Chapitre 12
Comme elle avait souhaité aider à retrouver les parents de Loubia, mais également des autres enfants, Navy se retrouva à trier des documents envoyés de toute part. Il n'y avait, bien entendu, rien de très confidentiel parmi les documents auxquels elle avait accès, n'étant pas là depuis assez longtemps, mais c'était suffisant pour l'occuper et lui permettre de glaner quelques informations.
Vu le temps que prenaient les missives à partir et les réponses à revenir de leur QG, elle commençait à estimer le temps de trajet qu'il fallait pour s'y rendre. Avec d'autres indications, elle pourrait peut-être être capable de resserrer son périmètre de recherche. La brune avait également accès aux archives afin de ranger les documents qu'ils n'utilisaient plus et pouvait librement y circuler. Certes, ces informations n'étaient plus d'actualité mais, en cherchant de temps à autre, elle espérait trouver quelque chose d'intéressant.
« Madame Prince ! »
Navy tourna la tête et sourit en voyant un enfant accourir vers elle.
« Madame Prince ! Tu peux me faire voler ?
- Bien sûr choupet. Lève les bras. »
Elle se pencha, l'attrapa et se mit à courir en le tenant.
Les enfants recueillis par les Révolutionnaires passaient leur temps ensemble et Loubia avait la fâcheuse tendance à l'appeler Prince. Tous les enfants avaient donc fini par penser qu'il s'agissait de son nom et, trouvant cela amusant, elle n'avait jamais pensé à les corriger.
Une fois remis à terre, le jeune garçon lui attrapa la main.
« Viens jouer avec nous !
- Je suis censée… Peu importe. Je te suis.
- Madame Prince ! Pourquoi tu as de grosses cicatrices sur les bras ? »
Le tact des enfants… La question avait visiblement intéressé les petits mais aussi quelques adultes ce qui ne lui plut pas beaucoup. Soit, rien ne l'empêchait de dire la vérité… quoi que, légèrement romantisée.
« Ça ? C'est à cause d'un féroce dragon que j'ai combattu !
- Un dragon ? Un vrai de vrai ?
- Vrai de vrai ! Le dragon était rouge, immense et crachait de la lave ! »
Elle avait beaucoup de mal à dire non à ces enfants, surtout après tout ce qu'ils avaient pu vivre. Navy s'occupa avec eux une partie de la matinée. Elle aurait bien le temps de chercher de nouvelles informations. Et puis, il faudrait éviter de laisser trop longtemps des enfants seuls avec des criminels aux mœurs douteuses… même si, jusqu'à présent, elle n'avait étonnamment pas eu de problème avec quiconque, ayant été accueilli simplement et commençant rapidement à se mettre au travail. Dans un autre contexte, elle aurait peut-être pu bien s'entendre avec toutes ces personnes mais, dans l'état actuel des choses, mieux valait être trop prudent. Elle dormait donc peu la nuit et rattrapait son sommeil lorsqu'elle se trouvait seule dans la salle des archives. Peu de personnes y allaient car peu intéressés par des documents poussiéreux. Elle avait vraiment trouvé le poste à infiltrer idéal. Ne restait qu'à gagner un peu plus leur confiance et attendre de nouvelles directives.
Ce fut lors d'une énième journée dans la salle des archives qu'elle découvrit un dossier portant un nom qu'elle ne connaissait que trop bien.
Cas Ronan – Royaume de Goa
Son souffle se retint un instant alors qu'elle prenait avec précaution le document devant elle.
Elle se rappelait que le duc avait travaillé pour les Révolutionnaires mais elle ne pensait pas voir son nom quelque part. Mue par une curiosité maladive, elle ouvrit le dossier et commença à lire en diagonal les informations contenues dans le dossier. A la lecture de ces nouvelles informations, elle en lâcha les feuilles qui s'éparpillèrent au sol.
L'incendie n'avait pas été un accident… Il avait été causé par un membre du CP9 afin d'éliminer le duc Ronan, jugé trop dangereux à la suite de la dénonciation faite par sa femme…
Navy savait sa mère adoptive cruelle mais elle n'aurait jamais pensé qu'elle dénoncerait son propre mari au Gouvernement. Toutes les pièces se regroupèrent à ce moment dans son esprit. Le soudain départ de la duchesse avec son unique fils, prétextant des courses à faire mais partant avec une trop grande calèche juste pour quelques achats… Le duc qui semblait sur le qui-vive toute la matinée bien qu'il tentait de ne rien laisser paraitre… Garp qui était arrivé non annoncé à la suite d'une lettre de son fils, et qui l'avait emportée le jour-même… Tous avaient certainement été mis au courant… Et tous avaient décidé que le sort du duc était scellé…
Navy sentit un malaise grandissant et eut des sueurs froides. Elle s'accrocha aux bords d'une étagère et souffla pour essayer de reprendre le dessus. Il s'agissait d'informations venant de l'Armée Révolutionnaire. Rien ne disait qu'il s'agissait bien de la vérité. Et puis, même si c'était le cas, que cela pouvait-il apporter de réagir douze ans après les faits ?
La jeune femme ferma les yeux un instant et prit le temps de se calmer, se forçant à penser de manière rationnelle.
En admettant que ce soit la vérité… le CP9 a pour mission d'éliminer tout ce qui peut causer du tort au Gouvernement… Le duc aidait les Révolutionnaires à se procurer en armes, ce qui pouvait être considéré comme une menace suffisante. Les Révolutionnaires n'ont rien fait pour le protéger et, sachant ce qui allait inévitablement arriver, Dragon a envoyé Garp me chercher… Tout débute donc avec la trahison de la duchesse…
Navy retint sa colère. Ce n'était pas le moment de griller sa couverture. Pas après autant de semaines passées auprès de personnes pouvant potentiellement l'éliminer s'ils découvraient sa véritable identité. Elle se devait de rester professionnelle... Néanmoins, elle gardait cette information précieusement dans un coin de sa tête et se nota de faire une petite visite au Royaume de Goa quand elle en aurait l'occasion.
« Merde. »
Merde, merde, merde, merde, merde, merde…
Navy avait tenté d'avoir plus d'informations concernant les parents d'un des enfants sauf que, non seulement elle était tombée une fois de plus sur une impasse, mais elle avait en plus eu le déplaisir de voir des soldats de la marine sur cette île… Soldats qui avaient reconnu l'un de ceux qui l'accompagnaient comme faisant partie de l'Armée Révolutionnaire.
Coursés par de nombreux soldats, ils s'étaient dispersés et elle se retrouvait désormais à courir, capuche vissée sur la tête dans l'espoir de ne croiser personne et, surtout, de ne pas être reconnue par ses collègues. Aux dernières nouvelles, Monkey D Navy était, en effet, toujours portée disparue et ce n'était pas dans son intérêt d'être attrapée, que ce soit en tant que Navy ou en tant que Wake.
« Hey ! Arrêtez-vous ! »
Elle n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que, aux vues des bruits de pas, deux hommes couraient dans sa direction. Elle maintint fermement sa capuche et se mit à courir le plus rapidement possible, passant par un dédale de rues étroites. Elle en sema un mais elle sentit le deuxième non loin et elle eut juste le temps de lever la tête pour voir un homme tomber du ciel et atterrir sur elle. Le soldat tenta de la bloquer mais, plus agile, elle le renversa et se retrouva au-dessus. Elle sortit un couteau de sa botte et le plaça sous la gorge du soldat sous elle, tentant par la même occasion de cacher un tant soit peu son visage.
« Ne bouge pas. Je n'ai absolument aucune envie de…
- Contre-amirale Navy ? »
La susnommée reconnut la voix peu confiante en face d'elle. Elle redressa immédiatement la tête et releva légèrement sa capuche.
« … Koby ? Mais que fais-tu ici ? »
Elle rangea son couteau, se leva et lui tendit la main. D'abord un peu méfiant, le rose finit par prendre sa main et s'en aida pour se relever. Il s'épousseta ensuite tout en répondant :
« On nous a signalés des agissements suspects dans les environs ces derniers temps alors nous sommes venus voir. »
Koby l'attrapa ensuite par les épaules.
« Où étiez-vous passée ? Vous êtes portée disparue depuis cinq mois ! Il y a eu des recherches pendant deux mois avant que Sengoku n'ordonne soudainement de tout arrêter. Personne n'a compris pourquoi il abandonnait aussi vite ! C'est parce que vous avez rejoint les Révolutionnaires ? »
Navy plissa les yeux et lui asséna un poing sur la tête.
« Aïe ! Mais… »
Navy voulut répliquer mais elle entendit de l'agitation non loin et pesta. Elle sortit un carnet et un crayon et écrivit rapidement dessus.
« Je n'ai pas le temps de tout t'expliquer. «
Elle arracha ensuite la feuille et la tendit à Koby.
« Donne ça à Sengoku et il te dira ce qu'i savoir. »
Le rose la prit, incertain, mais il n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit que la brune lui avait tapoté la tête et s'était volatilisée.
Il regarda la note et son incompréhension ne se fit que plus grandissante.
« ''Riz, pomme, banane, myrtille : 10 Louis'' ? »
Ils avaient pu s'échapper de justesse et venaient tout juste de retourner à la base. Navy profita de ce retour au calme et repensa à sa fortuite rencontre avec le rose. Dans la précipitation, la contre-amirale lui avait indirectement donné des accès quant à sa mission mais, à présent qu'elle était plus posée, elle se demanda ce qui lui avait pris : elle connaissait à peine le jeune homme mais pour peu qu'il comprenne vite, ce que Navy ne doutait pas, Koby pouvait à présent usurper son identité. 3568 était son code au sein de la Marine, le nombre de lettres pour chaque aliment correspondant à un chiffre, et seuls Sengoku et elle l'utilisaient de cette façon. Toutefois, alors qu'elle aurait dû en être plus qu'inquiétée, elle préféra croire son instinct : elle avait l'impression de pouvoir faire confiance à ce cadet.
Elle n'eut, de toute façon, pas l'occasion de plus y penser car une voix se fit entendre :
« Dragon vous demande tous les trois. »
Navy haussa les sourcils, surprise.
Certes, ils avaient manqué de se faire prendre mais ils avaient pu partir et n'avait compromis ni leur mission, ni leur lieu de résidence. Était-il réellement nécessaire de voir le numéro 1 des Révolutionnaires ?
Les deux autres, nullement surpris, se levèrent et Navy dut faire de même. Elle suivit la femme qui les avait appelés dans un dédale de couloirs, peu sûre. Elle ne souhaitait pas rencontrer l'homme qui lui avait servi de géniteur.
« … Le voir ne risque pas de compromettre sa sécurité ? C'est quand même l'homme le plus recherché du monde, tenta Navy.
- Hm… C'est vrai que Dragon a eu une drôle d'idée…
- Si vous voulez, je peux attendre non loin. On me transmettra les informations les plus importantes… Et puis… je le trouve un peu imposant.
- Mooooh. Wake est adorable. La pauvre est toute fragile, elle va nous faire une syncope si elle le rencontre. »
Elle se fit tapoter la tête. Ça ne lui plaisait pas mais il était beaucoup plus facile d'attirer la sympathie lorsqu'on paraissait plus faible alors, lors des entrainements, elle avait fait en sorte de ne pas sortir du lot et même d'être légèrement en-dessous de la moyenne. C'était d'ailleurs aussi pour cette raison qu'elle s'était retrouvée au niveau des archives.
Tel était donc le personnage qu'elle jouait depuis bientôt cinq mois : une jeune femme proche des enfants, efficace en paperasse mais à peine capable de se défendre au combat.
« Allez, Lili. De toute façon, ce sera comme d'habitude : Dragon va simplement nous rappeler l'importance de faire profil bas, que notre vie vaut plus qu'on le pense, patati, patata. La gamine est là depuis même pas six mois, c'est pas la peine de l'emmener voir le grand chef alors que c'est la faute de Willy si on s'est fait remarquer
- Hé ! Je te rappelle que c'est toi qui as été reconnu ! »
Navy regarda les deux hommes se chamailler avant de se faire séparer sans ménagement par Liii.
« Ça suffit ! Wake, tu peux disposer. Je me charge personnellement de vous deux avant de vous envoyer voir Dragon. »
Elle vit les deux hommes déglutir mais Navy ne s'en formalisa pas et se contenta de les remercier brièvement avant de partir. Elle savait se montrer courtoise mais elle n'était pas ici pour faire ami-ami avec des Révolutionnaires. Se sentant engourdie, la jeune femme s'étira et se dirigea vers le terrain d'entrainement. Elle ne pourrait pas réellement s'y entrainer, au risque de se faire remarquer, mais ça lui permettrait au moins de prendre l'air au calme. A cette heure-là, personne ne s'y trouvait généralement. Arrivée à l'extérieur, le soleil l'éblouit un instant, si bien qu'elle ne remarqua pas immédiatement les personnes arrivant dans sa direction. Ce fut seulement trop tard qu'elle vit les deux personnes qu'elle ne souhaitait surtout pas croiser actuellement : Dragon et Koala. Tous deux semblaient terminer leur discussion car Koala partit dans la direction opposée mais Dragon, lui, se dirigea vers l'entrée où se trouvait Navy. Ne pouvant s'éclipser sans paraitre suspecte, la contre-amirale se contenta de garder la tête baissée, cachée sous sa capuche et de saluer d'un signe de tête en passant à côté.
Bien évidemment, elle fut interpelée par le Révolutionnaire.
« Je n'ai pas souvenir de t'avoir déjà croisée. »
Elle s'arrêta un instant et hocha la tête sans pour autant lever la tête.
« En effet, je n'ai pas non plus souvenir d'avoir eu l'honneur de vous rencontrer… bien que j'aie dû croiser votre visage plus d'une fois… en photo… si vous voulez bien m'excuser. »
Et elle partit sans attendre de réponse.
On avait donc dit de ne pas paraitre suspect…
C'était raté.
La jeune femme soupira et se mit en tête de faire le tour de l'île en espérant, cette fois, ne croiser personne d'autre qui puisse gêner.
