Immobile au milieu du champs du bataille, Hermione entendit un profond silence mettre fin à leur marche.

Comme si la Terre s'était arrêtée, que le Temps s'était figé et que le Monde entier les regardait, ce silence se mit à régner en Souverain incontesté, indifférent aux cœurs sur le point de s'arrêter, aux mâchoires ne cessant de tomber, aux regards instantanément baissés et apnées s'accroissant à un rythme effréné. Sans jamais se soucier de tout ceux qu'il se mit à asphyxier, pétrifier et tétaniser, il se propagea lentement parmi les rangs, insensible, froid et oppressant… Semblable à une gangrène foudroyante, il gagna la nuit, renversa le vent, contamina les esprits, humilia les vivants, assourdit les incendies et acheva même les blessés gémissants… avant d'inonder le ciel de ses murmures harassants… de recouvrir la terre de son souffle brûlant… d'étouffer la mer et ses milles bruissements… et de sceller chaque lèvre de sa poigne écrasante. Une poigne comme on n'en avait encore jamais vu d'aussi violente, grondante et terrifiante. Une poigne sous laquelle ses victimes ne tardèrent pas à s'étouffer entre deux jappements. Mais une poigne qui jamais ne desserra son emprise de leurs cœurs battants... Non pas que cela soit très surprenant ; après tout, ce silence n'avait rien d'indulgent… de bon, de clément ou de ne serait-ce qu'un tant soit peu bienveillant ! Et pour cause ! Ce silence était un tyran. Et se faisant, il était heureux de voler les dernières plaintes des mourants… heureux d'assourdir jusqu'au moindre écho de la plus infime goutte de sang… heureux de se savoir Roi incontesté de ce dernier instant.

Un Roi horriblement vivant, pesant, rayonnant, vibrant et conquérant.
Un Roi sans concurrence, défiance, résistants ni même le moindre plaignant.
Un Roi que nul ne voulut interrompre…

Et qui se réjouit davantage quand il vit les hommes, soldats, créatures et seigneurs du monde, se terrer gracieusement derrière la terreur de leur inextricable soumission…

Pourtant et contrairement à ce que laissait supposer ses frissons, Hermione ne se cachait pas derrière la couronne de cet indétrônable silence ; derrière son sourire, son gong, son sursit et insupportable arrogance. Au contraire même ! Elle l'étudiait avec prudence. L'entendait avec méfiance. Le détaillait avec patience. Oui… lentement, sûrement et minutieusement, Hermione écoutait ses battements, son rythme, ses revirements et autres cris furtifs… des petits sons tout aussi imperceptibles qu'inaudibles, qui sans qu'elle ne s'en rende compte, ne tardèrent pas donner la mesure de son adrénaline. Car elle n'était pas naïve… ce silence n'était qu'un artifice. Qu'une mise en bouche factice. Qu'une illusion perfide. Qu'un entracte avant la reprise de la plus grotesque des comédies ! La toute dernière de leur vie… Aussi, c'est sans jamais se détourner, trembler ou hésiter que la jeune femme affronta chacun des milles regards qui se mirent à la détailler ; à la jauger et l'étudier de leurs petits éclats dérobés. Des regards parfois francs, inquiets, baissés ou enragés ; des regards souvent empli de douleur, de courage, de colère ou d'anxiété... mais des regards qui face au sien, finirent fatalement par se détourner dans un hoquet horrifié. Pourquoi ? Elle ne chercha pas à se le demander. Sûrement que sa figure ensanglantée, ses vêtements déchirés et cheveux détrempés devait étonner ; que son impassibilité devait intriguer ou que sa prothèse quelque peu scintillante devait déstabiliser. Mais qu'importe… elle n'avait que faire de leur curiosité mal placée. De leurs attentes ou encore de leurs paris quant à la manière dont elle allait les affronter. Cependant et bien que cela semble également inapproprié, la sorcière ne put s'empêcher d'esquisser un rictus amusé. Et pour cause…

Devant elle se dressait des milliers de soldats.
Devant elle se dressait des créatures enragées, couvertes de sang et cuirasses.
Devant elle se dressait une armée comme on n'en avait jamais vu dans l'Histoire !

Et pourtant, chacun d'eux s'étranglait d'un mutisme brutale. Chacun d'eux se laissait terrasser par les assauts de ce silence infernal. Chacun d'eux tremblait sous le vice de son existence macabre ! Et ce alors même qu'il y a quelques minutes encore, chacun d'eux assiégeait le monde de leurs courroux et dessins barbares… Par Salazar, existait-il plus bas ? Plus hypocrite ? Plus lâche ? Et risible ? Elle n'aurait su dire… et encore, ce n'était presque pas le pire ! Car alors que leurs régiments s'étaient avancés dans les charniers, que les Centaures s'étaient tous rassemblés, que les blessés agonisaient par milliers, que l'étau se resserrait et que les deux camps se faisaient face dans l'élan d'une rage partagée, chacun d'eux s'était également pétrifié… Non pas à cause d'eux cette fois ! Loin de là ! Mais à cause de cette seule et unique voix…

- Eh bien… eh bien…

Une voix qu'Hermione avait reconnue avant même d'en voir le visage, mais face à laquelle tous s'étaient subitement mis à trembler en masse. Pourquoi ? Elle se le demanda, peu convaincue par l'hypothèse qu'elle puisse à elle seule insuffler terreur, respect et regards bas… et elle avait raison. Car l'évidence se tenait là ; non pas en ce cher Ronald, en sa rage et ses indémodables grimaces ! Mais bien en ce qu'elle promettait tout bas... un nouveau carnage.

- Regardez qui se montre enfin...

Oui. Enfin

C'était le mot.
C'était le moment.
C'était maintenant !

Aussi, c'est dans l'imminence de cette ultime confrontation qu'Hermione prit une profonde inspiration. Plus profonde que les précédentes, elle attisa le feu de son cœur battant, échauffa les brûlures de sa fièvre et galvanisa les cris de son serpent… un serpent qui siffla avec force au milieu des souffles coupés et mutismes tremblants, mais qu'elle entendit se taire tout aussi brusquement quand elle vit deux ombres sortir lentement des rangs.

- Ce n'est pas trop tôt…

Deux ombres encapuchonnées.
Deux ombres aux traits savamment dissimulés.
Deux ombres gardées de Centaures largement armés.
Deux ombres qui s'avancèrent sans jamais les regarder…
Mais deux ombres face auxquelles Hermione senti son âme trembler...

Car il n'y avait aucun doute quant à leur identité... Au contraire même ! Il n'y avait qu'eux pour se cacher à l'heure même où leurs armées combattaient ! Qu'eux pour se parer de capes immaculées à l'heure où même Voldemort n'affichait que boue, suie et figure ensanglantée ! Qu'eux pour se mettre en scène en cette heure de vérité ! Qu'eux pour orchestrer une rencontre aussi mal menée ! Mais qui sait ? Peut-être était-ce leur façon d'honorer les morts et milliers de blessés ? En faisant une entrée que nul n'oublierait jamais...

- Tu as failli nous faire attendre.

Se redressant fièrement face à elle, Hermione crut voir un étrange sourire ourler la commissure de leurs lèvres. Mélange d'impatience et de joie malsaine, il habilla le peu de visage que leurs capes laissèrent apparaître, mystifiant alors davantage le grotesque de cette scène. Semblable à deux vieux Rois cherchant désespérément à raviver la flamme de leur règne, ils restèrent ainsi… silencieux face à leurs ennemis… immobiles sous une rangée d'épée levées en une haie honorifique… mystérieux derrière leurs capuchons défraîchis… attentifs aux moindre gestes de leurs cibles. Qu'attendaient-ils ? Qu'elle tombe à genoux devant leurs actes héroïques ? Qu'elle tremble devant leurs gloires quasi-mythologiques ? Qu'elle pleure ? Implore ? Supplie ? Une telle idée l'aurait certainement fait éclater de rire si la situation n'avait pas été aussi critique ; pourtant, cette dernière ne manqua néanmoins pas de lui arracher un sourire ironique… Quelle comédie. Quelle blague. Quel cirque ! Et le pire était encore à venir ! Aussi, c'est sans surprise que la jeune femme les vit galvaniser le silence pendant de longues secondes, contempler leurs régiments avec attention et prendre une grande inspiration…

- Mais j'imagine que c'est le temps qu'il te fallait pour revenir à la raison.

Avant de révéler leurs visages d'un seul mouvement.

- Et accepter ta propre reddition…

Et d'enfin se dévoiler au monde.

Peinant subitement à contenir ses frissons, Hermione se mordit la langue dans un claquement de dent. Assiégée de douleur, de sensations, d'odeurs et de milles souvenirs d'enfance, elle sentit son cœur rater un battement, le souffle court et la fièvre aux tempes à mesure que son regard se perdait sur leurs sourires grandissant ; sur leurs sourires, mais également sur leurs teints livides, leurs mimiques, froncements de sourcils, anciennes cicatrices et nouvelles rides… sur leurs cernes, leurs joues blêmes, contours de pommettes, mordillements de lèvres et éternelles fossettes… sur leurs regards, leurs grimaces, étranges balafres, épaisses barbes et indomptables tignasses… sur leurs arcades légèrement gonflées, leurs arrêtes de nez, mâchoires carrées, grains de beautés et hématomes violacés… et sur absolument tout ce que ses yeux parvinrent à déceler.

Un instant pendant lequel les armées restèrent pétrifiées.
Un instant pendant lequel on n'entendit plus personne respirer.
Un instant pendant lequel la guerre elle-même semblait s'être arrêtée.

Mais un instant que l'Histoire avait déjà nommé comme « Le Jour que nul ne pourrait jamais oublier » …

Celui où le Trio d'Or se faisait enfin face.
Celui où les amis de toujours s'affrontaient une toute dernière fois.
Celui où la Plus Grande Traîtresse de l'Histoire rencontrait enfin les Deux Martyres de l'Espoir…

Aussi, c'est profondément troublée qu'Hermione les dévisagea sans même s'en cacher, ses pupilles imprimant jusqu'au moindre détail de leurs vêtements déchirés, de leurs tailles légèrement surélevées, de leurs barbes horriblement mal taillées et corpulences plus musclées… Comme si elle faisait face à des fantômes qu'elle avait oubliés, son esprit se mit à s'agiter, ses pensées à s'étioler, ses sens à se déliter et ses souvenirs à la submerger, mélange d'images, de sons, d'instants et de douleurs refoulées. Incapable de l'empêcher, c'est tout son être qui réagit à leur proximité… toute son âme qu'elle entendit hurler… toute sa conscience qu'elle sentit se fracturer… et tout son corps qu'elle vit trembler. Un capharnaüm de sensations tout aussi contraires qu'indéniablement décuplées, qui alors que son serpent s'était remis à siffler, lui inspira autant d'effroi que de tristesse, de peur que de colère, de confusion que de haine, de rancœur que de malaise, de tétanie que de gêne… ainsi qu'une terreur quasi-réflexe, dont la seule impression suffit à la laisser blême.

Par tous les Dieux… ces visages. Depuis quand n'avait-elle pas vu ces visages ? Ces regards ? Ces grimaces ? Et ces barbes ? Oh bien sûr, elle connaissait la réponse ! Mais son seul contexte suffit à lui arracher un frisson. Bon sang… la dernière fois qu'elle l'avait vu, Harry ne ressemblait plus qu'à une ombre ; à un fantôme terré dans sa tente, dont l'aigreur, la tristesse et la honte creusaient chaque jour sa propre tombe. Bien plus maigre, ses cheveux avaient commencé à tomber, son visage s'était creusé et son cœur s'était asséché, ne laissant de lui qu'un mort-vivant attendant d'être enfin enterré. Mais aujourd'hui ? Aujourd'hui il semblait juste… changé. Pâle, tiré et émacié, son visage s'était redessiné en des traits froids, osseux et étrangement creusés. Toujours aussi indomptés, ses cheveux de jais tombaient en mèches désordonnées, les os de ses pommettes scindaient méchamment ses joues, son nez semblait avoir été cassé et sa pomme d'Adam bosselait anormalement son cou. Bien qu'il semble en meilleur santé, d'épaisses veines bleutées marbraient sa peau de leurs étranges contours, sa barbe couvrait sa mâchoire avec irrégularité tandis qu'une nouvelle cicatrice mordait son menton jusqu'au coin inférieur de sa bouche. Un portrait tout aussi nouveau qu'incontestablement étranger aux yeux de la sorcière, qui ne parvînt pas à la détailler sans en ressentir un profond malaise… ou était-ce à cause de l'éternelle petite fissure de ses lunettes, qu'elle avait pour habitude de réparer d'un coup de baguette et d'un sourire maternelle ? Là encore elle préféra ne pas se le demander… mais ne parvînt pas à faire taire ses frissons quand son regard se porta sur le Weasley.

Sentant fatalement sa gorge se serrer face aux souvenirs que sa seule figure se mit à lui évoquer, elle peina à soutenir son regard sans en avoir la nausée, un rictus amer accompagnant son apnée. Pourtant, elle ne put le nier… lui non plus ne lui évoquait plus rien de familier. En son temps, il s'était laissé gagner par la rancœur d'une vie d'échec et d'exploits avortés, se transformant alors en un homme froid, brutal, insensible et révolté. Négligé, il avait laissé sa barbe et ses cheveux pousser tandis que son visage avait commencé à gonfler sous les litres d'hydromel et de bière qu'il s'évertuait à avaler. Une époque bien peu reluisante pendant laquelle il se laissait aller à ses colères et travers de débauché ; mais une époque qui semblait s'être achevée… pour laisser place à une nouvelle ère de haine et de cruauté. Plus musclé que par le passé, sa barbe avait été taillée et ses traits s'étaient affinés, dévoilant alors davantage les grimaces qu'il peinait à cacher. Imprimées à même ses joues, les marques de son dégoût s'étaient muées en deux rides d'expressions encadrant profondément sa bouche. Incapable de tenir en place, un tremblement nerveux agitait son genoux, ses petits yeux tressautaient frénétiquement sous ses longs cils roux, une sale balafre tailladait son arcade de reflets pourpre tandis que son front était zébré de veines palpitant au rythme de son pouls. Non plus imbibé d'alcool mais de haine, son seul regard aurait suffi à assommer Lucifer, symbole de milles promesses de tortures et de désirs de conquête… un regard que la jeune femme sentit la marquer au fer, avant que Voldemort lui-même ne gronde entre ses lèvres.

Seigneur… mais qu'est-ce qui lui arrivait ? Elle ne pouvait pas se laisser submerger ! Intimider ! Ou effrayer ! Et ce qu'importe ses sentiments, sa douleur ou les souvenirs qui l'assiégeaient ! Non, elle… elle devait se concentrer ! Se ressaisir ! Et ne rien montrer ! Mais bien qu'elle s'interdise de bouger, de trembler, de grimacer ou de ne serait-ce que respirer, l'évidence la frappait… et l'horreur l'étranglait. Plus encore, elle l'asphyxiait. La désarmait. La paralysait ! Pourtant, elle s'y était préparée ; pendant des semaines, des mois et presque deux années, elle avait imaginé les retrouver ! Les confronter avec douleur et dureté ! Les défier sans sourciller ! Et les narguer d'un sourire mille fois répétés ! Mais maintenant qu'ils étaient là… à seulement quelque pas… et que tous deux la détaillaient également de haut en bas… Hermione ne pouvait le nier : quelque chose d'indéniablement détestable animaient leurs retrouvailles. Quelque chose de dur, de pesant et de profondément anormal ; quelque chose d'intense, de dérangeant et d'étrangement inconfortable… quelque chose que la jeune femme ne s'expliqua pas, mais qui bien qu'elle tente de rester de marbre, lui retourna douloureusement les entrailles. Pourquoi ? Elle-même ne le sut pas… pourtant, les théories ne manquaient pas.

Etait-ce à cause de ce qu'ils avaient vécu ? De leurs années d'amitiés, de combats, de fuites et de tumultes ?

Possible… après tout, il n'y a pas si longtemps, ces visages étaient les plus chers de son existence. Les plus précieux, protecteurs et aimants ! Les plus affectueux, admirateurs et rayonnants ! Ceux pour qui elle aurait été prête à toutes les abominations ! Mais comme toutes choses en ce monde, le gens changent ; les destinées aussi. Et en ce sens, les Dieux avaient choisi... et ses amis étaient devenus ennemis.

Etait-ce à cause de leurs attitudes ? De leurs regards étroits, imposantes barbes, balafres et insupportables sourires de béatitude ?

Probablement… après tout, ils ne s'étaient pas vus depuis si longtemps. Le temps était passé, des choses étaient arrivées, des choix avaient été faits, des trahisons les avaient esquintés et des coups avaient été échangés. Ainsi, elle le savait. Rien n'était plus comme par le passé… et rien ne le serait plus jamais. Ni leurs amitié, ni leurs rêves, leurs allures, leurs quêtes, leurs luttes… Oui, ils n'étaient plus ceux qu'elle avait connu. Ils n'étaient plus ceux pour qui elle s'était battue. Ils n'étaient plus ceux qu'elle avait chéri, protégé, aimé et soutenu ! Non, ils… ils n'étaient que des inconnus. Pas des amis. Pas des alliés. Pas même des connaissances ou d'anciens camarades de classes que l'on regarde avec nostalgie et amitié ! Non… juste des étrangers.

Etait-ce à cause de ses heures de tortures ? De leur cruauté sans borgne, vices, trahisons et ignoble abandon ?

Peut-être. Mais comment savoir ? Certes ce qui était fait, était fait. Rien ne pourrait jamais l'effacer ou le changer ! Mais ce qui avait été fait – et plus précisément, ce qu'ILS lui avaient fait – l'avait brisé... Pire encore, cela l'avait tué. Anéanti. Dévasté. Déconstruite. Exterminé. Détruite. Assassiné. Mise en ruine ! Et encore tant de chose qu'elle n'oserait jamais dire… et dont elle ne voulait pas se souvenir.

Seigneur…

Il y avait tellement de choses qu'elle avait volontairement oublié. Tellement de choses qu'elle avait sciemment refoulé. Tellement de choses qu'elle ne parviendrait jamais à formuler. Tellement de choses qu'elle refusait même de s'avouer ! Etait-ce de la peur ? De la honte ? Ou de la lâcheté ? Peut-être… mais là encore elle n'avait pas trouvé le courage de véritablement se le demander ; de faire face à elle-même, d'embraser l'obscurité de ses plus lourds secrets et d'accepter pleinement tout ce qu'ils signifiaient ! Pour preuve, il lui était encore impossible de véritablement penser à tout ce qu'ils lui avaient fait… de s'en souvenir sans vouloir hurler, de les expliquer sans être prise de nausées ou de les énumérer sans sentir son être se décharner ! Pourquoi aurait-elle voulu pouvoir le faire d'ailleurs ? Elle n'avait besoin d'aucune liste pour se souvenir de ses indescriptibles malheurs… d'aucun rappel pour se remémorer ses innombrables pleures ou pour ressentir sa honte, ses haut-le-cœur, ses supplications et son incommensurable douleur. Non, elle n'avait besoin de rien pour vivre avec la tourmente et l'horreur que ses chers « amis » avaient si gracieusement insuffler dans son cœur… un état de fait qu'elle aurait volontiers nié par orgueil, mais qui l'affligeait déjà de son odieux rire moqueur. Et pour cause… quoi qu'elle fasse, pense ou veuille, son âme resterait à jamais marquée du sceau de cet insurmontable deuil : celui des plus grands amours de vie, œuvrant chaque jour pour la voir enfin vêtue d'un linceul… allongée dans son cercueil… et brûlée à même le bois de sa dernière demeure.

Etait-ce à cause de leurs retrouvailles ? Ou de leur absence ? Et de cet indescriptible sentiment de solitude qui l'avait assailli le jour de leur disparition ?

Là encore, c'était plausible. Plus encore, cela semblait même logique ! Car jusqu'à cet instant précis, Harry et Ron n'étaient encore que des souvenirs. Des visages floues, furtives et intangibles ; des noms prononcés à la va-vite, aux sens brouillés et inaudibles… de petites choses brèves et futiles, enveloppées de déni et flottant çà et là dans les méandres son esprit ! Mais maintenant qu'ils étaient là… maintenant qu'ils sortaient de leur trou à rat et lui faisaient face après plus de deux ans d'abandon, d'attaques, de chuchotis et de bruits de couloirs, Hermione pouvait enfin faire table rase... et plus important encore, elle pouvait enfin rebattre les cartes. Car ils n'étaient plus des fantômes désormais. Ils n'étaient plus des ombres tapis entre deux rêves ou des prénoms chuchotés du bout des lèvres ! Non… ils étaient là, devant elle. Ils étaient de sang et de chaire. Ils étaient… ils étaient les mêmes.

Les mêmes idiots trop lâches pour accepter leur défaite.
Les mêmes rustres trop bouffis d'orgueil pour comprendre l'inutilité de leur guerre.
Les mêmes benêts trop sots pour saisir l'enjeu d'une prophétie millénaires.
Les mêmes fous trop égoïstes pour écouter celle qui leur avait toujours été fidèle !

Mais elle, en revanche… n'était plus la même.

Elle n'était plus l'amie dévouée qui les avaient docilement laissés la torturer.
Elle n'était plus l'orpheline désespérée qui avait tout envisagé pour se faire pardonner.
Elle n'était plus la folle pestiférée qui avait lâchement été abandonnée.
Elle n'était plus la sorcière désœuvrée qui avait tout fait les retrouver.
Elle n'était plus la misérable petite sang-de-bourbe à qui ils n'avaient laissé qu'une note d'adieu à moitié déchirée !

Non… elle n'était plus l'Hermione dont ils se souvenaient. Elle n'était plus l'Hermione qu'ils connaissaient. Elle n'était plus l'Hermione qu'ils s'imaginaient. Et se faisant, elle pouvait enfin éradiquer les dernières images qu'ils avaient d'elle ; ses pleurs, ses supplications, ses cris, ses faiblesses… tout cela n'était plus réel. Tout cela n'avait plus de raison d'être. Tout cela n'était plus elle ! Alors qu'importe… qu'importe qu'elle souffre de les voir devant elle, le dos droit et le regard fier ! Qu'importe que leurs lèvres s'étirent insolemment de sourires allègres ! Que leurs pupilles frémissent d'un désir de gloire et de cruauté perverse ! Que leurs mâchoires se serrent rageusement devant son Maître ! Et que leurs sangs ne battent plus que pour la guerre ! Elle n'était plus leur victime hurlant à terre. Elle n'était plus leur bouque émissaire ! Elle… elle n'était rien de moins que ce qu'ils avaient fait d'elle : une Déesse.

Une Déesse Sanguinaires aux désirs cruels.
Une Déesse des Ténèbres au cœur de pierre.
Une Déesse Vengeresse aux dessins Génocidaires.

Et il était temps qu'elle le leur rappel… Non pas seulement à Harry et Ron ! A leurs soldats ! Aux milliers de Centaures ! Ou à ses propres mangemorts ! Mais également à tous ceux qu'elle vit peu à peu sortir de l'ombre pour se joindre en renforts…

Ginny.
Molly.
Arthur.
Charlie.
Bill.
Percy.
Fleur.
Neville.
Dean.
Victor.

Se dressant tel un seul homme devant eux et les Mangemorts, ils se tenaient là, fiers et engagés dans l'adversité de leurs combats. Tantôt blessés, ensanglantés, esquintés ou essoufflés, ils s'étaient peu à peu rassemblés dans le noir, se nichant alors dans l'ombre de leurs meneurs aux sourires toujours plus larges. Pourtant et bien qu'ils restent en retrait, Hermione ne le nia pas… ils avaient du courage. Qu'il s'agisse de Ginny, de Charlie, de Molly, de Fleur, de Dean ou de Neville, aucun ne trembla. Aucun ne se détourna. Aucun ne sourcilla. Aucun ne vacilla ! Francs, droits et déterminés, ils la laissèrent les détailler dans son apnée, les passer en revue de son regard mordoré et les contempler avec dureté, leurs visages n'offrant alors que dégoût, rage et sévérité… que jugement, colère et indignité… que déception, horreur et grimaces excédées. Des grimaces à la fureur à peine cachée ; mais des grimaces qu'Hermione reconnut sans la moindre difficulté. Et pour cause… aucune d'elle n'avait changé depuis l'époque de ses coups de fouets. A croire que certaines choses ne changeaient jamais quand il s'agissait d'une traître déjà condamnée…

Indignés, Molly, Arthur, Percy et Charlie la contemplait avec rancœur et déception.
Affligés, Neville et Bill la jaugeaient avec douleur et honte.
Enragés, Fleur, Victor et Dean la toisaient avec rage et répulsion.

Cependant, un seul visage lui était véritablement surprenant… celui de Ginny. Partie de longues semaines avant le début de sa déchéance, aucune des deux ne s'était revue depuis plus de deux ans. A vrai dire et après une si longue absence, Hermione en était même venue à se demander si elle avait survécu à sa mission ! Mais il aurait été mal connaître la jeune Weasley de croire qu'elle aurait pu se faire prendre… Intelligente, fière, intrépide et incroyablement vaillante, elle avait tout d'une Gryffondor de légende ! D'une femme forte et indépendante ! D'une sorcière téméraire et puissante ! Et d'une Weasley au cœur de feu et incroyable trempe ! Des traits de caractères qui semblaient s'être davantage affirmés avec le temps et dont l'évidence parvint presque à lui arracher un sourire aimant. Seigneur… Ginny. Sa confidente. Son socle. Sa sœur. Son amie. Il y avait tant de chose qu'elle aurait souhaité pouvoir lui dire ; lui expliquer, sans mensonge ni tromperie ! Mais elle le savait… cette chance ne lui serait jamais permise ; en particulier quand elle vit son regard la couvrir d'un profond mépris. Oh bien sûr, il ne faisait aucun doute qu'elle devait la haïr pour ses crimes ! La détester pour les avoir trahis et la maudire pour sa nouvelle allégeance envers son Maître et son idéologie ! Pour preuve, jamais elle n'avait vu son visage exprimer autant de dédain de sa vie ! De jugement, de colère, de honte et frissons meurtris ! Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Elle n'avait rien vu de ses tortures et milles châtiments. Elle ne connaissait rien de ses douleurs et motivations. Et plus important encore, elle ne connaissait rien de sa version… un détail dont Harry et Ron devaient – bien entendu – se réjouir avec une profonde délectation. Mais qu'aurait-elle pu y faire de toute façon ? Il s'agissait de son frère et de son amant ! Le moindre de leurs chuchotements vaudrait toujours milles fois plus qu'une centaine de ses hurlements ! Ainsi, il n'y avait rien qu'elle puisse faire pour renverser une pareille dissonance… et rien qu'elle puisse faire pour se faire entendre.

C'est donc non sans peine que la sorcière cacha son émotion, le cœur lourd devant l'une de ses plus précieuses amies d'enfance. Pourtant, elle n'était pas la seule à la désarmer de sa seule présence. Et pour cause ! D'étonnantes veilles connaissances étaient présentes…

Abelforth Dumbledore.
Le professeur Chourave.
Le professeur Flitwick.
Le professeur Bibine.
Horace Slughorn.
Et même Hagrid...

Et oui… eux aussi étaient là ; soit presque un tiers de son ancien corps professoral... sans parler bien entendu la vingtaine de visages qu'elle ne tarda pas à distinguer dans le noir. Des visages d'anciens élèves, amis et camarades qu'elle n'aurait jamais cru revoir… mais qui sans grande surprise, étaient prêts à se battre.

Olivier Dubois.
Cormac McLaggen
Romilda Vane.
Padma et Parvati Patil.
Hannah Abbott.
Katie Bell.
Susan Bones.
Colin et Denis Crivey.
Angelina Johnson.
Lee Jordan.
Ernie MacMillan.

Un bien beau bataillon d'anciens élèves, de sorciers tout justes accomplis et déterminés à gagner cette guerre.
Un bien beau régiment de soldats désœuvrés et encore imberbes, prêts à tout pour vaincre et assurer la relève.
Un bien bel escadron d'esprits défaillants rongés par la rancœur et la colère, engagés dans une quête irréelle.

Pourquoi étaient-ils tous là ? Qu'espéraient-ils vraiment accomplir ce soir ? Et que croyaient-ils prouver en leur faisant face ? Pensaient-ils que leur nombre suffirait à les accabler de désespoir ? Qu'ils trembleraient devant la détermination de leurs regards ? Que leurs seules présences en ces lieux témoigneraient de leurs propres failles ? De leurs échecs ? Ou de l'inefficacité de leurs pouvoirs ? Peut-être ; mais sérieusement… qu'est-ce que quelques membres de l'Ordre de Phénix pouvaient bien évoquer chez un Mage Noir, si ce n'est un soupir dérisoire ? Un sourire narquois ? Et une œillade emplit de sarcasme ? Voldemort les avait déjà battus une fois… et ce alors même que la Résistance avait l'avantage ! Mais aujourd'hui ? Alors qu'il rayonnait d'essence divine ? Qu'il avait atteint les sommets de la Magie ? Et redéfini les lois du possible ?! Par Merlin… il n'aurait qu'à battre d'un cil pour tous les anéantir ; une certitude infaillible, acquise et indélébile, qui ne rendit leurs espoirs et convictions que plus risibles. Mais qu'importe... à ce stade, ils avaient tous déjà choisis leurs morts.

Ainsi, c'est après ces infimes secondes de contemplation, de silence et d'introspection qu'Hermione et son Maître partagèrent un ultime frisson. Le dernier avant le grand plongeon…

- Bonjour Ron.

Semblable à un véritable boulet de canon, à une balle tirée à bout portant ou à une explosion retentissant depuis l'autre bout du monde, ses mots transpercèrent l'air dans un tonnerre foudroyant. Intelligibles, puissants et cinglants, ils annihilèrent les restes informes de ce glorieux silence, résonnèrent avec force pendant de longues secondes, suscitèrent stupeur, effroi et myriades de frissons, et virent même jusqu'à ahurir les Centaures de leur simplicité désarmante. Une simplicité néanmoins froide, calculée et distante, qui ne tarda pas à se parer de la plus majestueuse des insolences… Oh bien sûr, elle ne s'attendait pas à ce que Ron lui réponde. Pour preuve, ce dernier ne lui accorda qu'un rictus enragé accompagné de spasmes furibonds ! Cependant, elle fut néanmoins agréablement surprise de voir Harry la détailler pendant quelques secondes avant de s'avancer d'un pas hésitant… et de la saluer gravement du menton.

- Hermione. Dit-il entre ses dents.

Un salut impersonnel. Un regard froid. Un ton distant… soit trois fois plus que ce qu'il s'était donné la peine de lui accorder avant leur abandon.

- Harry. Lui répondit-elle solennellement.

Détournant rapidement le regard, l'Elu ne s'attarda pas en cérémonial ; ou du moins, pas à son égard… Car alors même qu'un nouveau silence retombait, que les tensions croissaient et tous les contemplaient, ses pupilles s'étaient déjà ancrés sur un autre visage : le seul qu'Harry Potter s'impatientait réellement de voir.

- Tom…

Grondant silencieusement à l'emploi de son prénom, Voldemort l'irradia d'un regard brûlant, sa magie l'auréolant violemment à mesure que leurs pupilles s'affrontaient déjà en un combat harassant. Un combat cependant familier, inutile et profondément affligeant, qui alors même qu'il aurait dû le transir de rage, ne parvînt qu'à lui arracher un soupir tout aussi las que cinglant. Bon sang… ce maudit gamin n'apprendrait-il donc jamais la leçon ? N'avait-il rien de mieux à faire de sa vie ? De son temps ? De la vie de ses amis ? Ou du grotesque héritage de ses parents ?! Apparemment non… mais de là à faire preuve d'une telle déraison ? A aliéner les Centaures au profit de leurs infâmes convictions ? A mettre Poudlard à feu et à sang ? A croire en leurs chances ? Et à s'acharner dans le vent ?! Par Merlin… autant qu'il se laisse pendre à une corde et leur fasse gagner un précieux temps ! Mais il aurait été mal connaître la suffisance, l'orgueil et l'arrogance de sa misérable existence, que de croire qu'il puisse un tant soit peu faire preuve de décence. Que dire ! D'un minimum de lucidité ! De discernement ! D'intégrité ! Et d'intelligence ! Certes, il n'était pas le mieux placé pour parler de sens moral et de résilience… mais jamais ô grand jamais il ne s'était abaissé à un grotesque aussi infâmant ; à un ridicule aussi avilissant et à une détermination aussi déshonorante ! A croire que ce cher Survivant avait véritablement tout perdu de sa légende, pour ne laisser que les caprices et frasques égoïstes d'un enfant… un constat tout aussi puéril qu'humiliant, que Voldemort ne put s'empêcher de jauger avec pitié et déception.

- Potter... Siffla-t-il après un court instant. Cela faisait longtemps.

- Pas assez à mon goût.

Ne cachant pas à son amusement, Voldemort laissa échapper un rire bruyant, symbole du mépris qui infusait déjà son sang.

- Mais je t'en prie… Railla-t-il dans une grimace. Si ma présence t'est si désagréable, va-t'en. Rassemble tes sauvages, ramasse tes blessés, brûle tes morts et disparais… je ne te retiendrais pas.

Enragé par la désinvolture de son sourire moqueur, Harry cracha à terre avec orgueil, une nouvelle haine aliénant son cœur.

- Et vous laisser détruire impunément tout ce qui est bon en ce monde ? Non… non, je ne crois pas.

- Dans ce cas ne te plains pas. Claqua-t-il. Que je sache, c'est toi qui t'es invité chez moi…

- Poudlard ne vous appartient pas !

Roulant des yeux ciel, Voldemort étouffa un soupir entre lèvres.

- C'est vous qui nous l'avez volé ! Hurla-t-il sans respirer. A moi ! Aux Weasley ! A Dumbledore ! Et aux milliers d'innocents qui ont perdu la vie en défendant leurs familles, leurs libertés et leurs foyers !

Bon Dieu… et dire que c'était lui son ennemi mortel. Sa Némésis. Son unique adversaire. Que dire ! L'indéfectible menace de son règne ! Un gamin décérébré aux émois prépubères…

- Oui… c'est vous qui avez rassemblé une armée ! Continua-t-il. C'est vous qui nous avez attaqué ! C'est vous qui nous avez forcé à nous cacher ! C'est vous qui nous avez poussé à répliquer !

- Et j'imagine que c'est également moi qui t'ai convaincu de recruter une armée de barbares ? D'envahir mes territoires ? D'assassiner des milliers de sorciers n'adhérant pas à ton combat ? D'orchestrer ce grotesque coup d'état ? Et de mettre le feu à ton si précieux Poudlard ?

Sonné par une énumération aussi brutale, Voldemort vit les Résistants regarder Harry dans un mutisme grave, le regard bas tandis que dansaient devant eux les berges du Danube jonchées de milliers cadavres. Des images infâmes, cruelles et triviales, dont les odeurs putrides et cris horrifiques hantaient les tréfonds de leurs âmes… mais des sacrifices auxquels le Survivant avait bien l'intention de rendre hommage.

- Leurs morts sont… regrettables. Grimaça-t-il.

- De toute évidence pas assez pour que tu éprouves le moindre scrupule à combattre aux côtés de ceux qui les ont massacrés…

- Aucun de nous n'a jamais voulu ça ! Se scandalisa-t-il.

Souriant allégrement face à sa figure outrée, le Mage noir s'humidifia les lèvres dans un sourire amusé. Pauvre petit Potter… jamais il ne grandirait.

- Oh si... toi.

- Je…

- Ne mens pas. Siffla-t-il. Tu as voulu tout cela ; la guerre, les morts, les massacres, la discorde… tu voulais que cela arrive. Tu voulais voir ces gens mourir ! Tu voulais offrir leurs vies en sacrifices ! Tu voulais te proclamer Rois de ces pauvres martyres… et c'est précisément pour cela que tu es ici.

- Vous croyez ?! Cracha-t-il.

- Je ne le crois pas… je le sais. Tout comme je sais qu'au fond de toi, tu as trouvé un certain plaisir à les voir souffrir.

Jaugeant gravement le Mage, Harry ne répondit pas à cela, son dégoût suffisant amplement à décrire la nausée que lui inspirèrent pareils outrages. Mais qu'importe ses commérages… qu'importe ses suppositions profanes et odieux présages ! Il n'avait pas à se justifier quant à ces massacres, à s'excuser ni même s'expliquer sur quoi que ce soit ! Ce qui était fait, était fait ; les morts étaient morts et les regrets viendraient ! Mais ce soir ? Ce soir ne subsisterait que ce qu'il ferait de l'Histoire...

- La guerre est pavée de victimes collatérales. Soupira-t-il. Vous le savez mieux que quiconque…

Manquant de s'étouffer dans son apnée, Hermione sentit sa mâchoire tomber devant l'affront d'une réponse aussi osée. Des victimes collatérales ? Il causait la mort de milliers d'innocents et les appelaient « victimes collatérale » ?! Alors même qu'il avait sciemment transformé les Centaures en suppôts du Diable ? Déchaîné leurs vices et natures barbares ? Et était seul responsable de ces odieux massacres ?! Certes, elle n'avait aucun droit de lui faire morale – en particulier quand son propre Génocide avait exterminé l'intégralité d'une espèce ancestrale… mais jamais ô grand jamais elle n'aurait cru qu'il s'abaisserait à cela ! Pire encore ! Qu'il cautionnerait de tels carnages ! Et pourtant, il n'en démordait pas… et ne regrettait pas son choix. Une évidence qui la laissa tout aussi choquée que profondément hagard, mais face à laquelle son Maître ne put plus contenir un rire d'extase.

- Eh bien ! Eh bien ! S'exclama-t-il à grande voix. Voilà qui est nouveau ! Le célèbre Harry Potter, le Grand Sauveur de ce monde et Egérie adulée du Bien… est devenu un assassin !

- Je n'ai jamais…

- Cherché à tuer ces pauvres innocents ? Voulu leurs morts ? Et cautionné leurs châtiments ? Je t'en prie Harry… tu n'es plus un enfant. Sourit-il cruellement. Tu ne peux plus te cacher derrière tes professeurs, tes amis ou tes parents ! Tout comme tu ne peux pas nier que tes mains resteront à jamais entachées de leurs sangs…

Peinant à garder son sang-froid face à Voldemort, Harry se mordit la langue sous le regard complice de Ron, un nouveau nœuds coincé dans le gorge… Oui. Peut-être disait-il vrai ? Peut-être ne se relèverait-il jamais de cette guerre ? Peut-être mourait-il sous le poids de ses regrets ? Et peut-être même ne se pardonnerait-il jamais pour tout ce qu'il avait fait ? Mais à quoi bon se flageller à l'heure où tout se jouait ? A quoi bon s'interroger ? Se torturer ? Et courir après ce qui demain le hanterait ? Il aurait assez de toute une vie pour regretter ce qu'il avait fait… mais pour l'instant, la culpabilité attendrait.

- Tout ce que je fais, je le fais pour eux… Cracha-t-il durement. Pour tous nos amis tombés au combat ! Pour tous nos professeurs perdus en défendant Poudlard ! Pour toutes nos familles enlevées, torturées et assassinées par vos soldats ! Alors oui… j'ai les mains sales. Oui, j'ai été contraint de voir, d'entendre, de faire et de cautionner des choses infâmes. Et oui, il se pourrait bien que cette guerre ait eu raison de mon âme ! Mais rien de tout cela ne comptera quand le soleil se lèvera enfin sur votre cadavre…

Souriant franchement face à l'hypocrisie d'une dévotion aussi factice, Voldemort siffla entre ses dents, ahurit par l'idiotie, la vanité et l'arrogance de sa comédie. Car ce n'était que ça à ses yeux ! Une profonde, perfide et insultante comédie… une mascarade seulement composée des plaintes insipides d'un faux martyre… un affront aux morts, aux soldats et à la vie. Aussi, c'est tout en le détaillant que le Mage Noir fit claquer sa langue, une ride agacée lui barrant soudainement le front. Bon sang… et dire qu'il fut un temps où il se sentait menacé par le seul murmure de son nom ; par le mythe du Glorieux « Survivant », sa clémence, sa détermination à protéger les innocents et à croire en tout ce qu'il y avait de « bon ». Mais maintenant ? Maintenant qu'il tuait impunément ? Etait prêt à faire couler le sang ? Et reniait l'intégralité de ses convictions dans le seul but d'assouvir sa vengeance ?! Par Morganes, il ne valait pas mieux que ceux qu'il traitait de monstres ! Il ne valait pas mieux que les prisonniers d'Azkaban ! Que les fugitifs, les criminels ou les fous échappés d'asiles ! En fait, il… il ne valait pas mieux que lui ! Un constat qui ne manqua pas d'élargir son sourire et dont l'ironie le fit à nouveau éclater de rire…

- Intéressante méthode… Rit-il. Tuer pour libérer. Tuer pour sauver. Tuer pour libérer. Tuer pour honorer… bravo, je n'y avais jamais pensé.

- Je…

- Tu n'es qu'un mensonge Harry. Cingla-t-il agacé. Une farce. Une comédie. Un vulgaire meneur de cirque ! Le genre d'homme que l'on suit par dépit, désespoir et hypocrisie… mais qui jamais ne réussit. Qui jamais ne triomphe. Qui jamais ne conquis ! Tu nous l'as toi-même remarquablement prouvé il y a quatre ans et tu nous le prouves encore aujourd'hui… tu n'es qu'un enfant jouant à la guerre pour un caprice.

Piqué à vif, le Survivant se mordit la joue pour contenir ses cris, ses dents claquant frénétiquement à mesure que rayonnait la joie de son ennemi. Une joie profonde, puissante et dévastatrice, qui le frappa plus violemment qu'un Doloris...

- Et vous ? Demanda-t-il avec mépris. Quel genre d'homme êtes-vous, si ce n'est celui que l'on suit par fanatisme ? Vice ? Et folie ?

- Mes fidèles ne sont pas tous saints d'esprits, je te l'accorde volontiers… mais ce n'est pas moi qui ai passé ces quatre dernières années à comploter. Ce n'est pas moi qui ai constitué une armée dans le seul but de m'affronter. Ce n'est pas moi qui ai dû envoûter mes propres troupes pour les voir combattre à mes côtés !

- Votre Magie Noir a corrompu tout un pays ! Votre idéologie a détruit des familles ! Et votre cruauté…

- Ma cruauté ?! Répéta-t-il ahurit.

Manquant de se frapper le front dans un gloussement atterré, Voldemort serra les poings dans un sursaut mal caché, ne parvenant presque pas y croire en l'existence d'un culot aussi effronté. Et pour cause ! Des deux, c'était lui qui l'avait assiégé ! Lui qui l'avait provoqué ! Lui qui l'avait défié ! Et lui qui avait décimé un tiers de son peuple pour se venger ! Et il osait lui parler de cruauté ? A lui ?! Par tous les Dieux… quelle hérésie.

- Ma cruauté… Rit-il sans le regarder. Ironique venant de l'auteur de ce nouveau charnier !

- Oh pitié… de ce que j'ai vu, vous avez adoré y participer.

- Ce n'est pas faux ! Rétorqua-t-il. Mais tu le sais mieux que quiconque… tuer tes amis a toujours été l'une de mes plus grandes passions.

Un nouveau frisson.
Un nouveau grondement.
Un nouvel instant pendant lequel Harry manqua de se briser une dent.

- Oui… je le sais. Là est votre plus grande fierté ; tuer, torturer, condamner, flageller, menacer… là est tout ce que vous avez toujours fait ! Là est tout ce pourquoi vous êtes né !

- J'ignorais que tu avais fait tout ce chemin pour me flatter !

- Non Tom, pas pour vous flatter… mais pour faire votre procès.


Coucou ! Ca y est... la joute verbale a officiellement commencé... et avec elle, le début d'une toute nouvelle épopée. Hermione est déterminée quoi que bouleversée, Voldemort est enragé quoi que atterré et les Résistants... eh bien, ils sont tous prêts à charger. Ainsi, beaucoup de choses vont se passer, se révéler et se jouer, alors resté a l'affut : la dernière guerre vient d'achever son prélude.

En tout cas j'espère que ce chapitre vous aura plu ! J'attend vos retours avec impatience !
BIZZEEEEE