Immobile, Hermione se sentit violemment tressaillir. Pétrifiée sur sa seule jambe valide, elle ne sut pas combien de temps elle resta ainsi… les mains moites et le teint livide, à contempler le vide de ses pupilles rétrécies par les échos de la nuit. A vrai dire, elle ne sut même pas comment elle fit pour rester aussi statique. Et pour cause ! Ses membres tremblaient sous le tambour de son adrénaline, son cœur l'assassinait de battements frénétiques et ses paupières balbutiaient sous l'apnée de sa tétanie ! Oui… comme un courant d'air glaciale contre sa nuque, une ancienne angoisse restée invaincue et la concrétisation de toutes ses incertitudes, l'intégralité de son corps s'était faite statue… le capharnaüm perpétuel de ses pensées s'était tu… et l'essence même de son âme semblait s'être rompu… Un état tout aussi catatonique qu'irrémédiablement irrésolu, qui alors même que tous les regards du monde la couvaient d'une lueur inconnue, lui donna la soudaine impression d'être mise à nue. Etait-ce exagéré ? Saugrenu ? Biaisé ? Et incongru ? Peut-être…et pourtant, jamais pareille sensation ne lui parût plus réelle ; tout comme l'effroi que lui insuffla cette nouvelle voix tombée du ciel.

- Hermione !

Une voix horriblement familière...

- Fini de jouer !

Une voix emplit de feu, de rage et de haine…

- Fini de se cacher !

Une voix qui avait bercé son plus insupportable enfer…

- Il est temps de finir ce que nous avions commencé…

Finir ce qu'ils avaient commencé ? Oui. Cette fois, ils le pouvaient… Ils pouvaient les exterminer d'un seul éclair. Ils pouvaient fendre le ciel et déchirer la terre. Ils pouvaient décimer des populations entières. Ils pouvaient précipiter la fin de ce millénaire. Ils pouvaient absolument tout faire ! Pour la simple et bonne raison qu'elle s'était laissée dépasser par ses propres faiblesses… et que plus rien ne pouvait plus contrecarrer leurs dessins mortuaires. Oui… il n'y avait plus rien à espérer désormais.

- Hermione !

Harry et Ron avaient trouvé le cœur de la Reine-Mère…
La Résistance avait finalement achevé son ultime coup de traître…
Et sa faisant, ils pouvaient réellement gagner cette guerre…

- Hermione !

Néanmoins, la jeune femme en fut certaine… leur premier souhait ne serait pas de gagner cette guerre. Pas plus que d'attaquer son Maître ou de mettre fin à son règne. Non… leur premier souhait serait de l'exterminer elle. Une évidence que nul n'ignorait, et qui alors même que les soldats se mettaient à trembler par centaine, affligea les armées d'un murmure mortel.

- Hermione !

Oui… elle savait qu'ils l'appelaient.

- Viens là !

Elle savait qu'ils voulaient qu'elle se retourne et baisse la tête... Elle savait qu'ils voulaient voir son visage blême et son regard défait. Elle savait qu'ils voulaient entendre ses bafouillements et tremblements muets. Elle savait qu'ils voulaient la voir vaciller devant sa défaite… mais rien de tout cela n'arriverait jamais.

- Hermione !

Ni sur cette terre.

- Montre-toi !

Ni pendant ce millénaire.

- Viens nous faire face !

Jamais.

- Fais preuve de courage une toute dernière fois !

Une toute dernière fois… Presque amusée par leur tournure de phrase, la jeune femme laissa échapper un soupir las. Comme c'était cocasse. Elle ne se souvenait pas les avoir vu faire preuve de courage avant de l'abandonner dans les bois ; pas même une toute dernière fois ! Non… non à la place, ils s'étaient simplement contentés de l'asséner de regards noir, de grimaces, de murmures et de crachats. D'ailleurs, quand les avait-elle réellement vus pour la dernière fois ? De mémoire, il lui semblait que Ron l'avait rejoint la veille de leur départ… assis face à elle, il l'avait regardé de longues heures tandis qu'elle gémissait d'agonie dans le noir, son fouet encore sanglant fermement tenu entre sa poigne. Pourtant et dépit de ses milles tremblements de rage, il n'avait rien dit ce soir-là… Pas un mot. Pas une syllabe. Pas un soupir. Se contentant de la détailler comme si elle n'eut été qu'une simple vermine, il était resté silencieux une bonne partie de la nuit, un air de mépris gravé au fer blanc dans ses pupilles. Puis et sans qu'elle ne comprenne pourquoi, il avait suspendu son fouet à l'un des clous de son pilori… et était parti sans plus de cérémonie. Hésitait-il encore à l'abandonner en ce temps ? Ou se demandait-il si la tuer ne leur ferait pas gagner un précieux temps ? S'ils ne regretteraient pas leur décision ? Et s'il ne vaudrait pas mieux mettre un terme à leurs souffrances ? Elle n'avait pas posé la question ; et quand bien même elle l'aurait voulu, elle n'en aurait pas eu la force de toute façon ! Quant à Harry, eh bien… elle n'en était plus certaine. Etait-ce avant sa dernière session de coups de fouet ? Ou juste après que Seamus et les autres se soient amusés à la déshabiller pour la laisser à moitié nue en plein hiver ? Ses souvenirs étaient relativement troubles en la matière… mais ce qui était certain, était qu'elle ne l'avait plus vu pendant des semaines – ou du moins jusqu'à ce qu'il ne lui administre son dernier somnifère. Mais là encore, lui non plus n'avait rien dit… pas un aurevoir, une explication ou le moindre regard un tant soit peu émotif. Rien… juste du mépris. Un mépris qu'elle aurait pu reconnaitre entre mille, et qui résonnait déjà dans l'écho cinglant de leurs rires.

- Hermione ?

Sursautant presque à la douceur de la voix de son Maître, Hermione lui fit face dans un hoquet, une nouvelle anxiété galvanisant sa fièvre. Toujours aussi grand, imposant et transit d'adrénaline, lui non plus n'avait bougé en dépit des appels de leurs ennemis, un Connor toujours tremblant recroquevillé contre lui. Une image pour le moins inédite en des temps aussi critiques, qui en d'autres circonstances lui aurait sans aucun doute arraché un sourire, mais qui ne parvînt qu'à la faire douloureusement déglutir. Et pour cause… devant elle se tenait son avenir.

- Tu n'as pas à y aller… lui souffla-t-il.

Ne pas y aller ? Se laisser aller à ses craintes et à sa lâcheté ? Se cacher ? Partir quelque part où ils ne pourraient pas la trouver ? Et vivre les derniers jours de sa vie rongée par la honte et les regrets ? Elle mentirait en affirmant qu'elle n'y avait pas songé ; en soutenant haut et fort qu'elle n'éprouvait aucun des tourments qui la hantait et que sa haine à leur égard était mille fois plus puissante que la terreur qui l'étranglait. Mais avait-elle encore le choix à l'heure où leur monde brûlait ? Où leur peuple agonisait ? Où leurs soldats imploraient ? Et où l'avenir de leur univers se jouait ? Non, elle n'en avait aucun. Et se faisant, ce choix n'était même pas le sien… mais bien celui du Destin.

- Je sais.

Ainsi les dés étaient jetés.

- Mais je dois le faire…

Elle irait.

- Je dois y mettre un terme.

Non pas par envie, mais parce qu'elle se le devait.
Non pas seulement par dépit, mais pour l'homme qu'elle aimait.
Non pas seulement pour lui, mais pour l'enfant qu'il tenait… et pour tout ce que leur avenir leur promettait.

Aussi, c'est sans même chercher à contenir son émotion que la jeune femme les rejoints entre deux boitillements, la marque d'un sanglot lui sillant douloureusement le menton. Peinant à respirer sous la violence de ses frissons, elle les détailla dans un profond silence, le souffle court à mesure que l'assommait le poids de sa résolution. Mais elle ne voulait pas y penser pour le moment… Au contraire, elle voulait oublier le monde ; oublier la guerre, le sang, les combats, les tensions et tous les malheurs qui ne tarderaient pas à la dévorer de leurs appétits grandissants ! Oui… tout oublier pour ne laisser que ce bref instant. Un instant d'amour, de tendresse et d'affection. Un instant de repos, de joie et de communion. Un instant qu'elle voulait emporter avec elle, avant le grand plongeon... Ainsi, c'est tout en gravant chacune de ces ultimes secondes dans son esprit qu'Hermione s'accrocha aux bras de son Maître et le sentit douloureusement frémir. Figés l'un contre l'autre, leurs fronts se joignirent dans un soupir, leurs regards s'obscurcirent d'une lueur meurtrie, leurs corps tressaillirent et leurs cœurs battirent d'un seul et même rythme. S'accrochant désespérément l'un à l'autre, ils restèrent ainsi, immobiles entre les bras de ce silence gorgé de cris… immobiles au milieu des charniers devenus invisibles… immobiles dans leurs souvenirs d'amour, de chaires et de désir. Des souvenirs qui ne tardèrent pas à embuer leurs cils… Seigneur, peut-être avaient-ils eu tort de partir ? Peut-être auraient-ils mieux fait de ne jamais quitter l'Île ? Et de rester là-bas, heureux et à l'abris ? Qui sait ! Après tout, peut-être auraient-ils pu y finir leurs jours dans un bonheur paisible ? Vivre de soleil, de rhum, de désir et des embruns de cette chère Marise ! Vivre avec Connor… en famille…

- Hermione…

Mais cette destinée n'était fondée que sur des « si » …

- Je sais.

Et tous deux savaient déjà comment elle se serait finie… Ainsi, c'est sans jamais se détacher que les Sorciers unirent leurs souffles d'un même soupir. Bon Dieu… il y avant tant de chose qu'ils voulaient encore se dire ; tant de choses qu'ils voulaient encore accomplir… tant de chose qu'ils voulaient encore vivre ! Mais la vérité était qu'ils n'auraient jamais assez d'une seule vie pour en finir. Une certitude qui dans leurs supplices, réussit presque à les faire sourire.

- L'aube peut encore nous sourire… Murmura-t-il.

Elle pouvait-elle encore ? Alors même que leur souriait si gracieusement la Mort ? Elle ne savait pas, mais laissa cet espoir ranimer son corps quand son regard se porta sur Connor... Incapable de respirer devant sa figure ensanglantée, Hermione sentit son cœur se serrer dans un sanglot étouffé. Prostré, le petit garçon la regardait de ses grand yeux embués, incapable de comprendre ce qui s'apprêtait à se jouer. Une ignorance qu'elle avait bien l'intention de préserver, et qu'elle s'empressa de conforter en essuyant ses joues inondées… en caressant son visage égratigné… en l'embrassant de profonds baisers… et lui offrant un sourire forcé. Des petits gestes qui semblèrent le rassurer, mais qui jamais n'apaisèrent la douleur qui l'habitait.

- Tu… tu vas… où ? Fit-il dans une petite moue.

Dieu qu'elle l'aimait... Et encore, elle doutait qu'il existe le moindre mot capable de décrire l'émotion qui lui déchirait le ventre chaque fois que ses yeux se posait sur ses indomptables boucles blondes, sur son sourire, ses petites dents, ses longs cils ou encore ses éternelles tapes sur le front... Un sentiment qu'elle-même ne s'expliquait pas, mais qui à la vue de ses larmes, suffit à lui donner milles raison de se battre.

- Pas loin. Souffla-t-elle.

L'embrassant une toute dernière fois, Hermione sentit Voldemort détourner le regard dans un tressaillement de mâchoire, ses bras tremblant plus que jamais à mesure que grandissait sa rage. Et pour cause… cet instant pouvait être leur dernier à trois.

- Tout va bien se passer. Lui promit-elle à voix basse.

- Tu… tu promets ?

Oh Seigneur…

- Oui... mentit-elle avec peine. Ne t'inquiète pas pour nous.

Hagard, le petit garçon mit plusieurs secondes à comprendre le véritable sens de sa phrase ; avant que Voldemort ne lui dépose à son tour un ultime baiser sur le crâne… et ne fasse signe à l'un de ses mangemorts resté en retrait dans le noir.

- Vous ? Répéta-t-il alors. Vous… vous partez tous les deux ?!

Non… à vrai dire, c'était tout le contraire.

- Mais pour aller où ?!

C'était eux qui restaient…

- Ne t'inquiète pas. Lui répéta-t-elle. Tout va bien se passer. Nous devons juste… nous devons juste te mettre en sécurité.

En sécurité ?! Mais… non ! Non, il ne voulait pas partir ! Il ne voulait pas les quitter alors même que la guerre était à son paroxysme ! Qu'il ignorait s'ils allaient un jour revenir ! Qu'il avait assisté à l'anéantissement de ses propres navires ! Et que ses hommes se battaient quelques part contre l'ennemi ! Et pourtant, il le comprit… aucun choix ne lui serait permis.

- Mais… mais j'veux rester ! J'veux rester avec vous !

Oh Grand Dieu…

- Je sais mon ange… sanglota-t-elle. Je sais, mais…

Mais ils l'aimaient trop pour le perdre…

- Mais il… il y a une chose que Tom et moi devons faire et… et les risques sont trop grands pour…

- Non ! Non, j'veux rester ! Je… j'veux vous aider !

- Connor…

- Non ! S'exclama-t-il éploré. Tom, dis quelque chose !

Vacillant à la vue de son regard plein d'espoir, Voldemort se tut dans une grimace, un nouvel étau de fer lui perforant l'estomac.

- Je t'en prie ! Supplia-t-il. Tom ! Dis que j'peux rester !

- Ce… ce n'est pas…

- Je promets d'être sage ! J'me ferais tout petit ! Je… je vous gênerais pas !

Par Salazar… il détestait avoir à faire ça ; mais plus encore, il détestait le voir comme ça.

- Je suis désolé.

Trois mots… voilà tout qu'il trouva le courage de lui dire ; tout ce qu'il put formuler devant ses grands yeux humides et tout ce qu'il eut la force de prononcer sans faillir. Trois misérables mots, qui lui donnèrent l'impression de mourir…

- Mais… mais…

Ainsi et avant même qu'il ne comprenne ce qui était en train de se passer, c'est sous les regards déchirés des deux sorciers que Connor sentit brusquement ses pensées lui échapper…

- Non… non, s'il vous plaît !

Ses forces s'épuiser…

- Me laissez pas ! S'il vous plaît, me… me laissez pas !

- Ne t'inquiète pas… tout va bien se passer. Souffla Hermione effondrée.

Ses paupières tomber…

- Je serais sage ! Je… j'promet, je… serais sage…

- Nous… nous nous retrouverons après la guerre !

Sa voix s'étouffer…

- S'il… vous plaît…

- Nous nous retrouverons et nous ne nous quitterons plus jamais ! Je… je te le promets !

Son corps être bercé…

- Me… me laissez pas…

Avant qu'il ne sombre malgré lui entre les bras d'un sommeil enchanté...

- Je te… je le promets…

Bouleversée, Hermione regarda ses paupières se clore une dernière fois sur l'obscurité, ses joues ruisselant davantage de larmes à mesure que le sommeil le gagnait. Silencieux devant ses ultimes efforts, ils virent ses lèvres trembler entre deux supplications éplorées, sa tête dodelinant machinalement le côté tandis qu'il s'acharnait pour rester. Mais la magie avait déjà œuvré… et avant même que ses rêves ne viennent le consoler, Morphée l'avait déjà emporté. Une image face à laquelle la jeune femme manqua de s'effondrer…

- Hermione…

Ça y est.

- Il le fallait.

C'était fait.

- C'est le seul moyen. Souffla Voldemort défait.

Oui… c'était vrai. Ils devaient l'éloigner. Ils devaient le protéger. Ils devaient le sauver ! Mais que les Dieux leur en soient témoins… jamais ils n'avaient autant agonisé. Jamais ils n'avaient autant eu envie de hurler. Jamais ils n'avaient autant lutté pour ne pas céder à l'horreur qui les accablaient ! Oui… jamais ils n'avaient connu pareille douleur de leur vie. Pire qu'une torture, qu'un maléfice ou que le plus infâme de tous les supplices, c'est l'essence même de leurs âme qu'ils leur semblaient avoir trahis ! Un morceau de leurs propres cœurs qui gisait devant eux, endormit…

- Oui…

Ainsi, c'est sous l'assaut de cette souffrance indescriptible et dans l'écho d'un deuil mille fois maudit, que les deux sorciers contemplèrent une dernière fois le visage du petit. Un visage qu'ils pourraient bien ne plus jamais voir de leurs vies…

- S'il te plaît… mets-le en sécurité. Dit-elle entre ses lèvres.

Acquiesçant silencieusement, Voldemort resserra son emprise autour de l'enfant. Oui… il était temps.

- Nott !

Sortant brusquement de l'ombre à son appel, le soldat accourut fébrilement jusqu'à son Maître, une grimace immanquablement gravé sur sa figure blême. Et pour cause… en plus de ses blessures de guerre, cela faisait plusieurs minutes que la brûlure de sa marque irradiait son être.

- Vous… vous m'avez fait appeler mon Seigneur ?

Le détaillant un court instant, Hermione frissonna devant sa figure en sang… pourtant et contrairement à ses anciens préjugés d'adolescent, elle ne fut presque pas surprise de voir encore vivant. Après tous, Théodore Nott avait toujours été un élève brillant. Bien moins qu'elle évidemment ! Mais suffisamment pour développer de remarquables capacités en sortilèges de défenses et survivre aux fronts… sans parler bien entendu de son indéfectible allégeance, de sa persévérance et de son profond respect pour l'idéologie de son Maître et sa puissance ! Des détails qui – bien qu'ils soient remarquables et profondément appréciables aux vues des circonstances – ne parvinrent cependant pas à apaiser la nausée qui lui retournait le ventre.

- Oui. Déclara le Mage durement. Je… je veux que tu emmènes cet enfant.

Un enfant.
Un enfant.
Un enfant
Un enfant.
Un… un quoi ?!

- Par… pardon Messire ?! Balbutia-t-il.

- Tu as très bien entendu.

Sonné, le mangemort ne sut pas quoi répliquer. Et pour cause ! Il était habitué à obéir, servir, tuer et torturer sans discuter ! Mais à baby-sitter ?! Alors même qu'ils étaient en guerre ?! Par Salazar… c'était une première !

- Cet… cet enfant Maître ?

- Oui. Claqua-t-il. Pars avec lui…

Profondément abasourdi, Théodore balbutia sans trouver quoi dire ; en particulier quand il vit le Mage lui tendre le petit et son Initiée détourner le regard dans un sanglot meurtri. Par Merlin, que se passait-il ? Qui était-il ? Et que faisait-il dans un lieux aussi maudit ?! Il hésita à le demander, sa curiosité lui rongeant soudainement la langue. Mais l'heure n'était pas aux questions…

- Bi… Bien Maître…

N'osant rien ajouter, c'est avec prudence que le soldat se saisit délicatement de l'enfant. Un enfant couvert de sang, dont la jeunesse et seule présence en cet enfer sans nom suffirent à lui retourner le ventre…

- Mets-le en sûreté et protège-le au péril de ta vie.

- Ou… oui, je…

- Il en va de la tienne et de celle de toute famille. Claqua-t-il entre ses dents.

Mal à l'aise, Théodore s'inclina dans un réflexe, le souffle court devant l'aura mortelle de son Maître… une aura agrémentée de la plus certaine des promesses.

- Bien mon Seigneur ! Je… je jure de ne pas vous décevoir !

Peu rassuré, Voldemort laissa échapper un rictus agacé. Certes, il savait que Nott était l'un des plus fidèle, brave et dévoué à qu'il pouvait le confier en une heure aussi troublée… et pourtant, jamais il n'avait tant douté.

- Si jamais… si jamais il lui arrivait malheur. Grinça-t-il. Je jure devant les Dieux que…

Qu'il le tuerait.
Qu'il le torturerait.
Qu'il lui ferait subir de telles infâmies que la Mort elle-même en pleurerait !
Mais plus que tout, qu'il ne se le pardonnerait jamais.

Non pas à cause de Nott, mais de la propre culpabilité qui l'étoufferait….

- Il ne lui arrivera rien ! S'exclama le mangemort. Je vous en fait le serment ! Je… je le protégerais comme mon propre enfant !

Etrangement silencieux face à lui, on entendit Voldemort serrer les dents dans un grondement irascible. Pourtant, une telle promesse aurait dû le ravir ; le combler et lui réconforter d'une certitude salvatrice ! Mais seule une profonde colère fit trembler son échine… Grandit d'une soudaine énergie, ses pupilles se rétrécirent, son souffle s'alourdit et ses poings frémirent devant Nott et le visage du petit. Un visage qu'il contempla pendant de longues secondes sans rien dire, avant que son cœur ne gémisse… que son âme ne frémisse… que son esprit ne se pétrifie... et que le sens même de sa vie ne vacille.

- Non. Tonna-t-il.

- N… non, mon Seigneur ? Répéta-t-il surpris.

Surprise, Hermione regarda le Mage trembler d'une rage inédite. Une rage sourde, profonde et possessive. Une rage étrange, puissante et dévastatrice. Une rage qui alors même que Théodore commençait à blêmir, se mua en un souffle primitif…

- Le mien…

Un souffle qui l'animerait pour le reste de sa vie.

- Protège-le comme s'il était le mien.


Ça y est.
Nott était parti.
Et Connor avec lui…

- Initiée.

Ne restait plus qu'eux…
Ne restait plus que la guerre…
Ne restait plus que leurs ennemis...
Et la promesse que l'aube signerait le début d'une toute nouvelle vie.

- Prête ?

Oui… bien qu'elle sente son cœur se déchirer, Hermione était prête à les affronter. Bien qu'elle ait le sentiment d'agoniser, Hermione était prête à les faire payer ! Mais plus que tout autre chose, elle prête à se venger. Car elle le savait… leur guerre ne faisait que commencer. Aussi, c'est dans l'élan d'un profond silence que la jeune femme contempla sa baguette un court instant. Couverte de sang, d'étincelles, de tremblements et de quelques morceaux de chaires, elle la vit s'agiter doucement entre son poing, son bois gorgé de magie s'échauffant davantage à l'approche du matin. Un matin qui ne tarderait pas à éclore dans l'éclat d'un soleil malin… et dont les premières lumières baptiseraient l'aurore de leur nouveau Destin.

- Oui… je suis prête. Déglutit-elle.

Elle l'était... elle le savait. Plus encore, elle devait ! Non pas pour elle, mais pour tous ceux qui l'attendaient ! Tous ceux qui espéraient ! Tous ceux qui s'acharnaient à combattre afin de les voir enfin triompher ! Pourtant et à cette heure, autre chose l'habitait… quelque chose d'étrange. Quelque chose de troublant. Quelque chose de latent. Quelque choque qu'elle ne parvînt pas à comprendre. Mais quelque chose qui avant même qu'elle ne s'en rende compte, avait déjà conquis sa conscience, aliéné ses sens et renverser sa raison... pour ne laisser d'elle qu'un corps… dénué de passion. Etait-ce un Sort ? Un blessure à retardement ? De la Magie ? Ou du poison ? Elle se le demanda, mais se rendit à l'évidence : ce qu'elle éprouvait n'avait rien d'alarmant. Au contraire même ! C'était inexistant… mais juste assez présent pour lui redonner le courage d'inspirer à pleins poumons et de voir le monde pour ce qu'il était vraiment. Un monde sombre… pesant… indécent… bruyant… inintéressant… et privé du moindre sentiment.

- Hermione ?

Comme si le monde avait perdu de ses couleurs, la jeune femme regarda l'horizon d'un œil aveugle, ses iris alors devenues hermétique à la moindre lueur.
Comme si la guerre avait perdu de son horreur, elle détailla les cadavres et les morts sans la moindre pleure, son cœur alors gagné par une soudaine froideur.
Comme si la vie avait perdu de ses saveurs, elle tâta sa prothèse sans la moindre rancœur, indifférente à ses spasmes incontrôlables et incessante douleur.

Oui…

Comme si l'univers lui-même avait perdu de sa grandeur, le ciel lui parût petit, la mer lui sembla vide, la nuit l'indifféra au possible tandis que la chaleur des incendies ne lui inspirèrent qu'un profond ennuie. Une vue étonnement fade, triste et insipide, qui alors même que son Maître la sondait de ses pupilles, lui arracha un profond soupir…

- Tu es sûr ? Lui demanda-t-il.

N'ayant aucune envie d'affronter son regard, Hermione se mordit la langue dans un silence grave. Si elle était sûr ? Par Merlin… pourquoi se poserait-elle la question ? Pourquoi douterait-elle de sa décision ? Pourquoi s'encombrerait-elle de craintes, de peurs et de tourments ?! Elle mieux que quiconque savait qu'il ne servait à rien de nager à contre-courant… de se complaire d'espoirs ou d'illusion, et de croire en la moindre clémence ! Non… le monde n'était pas clément. La vie n'était pas clémente. La mort n'était pas clémente ! Rien ne l'était jamais en ce bas monde ! Une dure leçon qu'elle s'était souvent donnée pour mission d'apprendre il y a bien longtemps, mais qui ce soir prenait une tout autre dimension. Et pour cause… ce soir, elle avait touché le fond. Ce soir, elle n'avait eu d'autre choix que de regarder un inconnu emporter son enfant. Et le pire de tout, était que cet inconnu était leur meilleure chance de le revoir vivant…

Alors non. Après ça, il n'existait plus de question. Il n'existait plus d'espoir. Il n'existait plus de clémence. Il n'existait même plus de souffrance ! Elle en avait fait le tour… et se faisant, plus rien ne comptait plus à ce jour.

Ni la vie.
Ni la mort.
Ni la guerre.
Ni Voldemort.

Rien ! Tout cela ne signifiait plus rien... Pourquoi ? Elle aurait pu s'interroger ; essayer de comprendre les racines de ce mur qui se dressait sous ses pieds, de cette froideur qui l'enlaçait de ses bras étriqués et de cette dureté qui l'étouffait de son implacable désintérêt. Mais la réponse était simple : elle ne se sentait plus exister. Elle ne sentait plus vivre. Elle ne se sentait plus respirer ! Elle… elle ne ressentait plus rien. Plus rien de l'ardeur qui l'habitait. Plus rien de son amour, de sa bonté, de ses espoir et de sa combativité. Plus rien de tout ce qui l'avait toujours constitué et plus rien de tout ce qu'il y a quelques minutes encore lui donnait une raison d'espérer ! Oui… son cœur était vide. Vide d'amour. Vide de tristesse. Vide de joie. Vide de haine. Vide de tout et de son contraire… à tel point que pendant un court instant, Hermione se demanda presque si vivre en valait vraiment la peine. Comment une telle chose était-elle possible ? Pourquoi ressentait-elle autant d'indifférence face à la vie ? Avait-elle définitivement sombré dans la folie ? Ça n'aurait pas manqué de logique… mais cela aurait été trop facile. Trop prévisible. Trop risible ! Non, Hermione n'avait pas sombré dans la folie ; mais dans la plus complète et dévastatrice des apathies. Pour la simple et bonne raison que ce soir, Hermione avait atteint sa limite.

Oui…

La douleur qu'elle s'était évertuée à ignorer l'avait submergé.
L'horreur qu'elle avait tenté de surmonter l'avait surpassé.
Le désespoir qu'elle s'était acharnée à renverser l'avait assiégé.
Et se faisant, c'est l'essence même de son être qui s'était incliné…

Ainsi, c'est dans l'acceptation d'une défaite méritée, que son âme s'était éclipsée… que son cerveau avait décrété que c'était assez… et que son cœur avait décidé de tout effacer. Des décisions inconscientes, imprévus et seulement guidées par la nécessité d'une survie commune ; mais des décisions qui l'avait cloitré dans la plus hermétique de toutes les bulles. Une bulle sourde. Une bulle aveugle. Une bulle où il n'existait aucun amour, danger ou malheur. Une bulle où elle n'avait pas le moindre cœur… Etait-ce injuste ? Lâche ? Ou immature ? Elle n'avait pas tenté de se le demander ; non pas par égoïsme, dédain ou caprice, mais parce qu'à cet instant précis Hermione en était persuadée…

Eprouver d'avantage, l'achèverait.
Endurer d'avantage, l'assassinerait.
Ressentir d'avantage, la tuerait.

Il n'était donc pas question de choix, mais de survie. Un choix que son Maître ne manqua pas de constater quand elle se tourna vers lui… et qui se concrétisa davantage quand ses grands yeux autrefois si expressifs, ne lui offrirent que deux coquilles vide. Comme si le départ de Connor avait signé sa propre mort, son visage s'était fermé, son regard s'était éteint, sa mâchoire s'était serrée et un nouveau tremblement agitaient ses poings. Silencieuse, statique et impassible, elle resta immobile dans la froideur de la nuit, consciente que le moindre de ses mots seraient vains, que le moindre effort ne servirait à rien et que son âme serait absente jusqu'au matin. Un état tout d'abord catatonique, qui loin de la plonger dans la plus complète des léthargies, se mit à raviver sa froideur… à éveiller son machiavélisme… à attiser sa rancœur… et galvaniser sa frénésie.

Jusqu'à ce que fatalement, le pire n'arrive.
Jusqu'à ce que fatalement, sa furie ne l'anime.
Jusqu'à ce que fatalement, son désir de vengeance ne prenne vie.

Ainsi et bien que cela sembla incompréhensible, contradictoire et même impossible, son cœur sans vie se mis à battre d'un nouveau rythme… un rythme qui alors même qu'il lui donnait de nouveaux vertiges, lui sembla capable de rompre sa carotide. Identique à un moteur montant dans les tours, à l'écho assourdissant d'un tambour ou à la force indomptable de la houle, il cogna contre ses côtes avec véhémence, bâti la mesure de sang avec violence, enfiévra ses tempes d'une chaleur cuisante et délita ses pensées de son rythme harassant ! Toujours plus rapides, ses battements lui firent l'effets de véritables gifles, son corps trembla sous l'afflux de son adrénaline et son esprit vacilla sous l'étau de ses griffes ! Des griffes qu'elle n'avait jamais senti aussi agressives, douloureuses et vindicatives… mais des griffes qui déjà, la laissait gésir sous le manteau invisible de leurs promesses morbides.

- Si je suis sûr ? Souffla-t-elle du bout des lèvres.

Transit d'une nouvelle apnée, la jeune femme commença à se redresser, une fièvre au front et le regard changé. Emportée par l'adrénaline de ses propres pensées, elle sentit son esprit se gorger de cris oubliés, son cœur s'emballer dans l'élan d'une clameur enragée, son corps se grandir de force et de souffles hachés et tout son être frémir à la vues des premières lueurs d'une aube à peine née. Incapable de respirer sans sentir un brasier la consumer, ses poumons lui semblèrent faits de feu et de fumée, ses veines lui parurent dessinées à la braise d'un tisonnier et ses propres entrailles lui donnèrent l'impression d'abriter une bombe sur le point d'exploser ! Une bombe dont le compte à rebours commençait à la bercer ; une bombe qui ne tarderait pas à l'emporter dans son torrent de mort et destruction effrénée... Mais une bombe qu'elle n'avait aucunement l'intention de désamorcer… pour la simple et bonne raison, qu'elle priait pour la voir enfin exploser. Un désir à la violence tout aussi viscérale qu'indomptable, qui alors même que sa poitrine s'oppressait et ses lèvres tremblaient, suffit à renverser ses dernières onces de lucidité… et annihiler les restes de son humanité.

- Hermione ?

Animée d'un brasier que nul n'avait encore vu brûler, la sorcière se sentit suffoquer, asphyxier, étouffer et se noyer dans la même foulée, sa gorge cherchant désespérément le moindre filet d'air capable de la sauver. Mais la vérité était qu'elle n'avait pas besoin d'être sauvée. Au contraire même… il lui fallait sombrer. Laisser ce feu la dévorer. Et s'y abandonner sans hésiter ! Car seulement de ses cendres elle pourrait se relever. Seulement de ses flammes elle pourrait respirer. Seulement de sa chaleur elle pourrait avancer ! Oui… seulement de ce feu elle pourrait à nouveau exister. Un feu bien différent de ceux qu'elle avait déjà expérimenté ; un feu étrange, violent et dont l'ivresse manqua de la faire vaciller… un feu face à laquelle Voldemort lui-même se mit à trembler. Et pour cause ! Ce soir plus rien ne la retenait.

Son enfant lui avait été enlevé.
Ses rêves avaient été exterminé.
Son humanité lui avait été volé.

Il ne lui restait plus rien à espérer. Plus rien à sauver. Plus rien à préserver. Plus rien à aimer ! Et se faisant, une tout autre Déesse était née…

- Oui…

Une Déesse que rien ni personne, ne pourrait arrêter.

- Je suis sûr.


Et voilà ! Une nouvelle étape franchie !

Et comme vous pouvez le voir, le prochain chapitre marquera le début de l'affrontement final... l'ultime combat de cette guerre profane... mais également l'avènement de notre chère Déesse et de sa rage. Car les règles ont changé désormais ! Et se faisant, c'est n'est pas uniquement le destin d'Hermione et de Voldemort qui va se jouer... mais bien celui du Monde entier.

En tout cas, j'espère que ces chapitres vous auront plu. Et je tenais à vous remercier pour votre indéfectible soutien. Sincèrement, vos messages me touchent énormément et je ne cesse de les relire pour me donner courage et inspiration ! Alors juste... merci.

Je vous dis à très vite !
BIZZEEE