Chapitre 49

Boya était ronchon.

Comment aurait-il pu savoir que l'invasion qui menaçait la Capitale était récurrente et que le Seigneur Anbei le gérait toujours tranquillement sous le manteau ?

Assis sur le trône du renard démon, une jambe passée par-dessus un des accoudoirs en forme de renard léopardé, il maugréait dans sa barbe après le maître des lieux absent, Xue TianGou, Kuang HuaShi, les militaires présent et surtout, les envahisseurs eux-mêmes. Boya était à peu près sûr que le seigneur Anbei était suffisamment un cœur d'artichaut pour leur fournir ce dont ils avaient besoin sans prendre des poses et faire semblait d'attaquer tout le monde.

Quoique. S'il n'était pas intervenu, avec l'absence de QingMing, Boya était certain qu'ils auraient réellement tenté de piller la ville. Ses «conseillers » en étaient certains eux aussi.

Mais ça ne réglait pas le problème de Boya pour l'instant.

"- Qu'est-ce que je vais faire de vous ? "

Les démons se recroquevillèrent peureusement sur le sol. Boya n'avait pas fait de quartier. Lorsque les flèches avaient fini de les faire reculer, les mercenaires avaient décidés de rompre les rangs en vrac et d'attaquer avec une brutalité remarquable qui assurait à Boya qu'ils auraient attaqués quand même une fois sûr que QingMing n'était pas là. Les flèches enflammées avaient été là pour les chasser en douceur malgré tout. Ils n'avaient visiblement pas comprit l'encouragement. Alors Boya avait fait ouvrir les portes pour leur rentrer dans le lard. Au début pour les faire prisonniers mais... La brutalité des mercenaires avaient vite évoluée en panique totale qui avait fait plus de dégâts dans leurs rangs que les soldats de la Capitale. Néanmoins, ces derniers s'étaient quand meme fait plaisir. Il était rare qu'ils puissent se battre pour de bon. Les mercenaires avaient refusé de se rendre, Boya avait refusé de faire le moindre quartier.

Les quelques dizaines de démons survivants étaient surveillés hors les murs par les soldats locaux. Ils avaient été décimés par les troupes du Seigneur Anbei avec Boya à leur tête. Monté sur sa feifei avec son arc qui faisait des ravages, il avait causé une vraie panique.

Les quelques chefs mercenaires survivants avaient été traînés devant le trône de QingMing.

Boya crispait toujours autant d'avoir le cul dessus mais on lui avait donné un boulot à faire n'est-ce pas ?

"- QingMing se serait contenté de les chasser avec une tape sur la main." Souffla MiChong à son oreille.

La démone était furieuse. Elle venait de passer plus d'une heure à rafistoler Boya. Il était un chasseur, pas un militaire. S'il lui était arrivé de se retrouver au milieu de bagarres générales, c'était la première fois qu'il se trouvait confronté à une réelle "guerre". Il n'avait pu éviter les blessures. D'autant moins qu'il était du genre à chercher à protéger son garde du corps. Boya sentait dans son dos la fureur de Shi Weilan. Il savait déjà que l'assassin allait lui hurler dessus pour avoir pris des risques inconsidérés. Il reconnaissait qu'il avait peut-être manqué de discernement lorsqu'il avait vu une grosse balafre sur le bras du jeune homme.

"- Mais il n'est pas là. Il n'y a que "Anbei Furen" qui n'a rien demandé et qui se retrouve à prendre de décisions qui ne lui appartiennent pas." Rappela Boya avec l'air de sucer un bonbon.

Il foudroyait les conseillers de QingMing du troisième œil sans qu'ils ne comprennent vraiment le problème. C'était justement le boulot de l'épouse de leur Seigneur de tenir la baraque quand il allait guerroyer au loin n'est-ce pas ? A moins qu'il n'ait pas prévenu l'ancien chasseur de ses responsabilités ? Ça aurait bien été dans le genre du renard démon. Il avait un peu tendance à jeter les choses à la tête des gens et les laisser se débrouiller avec pour voir comment ils s'en sortaient.

Le seigneur Anbei était une pure saloperie quand il le voulait.

Boya tapotait du bout des doigts sur le trône.

"- Je devrais tous vous faire exécuter."

Les démons ne purent que baisser la tête. Que pouvaient-ils dire ou faire ? Leur troupe de plusieurs centaines d'homme avait été réduite à quelques dizaines à peine. Avec les blessés, sans doute même moins. Ils n'auraient jamais dû se rapprocher autant de la Capitale une fois de plus. Ils avaient été prévenu pourtant. Mais ils avaient été prévenus plusieurs fois. Le Seigneur Anbei était un gentil. Ce n'était pas le cas de son épouse.

"- Je vais laisser le choix à vos hommes : Soit ils rejoignent l'armée du Seigneur Anbei, soit ils rencontreront la hache du bourreau." C'était honnête comme proposition. Quant à eux… Boya ne fit aucune proposition. L'un des conseillers de QingMing se pencha à son oreille.

Boya fit la moue, sembla réfléchir puis grimaça.

"- Quant à vous, vous attendrez le retour du Seigneur Anbei en prison. Je serais pour une exécution sommaire, mais il parait que ce serait un peu violent pour l'endroit." Vraiment ? Ses réflexes de JingYun était trop exagérés pour le Monde des Démons ? VRAIMENT ?

Les démons se prosternèrent profondément. Le renard démon aurait sans doute un peu plus de pitié que sa dame. Avec du bol, il leur donnerait le même choix. Choix qu'ils accepteraient avec reconnaissance. Ils serviraient le renard démon avec tout le fanatisme qu'un démon était capable de montrer s'il épargnait leurs vies. Ils se laissèrent entrainer en prison sans moufter. De leur bonne conduite dépendrait aussi la survie des quelques hommes qui leur restaient.

QingMing avait passé encore quelques semaines à réorganiser les Marches Ouest de son Domaine. Les dégâts causés par la guerre avaient détruit quelques villages, chassés pas mal de paysans de leur terre. Il avait fallu les retrouver, les rassurer, les cajoler pour qu'ils retournent chez eux puis les aider à reconstruire et à relancer des récoltes pour préparer le prochain hiver. Les soldats de QingMing avaient un peu râlé pour le principe mais c'était pour eux l'occasion de rencontrer des filles ou des garçons célibataires, de découvrir un mode de vie plus calme et des terres encore relativement sauvage. QingMing n'avait pas été étonné quand une petite portion de ses troupes avait demandée à rester sur place. Il avait célébré quelques mariages, avait organisé quelques forts de surveillance armée pour y placer ses soldats et leurs époux et épouses tous neufs, avaient fait de la diplomatie avec les chefs de clan locaux qui voulaient juste avoir la paix pour élever leurs poules, leurs rejetons et faire pousser leur blé. Des accords commerciaux avaient suivi.

Ce n'était pas la première fois que QingMing jouait ce jeu. Il savait comment refuser un tombereau d'épouses secondaires sans vexer personne.

A sa grande surprise, Xue Mao avait été charmé par une demoiselle au caractère aussi doux et souriant qu'il était digne et fort. La nouvelle épousée suivrait son nouveau mari à la Capitale. La transition allait faire bizarre à la fille de la campagne. Rencontrer les autres épouses de son général aussi. QingMing était sûr que ça se passerait bien. Xue Mao n'avait pas caché à sa nouvelle femme qu'elle ne serait pas la seule ni la première. Les autres épouses de son général seraient soulagées de partager la maintenance de leur mari avec quelqu'un de plus.

Le général avait extorqué à son maître une place pour elle dans le Domaine Intérieur comme dame de compagnie de Anbei Furen. Xue Mao n'avait pas eu besoin de forcer beaucoup il était vrai. QingMing était un gentil. Quand il pouvait faire plaisir à quelqu'un facilement et sans risque pour sa fonction, il le faisait volontiers. Encore plus pour quelqu'un qui lui était aussi proche qu'un de ses généraux.

Sha ShengShi somnolait assit par terre, appuyé contre la hanche de son maître qui finissait de signer quelques décrets pour donner leurs pouvoirs aux nouveaux seigneurs de ses nouvelles terres. Avec la mort de l'envahisseur, le Domaine avait encore gagné quelques centaines de kilomètres carrés. QingMing s'était contenté de remettre en place les démons les plus solides encore vivants qui étaient déjà en place avant que le jeune seigneur ne vienne jouer des mâchoires chez eux.

Le renard-démon posa son sceau sur les derniers documents ainsi que leurs copies puis les tendis à ses servants.

"- Sha ShengShi ?"

Le jeune démon était épuisé. Ils n'avaient pas eu de temps pour se reposer depuis une éternité. QingMing se pencha vers lui pour lui caresser la joue du bout des doigts.

"- Sha ShengShi ? Il est temps de se réveiller, mon petit. Nous en avons finis. Nous allons pouvoir rentrer."

Il faisait nuit noire à leurs latitudes. Sur le Domaine, on devait être la fin de matinée.

Le jeune démon finit par ouvrir un œil.

"- On rentre à la maison ?" Il faisait petit garçon ronchon.

"- Il ne reste plus que cette tente à démonter."

Sha ShengShi bailla lourdement. Il se frotta les yeux avec le poings puis quitta enfin les jambes de son maître.

Le renard-démon le suivit à l'extérieur de la tente de commandement. Les nouveaux seigneurs se prosternèrent devant leur maître. Ceux qui quittaient le service actif pour s'installer sur les nouvelles terre du Domaine s'inclinèrent aussi.

Pendant que les serviteurs finissaient de tout remballer, QingMing fit ses adieux à ses hommes qui restaient sur place, s'assura que chaque groupe avait au moins une personne capable d'ouvrir un portail et qu'un autre savait tracer des talismans d'alerte et de communication. D'autres l'avaient vérifié avant lui bien sûr. Mais on était jamais mieux servi que par soi-même, n'est-ce pas ?

Puis, comme à l'allée, le renard-démon ouvrit le portail qui le ramènerait chez eux. Il le passa le dernier.

"- SEIGNEUR ANBEI ! ENFIN !"

Le pauvre renard faillit gémir. Qu'est ce qui se passait qu'on lui sautait dessus comme ça ? Ils étaient restés au loin de longues semaines, mais ce n'était pas la première fois, alors qu'elle était cette farce ? Ses serviteurs semblaient au bord des larmes. A l'inverse, MiChong était hilare.

"- Qu'est ce qui se passe ?"

"- Ho, pas grand-chose, Seigneur Anbei. Nous sommes tous heureux de vous revoir."

"- …Qu'est ce qui se passe ?" Le ton était lugubre cette fois.

Le sourire de MiChong se fit plus large.

"- Rien de bien méchant ! Anbei Furen à prit les commandes quand la Capitale a été attaquée."

"- Quoi ?"

"- Et là, il est en train de régler le problème entre les clans Zhong Mao et Shue.

"- QUOI ?" Puis QingMing réalisa soudain. "Anbei Furen ?"

Il galopa à fond de train jusqu'à la salle du trône avec une MiChong qui riait sans pitié derrière lui pour freiner des quatre fers devant la scène devant lui.

Le jeune Boya était habillé plus richement qu'il ne l'avait jamais été, avait l'air passablement pincé et foudroyait du troisième œil plusieurs personnes à genoux devant lui. Il était assis sur le trône de QingMing et y semblait parfaitement à sa place. Une bouffée de désir brulant remonta dans le ventre du renard-démon.

"- Tenez la bride à votre intérêt." Aboya à mi-voix TianGou qui s'était glissé près de son vieil ami.

"- Il est…. Il est… "

"- Parfait ?"

"- Au-delà de parfait."

Le puissant Seigneur avait un sourire énamouré comme on ne lui en avait jamais vu.

Autour d'eux, les autres nobles commençaient à se rendre compte de sa présence de loin en loin. Il leur interdit d'un doigt sur la bouche de signaler sa présence à Boya. Il voulait le voir régler la situation.

"- Qu'est ce qui se passe ?"

Xue TianGou lui résuma les derniers évènements : Le mariage entre les deux enfants du clan, le mari qui maltraitait sa jeune épousée, le père de la dame qui était venu demander justice, les mercenaires qui avaient attaqués.
QingMing le coupa.

"- Vous les avez payés pour qu'ils partent ?"

"- Non, Anbei Furen les a fumé."

"- … Fumé ?"

"- Les survivants ont soit été exécutés, soit ont rejoint votre armée. Les chefs des mercenaires sont dans les prisons à attendre votre jugement."

"- … Boya à fait ça ?"

"- Boya est une Furen remarquable. Il n'a pas hésité une seconde à monter lui-même au combat. Lorsque le héraut des mercenaires a tenté un coup de bluff avec une soi-disant otage, il les a épinglés tous les deux avec une seule flèche. A plus d'un li de distance."

Pour un peu, QingMing aurait pu faire des cœurs avec ses queues. Boya ne l'aurait pas davantage excité s'il avait été nu à prendre des poses sur son trône.

"- Et là ?"

"- Ecoutez…"

La voix de Boya gagna soudain en décibels.

"- SIX FOIS ! C'est la SIXIEME FOIS en trois semaines que vous venez me chouiner sur les pieds pour votre histoire de maltraitance maritale. J'en ai marre !" Les deux pères baissèrent la tête. Le jeune couple se jeta un regard meurtrier pendant que Boya continuait. "Dame Caomei. Vous êtes une démone."

"- Evidemment !" C'était quoi cette question ?

"- Y a-t-il quelque chose qui vous contraint à une passivité servile envers votre mari ? Un contrat de mariage ? une malédiction ? Quelque chose ?"

"- Non, Anbei Furen."

"- Alors si vous êtes une démone et que rien ne vous empêche de vous défendre, qu'est-ce qui vous retient ? Vos bras font deux fois les cuisses de votre mari !"

"- La tradition…"

"- La tradition est pour quand vous êtes dehors. Ce que vous faites dans votre résidence ne regarde que votre couple." Aboya Boya. "S'il vous tape, cassez lui la gueule. Quand il aura compris que ça fait mal, il ne recommencera pas."

QingMing faillit éclater bruyamment de rire. L'horreur et l'outrage autour d'eux était phénoménal. Lui qui se complaisait dans le chaos était servi. Il resta néanmoins silencieux pendant que Boya finissait de rendre la justice à sa place. Lui n'aurait jamais pensé à quelque chose d'aussi pragmatique et bassement efficace.

"- Anbei Furen… Voulez-vous dire qu'une épouse à le droit de se protéger et de protéger ses enfants de son mari ?"

"- Dans la mesure du raisonnable, évidemment ! On va éviter les meurtres. Quel qu'en soit la victime. Ça fait des taches sur les tapis, vous comprenez."

"- Merci Anbei Furen." La démone en avait les larmes aux yeux. Elle jeta un regard de prédateur à son mari qui se recroquevilla sur lui-même. Il savait parfaitement que son épouse était plus forte que lui et il en était jaloux. La seule chose jusque-là qui le protégeait était la tradition. Mais si Anbei Furen laissait latitude aux épouses de défoncer leurs maris, la blague n'allait plus être drôle longtemps.

"- Anbei Furen ! Comment osez-vous ainsi fouler aux pieds des siècles de traditions !" Protesta soudain le seigneur JinSi, un vieux démon tellement ancien que même ses moustaches étaient blanches.

"- Anbei Furen a tout à fait raison." Coupa QingMing. Il traversa la foule comme un prince, un sourire indulgent aux lèvres.

"- Seigneur Anbei !" La cour entière se prosterna front contre le sol comme un seul homme.

Seul Boya resta sur ses pieds. S'il s'était levé du trône, il toisait le renard-démon avec une évidente colère. Allait-il lui rendre son trône ou l'humain allait-il tenter de prendre sa place ?

"- C'est à cette heure-ci que vous rentrez ? J'ai failli attendre !"

S'en fut trop pour QingMing. Il éclata de rire, s'inclina de Boya dont il prit la main pour effleurer ses phalanges de ses lèvres.
Boya se sentit affreusement rougir. C'était quoi ces manières ?

"- Ha, Boya… Si j'avais su que vous alliez si magnifiquement occuper mon trône, je me serais moins inquiété pour ma Capitale." Il glissa un bras autour de la taille du jeune homme qui se débattit de son mieux, toujours en colère. "Les audiences sont finies pour aujourd'hui." Prévint QingMing.

Malgré tout, il était fatigué, affamé et absolument rincé. Mais avant tout, il voulait un bain.

Pendant que la garde mettait tout le monde dehors, il entraina Boya jusqu'à ses appartements. Il le lâcha dès qu'ils furent à l'abri des regards.

"- Merci d'avoir joué le jeu, Boya. J'imagine que ça n'a pas été de tout repos."

Le crochet du droit que le renard se prit dans l'estomac n'aurait pas dû à ce point le surprendre.

"- SEIGNEUR ANBEI !"

QingMing retint Shi HuJian d'un signe de la main.

"- Je l'ai mérité. Sera-ce suffisant pour que nous puissions en discuter tranquillement, Boya Daren ?"

"- Allez d'abord vous laver, vous puez. Et dormir, vous avez l'air épuisé. Et vous avez maigrit. J'ai cours d'Harmonie dans une heure. Nous en parlerons demain."

"- Vous avez pris gout à donner des ordres, il semble."

Boya le toisa avec un reniflement. Il avait relâché son troisième œil dès l'arrivée du seigneur Démon. Ça l'épuisait toujours. QingMing était là, il n'avait plus besoin de continuer à se fatiguer comme un âne.

"- Contraint et forcé, croyez le bien et…" Boya dressa l'oreille. C'était quoi ce bruit ? Comme si quelque chose tapait rythmiquement mais à toute vitesse contre les murs. "Qu'est-ce que c'est que ce bruit ?"

Sha ShengShi et Shi HuJian levèrent les yeux sur QingMing qui attrapa ses queues entre ses bras en catastrophe pour les immobiliser. Il était si content qu'il lui était impossible de s'empêcher de remuer furieusement des queues sans les tenir dans ses bras.

"- Sans doute un animal quelconque qui se grattait les puces." Proposa le shishen avec un sourire plein de dents pour son maître qui le foudroya silencieusement du regard. Il n'évita de tirer la langue à Sha ShengShi que de très, très peu.

Boya avait l'air dubitatif mais puisque le son s'était tut…

"- Je vous laisse vous reposer, Seigneur Anbei." Il inclina la tête pour partir. "Prenez soin de vous."

Il se figea soudain alors que QingMing se relevait lentement tout en se tâtant l'estomac. Boya lui avait fait MAL ! Il allait avoir un bleu.

"- QingMing ?"

"- Boya ?"

"- Heureux de vous revoir entier." Puis il fila, comme honteux de son commentaire.

Encore était-il heureux que le jeune prêtre ne puisse voir le sourire béat du seigneur démon.

Boya avait envie de se taper la tête contre les murs. Il était tellement agacé par la situation autant que par le retour comme un prince de QingMing qu'il avait été à la fois odieux et insultant avec lui.

Le pauvre prêtre était mort d'inquiétude que le renard démon lui en veuille. Sur le moment, il n'avait pas eu l'air trop outragé mais ça restait un Seigneur Démon habitué à être respecté et obéit. Là, Boya avait fait preuve d'un manque total de respect ou meme de simple courtoisie. Si QingMing en avait ri sur le moment, et surtout, devant des gens, Boya doutait qu'il en soit de même une fois qu'il serait reposé et détendu.

"- Boya Daren ? Vous semblez perdu dans vos pensées."

Boya aurait voulu hurler sur l'esprit mais n'en avait ni le courage, ni le feu

"- Je me suis montré odieux avec le Seigneur Anbei."

"- Vous avez été parfait." Contra Kuang HuaShi avec un sourire.

Xue TianGou approuva. Il s'était installé enroulé dans ses ailes dans un coin de la salle de musique, autant pour profiter des talents de son ami que pour surveiller Boya. Ils s'attendaient tous les deux à la soudaine angoisse du jeune humain. Il était bien trop conscient de sa place et de ce qu'il devait aux autres pour accepter facilement d'avoir littéralement arraché la gorge du maitre des lieux comme l'aurait fait une épouse aussi inquiète qu'irascible alors qu'il venait de rentrer.

"- Votre accueil du Seigneur Anbei est déjà sur toutes les lèvres."

"- Et quand ça va se savoir que "Anbei Furen" n'est qu'une vaste fumisterie, qu'est ce qui va se passer ?" Siffla le pauvre prêtre.

Les deux esprits échangèrent un petit coup d'œil.

"- Personne n'a besoin de le savoir."

"- Apres tout, vous faites effectivement une excellente Anbei Furen !"

Boya se mis à grincer des dents. Ils se fichaient de lui ou bien ?

"- Je ne suis PAS l'épouse d'un renard démon ! Sans compter qu'il se passera quoi lorsque QingMing rencontrera sa compagne ? Hein ? Vous y avez pensé à ça avant de me balancer dans cette mouise ?"

Le silence s'éternisa entre l'humain et les deux esprits.

"- Boya Daren, QingMing est très, très vieux. Je doute qu'il se trouve une compagne un jour. Et au pire des cas, la monogamie est plus rare que la polygamie vous savez."

Kuang HuaShi balança un coup de pied à son camarade. Boya venait de se crisper affreusement. Il n'était pas l'épouse de QingMing, non. Mais l'idée de le voir avec un Harem le faisait grincer des dents.

"- Mais ce n'est pas son genre de se fixer de toute façon." Tenta de corriger le tengu. "Ha ce n'est pas ce que je veux dire." Bon sang, il disait tout ce qu'il ne fallait pas. La colère de l'humain était visible maintenant.

"- Ce n'est pas comme si ça me regardait de toute façon." Rappela Boya sans comprendre pourquoi l'idée de savoir le renard avec plein de concubines ou pire, entouré de simples donzelles juste à la recherche d'un coup d'une nuit le crispait à ce point. Pour lui qui avait un carnet de bal long comme le bras, c'était particulièrement hypocrite.

"- Reprenons ou nous en étions." Sentencia soudain Kuang HuaShi après un dernier regard noir à son ami.

Xie TianGou se rencogna un peu plus dans ses ailes et resta silencieux jusqu'à la fin du cours.

Si quelqu'un allait se faire engueuler le lendemain, ce serait plus certainement lui que Boya.

"- Vous avez maigrit." Fut le salut de Boya le lendemain matin lorsque QingMing entra dans la petite dépendance où dormait la feifei de Boya.

La créature était sur le dos et laissait son maitre la brosser avec délectation.

"- Bonjour aussi, Boya Daren."

L'humain se sentit rougir de honte. Il s'inclina respectueusement, irrité par lui-même.

"- Pardonnez-moi, Seigneur Anbei. Bonjour. Mais vous avez quand même maigrit."

QingMing secoua la tête, amusé. Comment Boya pouvait meme le savoir sans une vue "normale" ? Même s'il avait raison, ce n'était pas le genre de chose qu'on balançait comme ça.

"- Avec notre petite guerre, c'est normal. Même si L'hiver est là, il est normal que je commence à fondre au combat. Je reprendrais du gras une fois que mon métabolisme aura compris que nous ne sommes plus en danger."

Boya grogna. Il n'était pas inquiet ! Du tout ! Pourquoi serait-il inquiet de toute façon ? Il n'avait aucune raison de l'être.

"- Seigneur Anbei…"

"- Nous n'en sommes plus là, Boya. Dois-je vous le rappeler ? Appelez-moi QingMing." Boya était mal à l'aise comme jamais. "Boya..." Le chasseur sursauta. "Vous semblez inquiet."

"- Je suis désolé pour toute cette histoire de Anbei Furen. Je n'ai jamais voulu vous manquer de respect ou…ou….."

"- Boya ! Calmez-vous….je ne vous en veux pas. Kuang HuaShi est le responsable. Si responsable il y a besoin de trouver. Mais dans la circonstance, son action a été une bonne idée. Et de ce que j'ai entendu, vous faites une excellente Anbei Furen."

Boya se sentit rougir affreusement.

"- Seigneur Anbei !"

"- QingMing." Insista le renard.

Boya grogna.

"- Plaisanterie mise à part. Votre action pour protéger ma Capitale a été très appréciée, Boya. Et vous en serez grassement récompensé."

"- Je suis sûr qu'il y avait d'autres personnes en capacité de le faire."

"- Ho, certainement. Mais une seule tête dans une situation de crise vaut mieux que plusieurs. Vous avez court-circuité mes conseillers qui restent ce qu'ils sont : des démons avides de s'occuper de leurs propres fesses. "Anbei Furen" a sauvé probablement plus de vies que vous ne l'imaginez. Je n'aurais pas géré nos envahisseurs comme vous l'avez fait" Les épaules de Boya descendirent de quelques centimètres. "Mais dans la circonstance, vous avez fait bien mieux que ne l'auraient fait mes ministres."

Boya ne put retenir un coassement d'outrage consterné quand le renard démon s'inclina profondément devant lui. Le chasseur bondit sur ses pieds pour le forcer à se redresser.

"- Ne vous inclinez pas ! S'il vous plait ! J'espère juste que cette farce s'éteindra rapidement et que vous ferez le nécessaire."

"- Pourquoi ? Vous faites une excellente Furen" Insista QingMing en souriant.

"- QingMiiiing !"

Boya pesta sous les rires du renard démon mais sa mauvaise humeur disparue petit à petit sous les manières bon enfant du puissant renard. Il lui rappelait un peu Seimei. Sans doute parce qu'ils étaient très vieux tous les deux. Ce qui était une urgence et une catastrophe pour des jeunots comme… le reste de la population (?) était bien moins grave à l'aune d'une vie millénaire. Des catastrophes, ils avaient dû en voir et en vivre des élevages tous les deux. On apprenait probablement à relativiser avec les siècles.

QingMing surveillait Boya du coin de l'œil. Le jeune homme avait fait suffisamment de progrès sur la perception de son environnement, même sans son troisième œil pour qu'il reste discret dans son intérêt pour lui. Le voir officiellement à la place de Anbei Furen était inattendu. Le voir l'occuper si bien était encore plus étonnant. Avoir la preuve que le renard ne verrait jamais personne d'autre prendre ce rôle était presque douloureux pour le Seigneur Démon. QingMing savait ce qu'il voulait. Il l'avait devant lui. Il le voyait de ses yeux. Tout était en place. Tout était accepté et acté par l'ensemble du Domaine. Sauf par le principal concerné. Il fallait reconnaître que c'était quand même ballot.

Et pourtant…. pourtant… QingMing adorait ça. Il savait ce qu'il avait une chance de gagner. Maintenant… Il fallait qu'il parvienne à convaincre Boya de rester avec lui et de l'épouser. Ou à minima, de devenir son compagnon. S'il acceptait de l'épouser ce serait encore mieux à cause de leurs relations avec le monde des humains, mais ce qui comptait vraiment pour le renard, c'était que Boya accepte de porter sa marque. Il rêvait de mordre son épaule et de le voir fièrement porter la cicatrice de ses crocs. Comme il était avide d'avoir la cicatrice de ses dents sur sa propre épaule.

"- Comme je l'ai dit à Xue TianGou et Kuang HuaShi, en plus d'avoir provoqué une situation déplaisante pour tout le monde, les rumeurs vont se répandre. Je n'ai pas envie que ces stupidités vous privent d'une compagne ou que sais-je." Insista Boya

Le renard devait se retenir très fort pour ne pas enfouir le jeune homme dans ses queues pour le cacher du monde. Boya était un tout petit plus grand que lui mais moins large et moins massif. Si QingMing était une bouboule à l'hiver, Boya restait un chasseur racé et distingué en toutes circonstances. Même quand il était en train de pester contre les esprits joueurs qui avaient fait de lui Anbei Furen.

"- J'ai bien peur que la rumeur ne soit impossible à arrêter, Boya Daren. Pour chacun, vous êtes Anbei Furen à présent. Et pour mes éventuelles compagnes, elles ne seront jamais vu autrement que comme des épouses secondaires ou des concubines. Ce qui me convient tout à fait ! Vous n'avez pas idée à quel point c'est épuisant de devoir repousser en permanence des écuries de filles à marier." Assura encore le renard avec tellement de satisfaction dans la voix que Boya ne protesta meme pas.

Boya posa sa main sur le bras que lui offrit QingMing pour faire le tour du Domaine avec lui avec le plus total naturel. Il n'y avait pas de risque à accepter l'aide du renard démon. Il n'y en avait plus. Quelque chose grogna au fond du ventre de Boya. Et voilà qu'il se sentait aussi bien avec un fichu Seigneur Démon qu'avec les membres de sa secte. Enfin, certains d'entre eux en tout cas.

"- Zhuque n'est pas avec vous ?" S'étonnât QingMing.

"- Zhuque est rarement avec moi. Il passe plus de temps à voler librement et à chasser qu'à rester sur mon épaule." Ce qui satisfaisait Boya autant que ça l'irritait. Et cette ambivalence meme crispait affreusement Boya. Il y avait longtemps que le jeune homme ne se comprenait plus vraiment lui-même.

"- Vous semblez irrité de son absence."

Boya fit une moue de petit garçon.

"- C'est idiot, je sais, mais Zhuque est censé être mon shishen. Hors il n'est quasi jamais avec moi. Sauf si j'ai besoin d'être protégé. Il me surveille de loin, je le sais, mais… Ha, c'est ridicule." Il fallait être honnête, au sein du Domaine, il n'avait pas vraiment besoin d'être protégé.

"- Le lui avez-vous dit ?"

"- Je ne veux pas être non plus un maître exigent et toujours sur son dos."

"- Ha ! je comprends mieux votre trouble. Mais dites le lui. Zhuque est un esprit-gardien. Il est très, très vieux. Peut-être attend-il simplement que vous l'appeliez à vous. Votre désintérêt pour avoir un shishen est connu de tous. Même si vous l'avez lié à vous, il doit connaître vos réticences."

QingMing sentit les doigts de Boya se serrer sur son avant-bras.

"- Vous pensez ?"

"- Zhuque est très protecteur mais en meme temps très respectueux de votre liberté. Parlez lui."

Boya soupira doucement. Parler était son talon d'Achille et ils le savaient tous.

"- C'est…Difficile…"

"- Allons Anbei Furen. Qu'est-ce qu'une petite discussion avec votre servant quand vous pouvez mener des démons au combat ?"

"- QINGMING !" Rugit Boya, les joues écarlates. Cet animal flirtait avec lui! Encore !

Le rire du Seigneur démon le fit râler encore plus mais ses protestations manquaient de feu. Boya aimait le rire du renard.

Sur leur chemin, invités, diplomates et serviteurs s'inclinaient devant le couple sans penser une seconde que les épousailles n'étaient qu'une vaste fumisterie. Ils n'y avaient que ceux au plus près du trône qui connaissaient la vérité.

"- Maintenant que je suis rentré, que diriez-vous de préparer la visite de Zhong Xing ?"

Boya eut un large sourire. Mine de rien, le Yin Yang et ses amis lui manquaient affreusement.

"- J'espère que Seimei pourra venir."

QingMing perdu immédiatement son sourire, jaloux.

Loin au-dessus d'eux, il entendit le rire cruel de Zhuque qui se fichait de lui.

Sale corbeau cramé.