Chapitre 51

Zhong Xing était en train de lire la dernière missive reçut du Domaine démoniaque lorsque son second vint le prévenir qu'un cavalier en provenance de la Capitale approchait. Le chef de secte n'allait certes pas se précipiter. Il donna des ordres pour qu'il soit installé dans une salle d'attente pendant que lui-même s'occupait des vraies urgences.
L'urgence du moment était la visite qu'ils allaient pouvoir faire à Boya. Si le jeune homme ne pouvait pas encore rentrer, eux allaient pouvoir y aller. QingMing s'excusait dans sa lettre pour le retard mais entre la petite guerre qu'il avait dû mener et autres détails et bien… Il n'avait simplement pas eu le temps de s'occuper de la visite des humains.

Zhong Xing avait senti sa bouche s'assécher. Une guerre ? C'était une excuse plus que suffisante pour le délais bien sûr. Il ne pouvait qu'espérer que Boya allait bien et qu'il n'avait pas été en danger.

Zhong Xing répondit avec enthousiasme à l'invitation. Ils pouvaient venir dès que le Seigneur Anbei leur en donnerait l'autorisation. Il n'y aurait que des adultes à venir cette fois ainsi que les shidi de Boya. Zhong Xing voulait être prêt à partir d'une heure sur l'autre. Préparer un véritable équipage pendrait au moins une journée.

Il replia sa réponse, la roula dans le tube à message puis le confia à l'oiseau de qi qui avait apporté le courrier. La créature s'envola pesamment avec la chose pour l'apporter à son maître.

Son assistant revint le voir pour le prévenir que le visiteur en provenance de la Capitale attendait son bon vouloir. Comme le chef de secte n'avait rien d'un chien courant du trône, il prit le courrier suivant sur sa pile pour le lire et y répondre. Encore une commande de chaussettes à approuver. Un jour, il ferait le calcul du nombre de paires de chaussettes qu'ils consommaient annuellement. Quelque chose lui disait que le résultat n'allait pas lui plaire.

Le messager en provenance de la Capitale avait accepté le thé, les couvertures et la place près du feu avec reconnaissance. Le fonctionnaire de troisième rang se trouvait bien trop haut dans la chaine alimentaire pour venir jouer les messagers pour le Trône mais on ne refusait rien à l'Empereur n'est-ce pas ? C'était pour ça qu'il se trouvait perdu au fin fond des Marches du Nord à se peler les fesses si fort qu'il attendait chaque jour de trouver des orteils au fond de ses bottes pour inviter (entendre: convoquer sèchement) le chef du Yin Yang auprès de Sa Majesté pour qu'il donne son propre son de cloche sur l'affaire qui secouait actuellement la Capitale. Si les gens du commun ne réalisaient pas ce qui se passait, ce n'était pas le cas de Sa Majesté. Plus fine mouche que nombre de ses prédécesseurs, il avait parfaitement conscience du panier de crabes qu'était JingYun. Sans doute parce qu'il y avait envoyé un des fils qu'il avait eu avec une courtisane et qui lui faisait des rapports détaillés. L'homme n'était encore qu'un Junior, mais observait tout pour le rapporter à son père. Comment il n'avait pas encore été repéré et éliminé était un mystère. A moins que les années à JingYun n'ai raffiné ses instincts politiques issus du sang de son père. C'était sans doute la seule chose qui l'avait épargné jusque-là. Et qu'il soit affecté aux Archives aussi probablement. Il était hautement intelligent. Trop pour le perdre sur le terrain. Et trop pour lui permettre de sortir du temple en même temps. Comme nombre des jeunes les plus intelligents de JingYun, le jeune prince était surveillé comme le lait sur le feu. Qu'il fasse quelque chose de suspicieux et il chuterait malencontreusement dans les escaliers. Qu'il se soit montré jusque-là plus intelligent que ses professeurs était remarquable. Son père l'aimait bien. Plus que la plus part de ses frères en tout cas. Sans doute parce que celui-là servait à quelque chose à part de chauffe-coussin et de lèche-botte pour Sa Majesté.
Son espion ne suffisait pas à l'Empereur pour savoir très précisément ce qui se passait, mais suffisamment pour que les plaintes officielles de JingYun tombent réellement entre les mains de Sa Majesté et non sur le bureau d'un fonctionnaire quelconque. Savoir que deux des quatre sectes cardinales étaient à couteau tirés, enfin, plus que d'habitude, était inquiétant. Normalement, les quatre grands temples s'équilibraient subtilement. Assez pour que le monde spirituel ne vienne pas ennuyer les gens normaux. L'Empereur reconnaissait leur utilité mais était depuis toujours sur la défensive face à ces gens qui parvenaient à faire des choses si bizarres. Avoir vu plus d'un cultivateur tuer sans pitié de simples humains, savoir que la secte nord était leur seul rempart contre un domaine remplit de démons ou que la secte sud n'était constituée que de femelles, tout cela restait des anomalies qu'il ne pouvait tolérer que par ce qu'il n'avait pas le choix. Alors voir une guerre larvée entre deux des grands temples ? C'était à la fois une occasion en or et un risque bien trop grand. JingYun était à côté, le Yin Yang le plus lointain. Ceux qui risquaient de causer le plus de problème à la Capitale était les voisins. Alors l'Empereur avait soupiré mais envoyé des hommes pour récupérer l'esclave en fuite.

Le fonctionnaire de troisième rang n'avait pas conscience de tout cela. La seule chose qu'il savait, c'était qu'un esclave vendu par JingYun avait réussir à fuir et qu'il se cachait ici. Il devait le récupérer et le rendre à son légitime propriétaire qui se trouvait être le chef de JingYun.
Bancal ? il en avait conscience. Comment un vendeur pouvait-il être encore propriétaire ? Mais ce n'était pas son problème.
Son problème était que le thé le réchauffait lentement avec plaisir.
Ha, et il faudrait qu'il demande où étaient passés tous ceux qui l'avaient précédé.

Il ne devait qu'à la chance que Seimei ai été trop occupé pour l'incruster dans les murs de glace du temple comme tous ses petits copains. Sinon, personne n'aurait entendu parler de son passage.

"- Bonjour."

Le fonctionnaire sursauta si fort qu'il faillit en lâcher sa tasse de thé. Du coin de l'œil, il vit que la lumière extérieure avait bien baissée. Ça ne voulait pas dire grand-chose aussi loin au nord mais le milieu de la journée était passé.

"- Ha. Bonjour. A qui ai-je l'honneur ?" Ce gens ne connaissaient-ils rien des bonnes manières ? Depuis qu'il était arrivé au milieu des congères, personne ne se présentait mais attendait qu'il le fasse le premier.

Ce qu'il prenait pour des congères était pourtant la fin de l'été. Il faisait encore chaud pour la saison. Pauvre homme…

"- Zhong Xing Zongzhu." La voix était calme mais irritée.

Le fonctionnaire s'inclina immédiatement avant de se présenter.

"- Su Han. Je suis ici à la demande de Sa Majesté l'Empereur pour prendre livraison de l'esclave Yuan Boya."

Zhong Xing resta interdit un instant avant qu'un sourire amusé ne fasse frémir sa moustache. Depuis le départ de son fils, il avait décidé de la laisser repousser. Il la raserait à nouveau quand son bébé serait à la maison. C'était un rappel visuel du deuil qui était le sien par sa propre faute.

"- Il n'y a aucun esclave de ce nom ici. Il n'y a pas d'esclave au Yin Yang."

Il y eut un autre flottement. Comment ça pas d'esclave ? Il y avait des esclaves dans tout l'Empire !

"- …Comment ça pas d'esclave ?"

"- Il est très mal vu d'avoir un esclave ici." Le pauvre fonctionnaire ne comprenait pas. "La vie est difficile dans le nord. Il est déjà compliqué de parvenir à survivre seul alors si en plus il faut s'occuper de la survie de ses affaires, c'est un coup à tout perdre."

Le fonctionnaire avait envie de se pincer la racine du nez et de se frotter les tempes.

"- Avez-vous quiconque du nom de Yuan Boya dans ce temple ?"

"- Absolument aucun !" Le sourire de requin de Zhong Xing était dérangeant. Mais ce qui l'était encore plus, c'était que le petit artefact qu'on avait donné au fonctionnaire avant de partir restait froid contre sa peau. Il avait eu suffisamment de temps pour le tester sur la route. Quand on lui mentait, il chauffait. Ici, rien. Il n'y avait donc personne du nom de Yuan Boya dans le temple.

"- Nous savons que vous l'avez acheté." Ils pouvaient être deux à jouer sur les mots et le fonctionnaire n'était pas stupide.

"- C'est exact."

"- Alors où est Yuan Boya ?"

"- Il n'y a aucun esclave ici, comme il n'y a aucun Yuan Boya dans le temple."

"- … Et parmi les disciples ?"

Cette fois, Zhong Xing hésita une seconde avant de cacher son sourire derrière son éventail.

"- Il n'y a pas davantage de disciples de ce nom dans le temple."

"- Je peux jouer à ce petit jeu un long moment vous savez ?"

"- Vous avez plus de temps à perdre que je n'en ai." Soupira Zhong Xing.

"- Cet homme partira d'ici avec moi, que vous le vouliez ou non. Ce sont des ordres de l'Empereur. Si vous ou quelqu'un de votre temple ose se mettre en travers des ordres de sa Majesté, votre temple tout entier sera considéré comme traitre à l'Empire."

La menace du fonctionnaire, à sa grande stupeur, eu l'air d'en toucher une sans faire bouger l'autre au chef de secte.

"- Je vous l'ai dit, j'ai autre chose à faire que répondre à votre stupide interrogatoire. Que vous me croyiez ou non ne changera pas la réalité. Boya n'est pas ici. Mais si vous tenez à perdre le temps que je n'ai pas, vous êtes libre de fouiller tout le temple. Si vous le trouvez, vous êtes libre de repartir avec lui." Assura tranquillement Zhong Xing.

Il était tellement sûr de lui que Su Han hésita. Pourtant, il n'avait pas plus le choix que Zhong Xing. S'il rentrait bredouille, il allait se faire raccourcir d'une tête. Et encore. Ce serait un moindre mal.

"- Un disciple va vous conduire à une chambre." Promis encore Zhong Xing avant de quitter le fonctionnaire.

L'homme attendit dans la tiédeur relative de la pièce qu'on vienne le chercher. Gold Spirit l'accompagna jusqu'à une chambre basique mais chaude et fonctionnelle dans la petite aile des visiteurs.

"- Zongzhu vous laisse toute latitude de chercher ce que vous souhaitez trouver. Faites attention néanmoins. Un temple est ce qu'il est." Prévint le shishen avec un sourire doux.

Su Han ne prit pas garde aux paroles de ce qu'il prenait pour un simple enfant. Le disciple paraissait trop doux pour être un apprenti cultivateur. Mais le fonctionnaire n'avait comme base de référence que ce qu'il connaissait des jeunes disciples de JingYun. La différence était flagrante.

Lorsqu'il vit le lendemain des jeunes enfants des deux sexes de huit ans à peine courir tout nu dans les couloirs pour aller se jeter dans la neige puis dans un des petits lacs qui entouraient le temple à cette période de l'année, il revit sa première impression. S'ils semblaient plus doux, ils étaient bien plus solides. Même un maître de JingYun aurait hurlé au meurtre en sautant la tête la première dans de l'eau à moins trois degrés.

Dans quelle maison de fous était-il tombé ?

Il envoya son premier rapport sans attendre. Il continuerai ses recherches jusqu'à ce qu'il trouve la pomme de discorde qu'était le jeune prince déchu. Le chef de JingYun autant que l'Empereur voulaient être sûr que jamais, au grand jamais, Boya ne pourrait causer de problèmes en plus de tout le reste.

Le pauvre fonctionnaire se retint de gémir.

Pourquoi lui ?

Boya avait fini par se réveiller et se confondre en excuses, aussi bien auprès de QingMing que de Zhuque. Le premier pour s'être endormit dans ses bras, le second pour l'avoir chassé comme il l'avait fait.

Ni QingMing ni Zhuque ne lui en voulaient. L'un comme l'autre étaient toujours renversés par l'incertitude qui pouvait habiter le jeune homme. Il était capable de tellement mais son égo avait été mis à mal si longtemps.

Boya finit quand même pas accepter que personne ne lui en voulait. Alors seulement QingMing lui permis de quitter ses genoux. Boya protesta encore que QingMing ne l'ai pas laissé faire avant mais le rire du renard autant que celui de Zhuque finit par le faire pester comme une vieille chamelle irritée.

"- Arrêtez de vous moquer de moi !"

"- Bien Anbei Furen."

"- QINGMING !"

Zhuque finit par venir pousser QingMing d'un coup de cul pour prendre Boya sous son aile.

"- Cessez d'ennuyer mon maître, Renard !"

La forme réelle de Zhuque était impressionnante. Suffisamment pour que le Seigneur Démon se sente soudain bien petit et bien insignifiant sous le regard écarlate du Dieu-Gardien.

"- C'était affectueux, soyez en bien sûr." Se défendit QingMing, les mains levées en signe d'apaisement.

Zhuque renifla. Il le savait mais Boya avait besoin qu'on le soutienne et qu'on le protège. Boya se serrait contre le large bréchet avec un soupir de soulagement

"- Maintenant que Boya a de quoi me renvoyer et m'appeler au besoin, il est temps que nous travaillions tous les deux." Imposa l'oiseau vermillon en balayant les restes de gêne ou de malaise d'un revers d'aile.

Boya n'osa pas protester malgré son peu d'envie. Zhuque était à lui comme il était à Zhuque. Ils ne pouvaient laisser leur relation aussi incertaine plus longtemps. Zhuque avait voulu laisser le temps à Boya de s'habituer, il réalisait maintenant que Boya préférait encore être forcé de gérer que de devoir prendre une décision lui-même.

QingMing hocha la tête.

"- Je vous laisse faire, Seigneur Zhuque."

"- Evidemment." Le renard pensait-il vraiment que Zhuque lui laisserait-il choisir pour eux comment ils devaient communiquer ? L'oiseau gardien avait déjà une bonne idée. Ils allaient se voler dans les plumes une fois ou deux. Une fois que Boya aurait réalisé que Zhuque n'était pas son esclave mais le compagnon spirituel qui lui fallait, tout irait bien mieux.

QingMing s'inclina devant le couple Maître/Shishen.

"- Je vous laisse alors. Il est déjà tard et j'ai du travail. Boya, si vous avez un peu de temps et l'envie, venez donc vous joindre à ma cour dans l'après-midi."

Boya lui jeta immédiatement un coup de bandeau suspicieux.

"- Anbei Furen doit se présenter auprès de son époux devant la cour de ce dernier ? C'est ça ?"

QingMing rit de bon cœur en quittant ses propres appartements qu'il abandonnait momentanément à Boya.

Oui, c'était exactement ça.

Boya se mit à pester encore. C'était bien de pester.

Zhuque lui nippa les cheveux.

"- Paix mon poussin, paix. Puisque ton renard veut que tu te comportes comme sa compagne, pourquoi ne ferais-tu pas exactement ça ?"

"- Zhuque !"

"- Tu as vécu à la Capitale. Tu as vu comment l'Impératrice mène sa barque, non ? ton renard vient de te donner exactement le même pouvoir."

"- Mais je ne suis pas son épouse !"

"- Il n'y a pas bien toi, lui, et quelques personnes qui le savent. Ce que les gens croient est souvent plus important que la vérité."

Le chasseur hurla encore un long moment. Pourtant, au fond de son crâne, il ne pouvait que réaliser que Zhuque avait raison. Et si QingMing lui demandait de jouer le rôle de son épouse sans lui en imposer les désagréments, pouvait-il vraiment refuser ? Si ça pouvait lui rendre service… Après tout, Boya avait sauvé des vies quand QingMing avait été au combat. Le renard le lui avait dit lui-même.

"- Anbei-Furen, hein…"

"- Alors ?"

"- J'imagine que je peux faire semblant jusqu'à ce qu'il n'ait plus besoin de ça. Ça ne me coute rien et ça lui rends service."

Zhuque lui tapota gentiment le crâne du bout de l'aile.

"- Appelle la petite papillon de ton renard, mon adorable poussin. Il est temps que tu sois vêtu comme tu dois l'être."

Sans le savoir, Zhuque allait réaliser le rêve de la petite shishen.

La nouvelle de l'union du Seigneur Anbei était restée sous le manteau plus longtemps que le renard ne pouvait l'attendre.

La réception d'une invitation pour le Domaine Souterrain ne l'étonna pas tant que ça lorsqu'il se mis enfin au travail en arrivant à son bureau.

"- Sha ShengShi !"

"- Maître ?"

Le jeune shishen s'était quasi matérialisé sur les pieds de son maître.

"- Je t'ai manqué à ce point ?"

Le jeune démon renifla mais son sourire était large.

"- Que ferais-je sans vous ! Que puis-je faire pour vous aider ?"

"- Où en est la préparation pour la venue du Yin Yang ?"

"- Nous serons prêt sous deux jours. Il vous suffit d'envoyer l'invitation.

"- Parfait. Je vais les inviter pour la fin du mois." Donc dans dix jours. "Pour une semaine. Une fois qu'ils seront repartis, je vais m'absenter avec ma cour. Et Boya."

"- Maître ?"

"- Long Ye nous a invité. Elle veut rencontrer Anbei Furen."

"- … J'ai tout soudain grande pitié pour vous, maître."

"- Merci."

Et ce n'était même pas une blague.

Zhong Xing avait reçu la lettre d'invitation avec soulagement. Ils allaient enfin pouvoir revoir Boya. Les lettres du jeune homme étaient régulières mais elles passaient toujours entre les mains du Seigneur Anbei au minimum. Si quelque chose n'allait pas, il ne pourrait jamais en parler, il le savait. Puisque He Shouyue n'était pas accessible, Zhong Xing avait besoin de voir son fils de cœur et de s'assurer que tout allait bien.

Gold Spirit se précipita pour aller prévenir qui de droit. Ils devaient être prêt à partir dans trois jours.

La frénésie soudaine qui s'empara de la secte titilla rapidement le fonctionnaire qui hantait encore les murs à la recherche de Boya. Le pauvre homme était en permanence à moitié congelé. Même si tout le monde était parfaitement poli avec lui, personne ne l'aidait non plus. Il n'y avait aucun esclave du nom de Yuan Boya dans la secte après tout. Il n'y avait pas d'esclave tout court en fait, comme Zhong Xing le lui avait dit.

Le fonctionnaire avait juste envie de s'arracher les cheveux et de rentrer à la Capitale. Malheureusement, il savait qu'il y risquerait sa vie s'il osait. Il ne pouvait rentrer sans l'esclave, la preuve de sa mort, ou celle de son absence. Autant dire qu'il était fichu ou pas loin.

A voir tout le monde s'agiter, il finit par attraper un sénior au vol.

"- Qu'est ce qui se passe ?"

Le jeune homme avait les yeux brillants.

"- Le Seigneur Anbei a contacté le Temple ! Enfin !"

Le Seigneur Anbei ? Le fonctionnaire connaissait le nom de tous les clans de la région. Il n'y avait aucun clan Anbei où que ce soit. Et aucun Seigneur de ville ne portait ce nom.

"- Qui est cet homme ?" S'affubler d'un titre qui n'était pas le sien était une grave trahison devant Sa Majesté. Du genre qui se soldait par la décapitation de l'individu et de sa famille, ses serviteurs, ses animaux, jusqu'aux pigeons qui volaient au-dessus de sa maison.

"- Le Seigneur Anbei ? C'est le Seigneur Démon qui tolère notre présence dans le Nord" Le sénior en riait. Qui était donc ce fonctionnaire qui venaient chez eux mais ne savait rien du nord et ne savait même pas s'habiller pour leurs latitudes ?

Le sénior laissa sur place le fonctionnaire pour vaquer à ses occupations. Ils ne seraient qu'une poignée à pouvoir rejoindre le Domaine du Seigneur Anbei. Il n'en ferait pas partie mais il avait hâte quand même d'avoir des informations. Pendant que le fonctionnaire paniquait gentiment d'apprendre qu'un Seigneur Démon allait venir, les habitants locaux voyaient juste que le retour à la normale s'approchait.

Le fonctionnaire avait pincé les lèvres. Il fallait qu'il trouve le moyen d'y aller. S'il n'arrivait pas à mettre la main sur Boya, peut-être que des informations sur un danger aussi grand qu'un Seigneur Démon à leurs portes seraient suffisant pour qu'il rentre sans risque à la Capitale.

Où était Zhong Xing ? Il finit par le trouver en train de donner des ordres à une poignée de juniors et de shidi.

"- Zhong Xing Daren. J'ai entendu parler de votre déplacement auprès du Domaine du démon du nord. Je veux venir."

Zhong Xing haussa un sourcil, très calme.

"- Bien sûr que non. A moins que vous n'ayez une soudaine envie de suicide. Quiconque n'est pas explicitement invité sera tué à vue." Qu'est-ce qu'il croyait ? Que c'était open-bar d'aller visiter un Seigneur Démon ?

"- Vous y allez bien !"

"- Je suis convoqué par le Seigneur Démon."

"- … Vous… il a la main haute sur vous ?" Quel était ce scandale.

"- C'est pour ça que c'est un Seigneur Démon. Qu'est-ce que vous croyez que ce titre signifie ?" Le fonctionnaire resta silencieux. Pour lui, c'était juste un démon un peu plus fort que les autres. "Le Seigneur Anbei est l'un des dix démons les plus puissants actuellement connu. Et j'insiste sur le "connu". Le rôle du yin yang est de le garder satisfait et positivement disposé envers l'Empire. Ou au minimum, neutre."

"- Vous pourriez mener une guerre pour…"

"- Nous faire détruire en moins de deux heures."

"- … Vous exagérez."

"- Oui, effectivement. Si nous tenons deux bâtons d'encens, ce sera un exploit."

Le silence s'éternisa.

"- ….. A ça point ?"

"- Probablement pire."

"- Ho. L'Empereur…"

"- Ne se rends pas compte et c'est mieux comme ça. Même toute l'armée de l'Empire ne pourrait détruire un vrai Seigneur Démon. Et ils sont beaucoup. Toute faiblesse de l'Empire comme en causerait une guerre avec l'un d'eux serait immédiatement saisie par un autre."

Le silence se fit plus long.

"- ….Combien de temps allez-vous rester absent ?"

"- Quelques jours. Une semaine au plus."

"- …. Yuan Boya n'est vraiment pas ici, n'est-ce pas ?"

"- Effectivement."

"- Mais il est venu ici."

"- Avant de continuer sa route, le temps de reprendre sa vie en main, oui."

"- Et vous l'avez libéré."

"- L'esclavage n'existe pas dans le Nord comme à la Capitale. Franchir la frontière des Marches est suffisant en soit pour le libérer."

"- La loi de l'Empire…"

"- Est plus faible que celle du Domaine."

"- … Jing Yun voudra le récupérer."

"- Je vous donnerai copie de son acte de libération avec la copie du rachat de sa dette."

"- Cela devrait suffire pour les Archives Impériales, mais pas pour JingYun."

"- JingYun peut se la tailler en pointe et se la mettre dans l'oreille pour ce que j'en ai à faire. Nous avons autre chose à nous occuper ici que des états d'âme de quelques vieux grigous bien trop occupés par leur nombril. S'ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'à venir le chercher eux-mêmes. Le climat, les bêtes sauvages et leur propre stupidité suffira à les décimer. Et pour les survivants, nous ne leur ouvrirons même pas les portes." Ce qui était en soit une condamnation à une mort lente s'ils n'avaient pas de chance.

Le fonctionnaire n'était pas idiot. Il comprenait la menace. Que JingYun viennent eux-mêmes à la recherche de Boya et ils seraient tués. Ses collègues qui n'étaient pas revenus avaient probablement été tués. Et Yuan Boya…. Yuan Boya était sans doute dans le Domaine Démoniaque. Il n'y avait que cette explication qui semblait rationnelle.

"- Je mettrais Sa Majesté au courant."

"- Et JingYun ?"

"- Je ne réponds pas à JingYun. Sa Majesté fera ce qu'il veut."

Zhong Xing eut un petit sourire satisfait. Au moins, celui-là n'était pas trop stupide.

"- Vous serez surement partit avant mon retour."

"- Probablement Zhong Xing Zongzhu."

"- N'hésitez pas à demander à mon second de vous ouvrir un portail pour la Capitale." Il faudrait quelques maîtres pour aider, mais autant se débarrasser de lui au plus vite. Seimei aurait pu ouvrir le portail seul mais il n'était pas là.

"- Merci de votre aide."

"- Je vous en prie."

Dire que MiChong avait été heureuse de la décision de Boya de prendre le rôle de Anbei Furen à bras le corps aurait été une vue de l'esprit. Elle n'était pas heureuse, elle était quasi délirante de contentement.

Elle l'avait poussé aux bains avec l'aide de la Multitude pour le tremper dans des bouillons odorants qui adoucissaient la peau, lustraient les cheveux et le faisait se sentir beaucoup trop choyé pour un fashi.

"- Je sens les fleurs." Râla Boya en se reniflant le poignet.

"- Vous êtes Anbei Furen."

"- C'est juste pour la galerie."

"- Vous le savez, QingMing le sait, je le sais. Mais pour les autres, à peu de choses prêt, vous êtes son épouse. Vous devez lui faire honneur. Ne pas choyer sa dame au point d'en être ridicule, serait une insulte pour un Seigneur aussi puissant que QingMing."

Boya grogna. Mais pourquoi avait-il accepté ça ?

"- J'imagine que ma tenue est de la même eau ?"

"- Vous voulez dire, suffisante pour payer la rançon d'un Empereur ? A peu de choses prêt."

Boya soupira très, très fort. Mais qu'est-ce qu'il avait été accepter là ?

"- Ça va durer combien de temps cette blague ?"

"- Ho, je dirais jusqu'à ce que le Seigneur Anbei divorce. Ou que vous trouviez quelqu'un que vous voulez pour de vrai. Il vous libèrera immédiatement dans ce cas-là bien sûr. Voyez le positif de la situation." Insista la démone lorsque Boya se mis à jurer encore. "Votre "union" avec le Seigneur Anbei rajoute à votre valeur et sanctuarise encore plus la relation entre le Domaine et le Yin Yang."

Boya en avait réellement plein les bottes.

"- J'ai toujours détesté la politique."

La jeune démone gloussa dans sa manche.

"- Vous le vivez bien mieux que nous aurions pu le craindre, Boya Daren. Voyez cela comme ce que c'est : une prestation d'acteur. Ceux qui sont concernés par la situation savent ce qu'il en est vraiment."

"- Je vais finir par demander une paye." Râla encore Boya pour le principe de râler.

"- Mais en tant que Anbei Furen, vous avez un traitement."

Les cris d'outrage de Boya finirent par faire venir Shi Weilan.

"- Tout va bien, Anbei Furen ?"

"- Tout le monde est méchant avec moi."

"- Qui dois-je tuer ?" Insista immédiatement l'assassin, la main sur son arme et les sourcils froncés.

Boya resta silencieux un long moment

"- Je suis fatigué. Mais fatigué !"

"- Le Seigneur Anbei et la cour vous attendent, Anbei Furen." Rappela MiChong.

Elle avait fini de lui entortiller de riches bijoux dans les cheveux qui cachaient leur longueur toujours aussi problématique.

"- Et bien, allons y."

Zhuque frotta sa joue contre celle de Boya. Tout irait bien. Il était là.

Boya se détendit quelque peu.

"- Merci Zhuque."

Il accepta le bras que Weilan lui offrit pour le principe et le suivit jusqu'au grand Hall de réception où QingMing tenait sa cour. Il le connaissait bien, c'était de là qu'il avait tenu le Domaine Intérieur pendant son absence.