Hello tout le monde ! Je ne suis pas sûr de pouvoir publier la semaine prochaine, alors dans le doute, je vous publie deux chapitres cette semaine ! ;) J'espère qu'ils vous plairont !
- Il est là !
Des cadavres par centaines…
- Vite !
Des amas de membres brûlés, de pelages et de chaires…
- Tom !
Des hurlements dignes des Enfers…
- Connor ! Attention !
Des âmes s'évanouissant entre les braises…
- Tom ! Tom !
Des fantômes agonisant entre les volutes de leurs spectres…
- Tom !
Envoûté par les ardeurs de sa fièvre, Voldemort n'entendit aucun des hurlements qui s'élevèrent. Ni ceux de Connor, qui s'époumonait les mains plaquées sur ses oreilles ; ni ceux d'Hermione, qui zigzaguait entre les cadavres jonchant la terre… ni même ceux de ses victimes, les lèvres psalmodiant une ultime prière. Non… il n'entendit rien de tout ça. Rien de ses Feudeymon embrasant le ciel, rien de ses nuages de cendre intoxiquant l'air, rien de ses Avada déversant milles ténèbres ou encore de ses coups d'épées et décapitation de têtes ! Mais à une telle heure, comment lui reprocher cette surdité passagère ? Cette cécité guerrière ? Cette frénésie sanguinaire ?! D'ailleurs, comment aurait-il seulement pu surpasser cette dernière ?! Il n'entendait que les battements de la guerre… et les doux mots qu'elle lui susurrait aux oreilles.
- Avada Kedavra !
Oui… il n'entendait qu'elle. Et à cette heure, rien ne comptait davantage que sa gloire mortuaire.
- Endoloris !
Rien si ce n'était peut-être l'étrange beauté de ses bras carmin ? Le pouvoir de destruction si salvateur qui reposait entre ses mains ? Et la certitude qu'aucun de ses ennemis ne verrait un lendemain ? Possible ; mais de tels questionnements étaient vains. En particulier avant l'avènement du nouveau matin… autrement dit, le seul qui redéfinirait les lignes de leurs destins.
- Mortamem Maxima !
Aussi et bien qu'ils viennent tout juste de transplaner à ses côtés, que Connor ne cesse de hurler, d'agiter les bras et de s'impatienter, Hermione ne parvînt plus à respirer. Immobile, prostrée et en apnée devant la pile de cadavres qui s'amoncelait, elle sentit ses jambes se pétrifier avant même que l'odeur des charniers ne lui monte au nez. Un bref instant pendant lequel son regard se mit à le détailler… mais qui la terrifia presque davantage que tout ce qui se préparait.
- Revexa !
Seigneur… il semblait si changé. Si fou. Si aliéné... et en même temps si familier.
- Impero !
En sueur, en sang et en furie, son corps semblait fumer dans l'obscurité de la nuit. Galvanisé par la vue des charniers et autres amas de corps gisant devant lui, ses muscles luisaient sous le sang de ses ennemis, ses veines se dilataient sous la puissance de sa magie, son visage se tordait entre deux tâches de suie et son aura se décuplait un peu plus à chaque attaqua-suicide… Comme si la mort s'était emparée de lui, ses boucles autrefois ébènes s'étaient revêtues d'une parure carmine, ses joues s'étaient creusées d'une pâleur livide, ses lèvres si charnues s'étaient fondues en un indescriptible sourire et son propre regard s'était mû en un brasier extatique… un brasier frémissant, dangereux et imprévisible, qui alors même que ses pupilles contemplaient le monde de leurs arpons invisibles, cherchait déjà de nouvelles cibles. Oui… à cet instant précis, il n'existait en son âme plus aucun respect pour la vie. Ne substituait alors que cette scène à l'effroi toute aussi terrible que fatalement biblique ; que ce tableau à la symbolique Apocalyptique… que ce portrait digne des ébauches de l'Anti-Christ.
- Sanguinum !
Se fourvoyait-elle ? Exagérait-elle ? Ou se laissait-elle emporter par des émotions désuètes ? Peut-être… mais aucune remise en question ne saurait apaiser le macabre de sa vision. Et pour cause ! Il était en transe. En folie. En passion ! En euphorie ! Et en tout ce dont son cœur n'avait jamais cessé de se languir ! Une évidence que rien n'aurait su tarir, et qui se concrétisait davantage aux cris de ses ennemis…
- Volverme !
Oh bien sûr, elle ne devrait pas être surprise… pas plus que choquée ou démunie ! Après tout, elle l'avait déjà vu tuer sans pitié, combattre tel un possédé et se réjouir de la bêtise de ceux qui s'acharnaient à l'affronter ! Mais jamais encore elle ne l'avait vu ainsi...
- Endoloris !
Loin du Seigneur sadique à qui elle s'était livrée, de l'Homme d'esprit qu'elle avait appris à respecter, ou encore de l'Amant possessif qu'elle s'était désespérément mise à aimer, l'individu qui se tenait devant elle ne lui inspira que peur et cruauté… que vices et obscénités… que douleurs et monstruosités ! Non pas qu'elle puisse l'en blâmer… après tout, les règles avaient été brisées. Son château avait été attaqué. Son territoire profané ! Et son autorité piétiné ! Nul doute que de tels affronts devaient être justement châtiés ! Mais cette quête de justice improvisée ne reflétait qu'une face émergée ; une face bien peu crédible au regard de celle restée cachée, mais qui ne se cessait de se gausser grassement dans le confort de l'obscurité… celle de la vérité.
- Avada Kedavra !
Or, il n'en existait qu'une : la guerre était l'emblème de sa plus profonde nature.
- Orbotem !
Une nature violente, destructrice et indéniablement emplit de vices, qui rayonnait majestueusement sous le sceau de la plus exquise des ignominies…
- Sectum Sepra !
Et pourtant, Hermione ne pouvait le nier… en dépit de son effroi, de sa terreur et de sa nausée, c'était bien le même Seigneur pour lequel elle aurait été prête à se damner ; c'était bien le même Homme pour lequel elle aurait été prête à tout donner… et c'était bien le même Amant, pour lequel son cœur était prêt à toutes les atrocités. Une impression étrange, conflictuelle et profondément déplacée, qui bien que l'heure ne soit pas aux questions et débats torturés, se mit brusquement à la hanter… à peu près autant que le rire cinglant dont sa gorge se mit à trembler.
- Levores !
Un rire qu'elle n'avait jamais entendu aussi… aussi…
- Bombarda !
Heureux…
- Trepasio !
Oui… c'était le mot. « Heureux. » A cette heure de mort, de malheur et de chaos, son Maître semblait plus heureux qu'il ne l'avait jamais été en plus de cinq ans de règne, de victoire et de repos. Non pas qu'elle soit légitime à le juger, à s'indigner ou ne serait-ce qu'à prétendre ne pas s'en être doutée… mais jamais sa joie ne l'avait autant troublé.
- Avada Kedavra !
Ainsi et bien que son propre esprit soit à l'arrêt, Hermione ne fut pas surprise de le voir les ignorer ; de le voir exterminer tout un escadron sans même sourciller, fendre le sol d'un sortilège informulé et éventrer un Centaure sans même le regarder. Car elle le savait… la guerre l'avait toujours animé. Habité. Elevé. Et possédé. Plus assourdissante qu'un murmure entre deux pensées, plus troublante qu'une veille connaissance oubliée et plus possessive qu'une amie un peu trop empressée, la guerre était la raison même pour laquelle il régnait… se battait… et existait. Semblable à une mère qui l'aurait adoptée, à la gardienne de tous ses désirs inavouées et au foyer de son âme décharnée, elle berçait sa soif de sang de ses grands bras drapés de blanc… baisait tendrement son front entre deux promesses de triomphe étincelant… souriait à ses crimes de ses belles lèvres vermillon… et le couvrait un peu plus d'amour à chaque hurlement.
Oui… c'était désormais évident.
La guerre était cette mère dont il avait rêvé étant enfant.
Cette entité protectrice qui s'émouvait de le voir si grand.
Ce regard larmoyant qui se ne détournait jamais malgré le temps.
Ces bras aimant dont il ne quitterait jamais le sein de son vivant…
- Tom !
Mais comment l'expliquer ? Comment dire à Connor qu'il ne servait à rien d'hurler ? De s'acharner ? Ou de ne serait-ce qu'espérer ? En cet instant précis, le Tom qu'ils connaissaient les avaient quittés. Ne restait que le fils prodigue de cette Déesse affamée…
- Tom !
Ainsi, plus rien ne comptait…
- Ma… Maître !
Rien si ce n'est les vrombissements de sa magie.
- Bon sang…
Le goût du sang qui embrasait ses papilles.
- Tom !
Les cris de ses ennemis tombant dans l'abîme.
- Tom !
Et la certitude qu'il serait invaincu sous le regard de sa tendre génitrice…
- Il… il ne nous entend pas ! Désespéra Connor.
Non… et il ne les entendrait certainement pas avant longtemps. Et pourtant, ils ne pouvaient pas attendre… ils devaient lui dire ce que préparait la Résistance ! Lui faire part de leur plan et de la gravité de la situation ! Mais il se dressait par-delà un véritable No mans 'land… que dire ! Un infranchissable champ miné de Centaures agonisant, une montagne de cadavres gisant et une rivière de sang ! Bien entendu, transplaner jusqu'à lui aurait été une solution ; mais l'aura qu'il dégageait était imbibée d'une magie foudroyante… à tel point que tout ce qui l'approchait était instantanément réduit en un tas de cendre. Certes, elle pouvait toujours tenter sa chance ; prier le ciel pour qu'il reconnaisse la magie de son serpent et ne l'éventre pas dans l'instant ! Mais même si cela marchait, il aurait fallu pour cela qu'elle laisse le petit garçon… or, une telle idée était tout bonnement hors de question. Aussi, c'est le souffle court et le cœur battant qu'Hermione se mit contempler l'horizon, indécise et terrifiée par l'inaccessibilité de son Maître et sa rage aveuglante. Bon sang… elle devait trouver une solution ! Une solution ! Une solution ! Mais tout était si bruyant, si terrible et si violent, qu'elle parvenait à peine à échafauder le moindre raisonnement…
- Ne t'inquiète pas… Lui dit-elle tremblante. Ça va aller ! On… on va y arriver !
Une idée.
Une idée.
Une idée.
- On va y arriver…
Il lui fallait une idée !
- Il… il faut juste que…
Mais autour d'eux, la guerre continuait sa glorieuse ascension ; et avec elle ses pièges et artifices sanglants…
- … que je réfléchisse à… à…
Terrassée par une onde de choc assourdissante, Hermione n'entendit de sa phrase que son propre hurlement ; un hurlement de douleur, de surprise et de peur… un hurlement qui résonna jusqu'aux tréfonds de son cœur… mais un hurlement rapidement suivit d'un fracas dévastateur. Projetée au sol sous la violence d'un souffle ardent, son dos s'arqua violemment, sa peau s'hérissa douloureusement, sa tête dodelina dans un craquement et ses muscles se tétanisèrent instantanément, son corps alors réduit à l'effigie d'un pantin volant. Un instant de chaos pendant lequel elle entendit Connor s'écrier et le monde s'arrêter… avant qu'une étrange odeur de brûlé ne commence doucement à l'embaumer. Seigneur… qu'était-il arrivé ? Comment avait-elle pu se sentir si brutalement soulevée ? Sur quoi était-elle retombée ? Pourquoi se sentait-elle écrasée ? Elle tenta de se le demander… d'y réfléchir et de se reconnecter à la réalité, ses yeux papillonnant désespérément sous les amas de cendre et terre retournée. Mais c'est à peine si elle parvenait encore à respirer. Incapable de parler, de bouger ou de comprendre ce qu'il venait de se passer, c'est aux restes d'une carcasse éventrée qu'elle sentit ses mains s'agripper, ses membres tremblant plus que jamais à mesure que sa conscience vacillait. A moitié aveugle derrière ses cheveux détrempées, elle s'accrocha à tout ce qu'elle crut deviner, tâtât les corps dans l'espoir de pouvoir grimper, grimaça sous l'étau d'une nouvelle nausée et se mordit la lèvre à la douleur de spasmes incontrôlés. Bien entendu, il avait fallu que sa prothèse soit touchée… mais par quoi ? Grand Dieu, par quoi ? Et pourquoi ? Qu'est-ce qui s'était passé ?! C'était pourtant évident… quelque chose avait explosé ; quelque chose de bien trop proche pour ne pas manquer de les tuer.
- Hermione !
Par Morgane… Connor.
- Hermione !
Il hurlait… elle pouvait l'entendre ! Il hurlait ! Mais pourquoi ? Etait-il blessé ? Avait-il été touché ? Percuté par un débris ? Ou était-il attaqué par un ennemi ? Elle commença à l'imaginer… à le voir blessé et démuni quelque part dans un charnier, l'appelant désespérément dans l'espoir d'être sauvé ; à l'entendre s'écrier dans l'obscurité, perdu entre les morts et la peur de ne pas être retrouvé ! Oui… elle le vit piétiné, battu, mort et torturé. Elle le vit transpercé, brûlé et massacré ! A tel point que ce furent ces seules pensées, qui parvinrent à la garder éveiller.
- Connor !
Elle devait le trouver. Elle devait le trouver ! Elle devait le trouver ! Ainsi et bien que sa vue commençait à se brouiller, que ses tympans sifflait et que sa tête bourdonnait, c'est dans l'élan d'une ultime détermination qu'elle commença à ramper. Oh bien sûr, son corps souffrait, ses poumons agonisaient, sa migraine la martelait et sa prothèse l'accablait… mais elle n'avait pas le temps d'y penser. Elle n'avait pas le temps de hurler. Elle n'avait pas le temps de s'examiner et de s'assurer qu'elle survivrait ! Non, elle n'avait pas le temps de s'en soucier... mais juste assez pour essayer de le sauver.
- Connor !
Animée des dernières forces qui lui restaient, la jeune femme ne sut pas comment elle fit pour se redresser ; pour passer outre la douleur de sa prothèse à moitié disloquée et ramper par-dessus les corps qui l'entourait. A vrai dire, elle ne se posa même pas la question, le regard toujours tourné vers le petit garçon qu'elle voyait allongé à l'horizon. Un petit garçon qui s'était retrouvé projeté dans un fossé sanglant, et qui recroquevillé par la violence de ses frissons, hurlait la tête coincée entre ses jambes.
- Connor !
Oui… elle pouvait l'atteindre ! Elle pouvait y arriver ! Elle pouvait y arriver ! D'ailleurs, il était là ! Juste à côté ! A un mètre à peine d'elle et de la certitude d'être enfin sauvé ! Comment avait-elle fait pour faire preuve d'une telle rapidité ? Elle ne sut pas, se mettant alors à croire aux miracles. Mais ce qu'elle comprit en revanche, fut qu'ils n'avaient encore rien subi des conséquences de cette explosion… en particulier quand elle sentit son dos être criblé de braises ardentes. Hurlant brutalement entre ses dents, Hermione redoubla d'effort, s'allongea urgemment sur Connor et eut tout juste le temps de s'assurer qu'il n'était pas mort… mais c'était sans compter les gerbes d'étincelles et débris volant qui s'attelaient déjà à marteler son corps. Vifs et cinglants, ils déchirèrent ses vêtements, percutèrent sa peau, la couvrirent de plaies sanglantes et décharnèrent son dos, la réduisant alors à milles secousses, cris, tremblements et sursauts. Mais cette explosion n'était que la première d'une étrange série… et se faisant, les déluges redoublèrent sans sursit. Incandescents, les éclats de bois se transformèrent en morceaux de charbon, les pierres volèrent tels des boulets de canons, les morceaux de ferrailles transpercèrent les corps environnants et les braises sifflèrent sous la force de leur élan. Foudroyée de douleur, la sorcière ne put que resserrer son emprise sur le petit garçon, se mordre la langue à sang et trembler entre deux jurons, le souffle court à mesure que sa peau cloquait sous la propagation de brûlures et plaies harassantes. Pétrifiée, elle ne put rapidement plus bouger, ses lèvres parvenant à peine à prier en dépit du désespoir qui s'était mis à la posséder. Un état d'impuissance, de peur et vulnérabilité comme elle n'en avait encore jamais éprouvé, et dont la fatalité ne tarda pas à l'assommer. Et pour cause… elle se sentait brûler. Lentement, vicieusement et presque imperceptiblement, sa peau se gondolait sous les débris fumant, ses entailles s'élargissaient sous leur cinglant, ses muscles se tordaient de milles crampes et son crâne ruisselait de sang, la réduisant alors à un amas de chaire rougeoyante parsemée de crevasses brunâtres et d'entailles suintantes. Et le pire était qu'elle avait de la chance ! En particulier à l'écoute des cris d'agonies de toux ceux en train de brûler vivant…
- Hermione...
Combien de temps sa détresse dura ? Combien de temps resta-t-elle allongée dans le noir ? Combien de temps berça-t-elle Connor, prostré entre ses bras ? Elle ne sut pas, son esprit aliéné par la douleur et la certitude de son prochain trépas. Du moins, jusqu'à ce que le cri de son serpent ne ranime son âme… et qu'une écrasante magie ne les arrache d'un futur drame.
- Hermione ?!
Sonnée, la jeune femme ne sut pas où regarder ; pas plus que Connor que l'onde de choc avait à moitié assommé. Pourtant et alors que tout tanguait, que sa vue oscillait, qu'un acouphène la terrassait et que l'intégralité de la peau de son dos fumait, c'est sous la force d'une poigne de fer qu'elle se sentit violement soulever de terre… que ses jambes se dressèrent brusquement sous elle… qu'un poitrail d'acier se plaqua contre elle… et qu'une nouvelle voix s'éleva dans les airs.
- Hermione !
Trop ensuquée pour voir clair, elle crut pendant un instant deviner le visage de son Maître… mais était-ce bien lui ? N'était-ce pas un mirage ? Un délire ? Une fantaisie ? Elle souffrait tant qu'elle n'était pas certaine de pouvoir se fier à son esprit… pas plus qu'à ses yeux qui ne cessaient de vrombir sous la violence de ses vertiges. Mais cette aura n'aurait su mentir ; tout comme ses bras qui l'avaient saisi… cette chaleur qui la faisait tressaillir… et ces mains qui s'empressaient de l'éveiller de petites gifles…
- Bon sang !
Oui… il n'y avait aucun doute possible.
- Initiée !
Ces cris ne pouvaient que lui appartenir.
- Maî… Maîtr…
Comment l'avait-il trouvé ? L'avait-il vu ramper ? Entendu hurler ? Ou senti en danger au travers du lien qu'ils partageaient ? Elle ne savait pas… mais se sentit déjà revivre entre ses bras.
- Je suis là ! Je suis là !
Luttant pour garder la tête droite, pour le regarder en face et enfin savourer cette ultime lueur d'espoir, la jeune femme frissonna quand ses mains encadrèrent son visage. Toutes aussi rudes que délicates, elles parcoururent son cou, sa mâchoire, ses joues et innombrables entailles, ses doigts effleurant avec horreur les tristes vestiges de ses batailles. N'osant presque pas y croire, il se tut pendant de longues secondes, le regard ancré sur ses bosses, balafres, coquarts et plaies sanguinolentes ; du moins c'est ce qu'elle crut comprendre… mais elle était si faible qu'elle n'était même plus certaine de pouvoir croire le moindre silence.
- Oh non...
- M... Maître…
Sa gorge brûlait. Bon sang, pourquoi sa gorge brûlait ?! Elle devait lui parler ! Elle devait le prévenir ! Elle devait tout lui dire ! Mais sa langue n'était que sang et chaires meurtries, son palais n'était que sécheresse et goût de suie, et sa gorge n'était plus que douleur et remontées acides… à tel point qu'elle se surpris presque de ne pas encore avoir vomi.
- Mais enfin, qu'est-ce que t'as pris ?! Hurla-t-il.
Ce qui lui avait pris ? Elle était venue le trouver… lui parler… lui expliquer ce que la Résistance préparait et échafauder un moyen de l'empêcher ! Mais une onde de choc l'avait terrassé… plus encore ! Elle l'avait balayé ! Fait voler ! Assommer ! Et envoyer valser ! Détentrice d'une puissance qu'elle n'avait encore jamais rencontrée, c'est son âme elle-même qu'elle avait projetée dans les airs avant de la laisser retomber dans les charniers, son corps alors réduit à un morceau de viande balloté de fossé en fossé ! Aussi et devant une telle brutalité, une telle force et une telle mortalité, la jeune femme en vînt presque à se demander si ce n'était pas le monde lui-même qui avait explosé sous ses pieds...
- Hermione !
Une nausée au bord des lèvres, la sorcière s'entendit haleter à mesure que ses poumons s'emplissaient d'air. Confuse, étourdie et au bord d'un nouveau malaise, son esprit se ranima sous la chaleur son regard de braise, ses pupilles se rétrécirent sous l'assaut de sa colère et sa figure grimaça sous la douleur lancinante de sa prothèse. Une douleur qui bien entendu, ne tarda à se confondre au milieu de plusieurs centaines…
- Je…
Seigneur… elle n'avait plus l'âge de faire la guerre.
- Tu ne devrais pas être là ! Tu ne devrais pas être là ! Scanda-t-il.
Incapable de répliquer sans s'étouffer, ses yeux se mirent à le détailler, cherchant désespérément quelque chose à laquelle s'ancrer ; quelque chose pour laquelle ne pas sombrer… quelque chose capable de la garder éveiller ! Mais seules ses deux iris incandescentes l'éblouissaient. Transperçant le masque de boue, de sang et d'entrailles qui le couvrait, elle ne vit qu'elles rayonner, qu'elles exister, qu'elles la sauver… avant que ses sens ne commencent doucement à s'éveiller et que ses bras ne la ramènent brusquement à la réalité.
- Je… je…
- Tu as perdu la tête ! S'écria-t-il en rage.
Sûrement… mais au point où elle en était, à quoi bon se poser la question ?
- Tu devais rejoindre la forêt !
La forêt.
La forêt.
La fôr…
Effectivement… elle devait atteindre la forêt. Mais pourquoi d'ailleurs ? Elle savait que c'était leur plan et que sa mission était de la plus haute importance, et pourtant c'est à peine si… Ah oui ! La forêt ! Elle devait la rejoindre afin de rassembler leurs renforts éparpillés à l'Est et contrer toutes attaques à revers ! C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle s'était initialement mise à courir hors d'haleine ! Mais cette idée lui semblait désormais si lointaine, si inutile et vaine, qu'elle aurait presque pu éclater de rire devant son Maître…
- Non… non… déglutit-elle.
- Non ?!
- Il… il faut… il faut aller aux… aux bateaux.
- Aux bateaux ?!
Elle devait lui dire ! C'était sa chance ! C'était maintenant ! Mais une voix enrouée la coupa dans son élan…
- Oh ma tête…
Sursautant brusquement au souvenir du petit pirate, Hermione senti un frisson électriser son âme. Un frisson que Voldemort se mit à partager, et dont le simple écho manqua de le faire chavirer...
- Co… Connor ?!
Au bord de l'évanouissement, le Mage se liquéfia devant la figure sanglante de l'enfant. Incapable de tenir sur ses jambes, il s'était mis à genoux entre deux gémissements, se petites mains plaquées contre ses tempes. Assommé, confus et encore tremblant, sa chute lui avait fait perdre une dent, de sales brûlures se devinaient sous les coutures de ses vêtements et un débris avait méchamment esquinté son front, nappant alors son nez et ses joues d'une traînée flamboyant. Une image que Voldemort aurait prié ne jamais voir de son existence… mais qui suffit à lui retourner le ventre.
- Oh non…
Par tous les Dieux… il devait rêver. Ce n'était pas possible, il devait rêver ! Et pourtant, ce cauchemar était vrai… les deux seules personnes à qui il avait ordonné de rester en sécurité pataugeaient dans les charniers.
- Tom… l'entendit-il souffler d'une voix fébrile.
- Connor !
Oubliant presque Hermione et ses vertiges, Voldemort se jeta sur lui sans savoir quoi dire, le cœur au bord de l'arrêt devant ses grimaces et halètements furtifs. Tout aussi blême que profondément déconfit, il l'éclaira brièvement de sa magie, détailla ses plaies dans un élan de panique et jura entre ses lèvres à la vue son teint livide, mortifié à la seule idée qu'il puisse avoir été mêlé à cet enchevêtrement de morts et de combats arachiques. Une idée qu'il avait bien entendu écarté du champs des possibles en lui ordonnant de rester sur les Navires, mais dont l'inéluctabilité lui renversa l'esprit…
- On… on devait… on devait…
- Chut, chut ! Ne dis rien ! S'empressa-t-il de dire.
Il était blessé… cela se voyait à ses roulements d'œil et frissons incontrôlés, il était blessé ! Tombant constamment sur le côté, sa tête dodelinait un peu plus chaque fois qu'il tentait de la redresser, ses yeux se fermaient sans parvenir à le regarder et sa poitrine s'affaissait au rythme de son souffle haché ! Etait-ce à cause de sa chute ? Avait-il une commotion cérébrale ? Une hémorragie interne ? Des lésions vertébrales ? Un épanchement pulmonaire ? Seigneur… à son âge, la moindre de ses hypothèses suffiraient à lui être mortelle ! Et ce dépit de sa magie ou statut de Capitaine ! Un constat qui ne manqua pas de lui arracher un grondement amer.
- Hermione ! S'exclama-t-il.
Se tournant brusquement vers elle, le Mage la vit agenouillée à terre, le dos en sang et le visage tordu de douleur devant les spams de sa prothèse. Une ultime image qui suffit à parfaire son plus grand Enfer…
- Mais qu'est-ce ce… qu'est-ce que vous… pourquoi vous ne…
- Les bateaux ont… ont été attaqué par la Résistance. Déclara-t-elle en le voyant balbutier.
- Quoi ?!
- C'est une diversion. Haleta-t-elle. Tout ça, cette… cette attaque… les Centaures, c'est… c'est une diversion.
- Une diversion ?! Répéta-t-il sonné.
Oui, une diversion… pour l'ultime acte de leur vengeance.
- Ils… ils veulent le cœur.
- Le quoi ?!
- Le cœur de la Reine-Mère ! S'écria-t-elle. Ils le veulent ! Ils… ils veulent l'utiliser !
L'utiliser…
L'utiliser…
L'utiliser…
- Mais…
- Ils veulent nous exterminer !
Ils voulaient… les exterminer.
Ils voulaient… les exterminer… avec le cœur de la Reine-Mère.
Ils voulaient… les exterminer… avec le cœur de la Reine-Mère… pour gagner la guerre.
- Seigneur…
Abasourdis, le Mage Noir sentit cette idée lui annihiler l'esprit. Par tous les Dieux… cela semblait… cela semblait… Bon sang, aucun mot n'aurait pu le décrire ! Mais avant même qu'il ne trouve comment réagir, qu'il ne comprenne le sens de cette inqualifiable comédie ou qu'il ne fasse le rapprochement entre son discours et les attaques décousues de leurs ennemis, Voldemort ne tarda pas à se raidir. Le regard tourné vers le lac, un profond silence le saisit, mélange de consternation et de stupeur ahurit. Comme si le ciel lui tombait sur la tête, un nouvel éclat embrasa ses pupilles, les laissant alors se rétrécirent dans l'écho d'un grondement inaudible. Un grondement cependant étonnement profond et fébrile, qui plongea Hermione dans un nouveau mutisme. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Que se passait-t-il ? Qu'avait-il compris ? Elle aurait pu lui demander, mais n'eut besoin que de suivre son regard sur les berge pour le deviner ; un regard qu'elle aurait mille fois souhaité ne jamais porter, mais qui très vite, suffit à tout lui révéler…
- Oh mon dieu…
Elle avait échoué.
- Mais c'est… c'est…
Le Cœur de la Reine-Mère avait été trouvé.
- C'est mes… mes… mes bateaux ! S'étouffa Connor horrifié.
Car ce n'était pas le monde, mais bien les trois Navires de Connor qui avaient si brutalement explosé.
- Mes… mes… mes bateaux ! Mes bateaux !
Réduit en amas de bois brûlés, de cendres et de brasiers, les navires se dressaient sur l'eau en un dédale de flammes et de rugissements étouffés, leurs coques se disloquant un peu plus sous la chaleur de leurs torrents d'étincelles et braises affamées... Loin de la splendeur qu'ils avaient autrefois personnifié, de la beauté de leurs courbes affutées, de la dangerosité de leurs canons forgés et de la fierté que leurs seules existences incarnaient, on ne vit plus rien des mats majestueusement dressés… des voiles fraîchement dépliées… des bastingages tout justes rénovés… ou des hauts-bancs et autres cordages entremêlés. Non, plus rien ne restait... Rien si ce n'est leurs coques sauvagement éventrées, leurs proues dont les nez sombraient déjà dans l'obscurité, quelques morceaux des poupes sur le point d'être calcinés et l'intérieur des calles qui ne tarderaient pas à couler.
Des restes peu glorieux et déjà condamnés, dont les fumées et cendres volages finiraient elles aussi par s'envoler...
Des restes douloureux et déjà submergés, dont le sacré et souvenir ancestral ne tarderaient pas à s'étioler…
Des restes nappés de feu et déjà consumés, dont les épopées et milles voyages seraient à jamais oubliés...
Aussi et face à ce spectacle de feu et de fumée, Hermione ne fut presque pas surprise d'entendre un profond silence envahir les armées. Immobiles devant les flammes de ce nouveau brasier, chacun des Centaures avait cessé de hurler, chacun de mangemort avait cessé d'attaquer et chacun des Sombrals avait cessé de voler, laissant alors leurs surprises résonner en chœurs dans l'écho lointain de ce désastre savamment orchestré. Un désastre dont nul ne put réellement saisir la portée ; un désastre dont nul ne put réellement comprendre la gravité… mais un désastre face auquel leur Capitaine finit fatalement par s'effondrer.
- Non ! Non ! Mes bateaux ! Mes bateaux ! S'écria l'enfant éploré.
Mais il était déjà trop tard…
- Non ! C'est… c'est mes bateaux ! C'est mes bateaux ! Mes bateaux !
Ce qui n'était pas rongé par le flammes sombrait déjà dans les eaux du lac…
- Non ! Lâche-moi ! Lâche-moi ! Hurla-t-il en transe. Je dois y aller ! Je… je dois y aller !
Et ne resterait bientôt que des épaves…
- Mes bateaux ! C'est mes ba... bat… eaux…
Retenu par les bras d'acier d'un Voldemort tout aussi atterré que résigné, Connor s'époumona sans respirer, le visage désormais tordu d'horreur et de soubresauts saccadés... Incapable de croire en ce qu'il voyait, il tenta de lui échapper, de se débattre et même de le frapper, son cœur agonisant devant l'œuvre de toute sa vie partant à jamais en fumée. Mais il était trop faible pour lutter… et le mal était déjà fait. Une évidence qui bien qu'il s'acharne et hurle tel un possédé, suffit fatalement par l'achever…
- Mes… mes magnifiques bateaux…
Anéanti, impuissant et démuni entre les bras du sorcier, Connor se laissa retomber contre lui dans l'écho d'un sanglot brisé, son âme se fracturant un peu plus à chaque craquement de bois et grincement de coque brûlée ; à tel point que pendant un bref instant, on n'entendit donc plus que ses cris résonner… ses sanglots s'aggraver… ses larmes redoubler… et son désespoir le déchirer… un drame qui ne tarda pas à assourdir l'obscurité d'une douleur que seuls ses hommes purent partager.
- Mes… mes ba… bat… teaux… Sanglota-t-il.
Oui… c'était ses bateaux. Ses fiers destriers. Ses loyaux compagnons de pillages et d'épopées. Ses grands chevaux de bois et d'immortalité. Ses trois plus belles raisons d'exister… qui sombraient dans l'obscurité.
- Mes bat… mes bateaux…
Bouleversée, Hermione ne parvînt plus à le regarder, le cœur brisé devant ses hoquets et pleures désespérées. Rougie de désespoir et gonflée de larmes, sa figure s'était enfouie dans le cou du Mage, nappant alors sa calicule de sanglots à vous en déchirer l'âme… des sanglots que même Voldemort ne put entendre sans qu'ils ne lui retournent les entrailles.
- Fais… quelque chose… hoqueta-t-il entre ses larmes. Je t'en prie Tom… fais quel… quelque chose…
Par Salazar… il n'avait jamais connu ça. Plus qu'un nouvel enfer, qu'une guerre ou qu'un nouveau combat, le voir ainsi lui semblait tout bonnement insupportable. Intolérable. Insurmontable ! Oui… l'entendre hurler, pleurer, implorer et s'étouffer entre deux cris n'avait pas d'égale. En particulier quand il l'entendait prier un miracle…
- Connor, je…
- Je… je t'en supplie… s'étrangla-t-il contre lui.
Mais il n'y avait rien à supplier…
- Sauve mes… sauve mes bateaux…
Pour la simple et bonne raison qu'il n'y avait rien qu'il puisse sauver…
- Mes… mes bateaux…
Se mordant la langue dans un grondement étouffé, Voldemort sentit sa gorge se serrer, le cœur lourd et plombé de douleur devant ses murmures et prières effrénées. Mais il ne pouvait conforter ses espoirs mort-nés… Bien sûr, il aurait souhait que cela soit possible. Il aurait souhaité que cela soit facile. Il aurait souhaité pouvoir les faire renaître de leurs cendres d'un seul coup de baguette magique ! Mais ses bateaux étaient connectés à l'essence même de leur île… une magie tout aussi puissante et irréversible, qu'implacablement hermétique ! Une magie que rien au monde et même pas lui, ne saurait un jour affranchir... Or et une fois ce fait établi, ne restait que la vérité à dire ; une vérité qu'il se cacha bien de lui avouer dans un soupir, mais qu'aucune prière ne pourrait jamais faire mentir. Aussi, c'est le cœur en larme et guidé d'un instinct qu'il ne se connaissait pas que Voldemort le serrât davantage entre ses bras. Comme s'il n'existait plus rien autour d'eux, il lui embrassa le front et laissa reposer sa tête contre son crâne, ses mains caressant doucement son dos au rythme de ses sursauts et sanglots épars… Immobiles au milieu des cadavres, aucun d'eux ne bougea, ne parla ou se dégagea, leurs cœurs battant à l'unisson à mesure que s'apaisait lentement l'appétit des flammes. Un instant tout aussi profond qu'immensément grave, pendant lequel Hermione et Voldemort ne purent s'empêcher d'échanger un regard. Et pour cause… Connor n'était pas qu'une simple victime collatérale ; mais bien la toute première d'un plus grand mal.
- Ils… ils l'ont trouvé. S'entendit-elle murmurer.
Oui… ça y est. C'était fait. Ils avaient le cœur de la Reine-mère. Et se faisant, le pire arrivait… Aussi et alors que tout n'était plus mort, désespoir et ruine, Hermione ne fut pas surprise d'entendre une nouvelle s'élever dans la nuit.
- Hermione !
Une voix que la jeune femme avait rêvé faire taire.
- Fini de jouer !
Une voix qu'elle avait prié entendre hurler en Enfer.
- Fini de se cacher !
Mais une voix qui déjà les assommaient de ses promesses cruelles.
- Il est temps de finir ce que nous avions commencé…
