Chapitre 10
Navy se trouvait au réfectoire, pendant l'heure du déjeuner, lorsque des rumeurs se firent entendre : des soldats se faisaient tuer les uns après les autres et, chose plus inquiétante, le principal suspect était l'Amiral Akainu. En entendant cela, Navy écourta sa pause déjeuner et déposa rapidement son plateau avant de se diriger vers le bureau de l'amiral en chef. Elle frappa trois fois, comme à son habitude et attendit la réponse de Sengoku avant d'entrer.
« Que se passe-t-il ? Akainu a recommencé malgré la surveillance ?
- Navy. Commence déjà par t'asseoir. »
Tendue, elle s'exécuta néanmoins et attendit que Sengoku continue.
« L'enquête est actuellement en cours mais les détails sont tenus secrets. Sakazuki a déjà été emmené pour un interrogatoire poussé. Comment as-tu pu être mise au courant aussi rapidement ?
- Tout le réfectoire est actuellement en train d'en parler. A la vitesse où les rumeurs circulent, d'ici la fin de la journée, même les civils seront mis au fait.
- Quoi ? »
Sengoku se massa les temps et grimaça.
« C'était censé rester confidentiel… Navy, je vais avoir besoin que…
- Je m'occupe de faire taire ces rumeurs, de trouver le responsable et de te l'amener.
- Oui. Je vais aussi avoir besoin de l'emploi du temps détaillé de Sakazuki, ainsi que du tien. S'il a été emmené, c'est qu'il y doit y avoir, cette fois, des preuves solides contre lui.
- Bien. Il ne s'en sortira pas impuni cette fois. »
Sengoku hocha la tête et Navy se leva, prête à faire son travail. Faire tomber l'amiral Rouge était une chose, mais il était hors de question que la réputation de la Marine en pâtisse par sa faute.
Les rumeurs s'arrêtèrent rapidement. Heureusement, elles n'avaient pas eu le temps de sortir de la base.
Du côté de l'enquête, plus le temps avançait et plus des preuves accablantes de la culpabilité du Rouge étaient trouvées sur ou proche des corps trouvés, si bien qu'un procès fut rapidement mis en place. Procès auquel Navy avait l'obligation d'assister afin de représenter Sengoku, ce dernier ayant été soudainement convoqué à Marijoa.
Arrivée dans la salle, elle s'assit et attendit que le principal accusé entre, menotté par du granit marin.
Le procès commença sans réelle formalité, tous semblant déjà certains de la culpabilité du Rouge. Ce dernier gardait le visage fermé, la casquette vissée sur sa tête, comme si ce procès ne le concernait nullement. Chose étonnante, il n'avait aucun avocat pour le défendre et seul le juge s'exprimait pour énoncer les faits.
« Les corps de neuf soldats ont été trouvés calcinés ces deux dernières semaines. Leur date de mort respective est estimée à… »
Navy écoutait d'une oreille distraite le juge parler, plus concentrée à observer les réactions de l'Amiral. Ce dernier était imperturbable et gardait un visage sévère. Divers documents furent montrés : des photos montrant les scènes, les preuves trouvées, toutes en faveur de la culpabilité du Rouge.
« L'ADN de l'accusé Sakazuki a été retrouvé sur quatre des neuf victimes et à proximité de deux d'entre elles se trouvaient également… »
Navy fronça les sourcils. Quelque chose n'allait pas.
« L'accusé a-t-il quelque chose à ajouter ?
- Foutaises »
Des murmures outrés se firent entendre. Le juge ordonna aussitôt le silence.
« Monkey D Navy. Veuillez venir à la barre. »
Tous les regards se tournèrent vers elle tandis que la jeune femme se leva doucement. Sans un regard pour l'assemblée, elle s'installa au niveau de la barre, se demandant l'intérêt d'être appelée. Elle avait déjà donné leurs emplois du temps respectifs et ils avaient déjà pu voir que les moments des différents meurtres coïncidaient avec les moments où Navy ne se trouvait pas auprès de l'Amiral. Ils étaient également au courant quant à l'aversion que Sakazuki et elle se portaient mutuellement et se doutaient bien qu'elle témoignerait en sa défaveur.
Ce fut donc sans surprise que le juge lui posa des questions qui ne pouvaient que prouver la culpabilité du Rouge. Toutefois, quelque chose n'allait définitivement pas.
« Pourriez-vous nous montrer les cicatrices causées par l'attaque de l'Amiral Akainu ? »
Cette question prit au dépourvu la jeune femme. Elle hésita un instant mais finit par obtempérer devant l'air insistant du juge. Elle retira sa veste et retroussa sa manche, laissant apparaitre les anciennes marques de brûlures. A ce moment, Sakazuki sembla avoir une brève réaction et un rictus mauvais apparut sur les lèvres du juge.
Vraiment… quelque chose était anormal.
Soudainement, Navy sursauta, comprenant enfin ce que son subconscient essayait de lui dire.
« … Il est innocent. »
Le rictus du juge partit à cette phrase tandis que toutes les têtes se tournaient de nouveau vers la contre-amirale.
« Quoi ?
- L'amiral Akainu est innocent. »
Dans d'autres circonstances, elle aurait pu esquisser un sourire en voyant autre chose que de la colère sur le visage de Sakazuki mais l'urgence était ailleurs. Elle se leva d'un bond, attrapa les différents documents et sortit les photos pour les remontrer.
« Les attaques de l'Amiral Akainu ne peuvent pas causer ce type de brûlures. Il y a très clairement des endroits plus brûlés que d'autres, or, ses attaques à lui causent toujours des marques très nettes et surtout, uniformes. Puis, tout le monde semble oublier, mais son pouvoir n'est pas le feu : c'est le magma. Un corps pris dans la lave ne ressemble pas du tout à un corps brûlé par le feu.
- Veuillez cesser vos balivernes ! »
Sans ralentir son débit de parole, elle enchaîna en sortant, cette fois, leurs emplois du temps.
« Autre chose. Certes, les meurtres coïncident avec l'emploi du temps officiel donné… mais le 10 juillet, nous étions bien censés revenir à la base à 20h cependant nous avons été retenus par une tempête. A 22h40, heure de la mort de la troisième victime, nous étions encore en pleine mer avec l'Amiral Akainu.
- Que quelqu'un l'arrête ! »
Des gardes arrivèrent et se ruèrent sur Navy. Loin d'en être dérangée, elle les évita simplement et continua :
« Et puis, l'ADN de l'Amiral sur les corps ? Laissez-moi rire ! Il est impossible qu'il reste ce genre de preuves sur un corps calciné par de la lave. »
D'autres gardes la mirent en joue, ce qui la força à s'arrêter.
Peut-être un peu trop nombreux pour tous les éviter…
Le juge semblait hors de lui.
« Arrêtez-la pour complicité ! »
Les gardes s'approchèrent mais furent stoppés net par Akainu qui s'interposa. Malgré les menottes en granit marin, personne n'osa faire un pas de plus et la tension monta d'un cran.
« Que faites-vous, bande d'incapables ! Enfermez-les tous les deux ! Ou tirez ! Mais faites quelque chose ! »
Elle remarqua l'hésitation chez tous les gardes mais elle n'eut pas le temps de faire quoi que ce soit que des hommes masqués, vêtus de blanc, entrèrent sans prévenir.
Le juge pâlit aussitôt et tenta de partir mais un de ceux qui venait d'entrer l'arrêta tandis qu'un deuxième prit la parole.
« Veuillez tous sortir. »
Aucun n'osa émettre de protestation et tous se mouvèrent comme un même homme et, pour cause, tout le monde savait qui était ces personnes : des membres du Cipher Pol. Mieux valait obtempérer.
« Il en va également de même pour vous, contre-amiral Navy. Veuillez retourner à Marineford et reprendre votre fonction. »
La contre-amirale regarda un instant Akainu mais ce dernier avait les yeux rivés sur ce qui semblait être le décisionnaire du groupe de Cipher Pol présent. Sans en comprendre davantage, Navy dut obéir.
L'amiral ne revint que le lendemain et tous firent comme s'il ne s'était jamais rien passé. Le Gouvernement avait dû s'en mêler et étouffer l'affaire.
Navy était toutefois frustrée de ne pas avoir eu plus d'explications mais toute l'affaire était tenue secrète. Elle pensait donc ne jamais avoir de réponse lorsque Sakazuki s'adressa à elle :
« Le responsable de cette mascarade était le juge. Il s'agissait d'un Révolutionnaire. Il a fait assassiner tous les soldats que tu as vu et a voulu en profiter pour me faire porter le chapeau.
- … Pourquoi me le dire ?
- J'ai jugé que tu étais en droit de le savoir.
- Je vois… »
Sakazuki se remit au travail alors que Navy l'observait encore. Elle ne savait pas comment réagir à cette considération qu'avait eu Sakazuki, si on pouvait appeler ça comme ça.
« … Pourquoi m'avoir défendu ? Je pensais que tu souhaitais me voir derrière les barreaux. » Reprit l'amiral
La jeune femme haussa un sourcil. Décidément, c'était de plus en plus étrange.
« … Je veux que vous payiez pour vos crimes. Pas que vous serviez de bouc-émissaire. Vous étiez innocent dans cette affaire et je le savais. Il était donc normal que j'intervienne. Ma vision des choses n'a pas changé durant mon séjour à North Blue. »
Elle avait consciemment sous-entendu leur dernière altercation sans en parler ce qui fit tiquer l'Amiral.
« Ta vision de la Justice ne tiendra pas sur le long terme. Tu y perdras.
- Peut-être. Mais j'ai également beaucoup à y gagner. »
Navy ferma le dossier devant elle, le prit et se leva. Elle s'arrêta un instant et reprit.
« … Ce que j'ai dit précédemment n'est pas tout à fait vrai. Une partie de moi voulait que vous soyez condamné alors j'ai mis du temps à comprendre votre innocence. Je ne m'excuserai pas mais je tenais à ce que vous le sachiez : c'est parce que Sengoku m'a enseigné cette vision de la Justice que j'ai pris la décision de vous défendre. »
Puis elle sortit et partit en direction du bureau de l'amiral en chef. Tout le long, elle n'avait rien laissé transparaitre mais elle craignait toujours un soudain accès de colère de l'Amiral Rouge alors elle préféra s'éloigner au plus vite. Il fallait qu'elle apprenne à se montrer plus prudente à l'avenir.
« Non, s'il vous pl… »
Navy détourna le regard alors que l'amiral achevait un pirate. Un de plus…
La jeune femme pouvait à présent tolérer sa présence au quotidien sans en avoir des sueurs froides mais lors des missions, Akainu se montrait toujours impitoyable et éliminait tous ceux qu'il jugeait comme étant de la vermine. Dans ces moments, elle ne pouvait que se rappeler de comment était réellement l'Amiral et ses brûlures se faisaient plus vives que jamais.
Elle n'avait tué personne de ses propres mains mais se sentait toujours complice de laisser son supérieur le faire sans hésitation
Elle ne tiendrait pas sur le long terme sous ses ordres, c'était certain.
