Chapitre 9
Arrivée devant le bureau, Navy crut reconnaitre les deux voix qu'elle distinguait vaguement : Sengoku et Akainu. Le temps d'un instant, elle voulut faire demi-tour mais elle chassa rapidement cette pensée : elle travaillait ici. Ils seraient amenés à se croiser plus d'une fois et elle n'allait pas raser les murs jusqu'à la retraite du Rouge… s'il comptait se retirer un jour.
Elle souffla et frappa trois coups pour signifier sa présence. Elle n'avait aucunement l'intention d'écouter leur conversation en douce. La voix de Sengoku l'autorisa à entrer, ce qu'elle fit. Elle s'arrêta ensuite près de l'entrée et salua :
« Amiral Akainu. »
Ce dernier ne lui répondit pas, n'ayant pas pris la peine de se tourner à l'entrée de Navy. Cette dernière ne s'en formalisa pas et commença à se diriger à sa place habituelle mais Sengoku l'arrêta.
« Navy. Viens regarder ce dossier.
- N'ose même p…
- Sakazuki. »
Le Rouge grogna et rabaissa sa casquette. La jeune femme regarda la scène un instant et s'approcha du bureau de l'amiral en chef pour regarder par-dessus son épaule.
« Reconnais-tu ces hommes ?
- Hm… vaguement. Suis-je censée en être plus alarmée ?
- La dernière fois qu'ils ont été vus en vie, ces hommes se trouvaient en ta compagnie… il y a deux ans. Ca ne te dit rien ? »
D'abord sceptique, Navy se pencha un peu plus sur les photos avant d'enfin mettre le doigt sur le souvenir qui l'intéressait.
« Ah oui. Je crois bien avoir eu une brève altercation avec eux.
- Une altercation ? Navy, que s'est-il passé ? »
Navy ne répondit pas tout de suite, prenant le temps de se remémorer la situation afin de résumer au mieux.
« … Cinq hommes m'ont encerclé un matin car l'un d'eux n'a pas apprécié ma façon d'entrainer un soldat. Je les ai neutralisés rapidement puis je suis allée confronter la nouvelle recrue qui m'a avoué avoir exagéré les propos auprès de son frère.
- Et tu me dis ça maintenant ?
- J'ai pensé que ce n'était pas assez important pour requérir ton attention.
- Navy… A l'avenir, j'aimerais que tu m'en parles dès qu'un incident comme celui-ci arrive. Ça minimisera le risque d'arriver à cette situation. »
A ce moment, Sengoku montra d'autres photos et, à leurs vues, Navy pâlit et eut un haut le cœur.
« Qu'est-ce que… »
Des restes de ce qui semblaient être des êtres humains. Elle ne connaissait que trop bien ce qui pouvait mettre un corps dans cet état.
A cette constatation, Navy leva les yeux et regarda l'amiral en face d'elle. Ce dernier gardait un visage fermé, ne trahissant aucun sentiment ou remord.
« Il n'y a aucune preuve directe qu'il s'agisse de lui.
- Je vois… L'enquête va donc être classée sans suite.
- Très certainement.
- Hm… Pourquoi me montrer ça ?
- J'estime que tu as le droit d'en savoir plus sur une affaire qui te concerne.
- En quoi me concerne-t-elle ?
- Sakazuki ? Veux… »
Avant que Sengoku ne termine sa phrase, l'amiral fit volteface et partit rapidement, claquant la porte derrière lui.
« Il ne sera pas jugé malgré les meurtres qu'il a commis ?
- Comme je l'ai dit, l'enquête n'a pas prouvé sa culpabilité.
- Bien sûr. N'importe qui peut brûler un corps aussi… ''proprement''.
- Navy…
- J'ai vu ce que faisait son pouvoir juste devant mes yeux et je l'ai plus que bien senti. Je peux t'assurer, c'est de son fait et je ne comprends pas pourquoi il s'en sort à si bon compte !
- Navy. Je ne cautionne pas non plus ses agissements mais il n'en reste qu'on ne peut pas juste l'arrêter comme ça.
- Je ne sais pas alors, mettez quelqu'un pour le surveiller.
- Personne n'accepterait ce travail. »
La jeune femme se mordit la lèvre et serra les poings.
« … Je le ferai.
- Pardon ?
- Je peux le talonner. Et puis, même s'il se plaint, je ne serai pas dans l'illégalité alors il ne pourra rien me reprocher.
- Il est hors de question que…
- Sengoku. Je pense que nous sommes d'accord pour dire que ce genre de situation ne doit plus se reproduire. Laisse-moi rejoindre la flotte de l'amiral Akainu.
- … Es-tu sûre de toi ? Pourras-tu t'en sortir ?
- Sûre et certaine. Je ne le fais pas par impulsion mais parce qu'on sait tous les deux que je suis la seule qui accepterait ce travail. Toi, tu es amiral en chef. Tu ne peux pas avoir constamment ton regard sur lui. Je peux déjà être plus présente. »
Sengoku réfléchit au pour et au contre et finit par souffler :
« Très bien… Tu es assez grande pour prendre tes propres décisions. Je ferai tous les papiers nécessaires. Mais fais attention. »
Navy hocha la tête et se redressa.
C'était acté : elle retournerait sous les ordres de l'amiral Akainu.
« Hors de question, gronda l'amiral rouge.
- Les ordres sont les ordres. Je travaillerai à vos côtés désormais. »
Akainu se leva, l'air menaçant. Navy se força à garder un air neutre bien qu'elle redoutait la suite. Son bras sembla la brûler de nouveau mais elle serra les poings pour s'empêcher de montrer un quelconque signe de faiblesse.
« Je prendrai mes fonctions auprès de vous demain et je vous assisterai personnellement dans chacune de vos missions. Je ne vous gênerai aucunement et je vais simplement… »
Une main agrippa sa gorge et elle se retrouva plaquée au mur. Elle leva la tête pour voir celle de l'amiral. Sa colère était plus que visible et il s'approcha encore, dangereusement.
« Que viens-tu réellement faire ici ? »
Sa question ne demandait qu'une chose : la vérité et rien que la vérité. Un seul mot de travers et elle y passerait certainement.
« Je viens vous suivre à la trace. Je vous empêcherai de faire une seule victime de plus. L'enquête est bouclée mais nous savons tous les deux la vérité et, à la minute où vous commettrez la même erreur, je serai présente pour vous rendre ce que vous m'avez donné. »
Et, sur ses paroles, elle montra la partie visible de son bras où l'on pouvait distinguer un début de cicatrice. L'amiral Rouge desserra un peu sa prise, semblant troublé.
« Alors j'espère voir de vous une conduite exemplaire, Amiral. »
La prise d'Akainu se raffermit d'un coup contre sa gorge, coupant la respiration de Navy. Puis, il s'exprima, le ton grave :
« Ne crois pas être intouchable. Tu es la personne que j'abhorre le plus ici et je ne compte pas supporter ta présence. »
Puis il envoya la jeune femme contre le mur opposé. Navy se prit le mur puis tomba sur le sol dans un bruit sourd. Elle resta au sol un instant, le temps de reprendre sa respiration et se massa la gorge.
« … Ce n'est pas moi que vous abhorrez mais Dragon. »
Du magma apparut aussitôt et vola jusqu'à côté de Navy.
« Ne prononce pas ce nom ! »
Navy, gardant toujours la même expression, se leva et continua :
« C'est pourtant vrai. Je vous fais penser à l'homme que vous détestez le plus. Vous aviez un problème avec moi dès notre première rencontre à cause de ça. La question est : pourquoi ne pas m'avoir achevée durant tout ce temps alors ? »
Akainu s'approcha et attrapa violemment le bras de la jeune femme pour le découvrir.
« Tu as la mémoire courte. Regarde ce que je t'ai déjà infligé !
- Justement ! J'ai failli perdre l'usage de mon bras mais je ne suis pas morte ce jour-là. Aucun organe vital n'a été atteint. Les médecins ont hurlé au miracle mais moi je pense que vous avez retenu votre coup lorsque je me suis interposée. Mon Haki n'aurait normalement pas pu bloquer une de vos attaques.
- Tais-toi.
- Les soldats tués récemment. Vous n'en avez rien à faire de ceux en-dessous de vous et pourtant, la discrimination au sein de la marine est prohibée pour vous.
- Tais-toi !
- J'ai enquêté longtemps sur beaucoup de personnes actuellement dans les rangs les plus hauts et vous ne faites pas exception.
- Mais vas-tu la fermer ?! »
Sous la colère, un poing de lave apparut et se dirigea vers la contre-amirale mais, plutôt que de tenter une esquive, Navy resta droite dans ses bottes et ne dit qu'un mot :
« Army. »
Aussitôt, le poing s'arrêta et, à la place de la colère, Navy put voir toute la douleur que lui évoquait ce simple nom.
Comme la première fois…
« Monkey D Army. Voilà pourquoi vous ne pouvez pas me tuer. Je vous rappelle à la fois l'homme que vous haïssez le plus au monde et la femme que vous avez le plus aimé. »
Navy avança d'un pas. Akainu, lui, en recula d'un.
« Donc, je sais, vous voulez ma mort mais une part de vous ne peut pas s'y résoudre. C'est pour ça que vous avez expressément demandé ma mutation sur une base à North Blue. »
Un autre pas en avant pour l'une, un autre pas en arrière pour l'autre.
« Sachez que je vais utiliser cet avantage. »
Akainu grogna et frappa son poing contre son bureau, le brisant en deux. Navy contracta tous ses muscles, prête à un énorme retour de bâton mais, au lieu de ça, l'amiral se contenta de quitter son bureau. La jeune femme resta un moment dans le bureau du Rouge, les bras ballants. Puis, soudainement ses jambes se dérobèrent sous son poids. Elle perdit en un instant toute l'assurance qu'elle s'était forcée à avoir et une immense fatigue se fit ressentir.
Ca avait été un pari risqué mais, désormais, c'était elle qui avait l'ascendant sur Akainu.
« Tu as fait quoi ?! »
Sengoku avait demandé à Navy d'où venaient les marques sur son cou et, vu sa réaction, ce n'était pas ce qu'il souhaitait entendre.
« Navy, que n'as-tu pas compris dans ''fais attention'' ?
- Je sais, je sais. Ça avait l'air complètement suicidaire aux premiers abords mais ça faisait déjà quelques temps que j'avais toutes ces informations et mon hypothèse s'est avérée juste.
- Imagine que ça n'ait pas été le cas ?
- C'est toi qui m'as appris qu'il fallait savoir prendre des risques en stratégie.
- Des risques mesurés ! »
Se rendant compte qu'il haussait le ton, Sengoku toussota et reprit plus modérément.
« Je t'ai parlé de risques mesurés.
- Certes… mais j'ai quand même réussi et je suis maintenant certaine qu'il ne tentera pas de m'achever… Pour le moment… »
Sengoku soupira et se massa les tempes.
« Vraiment… Je perds dix ans d'espérance de vie à chaque fois que tu m'inquiètes comme ça.
- Hm… Désolée ?
- Tu n'as pas l'air si désolée.
- C'est vrai.
- Vraiment. Tu es incorrigible. »
Et Sengoku attrapa Navy pour la serrer dans ses bras.
Ça faisait plusieurs semaines que Navy accompagnait Akainu sur diverses missions. Si les premiers jours avaient été particulièrement tendus, l'amiral avait fini par simplement ignorer sa présence et vaquait désormais à ses occupations, ce qui convenait très bien à la contre-amirale. Travailler avec l'amiral avait au moins quelques avantages : tout était soigneusement ordonné et il n'y avait pas besoin de se forcer à converser.
Navy avait toujours un peu de mal à être auprès de lui quotidiennement, sa brûlure se rappelant à elle mais voir le grand Akainu éviter consciemment toute interaction, même ne serait-ce qu'un regard bref, malgré tout le temps passé ensemble, avait un côté rassurant. Il était bien humain et surtout, il avait bien des remords.
