Coucou tout le monde !
Alors... tout d'abord, je tenais à m'excuser. J'ai bien conscience de mon retard (même si au bout d'un mois je pense qu'on ne peut même plus qualifier ça de retard ^^'). J'en suis désolée mais malheureusement j'ai dû faire face à quelques imprévus personnels, qui comme vous pouvez vous en douter, ont bouleversé mon emploi du temps professionnel. Ne sachant pas quand je pourrais véritablement reprendre les publications, j'ai préféré ne rien dire et ne pas donner de nouvelle date de retour... je n'étais pas encore certaine de l'évolution de certaines choses, mais je pense pouvoir dire que le plus dur est passé et que je suis enfin en mesure de reprendre mon histoire.
Sur ce, j'espère que la suite ne vous décevra pas.
Je vous embrasse.
A très vite !
C'était amusant… une tombe.
Non pas hilarant bien sûr… mais cynique ; pour ne pas dire presque ironique. Tout comme la Mort à vrai dire. Un jour on vit et un autre, on est ici… les traits figés et le teint de cire, à gésir dans une boîte aux parfums excessivement fleuris, que l'on a fermé, scellé et enseveli, comme pour être certain de ne plus jamais l'ouvrir.
Oui… c'était ironique, une tombe.
Comme une mauvaise plaisanterie à laquelle on grimace poliment ; comme un rire un peu forcé qui hérisse par sa fausseté évidente… ou comme une pensée qui nous agite mais qui s'évapore dans l'instant. Soit le genre d'ironie que l'on subit en grinçant des dents, que l'on cherche à éviter et qui nous exaspèrent horriblement, mais qui sans qu'on s'en rende compte, tisse le fil d'un quotidien, d'une vie et d'une existence… avant que ce dernier ne s'effiloche sous les affres du temps, et ne se rompe fatalement sur les rebords en granite d'une de ses maudites tombes.
Oui… c'était affligeant, une tombe.
Qui avait inventé cela d'ailleurs ? Ces stèles aux contours d'albâtre, que l'on dresse hors de terre comme symbole d'un ultime voyage. Ces plaques de marbre noir, gravées à l'or d'un nouveau drame. Ces dalles aux reflets d'ivoire, où ne figurent qu'un nom et deux misérables dates. C'était étrange… qui voudrait de cela pour dire aurevoir ? Pour rendre hommage ? Ou pour ne serait-ce que laisser couler ses larmes ? Il n'y avait rien de très spirituel à pleurer devant un bloc de pierre… pas plus que devant un parterre de chrysanthème, ou encore ces rangées de milliers d'autres stèles, chacune d'elles s'alignant en rang tel un public à l'affut du moindre tremblement de lèvres ! Et pour cause ! Ça n'avait rien de sacré, de profond ou ce ne serait-ce qu'un temps soit peut émouvant… Au contraire même ! Cela frôlait l'exhibition, la honte et l'indécence ! Pire encore, cela entachait jusqu'à la mémoire de ceux qui pourrissaient déjà entre les murs délavés de leurs demeures immondes ! Mais le deuil mortel se voulait ainsi… impersonnel, dérangeant et public.
Oui… c'était immonde, une tombe.
Non pas à cause de leurs apparences, de leurs rôles ou significations ; mais de ce qu'elles insufflaient si facilement… de cette vulnérabilité qu'elles révélaient si subtilement, de cette douleur qu'elles personnifiaient si fatalement, de cette fin qu'elle représentait si fièrement, et de ce drame… ce drame… qu'elles officialisaient si durement. Car une tombe n'avait aucune autre vocation ; aucun autre but ou raison d'existence ! Non… elle ne servait qu'à cela : annoncer qu'un malheureux pourrissait dans une boîte. Par Salazar… quel charme ! A croire que leurs créateurs avaient un sens prononcé de l'humour noir ! Mais que dire face à cela ? Que reprocher ? Que crier ? Que changer ?! Cette tradition était ancrée, son symbolisme revendiqué et sa pérennité assurée... Pour preuve, nul ne voulait finir oublié ! Nul ne voulait finir jeté dans un fossé ! Et nul ne voulait voir ses proches pleurer sans avoir une pierre à regarder ! Mais cette pierre n'était rien de plus que ce qu'elle était… une pierre. Non pas un miroir donnant sur l'Enfer, une porte s'ouvrant par-delà le réel, ou un portail magique permettant de retrouver ses êtres chers ! Non… juste une pierre. Une simple et unique pierre, qui bien heureuse de sa stature mortuaire et gloire funèbre, s'enorgueillissait sans gêne de son poste d'ultime messagère…
Oui… c'était triste, une tombe.
Un rappel constant qu'un cœur s'était arrêté, qu'une vie avait cessé, qu'une âme s'était envolée, qu'un destin s'était brisé et que des larmes s'étaient mises à couler. Un rappel mais également une vérité que rien ne pourrait jamais effacer… et que des sadiques avaient jugé bon de graver sur un bloc de pierre ensorcelé.
Oui… c'était affligeant, une tombe.
Pourtant et bien qu'il déteste un tel agencement, qu'il exècre chacun de ces instants et lutte amèrement contre le sanglot qui lui étranglait la langue, c'est dans un profond silence que Drago Malfoy contemplait une tombe…
Cette tombe.
Immobile devant son parterre fleurit, ses contours polis, ses gravures symboliques et milles et unes médailles honorifiques, le jeune homme n'avait pas bougé d'un cil, un lys fébrilement tenu entre ses doigts factices… un lys couleur de lin, tout juste sur le point de fleurir et au plus exquis des parfums. Un lys qu'il avait choisi avec soin, cueilli à même les Jardins et tenu délicatement de sa fausse main. Mais un lys que jamais il ne trouva le courage de déposer sur la plaque de granite qu'il contemplait depuis déjà trois matins. Pourquoi ? Il n'aurait su dire… mais ne put s'empêcher de contempler sa pauvre fleur avec mépris ; en particulier à la vue des milles bouquets de roses, de chrysanthèmes, de pivoines et de tulipes dont elle était déjà ensevelie… A croire qu'il n'était pas le premier à venir se recueillir. Une pensée étonnement empli de rancœur et de jalousie, qui bien qu'elle soit puérile, lui arracha le plus douloureux des soupirs. Seigneur… que n'aurait-il pas donné pour ne pas être ici ? Pour ne jamais avoir à lire le nom de cette plaque de granite ? Pour ne jamais avoir à contempler ce buste taillé à son effigie ? Et ne jamais avoir à déposer ce maudit lys ?! Il y réfléchi, conscient que rien ne serait jamais trop coûteux pour lui épargner une telle infâmie et le sauver d'une pareille tragédie ; mais les choses étaient ainsi… et la vie n'avait aucun prix. Aussi, c'est sans rien dire que Drago se sentit tressaillir, un frisson lui parcourant douloureusement l'échine. Pétrifié dans le froid de Janvier depuis plus d'heures qu'il ne put en compter, ses jambes fléchirent dans un fourmillement ankylosé, ses bandages se mirent à le démanger et sa prothèse commença à lui peser, symptôme criant des effets de ses potions médicinales sur le point de s'estomper. Mais quand bien même il devrait s'écrouler, le jeune Malfoy ne trouva pas le courage de bouger… de déposer sa fleur ou même de se détourner ! Comme l'aurait-il pu d'ailleurs ? La tombe venait à peine d'être creusée ! Et la terre était encore fraîchement retournée… un détail qui plus il la contemplait, plus lui donnait l'impression d'étouffer.
- Non… non, non, non ! Avait-il hurlé.
D'agoniser.
- C'est… c'est impossible ! Avait-il paniqué.
De se noyer.
- Vous mentez ! Vous mentez ! Avait-il scandé.
Et de perdre pied.
- Non ! N… non… non… Avait-il pleuré.
Oui…
Lui, le plus combatif de tous les Mangemorts, avait pleuré, crié, imploré et hurlé à la mort.
Lui, le fier Général d'Armée, s'était écroulé devant ses hommes, le souffle court et le visage couvert de morve.
Lui, le célèbre Drago Malfoy, avait senti son âme se briser sous les mots de Voldemort...
- Je… je suis désolé. Lui avait-il dit d'une voix morne.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Semblable à la plus cruelle des symphonies, ce mot hantait son esprit dans l'écho de sa nouvelle ignominie, mélange de fatalité et d'hérésie. Mais il n'était pas empli de pitié, de vice ou de fourberie ! Non, mais de bien pire… d'un implacable et incorruptible sentiment d'avoir failli.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
D'avoir failli à son devoir.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
D'avoir failli à la protection des siens.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
D'avoir failli à l'honneur de son sang.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
D'avoir failli à la grandeur de son nom.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
D'avoir failli pour le reste de son existence…
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Oui… lui aussi était désolé. Pourtant et bien qu'il peine encore à le formuler sans s'étrangler dans sa propre culpabilité, dans sa honte et l'incommensurable douleur qui ne cessait de l'habiter, Drago le savait… aucun effort, aucune résilience, aucun renfort et aucune persévérance ne pourrait l'aider. Tout comme aucune de ses prières ne s'exhausserait jamais…
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Papillonnant un court instant dans l'espoir d'assécher ses cils, Drago serra les dents dans un grondement inaudible, les pétales de son lys tremblant frénétiquement aux rythmes de ses souvenirs. Seigneur… était-ce égoïste de pleurer ainsi ? Immature ? Inutile ? Et futile ? Son éducation le lui avait appris ; tout comme les convenances et le protocole qu'il s'était évertué à suivre toute sa vie. Mais bien qu'il soit passé maître dans l'art de la supercherie aristocratique, du mensonge cathartique et de l'hypocrisie diplomatique, jamais Drago n'avait autant subi le port de son impassible masque de cire… Pourtant, il aurait dû y être habité ; s'être familiarisé avec cette indifférence calculée et se satisfaire de ses faux-semblant bien pensés ! Pour preuve, ils étaient ses seuls piliers ! Ses seuls repères et replis de nécessité ! Mais c'était si dur… si dur de ne pas hurler, si dur de ne pas pleurer, si dur de ne pas s'écrouler, si dur de ne pas exploser ! Pour preuve, il ne demandait que ça ! A peu près autant que son cœur qui agonisait sous le poids du désespoir ! Mais il se devait de rester de marbre… de rester fier et honorable. Une responsabilité presque plus douloureuse que ses blessures aux combats, qui bien qu'il l'assume avec abnégation et courage, ne cessait de le ramener à ses heures de cauchemars…
- Je… je suis désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
- Nous avons tout essayé mais…
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
Désolé.
- … mais nous n'avons rien pu faire.
Rien pu faire… Bon sang, existait-il mots plus abjects ? Plus cruels ? Plus mortifères ?! Oui… il existait les mots de sa mère.
- Nous… nous devons nous occuper des funérailles. Avait-elle soufflé blafarde.
Des funérailles.
Des obsèques.
Du mémorial.
Du cortège.
Du cérémonial.
De la stèle.
Des médailles.
De la messe…
- Tout… tout doit… être parfait. Avait-elle pleuré en larmes.
Parfait ? Oui. Et ça l'avait été… ou tout du moins juste assez pour que l'intégralité du Monde Sorcier s'étrangle de pitié pour leur pauvre famille endeuillée.
- Nos condoléances les plus sincères…
- Nous ne l'oublierons jamais.
- Que son âme repose en paix…
Que de paroles jetées en l'air…
- Votre famille peut être fière.
- L'Histoire contera ses exploits pendant des siècles !
- Nous compatissons à votre peine…
Que de formules vides et artificielles…
- Sa gloire est éternelle !
- Son courage est un exemple pour les générations futures.
- Son sacrifice honore votre famille…
Que de fausses politesses pour un éloge funèbre…
- Nous pleurons votre perte.
- Soyez fort !
- Que les Dieux vous bénisse…
Pourtant, il aurait dû s'en satisfaire… mieux encore, il aurait dû en être fier ! Se réconforter aux travers de ces sourires de misère et être reconnaissant envers tous ceux qui le confortait dans sa peine ! Mais rien au monde ne l'avait davantage exécré que ce défilé insipide de mouchoirs froissés ; que ce spectacle morbide aux pleures forcées ! Que cette procession hypocrite aux soupirs mal cachés…
- Nous comprenons votre douleur…
Non… ils ne comprenaient rien.
- Nous serons toujours là pour vous.
Non… ils ne le seraient jamais.
- Nous serons dignes de son sacrifice…
Non… ils n'y parviendraient jamais.
- Nous avons une dette envers votre famille.
Oui… c'était vrai.
Mais à quoi bon le souligner quand sa propre mère pleurait à s'en décoller la plèvre ? Quand il errait sans but devant le nom de cette stèle ? Et quand son propre Maître détournait le regard à la vue de ce cimetière ? Cela n'avait rien de réconfortant… d'agréable ou de ne serait-ce qu'un peu émouvant ! Au contraire même ! Cela ne faisait que leur rappeler la douleur qui coulait dans leurs veines… et le prix que leur avait coûté cette ultime guerre. Aussi, c'est dans l'écho d'un profond soupir que le jeune homme leva son regard meurtri, ses pupilles frémissant délicatement sous la lueur hypnotique du ciel et de ses nuages gris. Loin des orages, de la foudre ou de l'odieuse pluie qui n'avait cessé de les assaillirent, ces derniers s'amassaient lentement devant un soleil timide, envahissant alors le ciel de leur clarté presque angélique… de leurs contours invisibles… de leurs formes idylliques… et de tout ce qu'il se mit violemment à maudire.
Oui… maudire.
Etait-ce un mot trop fort ? Trop impulsif ? Et catégorique ? Peut-être. Après tout, il était peu plausible qu'il haïsse le ciel toute sa vie ! Mais en cet instant précis, Drago ne put mentir… il maudissait ces nuages. Il maudissait leur calme. Il maudissait leur formes fugaces. Il maudissait leur couleur trop pâle. Il maudissait leurs regards ! Oui… leurs regards ; car sous leurs petits yeux vitreux, coulaient ses larmes…
- Incendia !
Des larmes empli de souvenirs.
- A terre ! A terre ! A terre !
Des larmes empli de tuerie.
- A l'attaque !
Des larmes empli de suie.
- Ad gloriam ! (Pour la gloire !)
Des larmes empli de cris.
- Allez ! Allez ! Allez !
Mais des larmes bien inutiles, qui coulaient dans le vide…
- Tuez-les ! Tuez-les !
Bon sang…
Il aurait aimé oublier ces cris.
Il aurait aimé oublier ces victimes.
Il aurait aimé oublier cette tragédie.
Il aurait aimé oublier le cirque qu'était devenu sa vie !
Mais quand bien même cela serait-possible, cela ne changerait à rien à ce qui était écrit… pour la simple et bonne raison que la Guerre qui leur avait tout pris, était officiellement finie.
- Cessez le combat !
Oui…
- Cessez le combat ! Cessez le combat ! Avait hurlé une voix.
Finie.
- Non ! Non ! Avait crié Harry.
Finie pour aujourd'hui, demain et le reste de leurs vies.
Finie pour leurs saluts, leurs âmes et leurs innombrables sacrifices.
Finie pour les sorciers, les moldus et milliers de créatures magiques.
- Relevez-vous ! Allez ! Battez-vous ! Battez-vous ! Avait-il scandé transi.
Une fin malheureusement tragique, qui avait mené au deuil de sa famille.
Une fin malheureusement morbide, qui avait causé plusieurs milliers de victimes.
Une fin malheureusement prévisible, qui n'avait eu d'autre issue que la défaite de Ron et Harry…
- C'est fini Harry. Lui avait soufflé Ginny livide. Tout… tout est fini.
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Mais était-ce seulement possible ?
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
La Guerre pouvait-il vraiment se finir ?
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Après plus d'un an de crimes, de combats et de supplices ?
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
De vices, de carnages, et d'agonie ?!
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Il n'aurait su dire, son esprit le renvoyant sans cesse se noyer dans cette mélasse putride... Or il n'était pas question de lui ; pas plus que sa douleur ou du deuil de sa famille ! Non… mais bien de ce que Voldemort avait accompli.
- Endoloris !
- Le Cœur !
- Il est là !
- Non !
- Hermione !
- Avada Kedavra !
Seigneur… il pouvait encore entendre le silence qui avait retenti après ce cri. Un silence abasourdi. Un silence meurtri. Un silence transi ! Un silence face auquel le ciel s'était obscurci, les eaux noircies, la terre refroidie et l'air alourdi. Un silence face auquel les Centaures avaient blêmi, la Résistance frémi, les pirates tressailli, les armées dégluti et les Sombrals henni. Un silence face auquel les Dieux eux-mêmes étaient restés ahuri, conscients de l'horreur qui venait d'être commise. Que dire… de la ligne qui venait d'être franchie ! Mais un silence aux auspices si morbides, si terribles et si horrifiques, que la Mort elle-même en était devenue livide…
- In… Initiée ?!
La voix du mage avait alors retenti, toute aussi blême qu'inaudible après la terreur de son cri. Pourquoi ? On aurait pu s'interroger ; débattre et même épiloguer. Mais quand un corps venait de s'écrouler, que le monde entier cessait de respirer et que Voldemort lui-même semblait le point de vaciller, quelle question y avait-il à poser ?
- Non…
C'est là qu'il s'était élancé dans le noir.
- Hermione !
C'est là qu'il l'avait rejoint sans y croire.
- Her… Hermione ?!
C'est là qu'il avait vu ses joues blafardes.
- Non… non, non, non, non !
C'est là qu'il l'avait pris entre ses bras.
- Hermione, regarde-moi ! Hermione !
C'est là que son cœur s'était pétrifie d'effroi.
- Non, non, non, non…
C'est là qu'il avait hurlé de désespoir.
- Hermione ! Hermione, réveil toi ! Hermione !
C'est là que ses yeux s'étaient faits de lave.
- Hermione !
C'est là qu'il avait perdu son âme…
- Hermione !
Frémissant au souvenir de cet ultime cri, Drago peina à déglutir. Seigneur… ce cri. Il n'en avait jamais entendu de pareil ; de plus puissant, de plus profond… et de plus cruel. Comme si la Mort avait elle-même hurlé depuis ses lèvres, il avait transcendé leurs chairs, assailli leurs oreilles, retourné leurs viscères, terrassé le ciel, fait plier la terre et reculer la mer, semblable à l'écho d'un gong aux auspices funèbres.
Un gong à la détresse mortifère…
Un gong à la violence délétère...
Un gong à la folie vengeresse…
Mais un gong à la douleur si inhumaine, qu'on l'avait entendu résonner jusqu'aux tréfonds des enfers.
Jusqu'à ce que son esprit ne s'aliène…
Jusqu'à ce que sa magie ne s'éveille…
Jusqu'à ce que le monde ne s'arrête…
Et que Lucifer ne s'agenouille devant son nouveau Maître.
Ainsi, Voldemort s'était redressé.
Un étrange magie l'avait auréolé.
La Terre avait commencé à trembler.
Les Mangemorts avaient immédiatement transplané.
Les Résistants s'étaient regardés.
Les Dieux s'étaient mis à prier…
Et tout aussi simplement que cela, la guerre avait été gagné.
Que s'était-il passé ? Comment était-ce arrivé ? Qu'avait-il fait ? Oh, il n'avait besoin d'aucun souvenir pour se le rappeler… pourtant et bien que son esprit soit hanté par la couleur de nouveaux charniers, par l'odeur de milliers de cadavres carbonisés et la magie incendiaire qui les avait terrassés, Drago peinait encore à comprendre comment une telle chose avait pu arriver. Comment près de 10 000 Centaures avaient pu s'écrouler, comment la Résistance avait vu l'intégralité de son armée se faire décimer, comment le monde avait manqué de s'embraser, comment les pauvres mangemorts restés au sol avaient trépassés, comment Harry était parvenu à transplaner, comment tout avait pu ainsi s'achever… et comment sa sœur avait été tué.
- Hermione !
Car les Dieux n'avaient pas menti… l'issue de la Dernière Guerre avait été écrite par son digne vainqueur. Et bien que cela leur ait tout coûté, Voldemort en était l'auteur.
- Her… Hermione !
Le seul et unique homme qui n'avait nullement eu besoin du Cœur.
Le seul et unique homme qui avait gagné cette guerre dans la douleur.
Le seul et unique homme qui s'était écroulé sur le cadavre d'Hermione Granger.
- Hermione… Her… Hermione !
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
- Je t'interdis de partir… Tu m'entends ?! Je t'interdis de partir !
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
- Hermione ! Avait-il hurlé.
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
- Je t'ordonne de me revenir !
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
- Hermione, je t'ordonne de me revenir ! Avait-il scandé.
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
- Initiée ! Initié, entends moi !
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
- Entends mon ordre ! Obéis moi !
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
- Her… Hermione ! Hermione !
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
Le cadavre de sa sœur…
Seigneur… il peinait encore à croire que c'était arrivé ; que sa sœur s'était écroulée, que son corps était resté inanimé, que ses yeux s'étaient révulsés, que son cœur s'était arrêté… et que la vie l'avait quitté. Sûrement qu'il n'avait jamais imaginé qu'une telle chose soit possible ; que l'incroyable Initiée d'Honneur du Seigneur des Ténèbres ne soit pas invincible… et que la Grande Hermione Granger puisse un jour mourir.
- Je t'en prie…
Mais c'était arrivé… et dans l'écho de ce nouveau fléau, la guerre avait été remportée.
- Herm… Hermione…
Que s'était-il passé après ? Il ne parvenait pas à encore à se l'expliquer, son esprit se confondant fatalement entre les brides de son envolée, les sorts qu'il avait jetés, les cris qui avaient résonné et l'implacable torrent de feu qui les avait terrassés… mais ce qu'il savait, était qu'un nouveau silence était né, que Voldemort était resté prostré, que le corps de sa sœur n'avait plus bougé, que les mangemorts s'étaient regroupés, que son Sombral l'avait ramené et que son propre cœur s'était arrêté…
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Par la suite, un puissant gong avait résonné, les mangemorts s'étaient exclamés, leurs cris de joies s'étaient élevés, leurs baguettes s'étaient dressées, la marque des Ténèbres avait rayonné, Voldemort s'était redressé, Hermione avait été emmené, l'aurore s'était levée et un nouvel émoi s'était dessiné. Des scènes de liesses qu'il avait contemplées l'esprit confus et la gorge serrée... avant que sous ses yeux embués, ne naisse un spectacle tout aussi étrange qu'inespéré : le retour de l'ordre et de la normalité.
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Sans qu'aucun ordre ne soit donné, les armes avaient été déposées, les hommes s'étaient peu à peu rassemblés, les frères de guerre s'étaient enlacés, les endeuillés s'étaient mis à pleurer, les recherches de survivants avaient débuté, les derniers prisonniers avaient été enfermés, les médicomages et autres dispositifs de secours étaient arrivés, des vivres avaient été distribuées, les morts avaient été comptés et les cadavres de leurs amis avaient été emmenés…
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Puis, l'incendie de Poudlard avait été étouffé, les débris avaient été ensorcelés, les ruines avaient été fouillées, les premiers avis de reconstruction avaient été envoyés, les hôpitaux de fortunes avaient été délocalisés, les accès à la forêt avaient été condamnés, les berges du Lac avaient été barricadées, les carcasses des bateaux avaient été repêchées, les Sol Cogneurs avaient été envoûtés et les populations locales étaient venues les aider…
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Quelques jours après, le communiqué officiel de Victoire du Ministère avait été publié, des troupes de pays alliés avaient été envoyées, les premiers miraculés avaient recommencé à marcher, les derniers cadavres pourrissant sur les berges avaient été évacués, les familles éplorées s'étaient mises à défiler, les morts avaient commencé à être identifiés, les milliers d'avis de décès avaient été envoyés, les hiboux s'étaient remis à voler et les Institutions du Ministère avaient repris leurs activités…
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Sans grande surprise, le réseau de Résistants avait été entièrement démantelé, les derniers fugitifs avaient été arrêtés, les premières instructions de procès avaient été amorcées, l'enquête du MagetMagot avait été abandonnée, les membres du Conseil International de l'Ethique et de la Magie avaient été destitués, les pays colonisés avaient été libérés, les nouveaux Ministres avaient été nommé, une Aide Exceptionnelle délivrée Gringotts avait été négociée et les familles endeuillées avaient été indemnisées…
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Ainsi le monde avait recommencé à respirer, les nouvelles unes de la Gazette avaient été imprimées, la reconstruction de Poudlard avait été entamée, les premières médailles d'honneur et de courage avaient été distribuées, les hommages s'étaient multipliés, les funérariums avaient été débordés, les obsèques s'étaient enchainées, les tombes avaient commencé à pousser, de nouveaux cimetières avaient été créés, un immense monument aux morts avait été installé et les cœurs s'étaient peu à peu apaisés…
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Oui… sans même qu'il n'ait le temps de le réaliser, les jours s'étaient succédés, les berges avaient intégralement été nettoyées, les eaux du Lac Noir avaient été draguées, les jardins avaient été reconstitués, les tensions diplomatiques s'étaient apaisées, les condoléances du Monde Entier avaient été réceptionnées, les travaux de Poudlard étaient presque achevés, ses amis avaient tous été enterrés, ses blessures avaient commencé à cicatriser, une dizaine de médailles lui avait été décernées, Voldemort l'avait publiquement remercié, les gens s'étaient mis à le célébrer, les présents avaient commencé à affluer et la gloire lui avait été prédestiné…
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Ainsi et alors qu'il ne vivait plus que d'insomnies, que sa famille était détruite et qu'il pleurait chaque jour un nouvel ami, le Monge Magique lui, avait repris le cours de sa vie… Plus heureux qu'ils ne l'avaient été depuis plus d'une décennie, les sorciers du monde entier avaient recommencé à rire, à danser, sortir, chanter et célébrer la vie, un nouveau bonheur inscrit au creux de leurs pupilles. Bien sûr, ça n'avait pas été facile… en particulier avec les milliers de morts, de deuils et de tragédies qui hantaient constamment leurs esprits ! Mais le monde était ainsi : prompt à l'oubli. Se faisant, les pleurs tragiques avaient laissé place à une torpeur morbide… très vite remplacée par une profonde fatigue… elle-même supplantée par une soulagement inouï… qui avait donné naissance à une joie salvatrice… qui s'était peu à peu muée en une nouvelle euphorie… avant de revêtir les traits d'une extase collective… et de s'ériger en bonheur mirifique. Un enchaînement de ressentis tout aussi puissant qu'insubmersible, qui sans que nul ne puisse l'endiguer, avait transcendé le monde de liesses effrénées, de chants enfiévrés, de fêtes endiablées et de célébrations à n'en plus compter ! Des réjouissances revendiquées, hurlées, partagées, scandées, assumées et milles fois savourées, mais face auxquelles Drago ne pouvait qu'avoir la nausée… Non pas qu'il soit en droit de les blâmer après les mois d'horreur qu'ils avaient tous enduré ! Mais c'était si dur de voir le bonheur régner, quand son cœur propre cœur saignait ; si dur de voir les visage s'illuminer, quand sa propre âme agonisait… et si dur de voir les familles s'enlacer, quand une partie de la sienne l'avait quitté.
- Non… avait-il soufflé.
- Drago…
- Non ! Non ! Non !
Il n'avait pas voulu y croire. Comment l'aurait-il pu d'ailleurs ?! La mort ne cessait d'esquinter son âme ! Et comme si le sort d'Hermione ne suffisait pas, il avait fallu que le sort s'acharne…
- Ce n'est pas… ce n'est…
- Ses blessures étaient trop graves.
- Non ! Non, ce n'est… ce n'est pas possible !
Ça n'aurait pas dû l'être… mais à quoi bon feindre le moindre espoir ? Son esprit n'était habité que de cadavres ! De morts ! De bains de sang ! Et de funérailles ! Certes, la mort de sa sœur n'avait été qu'un détail au milieu de cet éternel défilé macabre… mais ce n'était pas le cas de son désespoir ! De sa douleur ! Et de son effroi ! En particulier après l'annonce du médicomage… et le nouveau deuil qui avait ébranlé son âme.
Un deuil presque plus infâme.
Un deuil mille fois plus profane
Un deuil que tous savaient sans égale…
Mais la mort était jalouse… ainsi, rien ne servait de maudire son courroux !
Une âme avait été épargné pour qu'une autre lui soit mieux céder.
Une âme avait été épargné pour qu'une autre apaise son insatiabilité.
Une âme avait été épargné pour qu'une autre suffise à tous les achever...
Mais à quoi bon radoter ? Tout était déjà fait ! Acté ! Passé ! Enterré ! Et bientôt oublié…
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Exagérait-il ? Etait-il trop pessimiste ? Se laissait-il injustement dépérir ? Devait-il simplement se ressaisir ? Se montrer plus combatif ? Et s'accoutumer à cette nouvelle vie ?! Peut-être… mais bien qu'il ait passé cette dernière année à prier pour voir cette guerre s'achever, le pays prospérer et les familles se retrouver, jamais Drago ne s'était senti aussi… dépassé ? Désœuvré ? Décalé ? Dérangé ? Isolé ? Mortifié ? Il ne savait pas quel mot était le plus approprié. Mais ce qu'il savait en revanche était que son esprit s'était figé ; que son cœur s'était arrêté et que son âme s'était pétrifiée… car quoi qu'il tente de faire, de dire ou de penser, il était toujours là-bas… à agoniser dans un charnier.
Là-bas, à entendre ses hommes implorer.
Là-bas, à voir les Centaures les démembrer.
Là-bas, à ramper entre leurs corps éventrés.
Là-bas, à se noyer dans leurs sang et boyaux arrachés.
Là-bas, à compter le temps qui lui restait avant de succomber.
Là-bas, à prier pour qu'un Dieu – quel qu'il soit dans les cieux – ait enfin pitié…
Stress Post-traumatique ? Possible. Mais qu'en bien même, qu'est-ce que changeait un diagnostic ? Il était seul une fois la nuit tombée, seul quand sa mère se cachait pour pleurer, seul devant les familles endeuillées, seul devant cette tombe tant redoutée, seul avec ses regrets, seul avec ses pensées, seul avec les morts qui le hantait ! Oui, il était seul… et alors que le monde avançait, lui étouffait.
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Tout est fini
Tout est fini.
Tout est fini.
Oui… fini.
La guerre était finie.
La guerre était finie.
La guerre était finie.
La guerre était finie.
La guerre était finie.
La guerre était finie.
- Drago ?
Surpris, le Malfoy sursauta à l'écho de cette voix cristalline, de nouvelles larmes d'amertume roulant délicatement depuis ses cils. Une voix légère, frêle et presque timide… mais une voix qui à elle seule suffit à ranimer le cœur mort de sa poitrine.
- Excuse-moi. Souffla-t-elle. Je ne savais pas que tu…
- Ce n'est rien. Dit-il du bout des lèvres.
- Tu… tu veux que je te laisse ?
Se tournant vers elle, Drago frémit à la lueur de son regard bleu ciel ; le seul avec qui il pouvait accepter de rester dans ce maudit cimetière…
- Non… ça va.
Le sien, à elle.
- Je t'en prie…
Luna.
- Reste.
Esquissant un sourire triste, la jeune femme le rejoint sans rien dire, un petit bouquet de marguerites timidement tenu contre sa poitrine. Tout juste cueilli, son parfum l'embauma avec délice, mélange de rosée du matin et de fraîcheur complice ; une fringance emplit de douceur, de beauté et de vie, qui une fois encore le fit reluquer son lys dans un profond soupir. Seigneur… quelle idée stupide que de déposer des fleurs !
- Désolé… dit-elle en arrivant à sa hauteur. Je ne voulais pas t'interrompre.
- Tu n'interromps rien.
Ne relevant pas la dureté de son ton, Luna hocha la tête sans répondre, sa propre voix s'effaçant sous le poids leur silence. Un silence pesant, lourd et oppressant. Un silence emplit de pleures, de douleurs et de condoléances… mais un silence devenu tristement récurent devant le nom de cette tombe.
- C'est bien que tu sois là… se risqua-t-elle à dire à de mi-voix.
Luttant pour contenir le tressaillement de sa mâchoire, Drago détourna le regard, sa main valide douloureusement agrippé au pommeau de sa nouvelle canne. Pourtant, rien ne servait de cacher ses larmes… en particulier à la seule femme qui voyait claire en son désespoir.
- Je ne sais pas. Finit-il par dire. Je… j'imagine que je lui dois bien ça.
- Nous lui devons tous.
Tous…
- Oui… mais, c'est… c'est…
Difficile ? Abominable ? Cruel ? Infâme ? Horrible ? Effroyable ? Beaucoup de mots lui virent à l'esprit… des mots fatalement biaisés par l'étau de fer qui lui enserrait douloureusement sa poitrine, et qui pourtant ne réussirent pas à dépeindre un centième de la torture que cette tombe lui inspirait à chaque battement de cils.
- Je sais. Dit-elle. Je sais…
Oui… elle savait ; car tout comme lui, cette torture l'assiégeait.
- Mais il est important de lui rendre hommage…
La détaillant un court instant, Drago vit son regard se perdre sur la tombe, un léger tremblement agitant son menton. Imperceptible, il s'allia à un frisson, se renforça aux travers d'un grincement de dents et disparût presque aussi rapidement, un nouvelle grimace lui remontant jusqu'aux tempes. Un bref aperçu de la douleur qui battait désormais quotidiennement dans son sang, mais qu'elle s'efforça de contenir en cette heure de recueillement... un effort bien plus coûteux qu'il n'y paraissait en de telles circonstances, mais face auquel Drago ne put s'empêcher de soupirer avec soulagement. Et pour cause… il avait assisté à tant de pleures et d'effondrements devant cette tombe, qu'il n'était plus certain d'avoir le courage d'en supporter davantage sans s'écrouler pour de bon.
- Tu… tu viens souvent ? Demanda-t-il timidement.
- Hum hum… le matin essentiellement.
- Pourquoi ?
Jetant un bref regard sur son bouquet, Luna haussa les épaules sans trop savoir quoi ajouter, un sourire triste lui plissant délicatement le nez. Pourquoi elle venait ? Principalement pour se balader, se poser, méditer, parler… et ne pas oublier.
- Narcissa a jeté un sort de conservation sur les fleurs. Dit-elle du bout des lèvres. Elles ne se faneront jamais…
- Et donc ?
- Eh bien, je… je sais que c'est bête, mais j'apporte toujours un nouveau bouquet. Un bouquet sans magie, qui d'ici quelques jours, sera fané et flétri.
- Pour… pourquoi ?! Demanda-t-il surpris.
Hésitant à poursuivre, la jeune femme se mordit la langue dans un soupir. Cela faisait longtemps qu'elle était une habituée des cimetières ; qu'elle s'y promenait, étudiait les stèles, déposait des bouquets et conversait dans les airs… Aussi et bien que cela semble quelque peu funèbre, elle avait pris l'habitude d'y ressentir un profond bien être. Le genre de sentiment qui nous fait soupirer d'aise et contempler le ciel… et qui nous rappelle que chaque instant n'est qu'un morceau d'éphémère.
- Parce qu'il y a plus que la magie.
Plus que la magie.
- Et pour que... que cette tombe côtoie un peu de vie.
Un peu de vie…
Sonné par la simplicité d'une telle vérité, Drago se sentit vaciller dans son apnée, un nouveau sanglot lui montant douloureusement au nez. Pourtant et bien qu'elle sache pertinemment le mal qu'il peinait à cacher, Luna fit mine de ne rien remarquer, son regard toujours vissé sur le bouquet qu'elle avait laissé il y a de ça quelques matinées… un élégant ensemble de pâquerettes, de roses sauvages et de petites violettes, qui malgré la morsure cinglante de l'hiver, avait réussi l'exploit de se dessécher sous le soleil.
- - C'est… c'est une bonne idée... Souffla-t-il d'une voix enrouée.
Lui souriant tendrement malgré la douleur de son regard gêné, Luna hocha la tête et s'avança lentement avec son bouquet, un Drago au bords des larmes à ses côtés. Pourtant et bien que tout semble le pousser à craquer, à hurler et s'effondrer, c'est bien cette seule image qui lui donna le courage d'à nouveau respirer… celle de la femme qui l'aimait, déposant un nouveau bouquet. Loin des corsets, talons, chignons et autres accessoires protocolaires, il la vit simplement vêtue d'une robe en laine, son épais col roulé se fondant presque aux contours molletonnés de l'écharpe qu'elle avait pris soin de tricoter pour l'hiver. Une tenue à la simplicité honnête, sans artifice ni couleur funèbre, qui bien qu'elle contraste avec son costume noir trois pièces et ses soupirs amères, lui insuffla un bref sentiment de paix au milieu de ce défilé mortuaire. Oui, de paix… voilà ce que Luna était.
Sa paix.
La seule qui lui donnait l'impression de pouvoir à nouveau respirer, de vivre et d'avancer.
La seule qui lui donnait l'impression de ne plus agoniser au milieu des morts et des charniers.
La seule qui lui donnait l'impression que toutes ces horreurs avaient valu la peine d'être endurées…
Aussi, c'est dans l'élan de son cœur battant que Drago se mit à contempler l'éclat de ses yeux, les contours de sa peau laiteuse, l'ourlet de ses lèvres rêveuses et les reflets de ses indomptables cheveux. Tombant négligemment de part et d'autre de sa tête, ces derniers scintillaient délicatement sous les rayons du soleil, encadrant alors son visage de leur indescriptible lumière tandis qu'ils dissimulaient les petites boucles d'oreilles qu'il lui avait offert pour Noël ; des boucles faites d'argent et de verre, aux rebords imparfaits et gravures parfois grossières… mais des boucles qu'il avait taillées lui-même après que le médicomage lui ait installé sa prothèse. Bien sûr, ce cadeau était davantage symbolique que véritablement esthétique ! Et pourtant… jamais elle ne les avait quittés depuis. Un rappel constant des épreuves qu'ils avaient surmontés après son retour d'Italie, de l'amour qui était né entre leurs cœurs meurtris, et de tout ce qu'il lui avait promis s'ils parvenaient à en sortir en vie. Et c'était le cas ; ils avaient réussi… de quoi lui redonner espoir en leur avenir et interrompre un court instant l'agonie de sa nouvelle vie.
- J'avais espéré trouver d'autres roses à la lisière de la forêt. Murmura-t-elle du bouts des lèvres.
Attendri par sa déception, Drago se mordit la langue dans un frisson.
- Mais les bosquets ont presque tous brûlés... et les derniers accès sont toujours condamnés.
Mais il n'était pas assez naïf pour répondre.
- J'espère néanmoins que celles-ci sont assez jolies.
Car ce n'était pas à lui qu'elle s'adressait… mais à la tombe.
- Elles sont petites, mais elles sentent bon. Continua-t-elle.
Détournant le regard, le jeune homme déglutit avec gravité, le cœur lourd et la gorge serrée. Seigneur, qu'il l'aimait… mais qu'il était dur de la voir lui parler. C'est donc sans rien dire qu'il la regarda effleurer la pierre dans une prière inaudible et se saisir du bouquet flétrie. Peinant à s'accroupir, elle prit appuie sur ses genoux dans une grimace difficile, les pans de sa robe l'enveloppant chaudement alors qu'un vent d'Est se levait par de-là les cimes. Pourtant et malgré son silence paisible, le Malfoy le savait ; tout comme lui, le deuil l'habitait... Amaigri, tremblante et accablée par les centaines de cérémonies qu'ils honoraient de jours comme de nuits, ses cernes s'étaient creusés, son regard s'était terni, ses traits s'étaient émaciés et sa pâleur en était devenue translucide, laissant alors le bleu de ses veines strier sa peau de reflets intangibles… du moins, le peu de peau qui restait visible. Couverte de bandages, de point de sutures, d'hématomes violacés et de milles égratignures, c'est à peine si la Lovegood arrivait encore à marcher sans devoir s'accrocher aux murs, ses jambes, ses bras et son torse ne ressemblant plus qu'à d'immenses rouleaux de tissus. Rien de très surprenant aux vues de ses blessures… et pourtant, la voir dans un tel état ne lui avait jamais paru plus dur.
- Où est Luna ? Avait-il demandé.
Horrifié, il s'était mis à la chercher.
- Où est-elle ?!
Mortifié, il s'était mis à hurler.
- Cherchez-la ! Il faut la trouver ! Il faut la trouver ! Avait-il répété.
Aliéné, il s'était senti perdre pieds.
- Luna ! Luna ! Avait-il scandé.
Pendant des heures dans l'obscurité…
Pendant des heures dans les charniers…
Pendant des heures entre les cadavres déchiquetés…
Pendant des heures dans les marais…
pendant des heures dans la forêt…
Pendant des heures dans les débris calcinés…
Pendant des heures partout où il le pouvait !
Fou, enragé, meurtri et aliéné, il n'avait jamais arrêté. Jamais renoncé ! Jamais abandonné ! Jusqu'à ce qu'on repêche un corps échoué sur une berge excentrée… que Drago manque de s'écrouler devant le sang qui la maculait… qu'un médicomage blêmisse à la vue des blessures qui la couvrait… et que Voldemort lui-même doive intervenir pour la sauver. Que lui était-il arrivé ? Qu'est-ce qu'Harry et Ron lui avaient fait ? Comment leur avait-elle échappé ? Par quel miracle ne s'était-elle pas noyée ? Beaucoup de questions continuaient de le hanter… beaucoup de questions qu'il n'avait toujours pas osé lui poser. Mais la guerre était encore trop récente pour être simplement évoquée ; et aucune de leurs blessures ne s'étaient encore refermées…
- Comment te sens-tu ? Demanda-t-il en la voyant se redresser.
- Bien mieux.
- Tu es sûr ?
Touchée par son inquiétude, Luna le regarda dans un sourire émue, consciente des tourments qui le saisissait à sa seule vue ; des tourments qui ne s'estomperaient qu'à la disparition de ses points de sutures… mais qui valait mieux éluder devant cette sépulture.
- Oui… je t'assure.
Un regard. Un sourire. Et tous deux se prirent la main dans un soupir…
- Mieux vaux rentrer. Lui dit-alors.
- Tu es sûr de ne pas vouloir rester ?
- Non, je… je dois assister aux funérailles de Mulciber, Dolohov et McNair un peu plus tard dans la journée. Il y a encore beaucoup de choses à préparer et la Gazette ne vas pas tarder à arriver…
Mulciber, Dolohov, McNair… des mangemorts que personne ne regretterait jamais ; mais des mangemorts qui avaient eu le mérite de mourir pour la gloire de celui qu'ils servaient.
- Voldemort assistera-t-il aux cérémonies ?
- Aux messes, mais je doute qu'on le voit pour les mises en terre…
- Et toi ?
- Je suis Ministre de la Magie. Grimaça-t-il. Il est de mon devoir de soutenir les familles…
Peu enjoué par la solennité de certaines de ses nouvelles responsabilités, le jeune homme échappa un grondement agacé. Le premier d'une longue soirée…
- Je vois… souffla-t-elle.
Effleurant sa joue avec tendresse, Drago esquissa un sourire entre ses lèvres ; le genre qu'il espérait suffisamment pour convaincant pour apaiser ses inquiétudes passagères, mais que tous deux savaient trop forcé pour être véritablement honnête…
- Tu pourrais peut-être prendre quelques vacances ? Fit-elle alors gênée.
- Des vacances ? Répéta-t-il amusé. Alors que notre pays commence à peine à se relever ?!
- Drago…
- Non. Répondit-il aussitôt. Il y a encore beaucoup d'affaires à régler et je doute que le Maître…
- Le Maître te l'a proposé.
Grimaçant violemment face à l'intransigeance de son regard aimant, le Malfoy siffla entre ses dents. Bien sûr… il avait fallu que sa mère lui rapporte leur conversation.
- Je vais bien Luna. Dit-il alors sans respirer. Je… je n'ai pas besoin de vacances.
- Mais tu as repris tes fonctions à peine trois jours après les funérailles !
- Je suis Ministre de la Magie. C'est mon devoir de…
- De te tuer à la tâche ?
Non… mais de faire honneur à la confiance du Mage, d'assumer les responsabilité de son grade, de faire respecter leurs coutumes ancestrales et de veiller à faire régner l'ordre après plus d'un an de colonisation barbare. Tel était son devoir… et si cela lui coûtait quelques cernes, alors soit ! Il ne s'en plaindrait pas.
- Luna…
- Je sais ce que tu vas dire. Souffla-t-elle.
- Alors n'insiste pas. Dit-il avec douceur.
Ne pas insister sur le sujet.
Ne pas s'inquiéter quand il vacillait.
Ne pas paniquer chaque fois qu'il tombait.
Ne pas prévenir sa mère chaque fois qu'il s'évanouissait.
Ne pas le faire chercher par les Elfes quand il disparaissait.
Ne pas appeler le médicomage quand ses bandages saignaient.
Elle connaissait la chanson… mais elle l'aimait trop pour le laisser céder sous le poids d'un nouvel acharnement.
- Tu es un bon Ministre de la Magie Drago.
Oh non…
- Luna…
- Le peuple le sait ! Insista-t-elle. Ta mère le sait, le Maître le sait, Hermione le…
- S'il te plaît…
- Hermione le sait !
Seigneur…
- Et ton père aussi !
Livide sous l'étau de ses pupilles, Drago peina à déglutir, un nouveau tremblement agitant sa main valide. Incapable de la regarder sans faiblir, ses membres se raidirent, ses joues blêmirent et son cœur se durci, symptôme latent de la douleur qui se mit à hanter son esprit. Une douleur décuplée par ses mots… et leur odieuse mélodie.
Hermione était fière de lui… et son père aussi.
Hermione était fière de lui… et son père aussi.
Hermione était fière de lui… et son père aussi.
Par tous les Dieux… pouvait-il vraiment y croire ? Alors même qu'il était seul responsable de l'incendie de Poudlard ? De la mort de milliers de soldats ? De cette invasion de barbares ? De cette guerre infâme ? Et de ces maudites funérailles ?! Il ne savait pas… et en toute honnêteté avec lui-même, ne voulait pas le savoir. Non pas par peur d'être accablé, châtié ou jugé pour son incompétence éhontée ! Mais pour la simple et bonne raison qu'il savait d'avance que peu importe ce qu'il entendrait, sa culpabilité ne s'effacerait jamais…
- Je… je n'y arrive pas. Avoua-t-il défait.
- Je sais. Souffla-t-elle.
Oui. Elle savait… et ce plus que quiconque ne le pourrait jamais.
- Mais ce n'est pas ta faute.
- Luna…
- C'est la vérité ! Personne n'aurait pu l'empêcher !
Oui. Il savait… et ce plus que quiconque ne le pourrait jamais.
- J'aurai dû essayer… j'aurai dû le protéger.
- Drago…
- J'aurai dû le sauver ! S'exclama-t-il.
- Tu nous as tous sauvé !
Tous… mais pas lui.
- Non Luna… j'ai failli. Dit-il avec amertume.
- Drago…
- J'aurai dû les escorter quand ils ont été évacués. J'aurai… j'aurai dû être là quand ils ont été attaqués !
- Tes parents savaient ce qu'ils risquaient…
- Ça ne change rien. Cingla-t-il. Je suis le Général D'armée ! C'est moi qui devais les protéger !
Mais à la place, il avait choisi de rester… et de trahir son propre sang pour une guerre qu'il n'était même pas parvenu à remporter.
- Je les ai laissé partir. Souffla-t-il anéanti.
- Drago…
- J'ai laissé ces Centaures nous envahir. J'ai laissé la Résistance nous affaiblir. J'ai laissé Hermione sacrifier sa vie ! Je… je t'ai laissé à leur merci !
En apnée devant la douleur de sa voix enrouée, Luna baissa le regard dans un frisson étouffé. Seigneur… jamais il ne cesserait de s'accabler. Jamais il ne cesserait de culpabiliser. Jamais il ne cesserait de se flageller ! Pourtant, il avait tout essayé… Tout fait ! Tout tenté ! Plus encore, il avait même failli y rester ! Mais elle le connaissait… et savait pertinemment que jamais il ne se pardonnerait les morts qu'il enterrait.
- Et maintenant, ma famille… ma famille est détruite.
Luttant pour ne pas céder aux larmes qui l'aveuglaient, Drago leva les yeux au ciel, ses pupilles orageuses se noyant dans sa propre détresse. Seigneur… Détruite. Un mot si dur. Un mot si vrai. Un mot si injuste ! Et pourtant, il n'y avait rien qu'il puisse faire… en particulier quand cette tombe le regardait depuis son œil de pierre. Mais les choses étaient ainsi et la vie était cruelle ; ne restait donc plus qu'à faire avec… et à prier pour qu'Hermione ne rejoigne pas leur père.
- Allez… rentrons. Déclara-t-il d'une voix grave.
- Mais…
- Il se fait tard.
N'osant rien à ajouter face à sa nouvelle dureté, Luna le vit se détourner dans un sanglot étouffé, le cœur branlant à mesure que de nouvelles larmes se mettaient à ruisseler ; les seules qu'il n'eut pas la force de dissimuler, et qui alors même qu'il s'éloignait sous le regard meurtrie de sa bienaimée, roulèrent sur ses joues dans l'écho d'une plainte effondrée…
Celle d'un amant pleurant pour la femme qu'il n'avait pas su protéger.
Celle d'un frère pleurant pour la sœur dont le sort restait encore indéterminé.
Et celle d'un fils pleurant pour le père qu'il avait espéré retrouver… mais qu'il n'avait pas pu sauver.
Ici gît Lucius Abraxas Malfoy
1954 –2002
Un Mangemort – Un Mari – Un Père
Le plus précieux fidèle du Seigneur des Ténèbres
Le plus valeureux soldat de la Dernière Guerre
