Un vide.
Un inextricable et incommensurable vide… Voilà ce qui gisait au creux de sa poitrine. Voilà ce qui dévorait son esprit. Voilà ce qui restait de de sa vie. Un intolérable et indescriptible vide, dont les parois suintantes de deuils et de supplices se gaussaient devant son agonie.
Oui… une agonie.
Car dans l'obscurité qui l'aveuglait, dans le silence qui l'assourdissait et les tourments qui l'accablait, Hermione le savait… rien d'autre n'existait. Rien d'autre que cette lame éraillée enfoncée dans son cœur, que cet étau de feu qui ne cessait d'attiser ses pleurs, que ces frissons ardents aux sourires rieurs, que cette torture lancinante mère de milles terreurs… que cette atrocité digne des pires horreurs et qui tel un maître chanteur, la laissait implorer qu'on abrège ses heures. Seigneur… tellement d'heures. Elle avait essayé de les ignorer, de ne pas faire cas et de se laisser porter par le flot des secondes qui défilaient ; mais comment y arriver ? Comment les oublier ? Comment ne serait-ce que cesser de les compter ?! Ces heures étaient tout ce lui restait ! Son seul ancrage avec la réalité ! Sa seule raison d'exister ! Et pourtant, elle les détestait... Plus encore, elle les maudissait ! Car ces heures étaient son nouveau geôlier… Comme si la Mort s'était faite horloge et que ses tics tacs berçaient son corps, elle voyait sa trotteuse la narguer depuis l'éclat de son sourire morne, mélange de sadisme et de rires informes… mais également de torture et de capharnaüm. Ainsi, elle ne pouvait que s'écraser sous ses ordres ; et prier pour que les Dieux lui pardonne… Mais était-ce encore possible ? Pouvait-elle vraiment se repentir ?! Elle ne savait pas. D'ailleurs comment pourrait-elle le savoir ?! Elle agonisait dans son purgatoire… et n'avait que ses heures maudites comme lueur d'espoir. Des heures interminables… des heures infernales… des heures profanes… des heures à s'arracher le crâne ! Mais des heures gravées au fer blanc à la chaire de son âme, dont l'inéluctable décompte lui dévorait les entrailles...
A la chaire de son âme…
A la chaire de son âme…
A la chaire de son âme…
Etait-ce abstrait ? Divaguait-elle ? Fabulait-elle ?
A la chaire de son âme…
A la chaire de son âme…
A la chaire de son âme…
Peut-être… mais quand bien même, que lui restait-elle ?
A la chaire de son âme…
A la chaire de son âme…
A la chaire de son âme…
De la joie ? Du soulagement ? Du bonheur ?! Non… tout cela s'était envolé quand l'Avada l'avait frappé en plein cœur… quand le monde avait brûlé entre milles cris d'horreurs… quand son Maître s'était effondré de douleur… et quand on l'avait drapé de son linceul. Ainsi et comme si le monde s'était délavé de toutes couleurs, que la vie avait perdu ses saveurs et que les Dieux eux-mêmes s'étaient laissés envoûter par la Mort et ses sourires enjôleurs, le ciel s'était fait vengeur… et se faisant, ses anges l'avaient privé de tout sauveur. Non pas qu'elle soit en droit d'éprouver une quelconque rancœur ; après tout, il ne s'agissait que du juste châtiment pour une arracheuse de cœur. A moins qu'il ne s'agisse là aussi que d'un leurre ? Elle ne savait plus... à vrai dire, elle ne savait plus rien ! Qui était-elle vraiment ? Etait-elle encore vivante ? Se laissait-elle emporter par ses tourments ? Perdait-elle la raison ?! Que de questions sans réponse ; que de questions sans fondement, que de questions sans le moindre sens ! Pourquoi ? Car plus rien ne comptait vraiment….
Ni le passé, le futur ou le présent.
Ni cet instant, le prochain ou le précédent.
Ni la vie, la mort ou son nouveau semblant d'existence.
Non… plus rien n'avait d'importance. Car elle s'était trompée ; non pas uniquement sur elle-même mais sur tout ce qui l'entourait. Ainsi, elle ne savait plus qu'une chose désormais : tout ce qu'elle avait toujours cru connaître, tout ce qu'elle avait toujours tenu pour vrai, tout ce qu'elle avait toujours pensé être réel… rien de tout cela n'existait. Rien ! D'ailleurs, qu'est-ce que le « vrai » ? Qu'est-ce que le « réel » ? Qu'est-ce que la « vie » ? Qu'est-ce que la « Mort » ? Qu'est-ce que le « Paradis » ? Qu'est-ce que « l'Enfer » ? Qu'est-ce que le « sens de la vie sur terre » ?! Elle n'avait aucune réponse… mais là était sa plus grande leçon : Mieux valait accepter la plus honnête des ignorances, que de chercher le plus convaincant des mensonges. Or, elle le comprenait aujourd'hui ; sa quête de clairvoyance n'avait été qu'une quête de mensonges… tandis que la quintessence de la vie, ne tenait qu'en sa plus parfaite ignorance. Une pensée qu'elle admettait bien étrange, abstraite et même délirante ; mais une pensée qui ne l'avait jamais autant réconforté depuis qu'on l'avait installé dans cette chambre.
Une chambre ? Oui… ou tout du moins, c'est ce qu'elle s'était laissée entendre ; non pas qu'elle en ait vu grand-chose depuis ses rideaux tirés et paupières clauses. Mais habiller son obscurité de quelques vagues idées, valait mieux qu'un néant seulement meublés de ses pires névroses… Ainsi, c'est presque naïvement qu'Hermione tentait de se rattacher à quelques détails ; à quelques impressions, qu'elles soient fausses ou fugaces… et aux quelques mirages capable de l'arracher à sa torpeur macabre. Allant des bruits de pas à l'écho de quelques voix, de la douceur de ses draps aux frottements de ses bandages, ou de la sensation d'un regard à une caresse sur son bras, la jeune femme ne vivait plus qu'au travers de cela : de brides éparses… Dénuées de sens, de contexte et parfois même de raison, il lui arrivait de douter de ses perceptions ; de se demander s'il ne s'agissait pas là de fabulations ou de nouvelles hallucinations induites par la douleur de ses songes. Mais quand bien même ces dernières s'avéreraient n'être que mensonges, Hermione le savait… elles n'étaient que sa seule fenêtre sur le monde. Pire encore ! Elles n'étaient que ce qui l'empêchait de sombrer pour de bon ! De défaillir ! De perdre tout bon sens ! Et de se laisser écraser par le poids de sa condamnation… Alors oui, bien qu'elle n'ait aucune preuve de leur existence, Hermione s'accrochait à ces sensations ; à ces bouts de vies semblant provenir d'un autre monde, à ces échanges et quelques espoirs délirants, se persuadant alors qu'ils parviendraient à redorer l'obscurité moribonde dans laquelle elle gisait si silencieusement… dans laquelle elle agonisait si cruellement.
Seigneur… à bien y penser, elle devait faire pitié. Plus encore, elle devait inspirer autant de honte que de rictus outrés ! Mais comment aurait-elle pu les blâmer ? Les Dieux l'avaient condamné ; et se faisant, sa vie lui avait échappé, ses espoirs lui avait été arraché, son cœur avait été démantelé, son corps avait été décharné… et son âme avait été profané. Comment avait-elle seulement fait pour le réaliser ? Le comprendre ? Et l'intégrer ? Elle n'était pas certaine de le savoir ; de se rappeler de l'heure à laquelle ses pensées s'étaient rassemblées dans le noir… de l'instant où son esprit était enfin parvenu à comprendre l'essence de son mal… ou encore du moment où ses souvenirs avaient révélé leurs sens macabres. Mais ce qu'elle savait, était que la vérité l'avait privé de toute échappatoire et que son obscurité s'était faîte maîtresse du Diable... Plus qu'une évidence, elle pouvait le sentir dans ses entrailles, le voir dans ses mirages et l'entendre jusque depuis les tréfond de son âme ! Oui… elle n'aurait droit à aucune grâce. A aucune brèche. A aucun espoir ! Pour la simple et bonne raison que la vie l'avait mis en cage.
Ainsi elle n'avait pas d'autre choix que de rester là… inerte sous ses draps… sans mouvement ni voix… le corps bandé et le teint blafard… les paupières clauses et le souffle bas… l'esprit en feu et le cœur en larme… à attendre qu'une pauvre âme daigne lui accorder un regard. Existait-il plus pitoyable ? Plus bas ? Et lamentable ? Allez savoir… mais un mendiant ne rechignait pas ; et se faisant, Hermione ne s'en plaignait pas. Pourquoi ? Car elle n'avait plus que cela... et qu'aucune autre certitude n'habitait son coma.
Oui… coma.
Mais était-ce vraiment le cas ? Elle n'était pas certaine que ce terme soit exact… mais quel autre mot aurait été adéquat ? Elle ne vivait presque pas ! Incapable d'ouvrir les yeux, de communiquer ou de sortir de cette transe aux spams tortueux, elle n'avait pour signes de vie qu'un battement de cœur silencieux, qu'un tressaillement de paupières hasardeux, qu'un frisson de prothèse douteux et qu'un souffle à la fébrilité dangereuse ! Mêlé aux tremblements réflexes de quelques muscles douloureux, craquements osseux et larmes odieuses, il était certain qu'elle était plus proche de rejoindre les cieux que de se lever incessamment sous peu ! Mais la détermination de son Maître était orgueilleuse… tout comme sa folie, sa passion, sa frénésie et son obsession. Des éléments qui devraient lui donner confiance, mais qui alors même qu'elle hurlait dans son silence, implorait une clémence et priait pour qu'on abrège ses souffrances, ne parvenaient qu'à la plonger dans la plus irréversible des démences… celle de l'attente. Car oui… Hermione attendait. Quoi donc ? De s'éveiller ? D'être délivrée ? De trépasser ? De pouvoir bouger ? De revoir ceux qu'elle aimait ? Ou de seulement pouvoir hurler sans sentir ses lèvres étouffer ses milliers de sanglots muets ? Elle ne savait pas…. Sûrement par peur de perdre à nouveau tout espoir ; mais une fois encore il ne lui restait que ça.
Attendre dans le noir…
Attendre dans le froid…
Attendre dans son désespoir…
Une attente toute aussi intolérable que profondément macabre, qui bien qu'elle tente de ne pas céder à la torture de son âme, l'avait réduite à l'état de cadavre… et faite prisonnière de ses pires cauchemars.
- Incendia !
- A terre ! A terre ! A terre !
- A l'attaque !
Des cauchemars ? Non… les cauchemars n'étaient pas aussi cruels.
- Ad gloriam ! (Pour la gloire !)
- Allez ! Allez ! Allez !
- Tuez-les ! Tuez-les !
Ils n'étaient pas aussi vivants… aussi oppressants et sanguinaires.
- Endoloris !
- Le Cœur !
- Il est là !
Pour la simple et bonne raison, que les cauchemars n'étaient pas réels.
- Non !
- Hermione !
- Avada Kedavra !
Alors non… Hermione n'était pas hantée par des cauchemars ; pas plus que part des visions ou quelques tourments d'un soir. Mais quel mot aurait été en mesure de décrire ce qui avait pris racine en son âme ? Ce qui lui retournait inlassablement les entrailles ? Et l'empêchait de hurler à pleine voix son désespoir ? Elle ne savait pas. Mais existait-il seulement un mot pour cela ?! Allez savoir… quoi qu'à bien y réfléchir, mieux valait qu'elle ne le connaisse pas. Elle n'avait besoin d'aucun mot pour incarner son mal.
Un mal qui l'habitait.
Un mal qui la hantait.
Un mal qui la torturait.
Un mal qui jamais ne la quittait !
Mais pas n'importe lequel... Non. Le plus atroce. Le plus cruel. La plus ignoble. Que dire… le plus intemporel ! Celui qui délite un esprit et n'en laisse que des miettes ! Celui qui dénature un cœur et n'en laisse que les veines ! Celui qui éventre les boyaux et laisse pendre les viscères ! Celui qui profane l'intégrité de son être pour n'en laisser que son souffle mortifère… Et le pire ? Elle ne pouvait rien y faire. En particulier quand ce même mal s'avérait être la seule et unique chose ce qui la retenait sur cette terre. Ainsi et depuis son lit minutieusement bordé, depuis son silence douloureusement forcé et son immobilise incontrôlé, Hermione ne pouvait qu'implorer ; chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde que Dieux faisait… elle implorait comme si le monde l'entendait, comme si l'Univers l'écoutait, comme si son destin se jouait ! Oui… elle implorait. Mais pourquoi ? Pour tout et rien à la fois ; pour que le monde se calme, pour que les cris se tassent, pour que le sang se lave, pour que ses souvenirs s'effacent, pour que son esprit s'échappe, pour que son corps se glace, pour que la vie trépasse, pour que la mort se lasse… et pour que pendant un bref instant – un bref, bref, bref instant – la douleur passe. Oui… c'était ça. Voilà tout ce qu'elle implorait aux Dieux qui l'avait condamné ! Voilà ce qu'elle implorait au Maître qu'elle ne cessait de sentir à ses côtés ! Voilà ce qu'elle implorait au monde entier ! Que pendant un bref instant, la douleur cesse d'exister… Etait-ce trop demandé ? Etait-ce là une prière vide de sens et de légitimité ? Un caprice tout juste bon à être méprisé ? Ou encore un souhait digne d'une enfant pourri-gâtée ?! Beaucoup pourrait le penser. D'ailleurs, elle même l'avait envisagé ! Mais elle n'avait rien d'autre à espérer ; rien d'autre à convoiter ou à réclamer ! En particulier quand l'intégrité même de son être avait été brisé… et que cela faisait désormais dix jour que son âme avait été profanée.
Seigneur… dix jours.
Dix jours d'agonie.
Dix jours d'insomnies.
Dix jours de tragédies.
Dix jours que la guerre était finie.
Dix jours que Voldemort l'avait installé ici.
Dix jours qu'elle gisait à moitié morte dans son lit.
Dix jours qu'elle comptait les heures sans sursit.
Dix jours qu'elle entendait son Maître aller et venir.
Dix jours qu'elle avait l'impression de sombrer dans une nouvelle vésanie.
Dix jours que la Mort hantait son esprit.
Dix jours que le Mal la dévorait sans répit.
Dix jours que la Vie lui donnait envie de mourir.
Pourtant et en ces dix jours, Hermione avait eu l'impression de vivre milles vies… d'entendre mille hérésies, de subir milles infâmies, d'apprendre milles tragédies, de traverser milles apocalypses et d'endurer milles cataclysmes... Un contraste de ressentis tout aussi violents que profondément corrosifs, qui alors même qu'elle œuvrait chaque jour pour garder sa sainteté d'esprit, lui donnait l'impression de sombrer dans la plus inconstante des folies. A croire que même sa renaissance ne pouvait être dénuée d'ironie ; et que même la mort pouvait donner envie…
Envie...
Seigneur… non. Elle n'avait pas le droit de penser ainsi… de regretter la mort qui l'avait cueilli, de pleurer la paix qui l'avait assailli, de maudire le ciel qui l'en avait banni et de prier rejoindre l'indescriptible allégresse qui l'avait conquise ! Non… tout cela était proscrit. Interdit. Egoïste. Hérétique. Indigne. Vil. Morbide. Et même profondément sordide ! Elle le savait, oui… Mais que pouvait-elle dire ? Que pouvait-elle feindre ou mentir ?! La Mort l'avait séduite ! Tandis que la vie ne cessait de la détruire…
Détruire…
Oui… elle l'avait détruite. Pour preuve, existait-il plus pathétique qu'une Initiée d'Honneur prostrée dans un été catatonique ? Plus tragique qu'une Déesse décharnée, à la stature d'infirme ? Et plus grotesque qu'une sorcière piégée dans son propre esprit ? Elle n'aurait su dire ; non pas qu'elle cherche véritablement une réponse capable de la réconforter à cet instant précis… mais par tous les Dieux, que n'aurait-elle pas donner pour qu'on abrège son supplice ? Pour qu'elle parvienne enfin à quitter cette agonie ? Ses songes meurtries ? Sa léthargie ? Son mutisme ? Son lit ? Ou seulement pour qu'on lui permette de s'endormir ?! Sans cauchemars, hurlements ou cris ! Sans douleur, torture ou décharnement d'esprit ! Et encore… ce n'était presque pas le pire ; quoi qu'à bien y réfléchir, Hermione ne savait plus quoi maudire.
Le fait qu'elle n'ait pas réussi à véritablement saisir le Cœur Prophétique ?
Que sa main n'ait été qu'à quelques centimètres de lui épargner un tel supplice ?
Que l'Avada de Ron l'ait touché en pleine poitrine ?
Qu'elle soit morte à l'instant même où l'aurore s'était mise à sourire ?
Qu'elle soit prostrée dans ce qui s'apparentait à un coma magique ?
Qu'elle endure malgré elle la plus indescriptible torture de sa vie ?
Que la douleur manque à chaque instant de briser son esprit ?
Qu'elle se sente sombrer dans la plus insidieuse des folies ?
Qu'elle agonise dans le plus complet des mutismes ?
Qu'elle en vienne à en vouloir mourir ?!
Elle n'aurait su dire. Mais ce qui était certain, était qu'il aurait été bien moins douloureux de mourir...
De mourir…
Bien entendu, il ne faisait aucun doute que beaucoup y trouveraient à redire ; que de telles pensées la ferait passer pour une ingrate, une égocentrique, une folle et une difficile… que de tels aveux soulèveraient les cœurs et les esprits… que tous la condamneraient pour des paroles aussi impies… que les familles endeuillées la flagelleraient pour le macabre d'un tel caprice et que nul en ce monde ne comprendrait le sens de sa mélancolie ! Or, il ne s'agissait là d'aucune fantaisie morbide… la vie l'avait bel et bien détruite. Plus encore, elle l'avait anéantie ; démolie, déconstruite et mise en ruine, ne lui laissant alors que les restes d'un puzzle incomplet et défraîchit comme seule base pour se reconstruire ! Mais les pièces de ce puzzle étaient toutes aussi usées que flétries… toute aussi biscornues que décrépites… et toutes aussi difformes qu'inutiles ! Ainsi, il n'y avait aucun surprise ; nul ne pouvait assembler un puzzle avec des pièces aussi risibles. Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir espéré relever ce défi, d'avoir user de ruses pour les embellir ou encore de les rogner pour les assouplir ! Mais ce puzzle n'était que la représentation parfait de ce qu'avait été sa vie… un ensemble de pièces incompatibles, à l'assemblage presque aussi douloureux qu'impossible.
Impossible…
Oui, il l'était… et aujourd'hui plus que jamais. Mais comment aurait-il pu en être autrement après ce qui était arrivé ? Après ce que son combat pour la vie lui faisait endurer ? Après le prix que cela lui coûtait ? Et après qu'elle ait véritablement compris ce que son Maître avait fait pour la sauver ?! Seigneur… après ça, elle n'avait plus la moindre pièce à assembler ! A trafiquer ! A tailler ! Ou même à inventer ! D'ailleurs, qui pourrait l'en blâmer ?! Elle avait été tuée… avant d'être plongée dans la plus infâme tourmente que Lucifer ait jamais créée.
Tuée…
Tuée…
Tuée…
Seigneur… qu'il était étrange d'y penser.
Tuée…
Tuée…
Tuée…
Qu'il était étrange d'avoir été assassiné.
Tuée…
Tuée…
Tuée…
Qu'il était étrange d'avoir trépassé.
Tuée…
Tuée…
Tuée…
Qu'il était étrange de le réaliser.
Tuée…
Tuée…
Tuée…
Mais plus troublant que cet indescriptible souvenir… qu'il était étrange de mourir.
- Hermione…
Oui… il était étrange de mourir.
- Her… Hermione !
De sentir son corps gésir.
- Je t'interdis de partir… Tu m'entends ?! Je t'interdis de partir !
De sentir ses membres s'alourdir.
- Hermione ! Avait-il hurlé.
De sentir sa peau refroidir.
- Je t'ordonne de me revenir !
De sentir son souffle tarir.
- Hermione, je t'ordonne de me revenir ! Avait-il scandé.
De sentit son cœur défaillir.
- Initiée ! Initié, entends moi !
De sentir son esprit s'engourdir.
- Entends mon ordre ! Obéis moi !
Et de sentir son âme s'évanouir….
- Her… Hermione ! Hermione !
Pourtant et bien qu'elle ait déjà entendu bon nombre de récits, Hermione devait l'admettre… aucun mot n'était capable de dépeindre ce qu'elle avait ressenti. Aucune comparaison, aucune métaphore, aucune poésie ! Pour la simple et bonne raison que rien n'était similaire au fait de perdre la vie… de sentir la faucheuse l'effleurer de sa griffe… et d'entendre l'homme qu'elle aimait hurler d'agonie. Ou peut-être si ; une chose : s'allonger sous la pluie. Certes, il est vrai que dit ainsi cela ne semblait pas très explicite. Pourtant, c'était vrai… alors même que la vie la quittait, que la Mort l'appelait et son âme haletait, elle avait eu l'impression de s'allonger sous une fine pluie d'été ; de plonger dans l'écran d'un vieux souvenir oublié et d'entendre les oiseaux volés jusqu'à la première branche abritée… des impressions toutes aussi profondes qu'incontrôlées, qui alors même que le monde brûlait, s'étaient misse à l'enlacer par-delà les pleures de son Maître éploré.
Oui… elle avait eu l'impression se libérer.
Alors même que tout s'écroulait, elle avait eu l'impression de vivre cet instant où l'on redécouvre le sens même de la beauté… où le ciel nous éblouie sans la moindre clarté… où la conscience commence lentement à s'évader… où le corps tremble sous une myriade de petites gouttes gelées… où les joues rosissent sous les baisés de Morphée… et où le repos nous gagne avant même que l'on n'en réalise le danger. Un instant où le temps semble s'arrêter, où il n'existe plus présent, avenir ni passé, où le monde se révèle être parfait tel qu'il est, où les tourments laissent place à la légèreté, où plus rien ne semble capable de nous blesser et où l'on reste là… heureux et délassé, à savourer chaque battement de cœur qui nous ai donné, tandis que la pluie nous berce tel le nouveau-né que nous avons tous été.
Oui… elle avait l'impression de s'envoler.
De partir loin du champ de bataille et des charniers, de ne plus rien voir de la misère qui les accablait, d'oublier les blessés qui hurlaient, le sang qui ne cessait de couler, les morts qui tombaient… d'oublier tout ce qui l'entourait ! Pourtant ça aurait dû être l'inverse. Pire que ça, ça aurait dû être l'Enfer ! Le froid qui la tétanisait, la confusion qui la gagnait, la terreur qui l'aveuglait, la peine qui la paralysait… tout cela aurait dû l'effarer ! L'horrifier ! La pétrifier ! Et lui donner envie d'hurler ! Mais comme la douceur d'un soleil s'élevant en fin de matinée, ces sensations n'étaient parvenues qu'à l'ensuquer ; qu'à la conforter dans la torpeur qui s'était mise à la faire frissonner et à la plonger dans une inconscience de rêves et nuages brodés… A croire que le monde entier s'était trompé ; la Mort n'était rien qui mérite d'être redouté, craint ou même inquiet. Non… la Mort n'était que ce vent qui nous fait doucement frissonner ; que ce rayon de soleil qui nous effleure avant de s'échapper… que cette évidence aux bras dorés, qui nous donne l'exquis sentiment d'exister.
Oui… elle avait l'impression d'exister.
Mais avait-elle rêvé ? Halluciné ? Divagué ? Elle n'y croyait pas ; car bien qu'elle ne parvienne pas à se l'expliquer, que tout tende à lui prouver qu'elle délirait et que rien ne corrobore un tant soit peu ce dont elle se souvenait, Hermione le savait… Elle n'avait rien imaginé. Elle n'avait rien fabulé. Elle n'avait rien déliré ! Non… elle avait véritablement eu l'impression de s'allonger sous cette pluie parsemée ; de s'élever doucement vers des cieux immaculés, d'inspirer à pleins poumons un air purifié, de frissonner d'allégresse sur une pelouse fraîchement coupée, et de vivre pleinement sans qu'aucun temps ne lui soit compté ! Des impressions légères, fugaces et passagères ; des sensations éphémères, poignantes et presque solaires...
Jusqu'à ce que la vie ne la retienne.
Jusqu'à ce que la vie la prive jalousement de ce rêve.
Jusqu'à ce que la vie ne décide d'en faire sa prisonnière.
- Je t'en prie…
La prisonnière d'un nouvel Enfer.
- Herm…
Oui… un Enfer.
- Hermione…
Le seul qu'elle aurait prié ne jamais connaître.
- S'il… te plaît…
Le seul qui aliénait l'intégrité même de son être.
- Reste avec moi !
Car aucun choix ne lui avait été laissé ; aucune décision ou espoir d'y réchapper. Ainsi et bien qu'elle aurait prié en être délivrée, la vie l'avait désespérément harponné.
- Hermione !
Comment cela avait-il commencé ? Les souvenirs s'entremêlaient… les images se floutaient… les sons se distordaient… et sa raison s'étiolait. Mais elle le savait ; tout avait commencé avec le sort qui l'avait tué. Or et contrairement à ce que l'on pouvait penser, elle n'avait pas survécu à un Avada de sa seule volonté. Non, quelque chose l'avait aidé… quelque chose qu'elle n'aurait jamais envisagé, quelque chose qu'elle n'aurait jamais soupçonné, quelque chose qu'elle n'aurait même jamais imaginé. Mais quelque chose qui l'avait indéniablement sauvé… pour mieux la torturer.
- Reste avec moi !
S'agissait-il du Cœur Prophétique ? Etait-il parvenu à la ramener ? Et à l'éveiller aussi simplement que Ron l'avait fait ? Malheureusement, un tel cadeau ne lui avait pas été fait. Car elle n'avait fait que l'effleurer… et se faisant, il ne servait à rien d'espérer, de rêver ou de fabuler. La magie du Cœur Prophétique n'avait pas été en mesure de la sauver… et Ron l'avait bel et bien tué.
- Avada Kedavra !
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
Elle avait espéré s'être trompée.
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
Elle avait espéré que le Cœur puisse la sauver !
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
Mais rien ne servait de le nier. Elle resterait à jamais piégée… piégée face au sort qui l'avait frappé, piégée à quelques centimètres d'être sauvée, piégée sous le regard de son Maître horrifié, piégée dans cet instant d'éternité ! Piégée et incontestablement condamnée… Ainsi elle avait beau prier, implorer et tenter de renouer avec la réalité, cet Avada ne cessait jamais de la tuer. Et le Cœur Prophétique ne la sauvait jamais...
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
L'Avada l'avait bel et bien tué… et Le Cœur Prophétique ne l'avait pas sauvé.
Une évidence qui ne cessait de la hanter et qui au travers de son esprit tourmenté, la laissait constamment retomber raide morte dans ce charnier... Pourtant et alors que son corps s'était écroulé, que son cœur s'était arrêté, que son esprit s'était évaporé et que son âme était sur le point de s'évader, la Mort ne l'avait pas emmené...
La Mort ne l'avait pas emmené.
La Mort ne l'avait pas emmené.
La Mort ne l'avait pas emmené.
Oui… c'était vrai.
La Mort ne l'avait pas emmené.
La Mort ne l'avait pas emmené.
La Mort ne l'avait pas emmené.
Mais pour que ce miracle puisse se réaliser, un prix avait dû être payé…
La Mort ne l'avait pas emmené.
La Mort ne l'avait pas emmené.
La Mort ne l'avait pas emmené.
Un prix presque plus horrible que la mort qu'elle s'était toujours imaginée, et qui alors même que tout aurait pu cesser, lui avait donné la plus atroce des épreuves à endurer.
La Mort ne l'avait pas emmené.
La Mort ne l'avait pas emmené.
La Mort ne l'avait pas emmené.
Car là était tout la subtilité de son supplice ! Elle ne s'était pas battue pour rester en vie… elle s'était battue pour « revenir » à la vie. Un détail de sémantique qui aurait pu paraître infime ; mais un détail qui l'avait plongé dans le combat le plus ignoble qui ait été mené de mémoire d'homme : Celui d'une âme qu'on arrache à la mort…
- Her… Hermione ?
Impossible ? Elle y avait cru.
- Hermione ?!
Jusqu'à ce que Voldemort décide de déjouer leur Créateur.
Jusqu'à ce que son âme ne se fracture sous la plus atroce douleur.
Jusqu'à ce que d'insupportables frissons n'agitent vainement son pauvre cœur.
Jusqu'à ce que son esprit ne vacille sous les affres d'une nouvelle horreur.
Jusqu'à ce que l'intégralité de son être ne semble être broyé de l'intérieur.
- Hermione ?!
Des sensations bien lointaines de sa petite pluie d'amour et de douceur, qui l'avait laissé gésir entre les griffes de la plus inhumaine des terreurs…
- Tu m'entends ?!
Que s'était-il passé ?
Pourquoi un feu s'était-il mis à la dévorer ?
Pourquoi Lucifer s'était-il mis à la torturer ?
Pourquoi le monde avait-il voulu la voir agoniser ?
Pourquoi les pires fléaux du monde s'étaient-ils mis à la tourmenter ?
- Hermione !
En ce temps, elle n'aurait été en mesure de l'expliquer… de dire quel filet l'avait étranglé, quel Dieu l'avait condamné ou encore quelle démon l'avait possédé. Mais ce qu'elle savait, était que Voldemort ne l'avait jamais quitté… et que dans ce brouillard de sensations toute aussi troublantes qu'effrénées, seule sa voix l'avait guidé.
- Je suis là…
La seule capable de donner un sens à cette atrocité.
- Je suis là… je ne te quitte pas ! Je suis là !
Oui… il était resté.
- Hermione ! Je suis là !
Et se faisant, elle n'avait pas le droit d'être ingrate. Elle n'avait pas le droit de céder à cette torture infâme. Et plus important encore, elle n'avait pas le droit de lui en vouloir… et ce même s'il était seul artisan de ce nouveau cauchemar.
- Ça a marché…
Car oui… ça avait marché
- Hermione !
Son corps avait été réanimé.
Son âme avait y être rattachée.
Et sa « vie » avait été « sauvée » …
- Tu m'entends ?!
Comment y était-il parvenu ? A l'éveil de sa conscience, elle n'y avait pas cru. Mais elle aurait dû…
- Hermione…
Car son pouvoir était absolu… tout comme la magie des Horcrucx.
Coucou tout le monde !
Lourd chapitre aujourd'hui en perspective ! Il n'est pas le plus long mais il est dense et contient beaucoupppp d'informations - qui seront bien entendu précisées et approfondies par la suite ! J'espère néanmoins qu'il vous plaira... ainsi que l'ultime révélation de fin ;)
N'hésitez pas à me le dire en commentaire !
A la semaine prochaine :D
