Quand Luna lui avait révélé que le château était assiégé, le Mage Noir n'y avait pas cru… du moins pas au début. Sonné, affligé et profondément ébranlé, il avait senti son esprit se barricader sous son regard bleuté, son bon sens s'aliéner à la force de ses vérités, sa réalité s'effacer sous le joug du sang qui la couvrait et son monde s'écrouler à chaque parole qu'elle prononçait. Oui… plus elle avait parlé, plus il s'était senti perdre pied. Plus elle l'avait pressé, plus il s'était senti délirer. Plus elle avait insisté, plus il s'était senti fabuler ! Et plus elle avait juré, plus Voldemort s'était senti se noyer… Pourquoi ? Il était facile de le deviner. Mais dans quoi ? Là était la chose qu'il n'arrivait pas à déceler. Sa honte ? Sa colère ? Son aberration ? Son désespoir ? Il n'avait été certain de le savoir. Mais plus que toute autre chose, il n'avait pas certain de pouvoir la croire… mais comment lui en vouloir ? Il s'agissait de Poudlard. De Poudlard ! De son château ! De son fief ! De son repaire ! De sa gloire ! Que dire, du symbole même de son règne et de sa puissance incontestable ! De tout ce que représentait son histoire ! De ce qu'il avait accompli à la sueur de sa rage ! Et de tout ce qu'il avait sacrifié pour l'invulnérabilité de ses pouvoirs ! Alors… alors l'imaginer tomber entre les mains de ses ennemis ? Gésir entre leurs griffes telle une proie démunie ? Le voir porter les couleurs de la honte et de l'infamie ? Et être souillé par les pas de ceux qui avaient juré de le détruire ?! Par tous les Dieux… c'est impossible. Inconcevable ! Irréaliste ! La plus abjecte des folies ! Pire qu'une perte de guerre, ce serait… ce serait une tragédie. Un affront au-delà du seuil du possible ! Un véritable drame dont aucun Dieu ne pourrait le repentir ! Et pour cause ! Ce serait là la preuve de son échec le plus terrible… la perte de la plus grande victoire de sa vie.
Alors oui… Voldemort n'avait pas cru Luna quand cette dernière lui avait assuré la prise de Poudlard. Englué dans les filets d'un orgueil trop bien tissé pour s'en échapper, il s'était laissé glisser entre les bras d'un déni calculé, son esprit se refusant alors à croire en une annonce aussi insensée. Mais derrière l'orgueil, la rage et la fierté, la douleur qu'avait engendré ses mots n'avait cessé de le hanter…
- La guerre est là.
D'abord lentement, imperceptiblement et presque délicatement.
- Nos ennemis attaquent Poudlard !
Puis, de façon plus lancinante, vive et presque oppressante.
- Les Solcogneurs assurent nos défenses mais les combats font rage !
Avant qu'elle ne se mue en une torture horrifiante, et que le masque de son indifférence ne s'effrite fatalement sous les affres de son agonie hurlante.
- Drago mène les hommes mais… mais il craint que sans vous, il n'y ait aucun espoir.
Aucun espoir… était-ce possible qu'ils en arrivent là ? Que la Resistance lui vole Poudlard ? Que les Centaures piétinent son territoire ? Et que ses ennemis s'approprient son plus grand pouvoir ? Non… non, non, non ! Il n'avait pas voulu y croire. A vrai dire, il n'y aurait pas même cru si ces mots étaient sortis de la bouche de Salazar ! Et pourtant, il ne pouvait le nier. Quelque de grave arrivait. Quoi donc ? Il ne le savait que trop bien ; mais jamais son orgueil ne parvînt à concevoir son déclin. Et pour cause ! Qu'importe la fatalité, l'hérésie ou le Destin ! Poudlard était sien… hier, aujourd'hui et demain ! De ce jour jusqu'à sa fin ! Sous son règne jusqu'au prochain ! Et rien ni personne ne serait un jour en mesure de le lui arracher des mains… Mais l'impuissance le guettait, et en dépit de sa rage le temps s'écoulait. Aussi, c'est sous son regard effaré qu'il avait vu Hermione commencé à pleurer… Luna à paniquer… Connor à s'interroger… le Sombral à se relever… les pirates à se réveiller… et le monde à tourner.
Car l'univers ne s'était pas arrêté.
Les secondes n'avaient pas cessé.
Et les Dieux continuaient de s'éclaffer.
Une évidence toute aussi insultante, qu'ils étaient honteusement parvenus à le tromper.
- Six mois… cela fait six mois.
Seigneur… Existait-il plus fourbe ? Plus sordide ? Plus hypocrite ?! Il y avait réfléchi… pendant de longs instants à vrai dire. Mais ni ses minutes de réflexions, ses tentatives de compréhension et ses lentes inspirations, n'étaient parvenus à apaiser l'aberration qui intoxiquait son sang. Vile, épaisse et brûlante, elle avait parcouru ses veines tel le plus abjecte des poisons, avait profané son cœur de milles hurlements, noué ses entrailles jusqu'à ce qu'elles soient en sang, infiltré son esprit d'une rage ardente et incendié son âme jusqu'à en aliéner sa conscience ! Oui… son aberration n'avait jamais été plus grande. Plus sordide. Plus battante ! Car plus qu'une simple information, cette ultime donnée avait renversé son monde.
Six mois.
Six mois qu'ils étaient partis.
Six mois que riaient leurs ennemis.
Six mois que les Dieux leur dérobaient leurs vies…
Comment était-ce possible ? Etait-ce à cause de la magie de l'île ? Du Grand Versant ? Ou d'une simple erreur d'inattention après autant de malédictions ? Il l'avait envisagé… mais quand bien même, qu'est-ce que cela changeait ? Les faits étaient là ! Cela fait six mois qu'ils avaient quitté Poudlard. Six mois ! Six mois ! Et face à cela, s'était révélé son effroi. Oui… il ne pouvait plus se complaire dans la moindre ignorance après ça ; nier l'évidence, s'engouffrer dans le moindre doute, se cacher derrière sa défiance ou se croire fou ! Non… son royaume subissait bel et bien l'assaut d'un nouveau courroux. Sa couronne était belle et bien tenue en joug. Son règne allait bel et bien être mis à genoux… Ironique non ? Alors qu'il était parti sauver le monde, ses ennemis se rabaissaient à lui jouer le plus sale de tous les coups ! Non pas qu'il soit fondamentalement surpris par la petitesse de leurs esprits, leur lâcheté, félonie ou encore la morbidité de leurs crimes. Mais de là à se rassasier de son empire à la minute où la marée avait emporté son navire ? Que dire ! A l'instant même où son ombre avait quitté les berges de son pays ?! Seigneur… Quel vice. Quel déshonneur. Quelle ignominie ! Penser pouvoir vaincre sans affronter son ennemi… à croire que leur indignité ne connaissait aucune limite. Et c'est à cette pensées précise, que Voldemort s'était senti défaillir…
Poudlard était assiégé.
Poudlard était assiégé.
Poudlard était assiégé.
Vaincu par cette litanie, il l'avait entendu assourdir son esprit, ne laissant de lui qu'une figure livide au souffle coupé ; qu'une paire de joues translucides aux tremblements effrénés… qu'un visage ahurit aux balbutiements horrifiés ! Celui d'un Dieu sur le point d'être destitué...
Poudlard était assiégé.
Poudlard était assiégé.
Poudlard était assiégé.
Partagé entre incompréhension et murmures branlant, c'est tout son être qui avait commencé à se fracturer, toutes ses certitudes qui avaient commencé à s'effriter, toute son âme qui avait commencé à se retourner ! Bien sûr, tout cela n'était que les prémisses de la frénésie qui ne tarderait pas à le posséder… mais cela avait suffi à l'embraser.
Poudlard était assiégé.
Poudlard était assiégé.
Poudlard était assiégé.
Aussi, Voldemort n'avait pas demandé l'aval des jeunes femmes avant de les agripper d'une poigne enflammée. Il n'avait pas attendu que le Sombral soit entièrement remis avant de le soigner d'un coup de baguette et de l'enfourcher. Il n'avait pas jeté un seul regard aux Pirates avant de tous les réveiller et réarmer. Tout comme il n'avait pas concerté Connor avant d'ensorceler ses navires et de les amarrer. Non… il n'avait rien demandé, rien soufflé, ni même ordonné. Si… une chose : la seule qui importait.
- Tes hommes sont-ils toujours prêts à mourir pour toi ?
A sa question, Connor s'était grandi dans un frisson. L'étaient-ils encore ? L'étaient-ils vraiment ? Un doute aurait été légitime après tant d'années de trahison, de conflits et de défiance. Pourtant, il connaissait la réponse… en particulier dans l'hypothèse d'un nouveau bain sang. Aussi il ne fallut qu'un regard sur ses hommes pour qu'une nouvelle fièvre lui échauffe le front… Ils s'étaient tous relevés. Ils s'étaient tous réarmés. Ils s'étaient tous rassemblés en dépit de leurs différents ô combien prononcés. Et plus important encore, ils étaient tous restés en retrait... Etait-ce à cause de leur peur de la créature ailée ? De la magie qui les avaient terrassés ? Ou encore de sa complicité avec les Sorciers ? Ils n'auraient pu le deviner… mais ce qu'il savait, était que ce combat avait ravivé leur respect. Le regard baissé, ses détracteurs s'étaient prostrés dans un silence angoissé, leurs armes anxieusement tournées vers le sol après une telle déculottée. Inquiets, ses alliés les détaillaient sans savoir quoi penser, leurs lèvres murmurant milles théories sur ce qui venait de se passer. Quant aux autres – les matelots, pleutres et quelques vieux sots – ils se contentaient de lui jeter quelques coups d'œil par-dessus leurs épaules, impatients de connaître le dénouement d'un pareil chaos. Alors certes, ses hommes étaient caractériels, viles, cruels, lunatiques et sanguinaires ; et oui, ils étaient prêts à l'abandonner pour partir à la conquête de leurs rêves… Mais malgré cela, aucun d'eux n'avait hésité une seule seconde à défendre leurs terres… aucun d'eux n'avait hésité à s'armer d'épée, de canons et de flèches… et aucun d'eux n'avait hésité à obéir à ses ordres pour honorer leurs promesses. Bien entendu, cela leurs avait coûté une amère défaite ; mais qu'est-ce que quelques entailles face à une telle découverte ? Face à leur dévotion toute aussi intacte que guerrière ; et face à la certitude qu'ils respecteraient toujours leur capitaine… Rien. Aussi, c'est dans ce nouvel espoir, cette nouvelle adrénaline et indéniable joie, que Connor avait déclaré le dos droit.
- Il n'y a qu'à suivre l'étoile pour le savoir.
Alors c'était acté.
- Dans ce cas, promets-leur une bataille contre un millier de sorciers…
La guerre était déclarée.
- Et une récompense pour chaque tête coupée.
Le sort était lancé…
- Tu es sûr de toi Camarade ? Avait-il demandé. Une fois lâchés dans le Grand-Versant, ils n'auront aucune pitié…
Oui… il le savait ; et c'était précisément ce qu'il recherchait.
- Nous aurons besoin d'épées et de soldats entraînés… mais aucunement de pitié.
Ainsi, il ne fallut pas plus d'un regard, d'un souffle et d'un hochement de tête du Mage Noir, pour que tous sachent ce qu'il attendait de cette promesse macabre. Bien entendu, il s'agissait d'une folie. D'un suicide. D'une hérésie ! Mais c'est sans jamais hésiter, douter ou riposter que les pirates avaient obéit… Non pas que ce soit une surprise ! Ils avaient retrouvé la liberté de jouir de leurs navires, la chance de pouvoir quitter cette île… ainsi que la promesse de voguer vers le plus glorieux massacre de toutes leurs vies.
- Dans ce cas, il n'y a plus à hésiter… avait déclaré Connor dans un sourire enjoué.
Oui… Il n'était plus question de réfléchir. Il n'était plus question de s'attendrir, de s'enorgueillir ou de subir ! Cette heure était passée… et avec elle, la dernière chance de tous ceux qui s'étaient risqués à le bafouer ; de quoi galvaniser l'ardeur d'un Capitaine déjà transcendé.
- Camarades… avait-il tonné avec hargne. Dégagez les ponts ! Vider les calles ! Remonter les canons ! Déployez les voiles ! Démêlez les hauts-Bans ! Et aiguisez vos lames ! Ce soir, nous aurons du Sorcier à notre table !
Ainsi, c'est dans cette ultime promesse que les Sorciers s'étaient envolés et que les pirates s'étaient mis à voguer… qu'ils avaient suivi l'étoile du Sorcier et traversé la frontière des Versants jusqu'alors restée cachée… qu'ils avaient détaillé le ciel et les océans avec avidité… et qu'ils s'étaient tous rués vers le combat de leur destinée.
Combien de temps leur voyages avait-il duré ? Combien de frisson avaient-ils éprouvé ? Combien de tragédies s'étaient-ils mis à redouter ? Et combien de prières avaient-ils murmurés ? Aucun d'eux n'aurait été en mesure de le deviner… sûrement que l'ivresse du grand air et de la marée avaient trompés leurs sens alors exaltés. Pourtant et bien que la magie ait accéléré leur avancée… qu'ils n'aient mis que quelques heures pour parcourir plusieurs centaines de kilomètres d'eau et de vagues déchaînées… et que la baie du Lac Noir n'ait pas tarder à se faire deviner… jamais aucun d'eux n'avait eu l'audace imaginer ce à quoi ils firent face à leur arrivée. Jamais aucun d'eux n'avait eu l'audace d'envisager ce qu'ils mirent tous à voir d'un air effaré. Jamais aucun d'eux n'avait eu l'audace de croire en ce qu'était devenu Poudlard… alors transformé en colonne de fumée.
- Drago !
Un mur de fumée rougeâtre.
Un monument d'obscurité et les flammes.
Un brasier incandescent dévorant les nuages.
Un monde de cri aux lueurs de cauchemar…
- Drago !
Et au sol… tout en bas… une mélasse.
Un véritable marécage de corps et de soldats.
Un parterre de morts et de désespoir.
Le plus misérable de tous les champs de bataille.
- Drago !
Tel fut ce qu'il vit rayonner dans le noir.
Tel fut ce que Voldemort survola sur son Sombral.
Tel fut ce à quoi il assista quand ils atterrirent sur les berges du lac Noir.
Tel fut ce qu'il se jura de venger à la vue de son Général.
- Drago !
Pourtant le combat n'était pas terminé… Pour preuve, du sang frais ne cessait de couler, les hommes continuaient de tomber et sa défaite n'était pas encore actée. Devait-il s'en réjouir ? Il ne savait pas… mais même cela ne compta pas.
- Drago !
Non… à cet instant plus rien ne compta. Ni l'état de Poudlard, ni la mélasse, ni ses soldats, ni les flammes, ni sa rage ou les battements d'aile de son Sombral ! Non, rien… si ce n'est le Centaure que Voldemort vit s'élancer sur son Général.
- Avada Kedavra !
Un ennemi de moins… pour un millier à déjouer avant le prochain matin.
Un mort de plus… pour un millier à jeter dans la fosse commune.
Un début de vengeance… pour l'avènement du plus mémorable des bains de sang.
- Drago !
Transcendé, le Mage Noir s'était jeté au sol avant même d'avoir atterri, ses jambes s'élançant sur les berges au rythme de sa nouvelle adrénaline. Oubliant presque son Initiée, les pirates et l'arrivée imminente de leurs navires, il avait zigzagué entre les morts sans jamais tressaillir, enjambé des bouts de corps entre deux sauts agiles et même achevé un blessé gémissant d'un coup de talon en pleine poitrine… avant que ses pupilles ne se resserrent douloureusement sur sa cible ; des pupilles qui macabrement, s'étaient misent à briller sous les reflets sanglants de cette étendue carmine.
- Drago.
Incapable de bouger à son approche, Voldemort vit le jeune homme se pétrifier, son regard fatalement ancré sur la carcasse du Centaure qui venait de s'écrouler. Etait-il en état de choc ? Aux vues de son état, il n'aurait pas pu l'en blâmer. Pourtant, Voldemort se laissa surprendre par la torpeur de son souffle coupé.
- Suis-je… suis-je mort ?
Non… il ne l'était pas.
Pas plus que bon nombre de ses mangemorts.
Ou tout du moins, pas encore...
- Pas tant que je n'en aurais pas donné l'ordre.
C'est là que Drago vacilla.
C'est là que Drago le regarda.
C'est là que Drago s'agenouilla.
- Maître…
C'est là que l'Histoire débuta…
Bon finalement, j'ai pas pu m'empêcher de publier deux chapitres cette semaine ! XD Comme vous vous en doutez, maintenant la guerre a officiellement commencé !(Elle va être très longue, je tiens à vous prévenir ^^' il y a beaucoup de chapitres mais bon, j'espère qu'elle vous plaira quand même!)
En tout cas j'espère que ça vous a plu !
Je vous dis à la semaine prochaine pour la suite !
