Courir. Tuer. Esquiver.
Oui… cette rengaine ne l'avait toujours pas quitté.
Courir. Tuer. Esquiver.
Incapable de la faire taire, elle résonnait… la hantait… l'obsédait…
Courir. Tuer. Esquiver.
A tel point que pendant de longs instants, Hermione n'entendit qu'elle.
Courir. Tuer. Esquiver.
Pourtant et pour la première fois depuis le début de cette guerre, la jeune femme avait autre chose en tête…
Courir. Tuer. Esquiver.
Quelque chose qu'elle n'aurait jamais soupçonné… imaginé… ou ne serait-ce qu'envisagé.
Courir. Tuer. Esquiver.
Quelque chose qui la terrifiait un peu plus à chaque Centaure qu'elle tuait, à chaque sort qu'elle lançait, chaque ennemi qu'elle désarmait et chaque pas qu'elle faisait… quelque chose, qui plus les secondes s'égrenaient, plus lui donnait l'impression d'étouffer, de tanguer et d'agoniser. Quelque chose qui bien qu'elle soit prête à tout pour l'éviter, semblait déjà les condamner…
Courir. Tuer. Esquiver.
Bon sang… elle devait se dépêcher. Elle devait courir plus vite ! Plus vite ! Plus vite !
Courir. Tuer. Esquiver.
Mais avec les Centaures qui surgissaient de tous côtés, les cadavres sur lesquels elle trébuchait, les fossés qui ne cessaient de se creuser et la vivacité d'un Connor enragé son poignet, jamais une simple course ne lui avait paru plus compliquée…
- Non ! Hermione ! Lâche-moi ! Lâche-moi !
Le souffle court, Connor hurlait dans l'éclat de ses joues rouges, incapable de contenir la rage qui le possédait face à Hermione et son regard fou… une rage à laquelle la jeune femme n'était pas sourde, mais qu'elle n'avait d'autre choix que d'ignorer sans détour.
- Mes hommes sont là-bas ! S'écria-t-il.
Oui… c'était vrai. Ses hommes étaient là-bas. Ses hommes se battaient avec hargne. Ses hommes luttaient corps et âme. Et oui ; peut-être que certains d'entre eux mourraient ce soir… bien sûr, une telle perspective ne la réjouissait pas. Au contraire même ! Mais qu'aurait-elle pu y faire ? Ils savaient tous dans quoi ils s'étaient engagés. Ils savaient tous ce qu'ils risquaient. Et plus important encore, ils savaient tous que dans le Grand Versant, la magie de l'île ne pourrait pas les sauver ! Ne leur restaient donc plus qu'à prier… et espérer que leurs siècles de connaissances, de voyages, d'attaques et de pillages acharnés suffisent à les protéger. Cependant, cela ne changeait rien à sa décision ; pas plus qu'à sa profonde conviction selon laquelle Connor ne devrait jamais avoir mis un pied dans ce maudit bain de sang… Ainsi, peut lui importait de passer pour la méchante, pour l'égoïste ou la folle furieuse ayant perdu la raison ! Elle n'avait que faire de ses jugements… que faire de son serment et que faire de ses hurlements ! Il aurait beau la haïr, il n'en restait pas moins un enfant ! Et elle préférait mille fois le voir la détester jusqu'à la fin des temps, plutôt que de devoir embaumer son corps et écouter des comptines latines pour son enterrement…
- Hermione !
C'est donc incapable de lutter, de la contrer ou de ne serait-ce qu'espérer pouvoir lui échapper, que le petit trébuchait maladroitement dans son sillage, la tête constamment tournée vers l'ombre de ses hommes combattant dans le noir… mais également vers ceux qu'il ne parvenait déjà plus à voir.
- T'as pas le droit de faire ça !
Peut-être pas… mais qu'importe. Qu'importe qu'il la haïsse après ça ; qu'importe qu'il hurle, la maudisse, lutte ou la frappe ! Qu'importe qu'il la supplie, s'indigne, pleure ou ne veuille plus jamais la voir ! Elle avait fait son choix… et quoi qu'il puisse en penser, il n'était pas négociable.
- Je t'en prie ! Lâche-moi !
Non… pas après ça.
- Hermione !
Pas après que Ron et Harry aient trouvé Luna.
Pas après que la Résistance ait enclenché son ultime coup bas.
Et certainement pas après qu'elle ait compris le but de cette odieuse mascarade…
- J'veux me battre ! J'veux me battre !
Oh, elle n'en doutait pas ! Pour preuve, il était parfaitement parvenu à se défendre jusque-là ! Mais bien qu'il soit Capitaine Pirate, qu'il gouverne un équipage, détienne un pouvoir Ancestral et sache parfaitement se battre, Hermione le savait ; si elle venait à le perdre dans cette guerre… si elle venait à le voir être frappé d'une flèche… être entravé dans un filet… ou être éventré d'un glaive… jamais elle n'y survivrait. Plus encore ! Elle préférait se trancher les veines, là maintenant ! Se poignarder et se vider de son sang ! S'allonger au sol et se laisser piétiner dans la boue et la honte ! Succomber et faire de ses berges sa propre tombe ! Oui… elle préférait mourir plutôt que de vivre sans ce petit garçon ; sans son sourire, ses légendes, ses yeux bleus et somptueux cheveux blond… sans sa frimousse, ses questions, sa curiosité et son intelligence… sans tout ce qui faisait de lui cet être empli de vie et d'innocence… sans tout ce qui faisait de lui cet enfant pour lequel son cœur aurait volontiers sacrifié jusqu'aux derniers de ses battements. Aussi, c'est sans lui avoir demandé la moindre autorisation qu'elle l'avait subitement agrippé par le bras, fait descendre de son immense carcasse et entraîné avec elle loin des filets de Spica, des combats et de ses pirates. Un acte qu'il – elle le savait – ne lui pardonnerait pas… mais dont l'urgence, la nécessité et le bon sens, avaient su évincer toute culpabilité de son âme.
- Lâche-moi ! Lâche-moi !
Non… elle devait le sauver. Elle devait le protéger. Elle devait l'éloigner du Fléau qui ne tarderait pas à la frapper ! Sous peine de quoi il serait condamné… et plus rien ne vaudrait la peine d'être sauvé. C'est donc sans jamais hésiter, dévier ou se retourner qu'Hermione naviguait ardemment entre les flèches et coups d'épées ; qu'elle courait entre les corps et les fossés, qu'elle s'attelait à rejoindre les berges d'un pas endiablé et qu'elle priait pour que Luna se soit trompée ! Oui… trompée. Plus qu'un espoir, elle implorait le ciel pour qu'un tel miracle lui soit accordé ; pour qu'aucune de ses craintes ne soit fondée et que les paroles de son amie ne soient rien de plus qu'une consigne sans gravité ! Mais qu'importe le Dieu à qui elle s'adressait, la jeune femme le savait… aucune de ses prières ne pourrait les sauver. Tout comme aucun de leurs pouvoirs ne pourrait contrer ce qui se préparait.
Courir. Tuer. Esquiver.
Seigneur… était-ce possible ?
Courir. Tuer. Esquiver.
Pouvaient-ils vraiment utiliser la magie du Cœur Prophétique ?
Courir. Tuer. Esquiver.
Pouvaient-ils vraiment causer un ultime Génocide ?
Courir. Tuer. Esquiver.
Eradiquer jusqu'au dernier de leurs ennemis ?
Courir. Tuer. Esquiver.
Et remporter la guerre de cette seule traîtrise ?
Courir. Tuer. Esquiver.
Non… elle ne pouvait l'accepter, le concevoir ou serait-ce que l'imaginer ! D'ailleurs, cela semblait impossible ! Fanatique ! Irréaliste ! Et foncièrement utopique ! Pour preuve, le cœur ne pouvait éradiquer quoi que ce soit à lui seul ! Non, il… il fallait l'allier à une puissante magie, révéler ses pouvoirs prophétiques, le manier de tel manière à ce qu'il obéisse et endurer un afflux de pouvoir tout aussi extrême que profondément surréaliste ! Que dire… Dantesque ! Astronomique ! Et quasi Biblique ! Or un tel exploit était impossible...
Courir. Tuer. Esquiver.
Oui… c'était impossible.
Courir. Tuer. Esquiver.
Impossible !
Impossible !
Impossible !
- Hermione !
Et pourtant… elle-même avait déjà accompli l'impossible.
- Lâche-moi !
Ainsi et bien qu'elle tente de tromper son esprit, de ne pas céder à la panique et de ne laisser aucun doute l'envahir, Hermione n'était pas stupide… ses litanies étaient hypocrites. Pire encore, elles étaient la preuve même de son déni, de sa mauvaise foi et de ses espoirs ô combien futiles ! En particulier quand elle pouvait encore voir les eaux du monde bouillonner du sang de ses millions de victimes… et sentir la douleur des cicatrices de son propre feu Apocalyptique.
- Tu nous emmènes où comme ça ?! Demanda-t-il.
Oui…
- Hermione !
Elle était parvenue à causer un Génocide
Elle était parvenue à détruire ses ennemis.
Et plus tragique encore… elle était parvenue à y survivre.
- Mais arrête-toi bon sang !
Un exploit qui avait bien failli lui coûter la vie, mais qui loin de l'irréalisable, avait déchaîné les affres d'une puissance inégalable, révéler un pouvoir de destruction totale et causé l'un des plus terrible cataclysme de l'histoire. Alors non, elle n'allait pas s'arrêter… elle n'allait pas ralentir, s'excuser ou se justifier ! En particulier quand la vie de tous ceux qu'elle aimait était désormais en danger…
- Ecoute-moi !
Transcendée, elle n'entendit pas Connor hurler.
Envoûtée, elle ne vit aucune de ses victimes s'écrouler.
Aliénée, elle ne se sentit même pas les sorts de morts l'effleurer…
Non, elle ne perçut rien de tout cela, son regard constamment vissé sur l'horizon et les berges du Lac. Et pour cause ! Elle devait trouver son Maître ; elle devait lui dire ce qu'il se préparait ! Mais plus important encore, elle devait retrouver Luna... Elle devait la sauver des griffes de ses immondes profanes ! Elle devait les mettre en sécurité avant qu'ils ne parviennent à mettre leur plan en marche ! Elle devait les sauver de l'horreur qui s'apprêtait à s'abattre ! Mais pendant qu'elle y pensait, le monde continuait de se battre ; à tel point que pendant un court instant, elle ne vit pas un sorcier surgir brusquement sur sa droite...
- Hermione !
Vêtu d'une cape et armé d'un large coutelas, l'homme se dressa devant eux avant même qu'elle ne comprenne son attaque, sa lame s'élevant macabrement sous l'impulsion de sa haine bestiale… une lame qu'Hermione vit fondre sur elle sans le moindre cérémonial, et dont les tranchant n'appelait qu'à déchiqueter ses entailles.
- Attention !
Esquivant son coup de justesse, Hermione s'empressa de projeter Connor loin d'elle, priant alors que pour que l'homme ne le voit pas rouler entre les ronces et charniers mortels. Une prière qui n'eut aucun mal à être exhaussé, mais qui ne lui épargna pas un nouvel assaut empressé. Désireux de la voir saigner, il l'asséna de coups qu'elle peina à parer, lui jeta des sorts qu'elle eut tout juste le temps d'éviter et réussit même à lui briser le nez d'un coup de coude bien placé. Une ardeur et une efficacité qui, elle ne pouvait le nier, forçaient au respect… mais dont la gratuité ne tarda pas elle aussi à l'enrager. Qui était-il ? Pourquoi l'attaquer ? D'où venait-il ? Et pourquoi cherchait-il à la tuer ? De telles questions auraient été censées… mais la guerre ne connaissait aucune pitié. Ainsi et bien qu'elle soit à terre, en sang et en apnée, c'est dans l'élan d'un jeu de jambe improvisé qu'Hermione roula sur une dépouille à moitié déchiquetée, parvînt à le faire tomber d'un croche-pied et se redressa avant même qu'il ne puisse la contrer. Surpris par sa chute, elle le vit brusquement cracher une gerbe de boue, un immense filet de bave rougeâtre lui barrant macabrement les joues ; pourtant et alors même qu'il s'étouffait dans sa toux, c'est son couteau toujours fermement tenu qu'il s'attelait déjà à se mettre à genoux. Bien sûr, il était prêt à charger, à bondir sans hésiter et à la frapper de son courroux ! Mais elle était la Déesse Rouge… ainsi et avant même qu'elle ne réalise, Hermione s'était déjà jeté sur lui. Le regard fou, elle lui brisa la mâchoire d'un coup de poing bien senti, les fit tous deux rouler dans la boue avec furie, l'agrippa par le cou d'une poigne irascible, lui retourna une rotule à la seule force de ses cuisses et parvînt même à lui balafrer la joue en retournant son couteau contre lui… mais c'était sans compter la force physique de son ennemi, qui dans une ultime tentative de survie, parvînt à l'assommer d'un violent coup de tête et lui faire lâcher prise. Sonnée, Hermione retomba au sol sans respirer, le front méchamment gonflé tandis que ses tempes commençaient déjà à bourdonner… un instant de vulnérabilité hasardeux dont l'homme profita pour lui jeter de la boue dans les yeux et l'agripper sauvagement par les cheveux. Tirée vers le haut, Hermione s'entendit hurler sous la douleur de son crâne, une main de fer cherchant déjà à l'étrangler de sa poigne… un instant que Connor ne put contempler sans hurler d'effroi, et dont le revirement de situation lui retourna l'âme.
- Hermione !
Prise au piège, la jeune femme sentit ses pieds osciller au-dessus du sol sans toucher terre, ses joues rougir sous le manque d'oxygène, sa vue se voiler d'une obscurité nouvelle et son cou prêts à se briser sous la grippe de ses serres. Incapable de contrer sa poigne herculéenne, c'est à peine si elle eut la force d'haleter, sa trachée s'écrasant un peu plus à chacun de ses tremblements enragés…
- Hermione !
Il allait tuer. Elle pouvait le sentir, il allait la tuer ! Du moins, il y serait arrivé… si Connor n'avait pas surgi dans un cri de possédé.
- Noli aem tangere ! « Ne la touche pas ! »
Se jetant sur lui avant même qu'il ne puisse riposter, l'homme s'écroula dans un bruissement de chaire tranchée, son mollet sauvagement empalé par sa lame acérée. Tombant à la renverse, Hermione s'étouffa sous la violence de son appel d'air, cracha poumons, sang et glaires et manqua de vomir sous les battements de sa migraine… pourtant et alors que la vue oscillait, la jeune femme ne parvînt pas comprendre ce à quoi elle assistait. Balloté d'avant en arrière, Connor hurlait, frappait et s'acharnait, rageusement accroché au dos de son adversaire. Indifférent à sa taille et coups disparates, il le tira en arrière, l'étrangla grâce au manche de son glaive, lui arracha violemment une oreille et parvînt même à le mettre à terre. Une diversion face à laquelle Hermione se sentit avoir un vertige, mais qu'elle s'empressa de saisir… Aussi et alors même que l'homme roulait désespérément sur Connor dans l'espoir de lui faire lâcher prise, la jeune femme accourut au-dessus de lui ; un geste à l'apparence futile, qui suffit cependant à ce que l'homme se pétrifie subitement dans un hoquet surprit. Un hoquet teinté de sursauts imperceptibles, de murmures inaudibles et de terreur morbide ; un hoquet qu'Hermione écouta sans frémir, bouger ni même tressaillir… mais un hoquet qui s'évanouit presque aussitôt qu'elle eut arraché son cœur de sa poitrine.
- Par Marise… souffla Connor ahurit.
Abandonné par la vie, l'homme rendit l'âme sans un cri, le poitrail éventré et le regard dans le vide… Mort avant même de se sentir partir, sa tête se renversa en arrière, ses membres se ramollirent, ses yeux se révulsèrent et son ultime souffle se fit inaudible. Un spectacle lent, fatidique et étonnement cruel, qui en d'autre circonstances l'aurait probablement accablé de regret… mais qui, alors même qu'elle empoignait fièrement son cœur encore bouillant de vie et d'ardeurs guerrières, ne parvînt qu'à lui arracher un rictus amer. Et pour cause… aucune honte ne l'habitait ; aucun tourment, aucun doute, aucun remord ne l'effleurait. Ne restait que son souffle haché, sa migraine et les douleurs de sa gorge tuméfiée. Des sensations lointaines et éphémères qu'elle ne tarderait pas à oublier… tout comme le visage de cet inconnu dont elle ne connaîtrait jamais l'identité. Aussi, c'est dans l'écho d'un soupir soulagé que la jeune femme s'agenouilla lentement à terre, l'esprit confus et les tempes bourdonnants de fièvre ; du moins, jusqu'à ce que les circonstances de sa mort ne la fassent brusquement manquer d'air…
- Con… Connor ! Connor !
Faible, sifflante et éraillée, sa voix parvînt à peine à dépasser le seuil de ses lèvres, résonnant alors comme un gémissement muet en dépit de la terreur qui l'agitait. Une terreur comme elle n'en avait encore jamais éprouvé et dont l'étau lui donna la nausée ; mais une terreur qui atteint son paroxysme quand elle dégagea le corps de l'homme sous lequel Connor gisait… et qu'elle le vit saigner.
- Oh… oh mon Dieu ! Tu… tu es blessé ! Tu es blessé !
Horrifiée, Hermione le redressa sans respirer, les yeux exorbités face à la mare de sang qui le couvrait ; un sang que même Connor fut surpris de constater.
- Je… j'crois pas que c'est le mien. Dit-il essoufflé.
Mais le seul doute suffit à l'aliéner… Incapable de se calmer, de l'écouter ou de se raisonner, Hermione défie sa chemise entre deux tremblements empressés, essuya la boue, tâta son torse et examina son cou d'un regard agité, le cœur au bord de l'arrêt devant la myriade d'éclaboussure qui le bariolait. Mais quand bien même celles-ci commençaient déjà à s'effacer, jamais elle ne parvînt pas à apaiser l'état de choc qui la possédait...
- Ça va… j'te jure, c'est pas le mien !
Pas le sien.
Pas le sien.
Pas le sien.
- Hermione, je vais bien… Assura-t-il.
Bouleversée, Hermione sentit son cœur flancher quand ses petites mains encadrèrent son visage. Des mains couvertes de boue, de sang et cloquées par le manche de son arme… mais des mains si douces, si présentes et délicates, qu'elles suffirent à la faire fondre en larme.
- Oh mon dieu… Connor…
Front contre front, nez contre nez et cœur contre cœur, la jeune femme se sentit se noyer dans son regard ; dans ses grands yeux bleu marine, porteurs de tant de force et de courage. Seigneur… comment faisait-il pour être aussi brave ? Pour garder espoir ? Et ne jamais céder à la fatalité de cet intarissable cauchemar ? Elle ne savait pas… mais ce qu'elle savait en revanche, était que Connor l'avait sauvé d'une mort certaine ce soir. Ignorant les risques et tout bon sens, il avait surgi couteau en avant, avait attaqué sans hésitation, s'était battu la rage au sang et était même parvenu à arracher l'oreille de son ennemi d'un seul coup dent. Un détail qui ne manqua pas de l'horrifier devant les morceaux de chaires sanguinolents encore collés à son menton, mais dont le seul symbole suffit à lui retourner le ventre. Par tous les Dieux… il aurait pu mourir. Par sa faute, il aurait pu mourir ! Et ce alors même qu'elle l'avait arraché à son équipage pour garantir sa survie.
- Oh Connor… je… je suis désolée. Hoqueta-t-elle désespérée. Tellement… tellement désolée si… si tu savais.
N'en supportant pas davantage, le petit garçon l'enserra avec force entre ses bras, la laissant alors exploser en sanglot contre son poitrail. Incapable de se contenir, Hermione s'accrocha à lui comme à sa propre vie, ses larmes redoublant plus que jamais quand elle l'entendit la rassurer de quelques paroles latines. Aussi, c'est entre deux sursauts fébrile qu'elle inspira son odeur à pleine narines, caressa ses cheveux, reboutonna sa chemise et chercha désespérément à chasser les mirages d'horreur qui avaient assailli son esprit… mais également à s'assurer qu'elle n'avait pas sombré dans la folie… et qu'il était bien là… contre elle… et en vie.
- Tu vas bien… tu vas bien… tu vas bien… se répéta-t-elle.
- Je vais bien…
Oui… il allait bien.
- Mais et… et toi ? S'exclama-t-il brusquement.
Se détachant d'elle dans un frisson, Connor regarda son cou tout aussi anxieusement. Gonflé et méchamment violacé, les mains de son agresseur se dessinaient lentement entre deux hématomes bleutés. Un dédale de couleurs qui ne tarderaient à s'intensifier, et dont les traînées sanglantes et griffures écorchées l'ornaient déjà de leur macabre collier. Pourtant et à cet instant précis, rien n'aurait pu davantage l'indifférer…
- Ce n'est rien… déglutit-t-elle. Ne t'inquiète pas pour moi.
- Mais…
- Je t'assure. On va bien… et on n'a rien.
Peu convaincu par le sifflement de sa voix, Connor essuya les larmes et la boue qui striaient son visage… un autre petit geste qui manqua de lui retourner l'âme.
- Tu… tu l'as tué. Lui-dit alors sans respirer.
Peinant à ordonner ses pensées, Hermione jeta un regard troublé sur le cadavre étendu à leurs côtés. Immobile, froid et dénué de toute vie, elle ne vit de lui qu'un corps qui ne tarderait pas à être piétiné par ses frères ; qu'une masse informe qui ne serait jamais convenablement mis en terre… qu'un morceau de chaire qui n'aurait comme repos que la certitude de sa propre défaite… qu'une nouvelle âme envoyée en Enfer…
- Je… je…
Oui… elle l'avait tué ; la preuve étant le cœur sanglant aux artères déchirées qu'elle avait précipitamment jeté à la volée. Un cœur qu'elle avait senti palpiter, vivre et lutter ; un cœur emplit de volonté, de force et combativité… mais un cœur que rien n'avait pu sauver. Aussi et alors qu'elle s'attelait déjà à détourner le regard, à essuyer le sang qui recouvrait ses mains et à calmer la nausée qui lui enserrait les entrailles, la jeune femme senti un étrange frisson la pétrifier sur place. Un frisson accompagné d'une question qu'elle ne s'était pas posée jusque-là… mais dont l'énigme la terrifia.
- Hermione ?
Par Merlin… quand avait-elle ensorcelé son poing ? Quand avait-elle commencé à arracher des cœurs à pleine main ?! Quand avait-elle entamé ce rite assassin ? Et si certains de ses ennemis avaient péri ainsi, combien ?! Elle n'aurait su dire, son esprit encore trop embrumé pour se souvenir d'un détail aussi anodin ; pourtant, elle le comprit… à la couleur de sa paume carmine et aux résidus de chaires collés contre sa peau aride, ce cœur devait être le centième d'une longue liste.
- Je… je suis désolée que tu aies dû assister à… à ça. Fit-elle alors à voix basse.
- Oh non ! Le sois pas ! S'exclama-t-il. C'était… c'était…
Horrible.
Innommable.
Sadique.
Abominable.
Monstrueux.
Impardonnable.
- C'était... incroyable !
Déconfite, Hermione s'entendit balbutier devant la joie de son sourire. Seigneur… avait-elle bien entendu ?!
- Qu… quoi ?
- Oui ! S'extasia-t-il. J'ai déjà vu des hommes être décapités, empalés, brulés, écartelés, se vider de leur sang et même être dépecés ! Mais ça ! J'te jure c'était… wow !
- Mais… mais, je…
Wow ?! Mais… non ! Non, arracher un cœur n'avait rien de « Wow » ! Au contraire, même ! C'était fourbe, cruel et barbare ! Un crime tout aussi vicieux qu'infâme ! Quelque chose dont chacun ne devrait éprouver qu'honte et dégoût incommensurable ! Et pourtant, jamais elle ne vit autant de fierté briller dans son regard…
- J'savais pas que tu savais faire ça ! En fait… j'savais même pas que c'était possible !
- Eh bien… je… enfin, c'est que…
- Tom est au courant ?!
Au courant ?! Eh bien, dans la mesure où sa première tentative avait causé une extinction et transformé les océans en un bain de sang, il aurait été difficile de le lui cacher bien longtemps...
- Euh… oui mais…
- Tu pourras m'apprendre ?! Demanda-t-il subitement.
Lui… lui apprendre ?! Mais… mais… Grand Dieu, il était grand temps qu'elle refasse son éducation.
- Non ! S'exclama-t-elle.
- Mais…
- On n'en parlera plus tard ! Viens, il faut partir !
Oui… car la guerre était encore loin d'être finie.
- Mais on va où comme ça ?! S'agaça-t-il.
- Sur les berges !
- Les berges ?! Mais pourquoi ?!
Parce qu'avec un peu de chance, Luna serait encore en vie.
Parce qu'avec un peu de chance, elle pourrait la convaincre de s'enfuir avec lui.
Parce qu'avec un peu de chance, elle pourrait les sauver d'un sort fatidique.
- Je n'ai pas le te temps d'expliquer ! Viens, on va devoir transplaner ! S'écria-t-elle brusquement.
- On va quoi ?!
- Accroche-toi à moi !
- Mais…
Mais avant même qu'il ne puisse réagir, Hermione l'avait déjà saisi… et la magie les engloutit.
Hello tout le monde ! Désolé pour le retard, mais voilà le nouveau chapitre !
Il est un peu plus court, mais je tenais à écrire cette scène ! J'espère qu'elle vous plaira !
A très vite !
