Marcher.
Marcher.
Marcher.
Hermione ne pensait plus qu'à cela.
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Hermione n'entendait plus que cela.
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Hermione ne vivait plus que pour cela.
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Oui… elle marchait. D'un pas fort et déterminé. D'un rythme puissant et régulier. D'un regard droit et ancré. D'une détermination que rien au monde n'aurait su altérer ! Oui… rien.
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Qu'importe les risques qu'elle courrait. Qu'importe les prophéties de sa destinée. Qu'importe que la Terre soit sur le point d'imploser, que le Temps manque de s'arrêter, que l'Univers lui-même commence à se déliter et que l'essence même de la Vie plie sous l'appétit d'une Mort affamée !
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Rien ne l'arrêterait jamais…
Marcher.
Marcher.
Marcher.
C'est donc dans l'écho de cette ascension inégalée, dans l'élan de cette adrénaline effrénée et les battements de sa haine indomptée, qu'Hermione avançait tête haute au milieu des charniers. Le regard ancré sur l'horizon d'une nuit sur le point de s'achever, on ne vit d'elle qu'un corps se découpant lentement dans l'obscurité… que des cheveux volant négligemment autour d'un front ensanglanté… qu'un souffle brumeux se perdant entre les fumées… qu'une baguette scintillant macabrement d'un profond désir de tuer. Semblable à un fantôme, une ombre, une ébauche, ses traits s'effacèrent sous la pâleur de sa peau, ses courbes se fondirent les unes aux autres et ses contours se floutèrent sous les premières lueurs de l'aubes. Traîtresses, incertaines et corrompues par la chaleur des vapeurs incendiaires, elles ne laissèrent d'elle que l'apparition d'un spectre vacillant dans les aires… d'une ombre à la clarté éphémère… d'une Reine à la pâleur lunaire, dont l'âme semblait gracieusement régner sur les Ténèbres. Mais aussi belle et cathartique soit-elle, cette vision brumeuse et enchanteresse était bien loin d'appartenir au monde des rêves… et pour cause : personne ne rêvait en Enfer. Une certitude qu'Hermione avait depuis longtemps fait sienne, et dont l'étau l'étranglait de sa vérité cruelle.
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Mais qu'importe. Elle n'avait que faire de l'Enfer ; tout comme des rêves, des espoirs, des quêtes et des victoires…
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Oui... Elle avait fait la paix avec la guerre.
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Elle avait fait la paix avec Lucifer.
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Elle avait fait la paix avec elle-même.
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Et se faisant, ne restait que sa haine…
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Une haine froide, placide et implacable.
Une haine létale, morbide et viscérale.
Une haine sans égale, dont les désirs et milles fantasme avaient déjà corrompu son âme…
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Ainsi et contrairement à ce qu'on aurait pu croire en voyant son front saigner, ses arcades gonfler, son cou se violacer, ses mains trembler et sa jambe boiter, aucun doute ne l'habitait. Aucune frayeur. Aucune crainte. Aucune douleur. Oh bien sûr, elle souffrait ! Pour preuve, les nerfs de sa cuisse l'accablaient de spasmes à hurler, sa cage thoracique se comprimait à chaque inhalation de fumée, trois de ses côtes lui donnaient l'impression de l'éventrer, sa gorge n'était plus qu'un miasme de chaires broyées, tandis que son épaule, son nez, sa pommette, quatre de ses doigts et deux de ses dents étaient cassés. Mais malgré les faiblesses de certains de ses appuis, l'irrégularité de son souffle, son avancée peu agile et la fièvre de ses joues, elle se l'était promis : elle n'en montrerait rien.
Non… rien.
Etait-ce malin ? Elle ne savait pas. Etait-ce facile ? Absolument pas. Mais Hermione ne se donnait aucun choix… Comme si elle eut été un robot tout juste réinitialisé, une machine prête à tuer ou un soldat ne vivant que pour la mission qui lui avait été donné, ses pupilles transperçaient l'horizon de leurs contours d'acier, son corps palpitait de force en dépit de sa prothèse ensanglantée, sa baguette bouillonnait de magie entre son poing serré et son menton se dressait fièrement face aux morts et blessés... Loin d'incarner la condamnée à mort qu'Harry et Ron attendaient, la pauvre victime que ses détracteurs maudissaient ou de la folle génocidaire que ses alliés adulaient, elle contemplait le monde depuis l'indifférence glaçante de son regard mordoré, insensible, froide et presque ennuyée par les tressautements des corps qu'elle enjambait... placide, silencieuse et désintéressée des cris d'agonie qui l'entouraient… impassible, dangereuse et déterminée à ne rien laisser la déconcentrer. Un comportement étrange, troublant et face auquel Voldemort lui-même ne put s'empêcher de frissonner ; mais un comportement qu'il préféra ignorer dans la complicité d'un silence mesuré. Et pour cause : l'heure était venue… et avec elle la certitude que le nouveau jour inhumerait les dépouilles des vaincus.
Aussi, c'est dans l'immortalité de cet étrange instant que les deux sorciers embrasèrent la solennité de leur ascension. Se mouvant tel un seul homme, ils avançaient lentement dans l'écho lointain de la Mort, leurs corps rayonnant impérialement de magies et de forces. Un image de puissance alliée à la menace létale de grondements féroces, qui alors même que de nouveaux fronts prenaient formes, que les valides évacuaient les morts et que les blessés hurlaient au sol, ne tarda pas à pétrifier leurs hommes dans l'apnée d'une brûlure atroce… une brûlure qu'aucun d'eux n'aurait cru ressentir à nouveau, mais qui apposait déjà son sot sur leurs peaux.
- Mais… mais c'est…
Pris au dépourvus à leur approche, on entendit résonner les hoquets surpris de leurs hommes…
- Par Merlin…
Les sursauts étouffés des blessés…
- C'est pas… c'est pas vrai…
Les grondements contrariés des Centaures…
- Bon sang…
Et regards stupéfiés des défaits…
- Ils… ils sont encore là ?
Oui… ils l'étaient. Mais après tant de désillusions, d'échec, de décadence et de revers, c'est à peine si leur mangemorts avaient encore une raison de vouloir gagner cette guerre… Allongée à terre, la majorité d'entre eux étaient blessés, désabusés, horrifiés et épuisés, leurs cœurs luttant douloureusement contre l'envie d'abandonner. Mais qui aurait pu les blâmer ? Certes l'assourdissante explosion des trois Navires avait instauré un bref temps mort… mais ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils n'essuient un nouvel assaut des Centaures ; avant qu'ils n'appellent leurs renforts et qu'ils ne les attaquent en force ! Pour preuve, leurs troupes se rassemblaient déjà sur les berges, leur nombre semblait croître à un rythme exponentiel, les Résistants hurlaient à s'en décoller la plèvre et certains d'entre eux avaient même repris le combat contre les Sombrals volant dans les airs ! Il n'y avait plus rien qu'ils semblent en mesure de faire… plus rien à tenter, espérer ou implorer en prière ! En particulier après l'utilisation traîtresse du cœur de la Reine-Mère et la désintégration mortelle de bateaux millénaires ! Pourtant et bien que le goût amer de la défaite assaille déjà leurs palais, que le désespoir les guette et que la douleur défigure leurs traits, un étrange frisson se mit à parcourir leurs lèvres. Infime, volage et insoupçonné, il les frappa de son ardeur effrénée, mélange de magie, d'allégeance et d'espoirs ravivés. Des espoirs auxquels ils n'avaient plus osé croire… mais qui ne tarda pas à échauffer leurs rangs de murmures hagards.
- Vous… vous croyez que…
Incapable de croire en ce qu'ils voyaient, ils balbutièrent sans respirer, se giflèrent de peur de rêver et se redressèrent avec anxiété, leurs visages se liquéfiant un peu plus à mesure que les ombres de leurs Maîtres jaillissaient de l'obscurité…
- C'est… c'est eux ?!
Des ombres qu'on n'eut jamais vu plus vivantes.
Des ombres qu'on n'eut jamais vu plus puissantes.
Des ombres qu'on n'eut jamais vu plus conquérantes…
- Mais… mais oui !
Avaient-ils raison d'y croire ? N'était-ce pas un leurre ? Un mirage ? Ou une illusion destinée à les tourmenter dans le noir ? Ils l'envisagèrent, tout aussi incertains que fatalement désœuvrés par les tournants de cette guerre ; pourtant, ils le savaient… jamais leur Maître n'aurait accepté la moindre défaite. D'ailleurs, pourquoi l'aurait-il fait ? Il était immortel ! Et ce qu'importe les armes, les sorts ou les pièges ! Pourtant et malgré cette logique certaine, leurs raisonnements ou encore la violence de leur fièvre, c'est profondément méfiants qu'ils restèrent prostrés à terre... Englués entre les morts et mares de sang, ils détaillèrent leurs silhouettes de longs instants, étudièrent leurs allures avec attention et gardèrent leurs distances dans l'éclat de leurs petits yeux sanglants, une ride inquiète gravée au milieu du front. Comme s'ils étaient face à des revenants, des Rois d'un autre temps ou de simples hallucinations, ils restèrent là, le regard béat et les lèvres tremblantes, incapables de comprendre ce qui, tout juste devant eux, s'élevait des cendres. Un instant pendant lequel on entendit résonner que le tambour de leurs murmures, hésitations, doutes et spéculations… avant que ne commence à s'élever l'anxiété générale de plusieurs centaines de questions.
- Regardez…
- C'est eux !
- Tu crois ?
- C'est pas possible…
- Mais si !
- Ta marque !
- Mais…
- J'peux pas y croire…
Des réactions multiples non pas seulement induites par le choc, la peur ou la fatigue, mais par les affres de la plus profonde et écrasante des surprises ; car certes, leur Maître était là… mais son Initiée aussi. Or, la majorité d'entre eux la croyaient déjà en fuite… en particulier devant la sommation de leurs ennemis, les milliers d'hommes à l'agonie et les carcasses de bateaux en ruine. Mais bien que ces croyances soient légitimes, qu'elle ait déjà cavalé des années pour assurer sa survie et que chacun d'eux aurait volontiers pris la fuite, tous durent admettre leur profonde bêtise…
- Elle est là ?
- C'est bien elle ?!
- Vous croyez ?
- Je… je sais pas…
Car leur Initiée n'avait jamais eu l'intention de fuir.
Leur Initiée n'avait jamais eu l'intention de partir.
Leur Initiée n'avait jamais eu l'intention de les laisser mourir.
- Ça peut être qu'eux !
- Mais je croyais…
- Ils ne sont pas partis !
- Vous êtes sûr ?!
Une évidence que beaucoup peinèrent à réaliser sans en avoir un vertige, mais qui les frappa davantage quand ils sentirent l'aura de leurs magies les assaillir... et la détermination de les ascension les faire frémir.
- Oui… c'est eux ! Regardez ! C'est bien eux !
Oui… c'était eux.
- Ils… ils sont là ! Ils sont là !
- Debout ! Vite !
- Dépêchez-vous, ils arrivent !
Non pas leurs Seigneurs, mais leurs Anges miséricordieux.
Non pas leurs Souverains, mais les Gardiens de leurs Cieux.
Non pas leurs Roi et Reine, mais leurs véritables Dieux…
- Ils sont là !
- Formez les rangs !
- Allez !
- La guerre n'est pas finie !
- Vite !
- Ils arrivent !
Ainsi, c'est dans l'écho d'une joie salvatrice que les blessés cessèrent de gémirent, que les endeuillés se mirent à rire et que les désespérés commencèrent à applaudir. Emportés par l'élan d'une nouvelle frénésie, tous accoururent, boîtèrent ou rampèrent pour les accueillir, les acclamer, se réjouir, les glorifier et les bénirent, leurs cœurs se gonflant à nouveau de vie devant leurs baguettes armées et marche rapide. Incapable de se contenir, ils hurlèrent à s'en arracher un poumon, frappèrent dans leurs mains à un rythme harassant, éclairèrent la nuit d'étincelles frémissantes et firent connaître leur bonheur jusqu'à l'autre bout de monde !
Un soulèvement comme il n'en avait jamais existé d'aussi intense, vivant et rayonnant.
Une allégresse comme on n'en avait encore jamais vu d'aussi vibrante, poignante et émouvante.
Mais une joie face à laquelle Hermione resta profondément et irrémédiablement… indifférente.
Comme s'ils lui étaient tous invisibles, que plus rien ne comptait et que le monde lui-même n'était composé que d'insectes rampant et d'insignifiantes vermines, la jeune femme n'offrit à leurs troupes qu'un visage placide, qu'une marche inflexible, qu'un silence morbide et qu'un regard impassible. Fière, droite et insensible à leurs liesses et haies honorifiques, elle avançait lentement entre leurs mains tendues et révérences bossues, un étau de glace gravé dans ses pupilles. Silencieuse aux côtés de son Maître, elle leur faisait face sans frémir, trembler ni tressaillir, indifférente à leurs élans et pleures frénétiques ; indifférente à leurs prières, joie et cris extatiques… et à tous ceux qui se mirent à chanter leurs louages telle la réincarnation du Christ. Oui… ignorant chacun d'eux, Hermione ne leur accorda pas un regard, pas un sourire, pas un espoir, ni même la moindre sympathie. A vrai dire, elle ne les remarqua pas même pas en dépit de leurs cris ! Une attitude froide, déconcertante et presque effrayante, qui ne tarda pas à agiter leur transe d'une terreur latente… à imprégner leurs joies de milles promesses de souffrance… et à étouffer leurs réjouissances d'une stupeur asphyxiante. Et pour cause ! Personne ne l'avait vu aussi indifférente ! Aussi insolente ! Aussi méprisante ! Aussi… aussi… aussi terrifiante. Certes, ils connaissaient tous son potentiel de destruction ; sa dangerosité, sa cruauté de même que son incontestable puissance. Mais ils la connaissaient également pour sa fougue, sa chaleur, sa rage et son ardeur ; ils la connaissaient pour sa hargne, sa rancœur, sa force et la sensibilité de son cœur ! Mais certainement pas une telle… une telle… une telle froideur.
Etait-ce bon signe ? Devaient-ils s'en réjouir ? L'acclamer davantage ? Ou devaient-ils la craindre ? S'aplatir ? Et se taire dans l'espoir qu'elle les épargne ? Aucun n'aurait su dire… mais aucun n'eut besoin du moindre indice pour comprendre que cette heure était décisive. Aussi, c'est tout aussi troublés que profondément transis que chacun se mit à la détailler d'un air ébahi, leurs cœurs manquant de s'arrêter à l'approche de la Déesse qu'invoquait si rageusement leurs ennemis… Intimidés, on vit même certains se mettre à genoux dans un élan presque instinctif, leurs entrailles se nouant davantage à mesure qu'ils imploraient pour leurs vies. Et pourtant…
Jamais Hermione ne les entendit.
Jamais Hermione ne les vit.
Jamais Hermione ne les sentit.
Non…
Elle ne voyait que l'aube poindre à l'horizon.
Que les Navires fumant dans l'ombre.
Que les Centaures s'agglutinant dans l'urgence.
Oui…
Elle ne voyait que ce nouvel essaim de Résistants…
Celui-là même où l'aura d'un cœur prophétique se faisait de plus en plus puissant…
Et où ses anciens amis avaient choisi de se rassembler pour l'y attendre.
Car elle le savait… ils étaient là.
Eux et leurs joies.
Eux et leurs espoirs.
Eux et leurs insupportables certitudes de victoires !
Mais ils se trompaient…
Jamais les Dieux ne les laisseraient gagner.
Jamais la Providence ne les laisseraient triompher.
Jamais l'Univers ne les laisseraient les détrôner !
Etait-ce un pari ? Peut-être. Mais peu lui importait… elle était prête.
Ainsi, jamais Hermione ne dévia.
Ainsi, jamais Hermione ne recula.
Ainsi, jamais Hermione ne se détourna.
Non… elle avança.
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Combien de temps cela dura ?
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Elle ne sut pas…
Marcher.
Marcher.
Marcher.
Mais comprit qu'ils n'allaient pas tarder à leur faire face…
Marcher.
Marcher.
Marcher.
En particulier quand leurs soldats emboitèrent leurs pas… quand certains d'entre eux se mirent à les escorter pour leur ouvrir la marche… quand plusieurs centaines de Centaures commencèrent à prendre place… et que résonna l'écho de cette ultime voix...
- Eh bien… eh bien…
Celle de ce cher et si détesté Ronald.
- Regardez qui se montre enfin...
Coucou ! Bon ne m'en voulez pas, c'est un très petit chapitre j'en ai conscience ^^' Ne vous en faîte pas, le prochain sera particulièrement long et sera "LE" chapitre officiel de "LA" rencontre. Les choses vont vite s'enchaîner après, alors soyez prêt !
