième œil. Sous son regard, les suppliants, choqués, restèrent sans rien dire un long moment. Shi Weilan donna un petit coup dans le dos du chef de clan pour le secouer.

"- Ha ! Anbei Furen. Celui-ci supplie Anbei Furen d'intervenir contre le clan Shue. Ceux-ci nous mènent une guerre depuis le départ du Seigneur Anbei. "

"- Une guerre de clan ne se décide pas comme ça sur un coup de tête. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? "

Un pacificateur. Ces animaux-là allaient faire de lui un pacificateur, DANS LE MONDE DES DÉMONS ! Cette blague était remarquable.

"- Et bien… " Le démon était visiblement mal à l'aise sous le regard si étrange de Boya.

Tout le monde savait qu'il était aveugle. Voir ses yeux cachés par un bandeau et un troisième œil ouvert au-dessus, un œil si bleu, perpétuellement en mouvement, avait quelque chose de profondément dérangeant même pour ces démons si habitués aux massacres de masses. Et encore. Ceux de la capitale étaient particulièrement civilisés. Ils étaient sous la coupe du seigneur Anbei depuis si longtemps qu'ils étaient presque aussi domestiqués que des humains. Tout au moins pour la cour et les hautes familles.

"- J'attends. " La voix sèche de Boya fit tressaillir les démons.

QingMing était un calme tranquille à la voix douce et chaleureuse. Boya était un énervé à la voix sèche et exigeante. Vraiment, ils allaient bien ensembles.

"- Anbei Furen, si je puis " Coupa un autre démon qui venait d'arriver et de tracer son chemin sans douceur. "Je veux juste récupérer ma fille ! Ces animaux la maltraite depuis son mariage avec le premier fils. "

"- Ce n'est plus votre fille depuis qu'elle a épousé mon fils ! " Aboya le premier.

"- Et c'est une raison pour la maltraiter ? "

"- Je l'ai acheté pour mon fils ! Il peut en faire ce qu'il veut ! Si elle n'est pas capable de produire un rejeton…"

Les deux pères se sautèrent à la gorge sans plus attendre. Ca restait des démons.

Boya grogna. Sérieusement ?

"- CA SUFFIT ! " rugit il en faisant péter un peu de qi. "Nous ne sommes pas là pour… "

"- ANBEI FUREN ! "

"- Quoi encore ? "

"- Une troupe armée approche de la ville au grand galop ! "

Boya sauta du trône

"- Faites fermer les portes de la ville, que les garnisons se positionnent, les civils doivent être évacués des quartiers les plus proche de la porte en danger. "

Personne ne songea une seconde à protester, pas plus les deux idiots qui se tapaient dessus en se roulant sur le sol que m es soldats présents qui se précipitèrent pour obéir sans que Boya ne songe à réfléchir un instant à qui avait réellement autorité. Mi Chong ? Xue TianGou ? Quelqu'un d'autre ? Mais on l'avait bombardé Anbei Furen pour la journée. Il y avait des responsabilités qui allaient avec ça. Et puis, Boya avait été dressé depuis l'enfance à gérer des situations de crise. D'une voix sèche, il donnait ses ordres et attendait qu'on les exécute sans moufter. Il n'était peut-être pas un général, mais il avait assez de bouteille à diriger des hommes pour qu'on lui obéisse à la seconde.

"- Que disent les éclaireurs ?"

Xue TianGou avait décollé pour prendre de l'altitude et observer la situation d'en haut. Zhuque s'était posé sur l'épaule de son maître pour lui prêter ses yeux en plus de l'usage de son troisième œil.

Boya faillit en tomber par terre. C'était la première fois que son shishen faisait ça.

"- Zhuque ! Tu aurais pu prévenir." Mais l'onde de tendresse qui balaya les plumes du dieu-gardien adoucit l'irritation dans la voix du jeune chasseur.

Très fier de lui, le phénix miniature leva haut la tête.

Xue TianGou ne tarda pas à se poser non loin de Boya, les sourcils froncés.

"- Ils sont une grosse division." Donc plusieurs centaines d'hommes. "Je n'ai pas réussi à voir de marque clanique mais cette troupe est faite de bric et de broc plus qu'autre chose."

"- Les chances que ce soient de simples pillards qui tentent de profiter de l'absence de l'autre idiot ?"

Autour de lui, la stupeur ferma la bouche de tout le monde une seconde. L'autre idiot ? C'était le Seigneur Anbei "L'autre idiot" ? Mais dans la bouche d'Anbei Furen, ce n'avait rien de vraiment choquant n'est-ce pas ? Une épouse pouvait insulter son mari parti faire le coq au loin pendant qu'il laissait sa dame s'occuper du Domaine. Non ?

"- Probablement, Anbei Furen."

"- Les portes ?"

Boya avait sauté a cru sur le dos de sa feifei. La créature avait sauté la clôture de son enclos pour venir auprès de son maître dès qu'elle avait vu les soldats se ruer sur leurs chevaux.

"- Fermées et défendues."

"- Toutes ?"

"- Sans exception !" Assura le lieutenant en charge des troupes restées pour garder la Capitale."

"- Les civils ?"

"- Ils se regroupent derrière la Seconde Enceinte. Elle sera fermée dès qu'ils seront tous à l'abri."

Les nobles allaient gueuler mais Boya s'en foutait autant que les soldats.

Les chevaux et la feifei parcoururent à brides abattues la distance qui les séparaient des murs extérieurs et des portes.

Zhuque volait toujours près de son maître. Sa queue s'était enflammée alors qu'il rassemblait déjà ses forces pour protéger son maître s'il le fallait.

On conduisit Boya en haut du mur.

En contre-bas, les troupes de mercenaires s'approchaient calmement. Ils n'avaient rien à craindre. Le Maître des lieux étaient absent.

"- Mon arc !" Ordonna Boya qui s'insultait mentalement de ne pas y avoir pensé.

Il entendit un portail s'ouvrir près de lui puis des mains glacées lui donnèrent ses armes qu'on l'aida à ceindre rapidement.

Il était prêt au combat lorsqu'il vit par les yeux de Zhuque les quelques centaines de démons qui s'approchaient.

Un reniflement peu flatteur lui échappa ainsi qu'un petit sourire railleur.

"- Qui a donné l'alerte ?"

Il sentait la crainte et l'angoisse derrière lui. Tous ces démons étaient infiniment plus vieux que lui. Ils avaient vu des batailles qu'il n'osait imaginer. Mais juste parce que "Papa" n'était pas là, tout le monde faisait dans sa culotte ? Vraiment ?

"- C'est moi, Anbei Furen."

Le soldat s'inclina profondément.

"- Vous avez bien fait. Mais pour autant de panique, je m'attendais à voir quelque chose de dangereux."

"- Anbei Furen ?" Les démons autours de lui échangèrent un regard un peu perdu. Comment ça quelque chose de dangereux ? C'était pas dangereux plusieurs centaines de mecs armés qui voulaient leur bouffer la tête ?

"- Vraiment, regardez les. Leurs armures tiennent par habitudes, leurs armes sont davantage dangereuses pour leurs porteurs que pour nous."

"- Anbei Furen, ce sont des mercenaires redoutables !"

Boya tourna résolument le dos aux soldats qui se massaient en contre-bas des portes. Il faisait une confiance aveugle, sans jeu de mots stupide, à Zhuque pour le protéger de tout projectile ou sort, au grand orgueil du dieu-gardien.

"- Et qu'êtes-vous, tous ? Des tanghulu aux herbes ? Je doute que le Seigneur Anbei ait laissé la protection de sa Capitale à des incapables et des couards ! Que sont quelques centaines d'imbéciles face à la meilleure armée du monde des démons ?"

"- Ils sont beaucoup !"

"- Et nous, nous avons des grands murs fermés. Qu'est-ce que vous voulez qu'ils fassent s'ils ne peuvent pas entrer ?"

"- Il y en a un qui s'approche."

Boya laissa les soldats derrière lui digérer ce qu'il venait de leur dire. Empâtés dans leur sécurité et la présence de leur Seigneur, ils avaient oubliés qu'ils étaient tous surentrainés, oui. Et c'était un petit prêtre humain, aveugle, qui boitait parfois encore un peu, aux cheveux bien trop courts et à la langue trop bien pendue qui venait de leur rappeler qu'ils n'étaient plus des apprentis depuis bien longtemps. Depuis avant même sa naissance.

De loin en loin, les murmures se faisaient de plus en plus bruyants. Bien sûr qu'ils étaient des professionnels surentrainés ! Qu'ils se complaisent ainsi dans la sécurité que leur seigneur leur offrait était inquiétante.

"- JE SUIS LA VOIX DE MINGZHONG ! " Cria le démon envoyé par son chef pour faire part de leurs exigences.

Le démon avait devant lui une démone qui se débattait de toutes ses forces. Une otage ?

"- Quelqu'un sait si elle est de chez nous ?" Souffla Boya à la personne près de lui.

Weilan secoua la tête.

"- Impossible de savoir. Ses vêtements correspondent mais…" Rien de plus facile que dans voler sur un cadavre, sur un pas cadavre ou d'en acheter.

"- Si vous n'ouvrez pas les portes de la ville, nous…" Une flèche s'enfonça à la fois dans le crâne de la démone, puis la gorge du héraut qui tomba de sa selle en tenant la hampe de l'arme. Il mourut assez vite en faisant des bruits désagréable.

"- Les portes restent fermées." La voix de bataille de Boya portait loin. Surtout avec sa Cultivation Musicale pour la porter. "Barrez-vous, ou mourrez. Je ne suis pas mon mari. Je ne suis pas un gentil." Boya eut un sourire de pure satisfaction sadique que les démons qui étaient mort de sa main à la Capitale avaient pu voir juste avant de mourir quand il écumait les rues pour JingYun.

Un frisson remonta dans le dos des soldats de QingMing. Anbei Furen faisait peur. Mais Anbei Furen venait de clouer deux personnes à plus d'un li de distance alors qu'il était aveugle.
Ils se prosternèrent tous, prêt à le suivre comme ils suivaient leurs seigneurs.

"- Anbei Furen."

En face, la poignée de gradés mercenaires semblaient hésiter. Il eut un véritable flottement. Ils ne s'attendaient pas à ça ! Ce n'était pas la première fois qu'ils venaient faire un raid dans la région. En général, le Seigneur des lieux leur achetait la tranquillité de sa ville avec quelques provisions. Ils savaient qu'il aurait pu les éliminer facilement et qu'il avait juste la flemme de les massacrer. Mais là ? C'était QUI ce malade ?

Mais ils n'eurent pas vraiment le temps de se poser plus de question. Pas avec le barrage de flèches enflammées que tous les soldats leur envoyaient dessus du haut des murs !

"- RETRAITE ! RETRAITE !"