Chapitre 23

Navy raccrocha son Den Den et s'étira. Elle venait de recevoir la confirmation du départ de Leloy et Chelly du Royaume de Goa. Les papiers pour réclamer la succession était en cours de signature ce qui lui enlevait un poids certain. Son quotidien n'allait pas changer pour autant, préférant de loin être une soldate de la Marine. Elle allait donc laisser la gestion des terres et des comptes à la famille de majordomes, leur faisant entièrement confiance. Elle ne savait déjà pas quoi faire du titre qu'elle venait de récupérer alors il était inutile de s'encombrer avec plus de travail qu'elle n'en avait déjà.

Une fois arrivés à destination, Navy, toujours affublée de son uniforme et sa casquette, descendit du navire l'ayant conduit à Marijoa. Devant elle se trouvait Sakazuki, l'air plus colérique que d'ordinaire. Compréhensible vu ce que ses conseillers le forçaient à faire. Elle fut d'ailleurs arrêtée par l'un d'eux.

« Vous ne pouvez pas vous présenter dans cette tenue.
- Ah oui ? Quel dommage. »

Puis elle força le passage et continua à suivre l'Amiral en chef. Elle n'avait pas la patience pour entendre ce type d'inepties et elle savait que les conseillers ne pourraient rien lui faire devant les autres invités. Elle comptait bien profiter de cette situation.

Le début de la soirée se passa sans encombre. Sakazuki n'étant pas particulièrement sociable, il se contenta du minimum d'interactions et Navy n'eut donc pas besoin de faire grand-chose, se contenant de rester non loin pour surveiller. Elle fut néanmoins surprise de voir que Sakazuki pouvait se montrer diplomate. Une chose était certaine : le nouvel amiral en chef savait s'exprimer et il n'aurait aucun mal à se faire obéir.

Alors que Navy attendait une heure décente pour s'éclipser et mener son enquête, une main se tendit dans sa direction. Elle regarda le propriétaire de cette main : certainement un homme aisé vu ses habits mais elle n'arrivait pas à situer ses origines, son accoutrement ressemblant à un mélange de différents vêtements traditionnels. C'en était perturbant.

« Une jeune femme ne devrait pas rester toute seule dans un coin. Permettez-moi… »

L'homme s'arrêta en remarquant que l'attention de Navy était déjà portée autre part. En effet, la brune n'avait pas pu s'empêcher de remarquer les regards insistants du conseiller hautain de l'autre jour. Elle ne savait pas ce qu'il se passait mais il semblait avoir une idée précise en tête et cela devait certainement avoir un rapport avec l'invitation impromptue qu'elle venait de recevoir.

Sans un mot de sa part, la contre-amirale se contenta d'attacher ses cheveux et de remonter ses manches, laissant pleinement apercevoir ses marques de brûlures. A cette vision, l'homme face à elle blêmit et prétexta une excuse quelconque pour rapidement prendre congé, un air de dégoût sur le visage.

Navy savait que les nobles avaient les cicatrices en horreur, certains les assimilant même aux esclaves alors elle les utilisait à son avantage, ses marques étant particulièrement disgracieuses.

Elle sut immédiatement qu'elle avait pris la bonne décision lorsqu'elle vit la frustration sur le visage du conseiller. Elle tourna ensuite de nouveau son attention vers Sakazuki, toujours en conversation avec elle ne savait quel haut dirigeant.

En observant son supérieur, Navy fronça les sourcils.

Quelque chose était différent.

Tentant de comprendre ce que son cerveau avait remarqué, elle se concentra et remarqua un léger détail : la couleur de la boisson présente dans le verre de l'Amiral en chef était différente par rapport à précédemment.

Il fallait jouer la prudence sans pour autant causer ouvertement un incident diplomatique. Le bal ne devait pas être perturbé pour si peu. La contre-amirale regarda autour d'elle et interpela d'un geste un serveur. Ce dernier arriva rapidement tout en restant aussi discret qu'une souris.

« Pourrais-je avoir la même boisson que notre invité d'honneur ? J'aimerais pouvoir trinquer avec lui.
- Tout de suite, madame. »

Le serveur lui servit un verre et, après l'avoir remercié, elle s'élança vers le Rouge alors qu'il apportait le verre à ses lèvres. Posant aussi doucement que possible sa main sur le bras de son supérieur, Navy sourit à l'interlocuteur d'Akainu et le salua :

« Bonsoir, je suis la contre-amirale Navy. Veuillez excuser mon impolitesse mais je n'ai pas encore eu l'occasion de trinquer avec mon très cher supérieur ce soir. Vous ne m'en voudrez pas, n'est-ce pas ?
- Nullement. Trinquons ensemble ! » Répondit le représentant d'un ton jovial

La jeune femme sourit, trinqua avec le premier puis se tourna vers Sakazuki, attendant qu'il avance également son verre. Ce dernier se contenta de plisser les yeux et Navy sembla comprendre un très clair ''à quoi joues-tu ?''. Sans se défaire de son sourire, elle ajouta :

« J'ai voulu goûter à la même boisson que vous. J'espère que vous ne m'en voudrez pas. »

L'attention de Sakazuki se porta alors sur le verre tendu et il sembla comprendre rapidement le problème. Il trinqua, Navy prit une légère gorgée de son verre et mima une légère grimace de dégoût.

« Hm. Je pense que ce vin est un peu bouchonné. Il serait regrettable que vous y goutiez, Amiral en chef. Permettez que je vous débarrasse.
- Hm. »

Navy récupéra le verre, salua encore une fois le représentant et prit congé pour s'éclipser dans les cuisines. Une fois à l'abri des regards, Navy appela l'un des soldats de Sakazuki et lui tendit le verre.

« Retrouvez-moi celui qui a servi l'Amiral en chef Akainu et interrogez-le. Il faudrait également analyser ce que contient ce verre.
- Bien, contre-amirale. »

Puis il partit. Toutefois, alors qu'elle comptait retourner à la réception, le conseiller hautain apparut devant elle, les bras croisés.

« En plus de sélectionner vos missions, vous vous éclipsez en cuisine pour tirer au flan ? »

N'ayant ni le courage de lui expliquer la situation, ni la patience de le supporter, Navy le décala sans ménagement et repartit, faisant fulminer l'homme qui s'exclama :

« Il faudra songer à redescendre de votre nuage si vous ne voulez pas qu'on vous force à vous écraser. »

Soufflant un coup, la contre-amirale se tourna et lui colla une pichenette sur le front.

« Je me fous pas mal de votre complexe d'infériorité. Ce n'est pas parce que votre propre famille ne croit pas en vous que vous pouvez vous permettre ce tel mépris. Ici, il faut faire ses preuves alors rendez-vous utile : foutez-moi la paix et renforcez la surveillance des personnes tournant un peu trop autour de l'Amiral en chef. »

Et elle partit se remettre non loin de son supérieur. Le reste de la soirée se passa heureusement sans plus d'incident. A un moment, Navy vit deux soldats entourer une femme et l'amener ailleurs.

Très certainement la responsable qu'ils cherchaient. Elle préféra néanmoins surveiller encore quelques temps, même si Akainu était à présent plus que vigilant. Il y avait peu de risques qu'il se fasse avoir de façon si fourbe et ce n'était pas en force brut que ces détracteurs pouvaient espérer l'abattre.

Bien plus tard dans la soirée, une fois certaine que tout danger immédiat était écarté, elle profita que les bouteilles d'alcool eurent été bien vidées pour s'éclipser sans que personne ne le remarque : son enquête commençait. Elle avait retenu le numéro du dossier qui l'intéressait et partit donc en quête d'une salle des archives. Les lieux étaient cependant gigantesques et elle dut sortir du bâtiment où elle se trouvait afin de pouvoir mieux se repérer. Cependant, à Marijoa se trouvaient également les Dragons Célestes et elle fit donc bien attention à n'en croiser aucun, étendant son Haki de l'observation par précaution. Alors qu'elle marchait prudemment, un bâtiment attira son attention ou, plutôt, une porte, visible du coin de l'œil. A première vue, cette porte semblait on ne peut plus classique mais là était justement le problème : que faisait une classique porte au milieu des gigantesques et opulents bâtiments, décors et tableaux présents à Marijoa ?

Navy s'avança donc et tenta d'ouvrir la porte.

Verrouillée… Évidemment.

Elle vérifia une nouvelle fois les alentours et entreprit de crocheter la serrure, ce qu'elle réussit après plusieurs essais. Le verrou avait été bien pensé. Encore plus étrange que ce type de verrou se soit retrouvé sur une classique porte. La porte donnait sur un couloir sombre que Navy emprunta après avoir refermé derrière elle. Elle avança à tâtons et ouvrit quelques portes dans l'espoir d'y trouver ce qu'elle cherchait.

Après un peu de marche, elle finit par atterrir dans ce qui semblait être un laboratoire. Ce n'était pas le type d'endroit qu'elle cherchait et elle souhaita donc faire demi-tour mais une autre porte attira son attention : la porte était blindée et plusieurs sécurités semblaient avoir été mises en place pour empêcher toute intrusion. Son instinct la poussa à faire quelques recherches dans le laboratoire et, en fouillant un peu, elle put trouver une clé, un code et un autre pass. D'ordinaire, cette salle devait être compliqué à atteindre ce qui expliquait le manque d'attention portée à la sécurité de la porte blindée.

Précautionneusement, Navy déverrouilla le tout et entra, faisant attention à ne pas faire de bruit. La pièce dans laquelle elle s'engouffra était beaucoup plus froide et pas une seule fenêtre n'était présente, laissant la pièce plongée dans une angoissante obscurité.

Après avoir vérifié les alentours, Navy appuya sur un interrupteur, permettant de faibles lumières de s'allumer. Elle ne savait toujours pas ce qui se cachait dans cette pièce mais visiblement, ce n'était rien qui nécessitait de la lumière. La jeune femme observa autour d'elle, prenant le temps de s'accoutumer à cette semi-obscurité. Elle entendit d'abord des bips réguliers, comme venant d'une machine puis distingua des tables avec différents documents. Elle s'approcha alors dans le but de les lire et put voir quelques comptes-rendus sur les constantes vitales d'une personne.

Mais de qui ?

Alors qu'elle se posait la question, Navy vit du coin de l'œil une immense machine s'allumer. Elle reposa les différents documents et s'avança vers la machine qui semblait transmettre inlassablement des informations. Elle lut les informations qui passaient et put se rendre compte qu'il s'agissait de rapports. C'était incroyable. Voilà donc ce qui expliquait la rapidité de collectes de données du Gouvernement. Tout semblait centralisé dans cet endroit. Navy n'avait peut-être pas besoin de chercher un dossier poussiéreux dans une quelconque salle des archives : elle pouvait directement regarder dans la base de données de cette machine… à condition de savoir comment l'utiliser. La jeune femme observa de nouveau autour d'elle dans le but, cette fois, de trouver un moyen de faire sa demande à cette incroyable invention. Elle ne trouva pas son bonheur et se résigna donc à comprendre par elle-même le fonctionnement de tout cet amas de métal et de câbles. Un détail attira néanmoins son attention : un câble, plus gros que les autres, était relié à la machine et partait jusque dans une autre pièce. Suivant de nouveau son instinct, Navy suivit cet énorme câble suspendu et passa une autre porte, s'engouffrant dans une pièce également dans une obscurité totale. Dans cette salle, les bips qu'elle avait précédemment entendus étaient plus forts, signes qu'ils venaient de là. En tâtonnant un peu, la brune appuya sur un interrupteur qui alluma les lumières. Un instant aveuglée, Navy plissa les yeux en attendant de s'habituer à cette nouvelle source lumineuse. Une fois accommodée, la jeune femme regarda devant elle et ce qu'elle vit la glaça d'effroi : le câble qu'elle avait suivi était directement branché sur un être humain fortement amaigri mais visiblement en vie, une autre machine s'en assurant et vérifiant ses constantes vitales. Ce ne fut qu'à ce moment qu'elle comprit ce qu'étaient les bips réguliers qu'elle entendait : il s'agissait du rythme cardiaque de la personne face à elle. Elle aurait dû pouvoir reconnaitre ce bruit, étant assez caractéristique, mais comment deviner qu'un rythme aussi lent pouvait venir d'un cœur ?

Navy s'approcha prudemment, sachant avoir découvert quelque chose qu'elle n'aurait pas dû. La personne face à elle ne fit aucun geste, comme dans un état végétatif. Un masque à oxygène masquait la moitié de son visage mais il n'était pas difficile de voir des traces de brûlures sur la majorité de son corps. Elle crut distinguer un mouvement oculaire de la part de l'être face à elle mais l'expression éteinte qu'elle voyait donna plutôt l'impression d'une hallucination.

Alors, sans se préoccuper de la personne, la contre-amirale attrapa le dossier à côté et l'ouvrit pour y lire :

« Projet MDA, rebaptisé MAD : base de données impénétrable. »

Elle parcourut le dossier d'un regard et ce qu'elle découvrit lui glaça le sang. Navy releva immédiatement la tête en direction de l'être… enfin de la femme en face d'elle.

« MDA… Monkey D Army…
- Que fais-tu ici ? »

Navy sursauta en entendant une voix gronder derrière elle. Elle lâche le dossier pour se tourner rapidement et découvrit Akainu, l'air colérique.

« Hum… Je… »

La brune regarda l'amiral en chef puis tourna sa tête en direction de la silhouette qui n'avait toujours pas bougé d'un pouce.

Ce n'était pas ce qu'elle avait espéré comme retrouvaille familiale. Elle se tourna de nouveau vers le Rouge et se décala légèrement, laissant Akainu voir ce qui restait de la contre-amirale Army. Beaucoup d'émotions semblèrent passer dans son regard alors qu'il se figea, toute colère envolée. Doucement, il s'approcha et s'agenouilla devant le corps amaigri. Sans un mot, il retira ses gants et attrapa la frêle main avec une délicatesse que Navy ne lui connaissait pas. Puis, comme un geste automatique, il lui remit une mèche de cheveux derrière l'oreille dans l'indifférence de la femme. Un silence lourd se fit alors que Sakazuki ferma un instant ses yeux. Navy ne sut combien de temps s'écoula avant qu'il ne fasse de nouveau un mouvement, rouvrant les yeux et reposant tout aussi délicatement la main précédemment tenue. Il se redressa ensuite et remit ses gants, toute émotion disparue de son visage.

« Amir…
- Sors. »

Malgré l'ordre, Navy ne bougea pas. L'amiral en chef grogna alors et s'approcha furieusement avant de l'attraper par le col. Cependant, en la voyant, une expression cette fois blessée apparut sur son visage et il la lâcha rageusement.

La jeune femme avait pris le temps d'observer toutes les réactions de son supérieur. Il n'avait pas été étonné de l'infrastructure, pas plus du fait qu'un être humain était présent. Plusieurs faits sortaient de cette observation : L'amiral en chef Akainu savait que cette base de données existait et il savait également comment elle avait été construite… mais pas à partir de qui elle avait été construite.

« … Sors. »

Le ton employé n'avait plus rien du ton sec et furieux utilisé précédemment. Alors, après un dernier regard dans la direction de son supérieur, Navy hocha brièvement la tête et consentit à quitter la pièce. Il y avait beaucoup d'informations à digérer pour elle et certainement encore plus pour le Rouge.