Bouleversée, Hermione sentit son corps vaciller. De nerfs ? D'angoisse ? De fébrilité ? Sûrement… mais pas seulement. Pourquoi ? Il aurait été facile de mettre ça sur le compte de l'adrénaline… de leur fuite précipitée de l'île, de leur envolée à la suite des navires, de la réanimation de leur magie ou encore des cris des pirates qui ne cessaient de résonner dans l'abîme. Mais en toute honnêteté avec elle-même, cela aurait été mentir… car jamais encore Hermione n'avait connu pareille tétanie. Incapable de respirer, de bouger ou de ne serait-ce que s'accrocher à la crinière de son destrier, son corps s'était pétrifié dans un soubresaut muet, mélange de choc et torpeur ébranlée. Aveugle, son regard s'était noyé dans les flammes qui la surplombaient, laissant alors ses pupilles frissonner sous la chaleur de leur insatiabilité. Sourde, ses tympans s'étaient percés sous la douleur des rugissements qui l'encerclaient, irradiant alors son esprit des cris de ceux qui ne tarderaient pas à succomber… Muette, sa langue s'était retournée sous la saveur amère des cendres qui commençaient déjà à tomber, nappant alors son visage de tapisseries, bois, livres et histoire brûlés. Et dans ce chaos de feu et de destruction éhontée… dans ce fléau digne des plus grandes tragédies jamais contées… dans ce drame qu'elle n'avait jamais osé imaginer… Hermione n'était parvenue qu'à rester figée. Avait-elle tort ? Devait-elle hurler ? Pleurer ? S'indigner ? Son corps l'avait envisagé, la laissant alors sursauter sous la vigueur de ses frissons et sanglots étouffés. Mais quand bien même elle en aurait eu la force, le courage ou la volonté, quelle autre posture aurait-elle pu adopter ? Elle ? L'Initiée du Seigneur des Ténèbres ? Face au pire brasier du Millénaire ? Il n'y avait rien qu'elle puisse faire… rien qu'elle puisse tenter, envisager ou même défaire. L'incendie avait déjà ravagé la Tour de Serdaigle, la chaleur avait fait exploser les fenêtres, d'infernales flammes dévoraient les ailes et une épaisse fumée intoxiquait l'air... oui, il n'y avait rien qu'elle puisse faire. Et c'est dans cette consternation, cette soumission et incontestable sentiment d'impuissance, que la jeune femme resta prostrée dans sa contemplation. Assise sur son Sombral, les joues humides et le teint blafard, c'est tout son être qui se fractura devant les flammes, tout son monde qui s'écroula devant Poudlard… et toute son âme qui se renversa au rythme des sanglots tremblants de cette chère Luna. Et pour cause… aucune d'elles n'avaient imaginé ça.

Poudlard attaqué.
Poudlard bafoué.
Poudlard incendié…

Etait-ce seulement possible ? N'était-ce pas là une chimère ? Un rêve ? Une fantaisie ? Elle aurait aimé le croire… mais face à cette vision de pure cauchemar, Hermione ne parvînt qu'à haleter dans le noir. Seigneur… elle avait espéré se tromper. Elle avait espéré fabuler. Elle avait espéré se fourvoyer ! Elle… elle avait espéré que les Dieux cessent de les accabler. Mais à quoi bon les supplier ? Les implorer ? Ou même prier ?! Ces fausses figures d'éternité n'avaient jamais eu la moindre pitié ! Alors oui… dans sa naïveté, Hermione avait espéré beaucoup de chose pendant leur envolée : que Luna leur ait menti, ait exagéré ou simplement mal interprété les dangers qui les menaçaient… que rien de tout ce qu'elle ait avoué n'était sur point d'arriver, que leurs ennemis ne s'apprêtaient pas les renverser et que sa famille était toujours en sécurité… que leur empire n'était aucunement menacé, que Drago lui-même n'avait jamais été amputé et qu'ils atterriraient sous les cris bienheureux de leurs soldats dévoués… Oui. Elle avait espéré beaucoup de choses… un déni qui n'était parvenu qu'à galvaniser sa nouvelle névrose. Car elle ne pouvait plus le nier ; ce qu'elle avait espéré était à l'opposé de leur réalité. Et Luna n'avait pas exagéré… au contraire même ! Elle avait atténué la gravité de toutes ses vérités. Etait-ce volontaire ? Conscient ? Calculé ? Ou la simple résultante de tous les espoirs qu'elle-même ne pouvait se résoudre à abandonner ? Elle n'aurait su le deviner. Mais ce qui était certain… là maintenant… était que Poudlard n'avait plus la moindre chance.

Incendié par les Centaures et saccagé par la Résistance, il ne restait plus rien des poutres, colonnes, arcs, et moulures des plafonds. Rien des drapeaux, couleurs, pierres, escaliers et balcons ; rien de tout ce que les Fondateurs, Dumbledore et même Voldemort avaient préservé si ardemment... Pourquoi ? Elle s'était posée la question. Mais la réponse était si évidente que feindre l'ignorance aurait été une insulte à son intelligence... et pour cause ! Il n'y avait aucune véritable interrogation ! Aucun doute ! Aucun blanc ! Harry et Ron avaient fait le deuil de leurs enfances… et se faisant, ils étaient arrivés à une seule conclusion : qu'ils ne pourraient jamais trouver la paix, sans exterminer le symbole de défaite, de honte et de trahison que représentait aujourd'hui leur ancienne maison. Pathétique, non ? Détruire un monument, réduire plus de mille ans d'Histoire en cendre, violer le sanctuaire de tous les sorciers du monde… tout cela par égo, avidité et ressentiments. Bien sûr, il ne faisait aucun doute qu'ils projetaient de le reconstruire ! Mais comment ? Là était une autre question… en éradiquant tout symbole de son occupation ? En détruisant chaque pierre, chaque couloir et chaque marche un jour foulé par ses anciens occupants ? En brûlant les draps ? Les armoires ? Les rideaux ? Les torchons ?! Quel cinéma… quelle comédie… quel gâchis honteux et hypocrite ! Pour preuve, Voldemort lui-même n'avait jamais eu pour projet de le détruire ! Et pourtant, rien n'aurait été plus prévisible ! Mais il n'en avait jamais ressenti le besoin… le désir… ou même la simple envie ! Au contraire même, il l'avait reconstruit à l'identique, désireux de retrouver la chaleur du tout premier foyer de sa vie ! Certes la présence constante de mangemorts, de prisonniers et de taches de sang n'aidait pas à rendre les lieux très accueillant… mais il avait respecté l'émoi que Poudlard lui avait insufflé quand il était enfant. Un émoi qui de toute évidence, ne valait rien de mieux qu'un tas de cendre aux yeux de la Résistance.

Aussi, c'est déconnectée de toute réalité qu'Hermione se ne vit pas descendre de l'encolure du Sombral… qu'elle ne perçut pas les cris effarés de Luna… ne se sentit pas tituber sur les berges du Lac Noir… ni ne réagit à l'aura étouffante du Mage. Non… elle ne vit rien de tout ça. Rien si ce n'est l'ombre fumante de Poudlard, et la révérence de son frère alors maladroitement agenouillé sur un cadavre.

- Maître… Souffla-t-il.

Par tous les Dieux… Drago. Il était là. Elle ne rêvait pas, son… son frère était là ! Son frère était vivant ! Son frère… son frère était sanglant. Sonnée, la jeune femme mit plusieurs secondes avant de le réaliser, son esprit peinant encore à intégrer tout ce qu'elle voyait. Les cadavres, les sangs, les combats, la démence, les flammes, les hurlements… seigneur, il y avait trop à comprendre ! Trop à voir ! Trop à entendre ! Pourtant, les berges avaient été désertées de tout combattant… mais les échos assourdissants qu'elle percevait du front suffisaient à lui glacer le sang. Forts, cinglants, dispersés et horripilants, ils résonnaient dans la nuit tel le plus morbide des chants, offrant alors cris, plaintes, agonies et hurlements à quiconque se risquait à tendre l'oreille pour l'entendre ! Qui hurlait si ardemment ? Qui se vidait de son sang ? Qui était mutilé, désarmé, éventré, piétiné et décapité à ce même instant ? Elle aurait aimé le savoir… mettre des noms, des visages et des histoires sur ces cris dignes des plus abjects purgatoires. Mais les guerres n'étaient faites que pour cela : s'assurer que les morts ne survivent dans aucune mémoire... Ainsi, c'est au bord du malaise qu'Hermione s'accrocha à Luna pour ne pas faillir, ses tympans vrillés par le rythme incessant de cette mélodie. Une mélodie latente, lugubre et entêtante, dont la moindre note lui arrachait mille frissons… mais face à laquelle la mort riait entre deux carillons.

- Maî… Maître…

Par Rowena… il haletait. Il souffrait. Il… il était blessé. Cela se voyait à la pâleur de ses joues et tremblements saccadés ! Aux balbutiements de ses lèvres et respirations hachées ! A la fébrilité de son regard et arcades froncés ! Drago était blessé… mais pas que ; car au-delà de tout cela, jamais une telle fatigue n'avait déjà brillé dans ses yeux. Oui… il n'était pas que blessé. Il était épuisé. Ereinté. Affligé. Désemparé. Acculé ! Et le pire était que face à son Maître, jamais le Malfoy ne s'autorisa à grimacer. Implacable, digne et droit en dépit de ses plaies suintantes et râles d'effroi, ses traits s'étaient figés sous la boue, la chaire et le désespoir, ne laissant de lui qu'un corps prostré prêt à s'effondrer à la fuite du premier regard. Un corps à l'armure éventrée, aux boyaux ensanglantés et à la main amputée… un corps qui semblait avoir trop subi pour pouvoir à nouveau se relever… mais un corps qui jamais ne laissa transparaître le mal qui l'habitait. Qu'avait-il traversé pendant ses dernières heures de combats acharnés ? Comment avait-il fait pour se retrouver ici ? Seul ? Isolé ? Et sans le moindre renfort pour le protéger ? Là encore, elle n'osa se le demander, mais ne put que trembler devant le soulagement de ses murmures étouffés.

- Vous êtes… vous êtes revenus. Dit-il désarmé.

Oui… ils étaient revenus. Et face à lui, Hermione ne put s'empêcher d'échapper un sanglot vaincu. Seigneur, que n'aurait-elle pas donner pour le prendre dans ses bras ? Pour l'arracher à cet odieux marécage et l'emmener loin des combats ? Pour le ramener sain et sauf à Lucius et Narcissa ? Et pour lui assurer que jamais plus il n'aurait à subir les affres d'un tel cauchemar ?! Rien… rien n'aurait été trop cher payé pour cela. Mais bien qu'elle en désespère, il était encore bien trop tôt pour se réjouir de leurs retrouvailles… en particulier devant les pupilles abyssales du Mage Noir.

- Que s'est-il passé ?

- Je…

- Combien ont attaqué ?! Tonna-t-il sans respirer.

Beaucoup trop pour qu'ils puissent lutter…

- Deux milles par flancs, et cinq de front. Répondit-il sans respirer.

Abasourdi par l'ampleur d'une telle annonce, Voldemort se senti tressaillir sous la chaleur du feu ardent. Deux milles par flancs, et cinq de front… soit plus de dix mille hommes déterminés à causer leurs extinctions. C'était énorme… pour ne pas dire presque indécent ! Et pourtant, telle était l'armée de la Résistance…

- Nous avons… nous avons essuyé trois vagues de Centaures, deux de soldats et une de géant des montagnes.

Oh bon sang…

- Leurs attaques étaient simples, désordonnées et peu inspirées… mais leur nombre a fait leur force.

Leur seule et unique force…

- Nous pensions pouvoir résister et tenir un siège pendant plusieurs semaines mais… ils ont chargé en masse, ont usé de la magie des Centaures et ont déferlé contre nos portes. Nous… nous n'avons rien pu faire.

Horripilé, Voldemort manqua d'avaler sa langue pour ne pas hurler. Rien pu faire… Rien pu faire ! Rien pu faire ?! Quelle farce était-ce donc là ? Quel jeu ? Quelle mascarade ?! Il… il n'avait pas le droit de lui dire ça ! Pas ici ! Pas maintenant ! Pas alors que Poudlard hurlait sous les flammes ! Mais la vérité ne se cachait derrière aucun drame… pas plus que l'échec, qui déjà lui rongeait les entrailles.

- Nous avions espéré que l'antidote de la fleur de Rabia suffise à… à désenvoûter les Centaures et à désorienter leurs troupes mais… mais…

Mais Potter avait un coup d'avance… celui d'une armée conditionnée, manipulée et contrôlée par le pollen d'une vulgaire plante.

- … mais la plupart d'entre eux y ont bien trop été exposé pour que… pour que l'antidote fasse effet.

Au bord de l'implosion, le Mage Noir senti sa mâchoire trembler sous les grincements de ses dents. Par tous les Dieux… il se sentait perdre pied. Il se sentait délirer. Il se sentait assiégé ! Car en dépit de ses doutes, Potter l'avait vraiment fait…

Il avait usé d'une fleur pour se créer une armée.
Il avait envoûté les Centaures pour s'en faire des alliés.
Il avait usurpé leur rage pour pouvoir les contrôler !
Il… il avait triché.

- Nous avons réussi à détruire leurs plantations ainsi que leurs stocks mais… il était trop tard. L'envoûtement était trop profond.

Trop tard… oui, cela ne le surprenait pas. Car tout bons sorciers le savaient ; la fleur de Rabia n'était pas qu'une simple plante à l'odeur envoûtante et couleurs estivales. Non… la fleur de Rabia était une arme – ou comme son nom latin l'indiquait si bien, une fleur de Rage ; soit l'arme favorite des Sorciers faits chevaliers des Rois, pendant l'ère peu glorieuse des conquêtes sorcières du Moyen-Age… Aussi Voldemort dû bien l'avouer, jamais il n'aurait cru la Résistance capable tomber si bas.

Faible et sans armée, elle avait attisé la haine des Centaures au travers d'un charme florale.
Frêle et désœuvrée, elle avait réveillé leurs instincts barbares au travers d'un pollen reconnu comme létal.
Avide et acculée, elle avait dénaturé la noblesse de leur espèce par la mort, la colère et les massacres.
Seule et résignée, elle les y avait exposé pendant des mois au détriment de tout remords et sens moral…

Bon sang… il ne l'aurait jamais imaginé. Jamais envisagé ! Jamais supposé ! Encore moins de la part Potter qui plus est ! Bien sûr, il avait appris à ne jamais sous-estimer la stupidité, la bêtise et l'affligeante médiocrité de ceux qui s'abaissaient à vouloir le défier. Mais de là à devoir envoûter des soldats pour s'en faire une armée ? A trahir la nature, l'honneur et le devoir de créatures innocentes pour s'en faire aider ? Et salir une espèce tout entière, pour une guerre qu'il était voué à ne jamais gagner ? Par tous les Dieux… un tel outrage ne pouvait qu'être l'œuvre d'un dégénéré ! Pour preuve, même lui ne s'était jamais abaissé à envoûter ses alliés pour s'assurer de leurs loyautés ! Certes, l'Impero l'avait de nombreuses fois aidé… mais quand bien même, ses victoires n'avaient jamais dépendu d'un tel procédé ! Jamais ! Au contraire, cela ôtait tout mérite de gagner ! Toute joie ! Toute fierté ! Or, Potter avait changé… Loin du jeune homme entêté qu'il avait un jour redouté, son désespoir n'avait aujourd'hui d'égal que son indignité. Et comme tout homme bafoué, sa défaite n'était parvenue qu'à réveiller sa propre cruauté… jusqu'à ce que cette dernière n'aliène le peu d'esprit dont la nature l'avait doté.

Aussi, c'est tout autant atterré que profondément impressionné que Voldemort laissa échapper un soupir muet. Oui… cette fois il ne pouvait le nier, Le-garçon-qui-a-survécu s'était véritablement surpassé. Cependant et malgré sa profonde aberration, un autre détail attira son attention ; un détail qui sous ses pupilles rougeoyantes, se mua en l'apparence d'un étrange écusson. Petit, à moitié brisé et couvert de sang, il rayonnait depuis l'armure du Malfoy, ses contours boueux n'entachant rien à l'éclat de son or. Un or, allié à un symbole… dont il avait honoré le plus fidèle de ses mangemorts.

- Où est Lucius ? Demanda-t-il soudainement.

Mal à l'aise, Drago se pinça la lèvre, son regard soudainement tourné vers le ciel. Un regard face auquel Hermione manqua de tomber à la renverse…

- Il a été attaqué… et très sévèrement blessé.

Oh non…

- Lui et ma mère ont été évacué avant l'assaut mais j'ignore… j'ignore… si son état s'est stabilisé ou si… s'ils ont pu leur échapper.

Oh non, non, non…

- C'est donc sous l'aval du… du Conseil de guerre que… que j'ai temporairement été nommé Ministre de la Magie à la place de mon père.

Un Conseil de Guerre dépassé…
Un Ministre de la Magie blessé…
Un Général contraint de le remplacer…

Par Salazar… voilà ce qu'était devenue sa si valeureuse armée ? Ses soldats si entraînés ? Et sa chaîne de commandement si préparée ?! Une bande de pleutres effrayés, vaincus et mutilés, guidés par un Malfoy estropié à qui on avait donné le poids du monde à porter ?! Bon sang… une telle horreur aurait pu le faire pleurer… là… maintenant… tant il était indigné par la honte qui l'accablait ! Mais aucune rage n'aurait pu effacer la vérité ; et encore moins devant les vestiges de son château en train de brûler. Car il ne pouvait plus se mentir… il n'aurait jamais dû partir. Il n'aurait jamais monté sur ce navire. Il n'aurait jamais dû trouver cette île ! Oui… il n'aurait jamais dû les laisser à la merci de leurs ennemis…

- Maî... Maître…

Accablé, Voldemort ne sut plus quoi regarder ; les morts, le ciel, Drago, la terre… tous lui donnaient envie de hurler. Tous lui donnaient l'impression de divaguer ! Tous lui semblaient bon à brûler ! Car pour la première fois, lui aussi se sentait dépassé. Pire encore… il se sentait sur le point d'échouer.

- Je… je suis désolé mon Seigneur…

Désolé…

- J'ai… j'ai essayé mais…

Essayé…

- Ils… ils nous ont surpassé…

Surpassé…

- Et… et…

Horrifiée devant la douleur de son frère effondré, Hermione se sentit vaciller. Seigneur… alors même qu'il agonisait, il culpabilisait. Alors même que son sang coulait, il s'excusait. Alors même que ses forces se dérobaient, il s'accablait ! Quelle horreur. Quelle infâmie. Quelle tragédie bonne à vomir ! Pourtant, ils le savaient ; ce carnage ne résultait pas de son fait… tout au contraire ! Lui seul avait fait front ! Lui seul avait assuré leurs défenses ! Lui seul était prêt à se sacrifier en leurs noms ! Mais eux ? Eux qui s'étaient toujours apparentés aux plus grands Dieux ?! Qu'avaient-ils fait, si ce n'est laisser leur royaume miséreux ? Si ce n'est se complaire vainement dans des espoirs orgueilleux ? Si ce n'est les abandonner entre les griffes d'ennemis belliqueux ?! Rien. Ils n'avaient rien fait. Et de par leur ignorance… leurs suffisance… et insoutenable arrogance… Drago, leurs familles, leurs hommes et leur royaume, en avaient payé les conséquences.

- Pardon… Continua-t-il entre ses dents.

Seigneur, n'avait-il donc pas assez souffert ? Sacrifié ? Perdu ? Et enduré ? Si… et même bien plus que la décence ne devrait en tolérer. Mais Rowena elle-même les avait abandonnés… à tel point que pour la première fois de sa vie, Luna en vint presque à tourner vers sa haine vers celle qu'elle avait toujours prié. Etait-ce juste ? Immature ? Et injustifié ? Peut-être… mais à quoi bon se torturer ? Le monde se faisait déjà une joie de s'en charger.

- Je… j'ai failli…

Bon sang… qu'il se taise.

- J'ai… j'ai manqué à tous mes devoirs.

Qu'il se taise ! Qu'il se taise ! Qu'ils se taise !

- J'ai trahi… votre confiance.

Non ! Non, non, non et mille fois non ! Mais rien n'aurait pu apaiser la douleur de sa honte…

- J'ai échoué. Finit-il par souffler.

Incapable d'en supporter davantage, Luna détourna le regard, son cœur s'éventrant plus que jamais devant une telle image : celle de l'homme qu'elle aimait… rongé par la honte et l'échec de son devoir. Comment fit-elle pour ne pas le prendre dans ses bras ? Pour ne pas arracher son genou à la carcasse de ce cadavre ? Et laver le sang de son visage des milles baisers dont se languissait son âme ? Elle ne sut pas, mais comprit que le moindre nouveau regard… la moindre tentation… la moindre nouvelle faille… suffirait à la briser en mille éclats.

- Et… et par ma faute, nos… nos ennemis sont sur le point de… de nous renverser.

Non. Ce n'était pas sa faute ; mais la leur… et bien que cet aveu lui coute toute sa fierté, Voldemort lui-même ne put le nier. Son Général avait tout fait. Mais lui… son Roi, l'avait abandonné.

Il avait échoué.
Il s'était laissé aveugler.
Il les avait laissés le renverser…
Et se faisant, son Royaume était sur le point de tomber.

Assommés par toutes ses révélations, les Sorciers se turent dans un jappement. Bien sûr, cela ne dura qu'une seconde ; mais pour eux ? Seigneur… ils crurent bien que l'éternité toute entière finirait par s'achever avant la fin de leur apnée. Un court instant synonyme de deuil et d'orgueils brisés, très vite supplanté par la naissance d'une rage comme le monde n'en ait encore jamais porté.

- Donne-moi leurs positions. Siffla le Mage sans respirer.

Il voulait attaquer. Il voulait les écraser. Il voulait se venger ! Mais dans son bouleversement, sa douleur et sa confusion, Hermione elle, n'entendit presque plus rien de son frère et de ses explications. Non, elle n'entendit qu'une chose : son cœur battant. Son désespoir montant. Sa rage latente. Sa honte grandissante. Son indignation hurlante. Sa peine lancinante. Son horreur poignante ! Oui… lentement… imperceptiblement… malicieusement… et presque délicatement, l'Initiée n'entendit plus que l'afflux de son propre sang, que l'avidité de son désir de vengeance, que l'insatiabilité de sa soudaine soif de sang et l'impatience de sa magie ô combien véhémente ! Une magie qui sans qu'elle ne puisse le contrôler, l'apaiser ou l'empêcher, ne tarda pas à renverser sa conscience…

- Les Solcogneurs assurent nos lignes de défense à l'Est, mais ils nous ont pris à revers à…

Avait-elle tort ? Devait-elle se calmer ? S'apaiser ? Se résonner ? Elle hésita à l'envisager… elle hésita à éteindre le feu dont son cœur commençait à brûler, à diluer le poison dont ses entrailles commençaient à regorger, à rejeter les milles pensées dont son esprit commençait à grouiller et à étouffer la vengeance dont son âme commençait à frissonner… mais comment aurait-elle pu à nouveau se regarder en face ? Comment aurait-elle pu se nommer elle-même Initiée de Mage Noir ? Ou ne serait-ce que respirer sans sentir la lame éraillée de la honte l'éventrer jusqu'au trépas ?! La réponse était simple. Elle ne pouvait pas… et se faisant, sa vengeance n'était pas un choix ; mais le digne dû que ses ennemis méritaient ce soir.

A croire qu'ils n'avaient orchestré ce cirque que pour connaître l'avènement d'un tel jour… celui où ils réveilleraient la cruauté de la Déesse Rouge.

- Le front principal se limite à la Cour du château mais les combats font rage à…

Etaient-ce qu'ils voulaient voir ? La rage de la Plus Grande Traîtresse de l'Histoire ?

- Les chemins d'accès la forêt sont tous condamnés, or je crois que…

Etait-ce ce qu'ils voulaient entendre ? La condamnation de Celle-qui-avait-souillé-les-Océans ?

- On peut essayer de les contrer, mais ils sont trop dispersés pour tous les localiser et…

Etait-ce ce qu'ils voulaient sentir ? La magie meurtrière de la Reine des Génocides ?

- Nos lignes Ouest ne sont pas encore tombées, ce qui voudrait dire que Bellatrix est parvenue à…

Elle ne savait pas. Elle ne savait rien. Elle n'écoutait rien ! Rien si ce n'est les murmures avides qui grandissaient en son sein ! Mais Drago se trompait… leurs ennemis ne les avaient pas encore surpassés. Et quand bien même cela serait vrai, elle préférerait mourir dans l'instant que d'y assister ! Car elle ne pouvait l'accepter. Elle ne pouvait le tolérer ! Et encore moins à la vue de son pauvre frère torturé… Une vision que plus que toutes les autres lui donna l'impression d'étouffer, et qui alors même que son regard commençait à se flouter, suffit à aliéner sa dernière parcelle d'humanité.

- Her... Hermione ?

Ils allaient le payer. Plus qu'une promesse, qu'une prière ou qu'un simple souhait, ce vœu était ancré… acté ! Décidé ! Entamé ! Car le sort était lancé et les Dieux ne pouvaient l'empêcher : leurs ennemis finiraient par hurler… Lentement. Douloureusement. Péniblement. Honteusement. Rageusement. Cruellement ! Chacun d'eux finirait par pleurer pour la douleur infliger à ce monde ! Chacun d'eux finirait par supplier pour qu'on abrège sa souffrance ! Chacun d'eux finirait par regretter le simple jour de sa maudite naissance ! Et ce serait elle, à qui ils imploreraient sa clémence ; une clémence qui bien sûr ne viendrait jamais, mais qu'elle ne manquerait pas de leur faire miroiter entre deux supplications… et exquis frissons.

- Hermione ?!

Oui… Aucun ne survivrait. Aucun ne s'en sortirait. Aucun n'y échapperait. Qu'ils soient sorciers ou centaures, furies ou minotaures, traîtres, lâches, résistants ou même ex-mangemorts, elle châtierait elle-même ceux leur ayant fait du tort. Elle torturait elle-même ceux ayant proférés leurs morts. Elle vengerait elle-même le salut de leur couronne ! Car ils n'avaient pas encore gagné… tout comme ils n'avaient encore jamais goûté à la véritable cruauté de l'Initiée.

- Mais… qu'est-ce que… qu'est-ce que tu fais ?! S'inquiéta Luna désemparée.

Ce qu'elle faisait ? Elle priait. Pourquoi ? Pour ne pas renoncer. Pour ne pas se défiler. Pour ne pas se laisser rattraper par la maudite bonté qui l'avait laissé se faire souiller par les mêmes énergumènes qui tentaient de les exterminer ! Oui… elle priait pour ne rien oublier. Ne rien nier. Ne rien se cacher. Car cette fois, il n'était pas question de culpabiliser… de se cacher derrière elle ne sait quel déni ou fausse niaiserie ! Non… elle voulait tout ressentir. Tout voir, tout palper, tout vivre ! Être consciente de chacun des prochains cris ! Se délecter de toutes ses prochaines victimes ! Et causer ce que Voldemort lui-même n'avait encore jamais osé accomplir : le génocide de tous leurs ennemis.

- Non ! Arrête !

Oui… ils allaient payer. Plus qu'une certitude, c'était acté ! Car dans son cœur, Hermione les avait tous déjà tué.

- Hermione !

Aussi, c'est animée d'une énergie nouvelle que la jeune femme emplit ses poumons de fumée ; une inspiration tout aussi inattendue que solennelle, dont l'étrange profondeur suffit à révéler sa fièvre…

- Initiée ?!

Elle ne l'entendit pas l'appeler ; pas plus qu'elle ne sentit ses mains s'enflammer, ses cheveux s'hérisser, son corps trembler et son regard se voiler. Non à cet instant, Hermione Granger ne vit rien d'autre que sa baguette tourner vers le ciel… et la marque des ténèbres qu'elle venait d'y faire apparaître.

- Mais… mais qu'est-ce… qu'est-ce que tu as fait ?! S'époumona Drago horrifié.

Elle avait pris une décision…

La seule digne de sa vengeance.
La seule digne de leur rang.
La seule qui leur éviterait une chasse à l'homme toute aussi inutile que profondément humiliante !

- Tu as…

Oui…

- Tu as…

Elle l'avait fait.

- Mais… mais…

Elle avait signalé leur position.

- Par les Dieux… balbutia Luna en détaillant les cieux.

Ainsi, la Résistance savait qu'ils étaient là.
Ainsi, Harry et Ron savaient que la Mort les attendait sur les berges du Lac Noir.
Ainsi, leurs ennemis savaient où aller chercher leur « victoire ».

- Laissons-les venir. Souffla-t-elle sans frémir.

- Mais… mais…

Trop faible pour argumenter et trop choqué pour comprendre ce qu'un tel acte impliquait, Drago s'étouffa dans ses propres mots ; avant que sa figure ne pâlisse à l'écho d'un nouveau tambour dans son dos… le dernier de l'ultime assaut.


A la lueur de la marque des ténèbres, un profond silence résonna dans l'air... Froid, profond et presque intemporel, on l'entendit se propager sous la morsure de l'hiver, semblable aux battements d'un cœur enfouie sous la neige ; semblable au dernier souffle d'un grand siècle... semblable à tout ce qui faisait envier le paradis aux enfers. Impérialement vêtu de murmures et de prières, on put presque voir son ombre se mouvoir sur les berges de sa démarche princière… danser langoureusement par-delà les flammes des tourelles… voltiger avec impertinence jusqu'aux cours et passerelles... avant de couvrir la terre de ses caresses charnelles. Etait-il céleste ? Rieur ? Mortel ? Ou simplement tricheur ? La question aurait pu se poser à l'écho de ses ricanements aguicheurs ; mais pas à cette heure… et certainement pas quand sa face était drapée du sceau de l'horreur. Pourtant et contrairement au macabre de son apparence, il n'en avait aucune honte. Pourquoi en aurait-il d'ailleurs ? Il n'était pas qu'un simple silence… il était le présent. Il était l'instant. Il était le fils bâtard du temps ! Celui-là même qu'on implore de ne jamais entendre, mais qui ne vit que pour assassiner les tympans, que pour clouer les cœurs et pétrifier les langues, que pour insuffler horreur et démence, et jouir de la terreur qu'inspire sa seule existence ! Oui… ce silence n'avait aucune honte. Aucun remords. Aucune conscience. Et c'est précisément dans l'éclat de sa divine insouciance, qu'il se propagea entre les morts, les tranchées et les marres de sangs. Vif, heureux et arrogant, c'est tel le prophète de l'indécence qu'il assiégea le ciel de son gong… gorgea l'air de ses frissons… et imbiba la terre de sa fronde. Imperturbable dans sa glorieuse ascension, c'est à peine s'il laissa le rugissement de l'incendie se faire entendre, allant même jusqu'à asphyxier le souffle des mourants et étouffer le tintement des dernières gouttes de sang. Etait-il jaloux ? Indubitablement… mais avait-il tort ? Ou raison ? Là encore, il aurait été facile de se poser la question ; mais il aurait été mensonge de feindre l'ignorance. Car ce silence n'était pas innocent… pas plus que celle qui l'avait convié à leurs réjouissances.

Et oui… aussi insensé soit-il, ce silence ne suscitait aucune surprise. Aucune gêne. Aucun soupir. Car telle la mort promise, c'est de la volonté d'une seule femme qu'il naquît ; et de la volonté d'une seule femme que le monde frémit…

- Hermione…

Oui. Cette femme… Hermione.

Stoïque dans l'ombre de la nuit, jamais on ne vit de silhouette plus immobile… de regard plus tranquille… de souffle plus docile… Semblable à une véritable statue de cire, sa peau avait blêmi, ses membres s'étaient raidis, ses tremblements avaient tari et ses traits s'étaient durcis tandis que ses pupilles semblaient découper l'obscurité de leurs contours rétrécis… Des pupilles aux couleurs d'incendie, dont la torpeur étonnement agile ne parvînt qu'à traduire le macabre du calme qui l'avait saisi. Un calme doux, étrange et presque paisible… un calme tout aussi résolu qu'effroyablement avide… un calme que même les morts ne purent égaler depuis leurs lits. Oui… Indifférente au sang, aux flammes, aux cris et à la nuée de cendres se collant négligemment à la sueur de son front et de sa poitrine, le corps de la jeune femme semblait dénué de la moindre vie. Couverte de boue, de sang, de poussière et de suie, c'est à peine si on percevait le palpitant de son pouls sous sa peau translucide, les frissons de son dos derrière les pans de sa chemise ou encore le bruissement de ses cheveux volant depuis les nœuds de son chignon rapide… Comme si la mort l'avait emporté dans la nuit, elle ne laissait que son imperceptible papillonnement de cils comme vestige de son émoi face à un spectacle si morbide ; comme vestige de son éveil face à une heure aussi terrible…

Hermione.

Mais qui était-elle donc ? Une simple sorcière d'apparence chétive et frêles membres ? Une simple jeune femme, aux yeux noisette et cheveux longs ? Une simple inconnue du monde, aux lèvres rouges et fièvre au front ? Oui… sûrement. Mais pas seulement… Savante. Ancienne résistante. Sorcière de hauts rangs. Elève du plus grand Seigneur des Ténèbres de tous les temps. Abomination. Déesse des plus grands bains de sang… Beaucoup avait un avis prononcé sur la question. Beaucoup lui avait donné un nom. Et beaucoup frissonnaient aux murmures de sa réputation…. Pourtant et bien que tous content un bout de son passé, rapportent une bride de son identité ou un écho des crimes qu'elle avait orchestré, aucun d'eux ne se rapprochait un tant soit peu de la vérité ; car aucun d'eux ne connaissait le véritable feu dont cette Déesse déchue brûlait…

Hermione.

Alors gare à celui qui se risquait à croire en l'innocence de ses traits… à l'imaginer désireuse de paix… sensible à la pitié et au fairplay… ou à ne voir en elle qu'une enfant naïve aux cheveux défaits. Cela aurait été une erreur grossière ; que dire, une véritable insulte à tous ceux qu'elle avait envoyé hurler en Enfer ! Car cette Déesse ne connaissait comme miséricorde que celle de Lucifer… celle-là même qu'il s'évertuait chaque jour à forger au cœur des plus odieux ténèbres et qui telle la Peste d'un nouveau siècle, descendait du ciel pour infester la terre de ses cris vermeils ; des cris qui déjà, la ravissait de leurs milles promesses.

Hermione...

Un prénom à l'étymologie guerrière.

Hermione…

Un prénom destiné a marqué cet ultime siècle.

Hermione…

Car c'était bien cette Hermione… cette simple sorcière… cette simple jeune femme… et cette simple inconnue… qui venait tout juste de commander l'ultime acte de la plus grande guerre que le monde n'ait jamais connu. Comment avait-elle fait ? En usant de l'arme la plus discrète : en usant d'un silence mortel… et elle n'en était pas peu fière. Car tel le tambour de l'enfer, le maître de Cerbère et le messager des plus obscures ténèbres, il ne suffit que d'une seule seconde à ce silence pour conquérir le monde de son écho cruel… pour insuffler stupeur et malaise… pour faire entendre la gloire de ses présages funestes… et pour n'offrir qu'une seule et unique promesse : l'avènement de la dernière guerre du millénaire.

Ainsi et face à son impassibilité, les jeux semblaient déjà faits. Il n'y avait nul besoin de combat, de sort, de cris ou de larme pour le deviner… cette femme déjà avait gagné.

- Hermione…

Assourdit par la beauté d'un silence aussi morbide, la jeune femme laissa échapper un sourire… avant que son Maître ne la rejoigne et ne l'accompagne d'un profond soupir. Inflexibles, fiers et insoumis, tous deux contemplaient le ciel sans jamais frémir, le monde s'embrasant majestueusement autour d'eux tandis que la marque des ténèbres ne cessait d'éblouir les cieux. Une marque synonyme de supplices odieux … une marque qu'elle avait elle-même passé sa vie à maudire entre deux plaintes orgueilleuses… mais une marque dont les promesses étaient des plus glorieuses.

- Tout est prêt.

A ses mots, Hermione sentit un violent frisson lui paralyser le dos. Prêt… oui, ils l'étaient. Qu'ils s'agissent de Luna, de Drago, de Connor, des pirates et des quelques mangemorts rameutés non loin du lac, tous étaient prêts à passer à l'attaque. Et tous étaient prêts à leur emboîter le pas…

- Mais leur cavalerie est toujours intacte… Souffla Voldemort à voix basse.

Leur cavalerie…

- Soit plusieurs milliers de Centaures encore prêts à se battre…

Plusieurs milliers de Centaures…

- Ce sera un carnage.

Un carnage…

Oui… il y en aurait un ce soir. Pourtant et contrairement à ce qu'on aurait pu croire, Hermione ne trembla ni d'effroi, d'horreur ou de désespoir… mais seulement de joie. Avait-elle tort de se réjouir ? De sourire ? De vouloir rire ? Et de faire preuve d'autant de légèreté à un instant aussi critique ? Elle ne savait pas… sûrement que sa nervosité devait prendre le pas sur son sens du cérémonial. Mais quand bien même, pourquoi ne sourirait-elle pas ? Après tout… Drago était en sécurité avec Luna, les navires avaient accosté sur les berges du Lac, son Maître se tenait à ses côtés, auréolé de ténèbres et de pouvoirs, et sa propre magie n'avait jamais été aussi impatiente de causer un massacre. Pourtant, autre chose suscitait son émoi… quelque chose de plus fort, de plus puissant et de plus sauvage ! Quelque chose qui sans qu'elle ne puisse le canaliser, transcendait son âme…

Sa rage.

Oui à cet instant précis, Hermione était animée par sa rage. Pire encore, elle ne voyait que ça ! Aveuglée, elle pouvait voir son étrange sourire entre les flammes. Enivrée, elle pouvait sentir son souffle putride assiéger le champ de bataille. Obsédée, elle pouvoir percevoir ses frissons par-delà la mélasse. Aliénée, elle pouvait sentir son cœur flancher sous sa poigne ! Oui… où qu'elle regarde, sa rage était là. Sur sa gauche. Sa droite. Ses arrières. Dans le noir. Sous ses pas. Il n'y avait nulle part où elle puisse lui échapper ! Rien qu'elle ne puisse faire pour l'éviter ! Rien qu'elle ne puisse seulement tenter ! Car elle était la proie… et sa rage l'avait harponné. Une rage omniprésente. Vivante. Oppressante. Exigeante. Un véritable fléau aux sourires trop larges et dents trop longues !

Une rage comme elle n'en avait encore jamais connu au monde.
Une rage comme jamais elle n'en éprouvait jamais plus de son existence.
Une rage face à laquelle l'Univers se savait vaincu d'avance…

Aussi, il ne servait à rien d'espérer quoi que ce soit d'elle... car ce soir, Hermione n'était plus elle-même. A vrai dire, elle n'était même plus Initiée, Traître ou Sorcière. Non. Ce soir, elle était Déesse. Et c'est sans le moindre regret, que cette même Déesse avait consciemment invoqué la plus effroyable des marques des Ténèbres… Bien sûr, un tel plan les avait tous laisser blême – en particulier Drago qui avait manqué de s'étaler par terre. Mais elle n'en avait que faire. Au contraire même ! Elle voulait que leurs ennemis les encerclent ; qu'ils viennent chercher leurs têtes... espèrent leurs offrir le goût de la défaite… leur prouvent la vaillance de leurs dessins grotesque et usent enfin de leur peu de cervelle ! Oui… elle voulait tout cela. Elle voulait les voir se battre. Se rassembler avec hargne. Galoper avec hâte. Sauter par-dessus les cadavres. Lever leurs armes. Et s'acharner à croire en leur victoire ! Plus encore, elle voulait ressentir leur haine ! Leur courage ! Espoir ! Et colère ! Voir leurs lèvres se fermer sur une ultime prière et leurs chaires frissonner à la seule idée de les éventrer de leurs glaives ! Oui… elle voulait tout ressentir d'eux en cette dernière guerre. Pourquoi ? On aurait pu se poser la question ; mais cela n'était-il pas évident ? Aucune vengeance n'était plus belle que celle qui brisait une illusion… et la leur n'en serait que plus sublime une fois souiller de leur propre sang.

Ainsi, c'est désireuse d'assouvir son plus bel affront qu'Hermione les attendaient avec impatience, heureuse et fière tandis que leurs tambours abreuvaient ses tympans de leurs nectar de haine et de violence… tandis qu'ils donnaient à leurs troupes l'ultime cadence qui les conduirait à leur déchéance.

- Initiée…

Frissonnant à la voix de son Maître, Hermione acheva sa prière dans un soupir muet… Sans surprise, lui non plus n'avait pas apprécié l'engouement de son impulsivité. Mais qu'est-ce qu'un plan minutieusement préparé aurait changé ? Dans la cour ou sur les berges, leur victoire serait la même…

- Il y a une chose que je dois savoir. Souffla-t-il tête baissée.

Lui jetant un rapide regard, Hermione se sentit frémir sous la puissance de son aura. Eclectique, vivante et implacable, elle dansait autour de lui tel un rapace prêt à fondre sur ses proies, ses pupilles d'ébènes luisant majestueusement dans le noir ; des pupilles d'un rouge écarlate, dont l'envoûtante beauté était sans égale… des pupilles d'une cruauté impériale, dont l'avidité se languissait déjà d'un futur carnage… des pupilles d'une profondeur abyssale, dont l'insondable frisson lui retourna l'âme. Magistral sous la lune d'ivoire, elle se surprit à détailler les ombres de son visage… le scintillement ambré de sa peau de nacre… la finesse inégalée de ses traits d'albâtre… la dureté des angles de sa mâchoire… la délicate repousse de sa barbe… les tressaillements fugaces de son poitrail… et le saillant des veines de ses bras. Un spectacle de force brute, de colère et de rage, dont la simple vue aurait presque pu lui arracher une larme. Seigneur… il semblait provenir d'un autre âge. D'un autre monde. D'une autre Histoire ! Tel un Dieu de feu et de combat, c'est l'Univers tout entier qui semblait prêt à gésir sous sa poigne… que dire, l'Olympe elle-même qui s'apprêtait à céder sous sa marche ! Et c'est à ses côtés, qu'elle assisterait à leur défaite astrale. Elle… son Initiée, sa fidèle, sa maîtresse, sa Déesse. Cella là même avec qui il débuterait son nouveau règne.

- As-tu peur ? Lui demanda-t-il du bout des lèvres.

Peur…

Un mot si vague, pour une émotion si vaine.
Un mot si lâche, pour une vocation si traîtresse.
Un mot si sale, pour une issue si mortelle.

Peur…

Non. Elle n'avait pas peur.
Pas peur de tuer.
Pas peur de condamner.
Pas peur de se venger.

Peur…

Si. D'une seule chose…
La seule qu'elle ne pouvait imaginer.
La seule qui réussissait à la hanter.
Elle avait peur d'échouer.

- N'ayez crainte Maître… fit-t-elle en regardant le ciel. Je ne vous décevrais pas.

Oui… il le savait déjà. Mais à l'heure où ils s'apprêtaient à écrire l'histoire, ces simples mots ne suffirent pas.

- Mais as-tu peur ?

Hésitant un court instant, Hermione frissonna au cri de son serpent. Elle ne pouvait lui mentir… mais aurait-elle l'audace de lui dire ?

- Oui.

Bien sûr, un tel aveu aurait pu sembler contradictoire… pourtant il ne l'était pas. Un détail qui étonnement rassura le mage. Et pour cause ! Il n'y avait que les fous, les inconscient et les sots, qui ne craignaient pas leur dernière aube.

- Bien... Dit-il.

Se tournant subitement vers elle, Voldemort la toisa d'un regard sévère. Bien plus grand qu'elle, Hermione manqua de chavirer en levant la tête vers son regard de braise, son frêle petit corps semblant s'écraser face à cette montagne de muscles suintant de magie éternelle. Seigneur… allait-il la congédier pour un aveu aussi déplacé ? La punir ? Ou la sermonner ? Elle se mit à le redouter. Pourtant et alors qu'elle s'attendît à le voir hurler ou l'assommer de directives endiablées, c'est dans l'élan d'une étonnante douceur qu'elle sentit sa main l'effleurer. Plus puissante et délicate que jamais, elle caressa sa joue dans une nouvelle apnée, encadrant alors son visage de sa paume enfiévrée ; une paume sèche, bouillante et bientôt ensanglantée, qui contre sa peau lui donna l'impressionna de se noyer. Haletant l'un en face de l'autre dans cet instant d'éternité, un nouveau silence les fit frissonner. Porteur de milles non-dits et secrets inavoués, ils y entendirent résonner tous les soupirs qu'ils avaient partagés… tous les plaisirs, baisers, sourires et touchers. Incapable d'y résister, tout se mit à danser devant leurs pupilles dilatées, mélange indescriptible de douceur et de passion effrénée...

Un bref instant pendant lequel ils sentirent le monde s'effacer, leurs âmes s'enlacer et leurs corps s'embraser.
Un bref instant que ni les Cieux, ni les Dieux ne purent endiguer.
Un bref instant pendant lequel même la guerre ne put rivaliser…

Aussi, c'est sans rien dire qu'Hermione sentit sa main descendre dans son cou avec légèreté, frôler son serpent dont son buste était orné et se glisser sur son ventre dans un bruissement étouffé… avant qu'elle n'empoigne brusquement sa taille d'une ardeur enfiévrée, et ne la plaque contre son torse dans un soupir étouffé.

- Quand cette guerre sera achevée… susurra-t-il d'une voix enrouée.

A bout de souffle dans sa fièvre grandissante, sa voix s'interrompit d'un soudain grondement. Symbole de sa rage, passion, frustration et de tout ce qu'il se languissait de lui faire entendre, il se mut en un râle sourd qui vînt mourir entre ses dents, épaississant alors l'écho harassant de leurs cœurs battant. Mais bien que son cœur ne flanche contre la chaleur de son torse puissant, la jeune femme n'eut besoin d'aucun mot pour le comprendre…

- Je sais. Dit-elle à sa suite.

Oui… elle savait. Et pour l'heure, c'était tout ce qui importait.

- Hermione… souffla-t-il.

C'est à cet instant que la terre se mit à trembler.

- … quelle que soit l'issue de cette guerre, notre histoire sera écrite avant le lever du soleil.

C'est à cet instant qu'un nouveau tambour se mit à résonner.

- Alors entends moi bien Initiée… trembla-t-il une dernière fois. Entend mon vœu et jure devant les Dieux de ne jamais t'y dérober !

C'est à cet instant que le temps sembla s'arrêter.

- Quoi qu'il puisse arriver…

Et c'est à cet instant que les Centaures se mirent à charger…

- L'aube se lèvera sur notre éternité.


Heyyyy !

Voilà le chapitre de la semaine ! Et l'étau se resserre ;) mais Hermione est décidée à se venger... et autant vous dire que cela promet ! Elle et son Maître sont prêts, mais où cela va-t-il les mener ? La guerre sera-t-elle véritablement facile à gagner ? Ou feront-ils face à une riposte qu'aucun n'avait imaginé ?

Vous le saurez la semaine prochaine, avec le premier véritable chapitre de combat de cette guerre (qui j'espère, va vous plaire!)

Je vous dis à très vite !
BIZZEEEEE