C'est épuisé que Candice passa la porte de sa maison. La journée avait été rude, remplie d'émotions et sans repos. D'un geste mécanique, la blonde ôta sa veste et l'accrocha au porte-manteau avant de retirer ses chaussures. Elle souffla. Visiblement son corps souffrait, lui rappelant qu'une bonne nuit de sommeil allait s'imposer pour se requinquer. Elle débarqua rapidement au salon et ne tarda pas à voir une furie accourir dans ses bras.
« Candice ! s'exclama Suzanne avec engouement.
- Oh… Ça va ma puce ? demanda-t-elle en l'embrassant.
- Oui ! J'suis trop contente d'être là ! On a joué toute la soirée c'était trop bien…
- Tant mieux ! sourit-elle.
- Mais le bébé arrête pas de me tirer les cheveux… bouda-t-elle.
- Ah oui ! Ça, elle adore… répliqua-t-elle en rigolant. Ça a été ? demanda-t-elle à sa fille.
- Comme sur des roulettes ! répliqua-t-elle en souriant.
- On a mangé des pizzas ! lâcha-t-elle fière.
- Chanceuse en plus… sourit Candice.
- Ouais ! Papa est pas avec toi ?
- Euh non… Papa est encore au travail… mentit-elle en se dirigeant vers la cuisine.
- Tant pis… maugréa-t-elle en retournant au salon.
- Comment il va ? demanda Emma appuyée contre le frigo.
- Ça va… Ils le gardent en observation pour la nuit… J'irai le chercher demain matin.
- Tu dois être rassurée...
- Ouais… sourit-elle faiblement.
- Mais toi… Ça a pas l'air d'aller…
Candice haussa les épaules.
- Journée riche en émotions… avoua-t-elle doucement.
- Je comprends… Mais l'important c'est qu'il soit encore là, non ? Puis il a de la chance, il est bien entouré…
- Bien entouré de qui ? lâcha-t-elle fataliste. Sa mère ? Sa fille ? Ses collègues ?
- Et toi…
- Mais moi, finalement… J'suis rien pour lui…
- Pourquoi tu dis ça ? s'étonna-t-elle en approchant doucement.
- Parce que je… Je suis quoi en fait ? Je suis pas sa femme… Ni même sa compagne… Fin' je suis juste Candice… Je… Tu te rends compte que s'il lui était arrivé quelque chose de plus grave, j'avais aucun droit…
- Mais c'est normal, vous êtes séparés…
- Non. Pour être séparé, faut avoir été ensemble dans le passé… lâcha-t-elle indignée. Nous on était rien. On avait aucun lien. Même le médecin a hésité à me faire entrer pour le voir…
- Donc… tu comprends enfin ses reproches…
- J'avais jamais vu les choses comme ça… avoua-t-elle les larmes aux yeux en se retournant vers l'évier.
- Alors maintenant que tu les vois de la bonne façon, tu vas peut-être réussir à changer les choses…
- Ouais…
- Puis tout n'est pas à jeter... Ok, vous êtes peut-être pas un couple classique mais... vous vous aimez...
- Mais ça fait pas tout !
- Je sais...
- Mais ça va... Ça va... renchérit-elle volontairement rassurante.
- On t'a laissé de la pizza au frigo si tu veux…
- C'est gentil mais j'ai pas faim là… Je vais plutôt me reposer…
- Ok… On monte avec Sacha, ça va aller avec Suzanne ?
- Mais oui ! T'inquiète pas… Merci ma chérie, pour tout… souffla-t-elle doucement en l'embrassant tendrement. »
Emma l'embrassa en guise de soutien. La jeune femme connaissait sa mère et évidemment, elle savait qu'elle feignait la solidité pour ne pas l'inquiéter. La blonde attendit que la brune déserte la cuisine pour se ruer sur les placards. Elle sortit un plateau et déposa une tasse d'eau bouillante avant d'ouvrir un petit sachet violet. Elle esquissa un bref sourire et versa les friandises dans un bol avant de rejoindre Suzanne dans le canapé.
« Tiens… Regarde… chuchota-t-elle malicieusement en lui tendant le bol.
- Oh ! Mais… papa veut pas que je mange de bonbons le soir…
- Ça restera notre petit secret alors ! déclara-t-elle en rigolant.
- Promis !
- Juré ?
- Craché ! compléta-t-elle avant de se jeter sur le bol.
- Mais on ira se laver les dents après quand même hein !
- Hum… maugréa-t-elle la bouche pleine.
- Tu veux mettre un dessin animé ?
- Ouais… confirma-t-elle en s'installant contre Candice.
- Alors… Qu'est-ce qu'on a…
- Candice ?
- Oui ?
- Pourquoi papa est encore au travail à cette heure là ? Normalement, il rentre quand même plus tôt…
- Euh… lâcha-t-elle d'hésitation. Oui c'est vrai, tu as raison. En fait, je t'ai menti parce que je voulais pas que tu t'inquiètes… commença-t-elle en caressant les cheveux de la petite. En fait, papa a besoin de se reposer…
- À son travail ? demanda-t-elle sans comprendre.
- Non… Il est à l'hôpital… Il s'est fait mal à la tête en voulant arrêter un méchant et, le médecin a voulu qu'il dorme là-bas.
- Ah bon ? Mais il a mal comment ? demanda-t-elle attristée.
- Ça va… Ils lui donnent des médicaments magiques et il a plus mal… Mais tu sais, papa c'est un petit peu comme un super-héros… Il se met en danger pour sauver les autres et voilà…
- Papa il est super généreux…
- Oui, c'est vrai…
- Et courageux aussi…
- Oui… confirma-t-elle en souriant.
- C'est pour ça que t'es amoureuse de lui ?
- Pas que pour ça mais... c'est deux bonnes raisons, oui.
- Hum... C'est aussi parce qu'il est super beau !
- Ça c'est vrai ! confirma-t-elle tout sourire.
- Et je pourrais le voir quand s'il est à l'hôpital ?
- Demain matin, on ira toutes les deux le chercher si tu veux…
- Ouais ! accepta-t-elle en se réinstallant confortablement contre Candice qui souriait. Je pourrais dormir avec toi cette nuit ?
- Ça dépend… Si tu ronfles trop… Je sais pas…
- Je ronfle pas ! s'indigna-t-elle. C'est papa qui ronfle !
Candice éclata de rire avant d'acquiescer.
- Mais c'est un petit ronflement mignon… rétorqua Candice.
- C'est vrai… Parce que dès fois, l'amoureux de maman ronfle tellement fort que je l'entends à l'autre bout de la maison…
- Comme Sacha… répliqua-t-elle en rigolant.
- Ouais ! ... Tu sais… Je l'ai déjà dit à papa mais j'aimerais bien que ça redevienne comme avant…
- Moi aussi j'aimerais bien… Et je te promets que tout redeviendra comme avant… et ce sera même encore mieux, tu verras !
- Bientôt ?
- Pas tout de suite mais… bientôt… lâcha-t-elle en souriant. Bon alors, dessin animé ! Et tu dis pas à papa qu'on a été dormir super tard hein… Sinon on va se faire gronder…
- Promis ! acquiesça-t-elle. On peut mettre un dessin animé de princesse ?
- Mais oui ! s'enthousiasma-t-elle. »
. . . . .
Le véhicule gris grimpa sur le trottoir et stoppa sa course, laissant une petite fille ouvrir rapidement sa portière pour se dépêcher d'ouvrir la porte de celle de devant.
« Rapide… observa Candice derrière son volant.
- T'as besoin d'aide papa ? demanda la petite alors que son père sortait du véhicule.
- Non ça va… C'est gentil ma chérie…
- Je prends ton sac… déclara Suzanne en disparaissant tranquillement dans la cour.
- Merci…
- Bon… Je vous laisse…
- Ah… Tu veux pas entrer ?
- Euh bah je… Perrin m'attends… On est dimanche mais… avec l'enquête qu'on vient de boucler… j'ai du boulot…
- Juste un café… ? proposa-t-il l'air suppliant. Pour te remercier pour hier soir… pour Suzanne…
- Hum… Alors, rapidement… finit-elle par accepter avant de refermer la vitre de sa voiture. »
Candice finit par claquer sa portière à son tour et rejoignit son commissaire qui l'attendait sur le trottoir. Au fond, elle sentait que les choses allaient se compliquer, se surprenant à maudire cette bombe et les conséquences qui allaient suivre. Évidemment que la peur de le perdre l'avait laissée sortir des mots plus forts qu'elle ne se serait permis d'habitude. Évidemment que les évènements l'avaient poussé aux câlins et aux gestes de tendresse… Les mêmes qu'elle osait se permettre sans limite… avant… mais plus question de passé, il fallait désormais assumer, dans le présent…
La commandante referma timidement la porte de la maison des Dumas, s'autorisant un sourire en voyant Suzanne s'occuper du petit sac de son père.
« Installe-toi ! lança-t-il en montrant la chaise dans sa cuisine.
- Ouais… marmonna-t-elle en accrochant sa veste au porte-manteau.
- Je vais t'installer un coin bien chaud dans le canapé papa… Comme ça tu seras bien…
- C'est gentil…
- Et après on pourra regarder un petit film ensemble… continua-t-elle en arrangeant les oreillers sur une couverture rose qu'elle avait rapportée de sa chambre.
- Eh bah… Je vois que Suzanne a hérité de la générosité de son père… souffla Candice à Antoine qui apportait les tasses sur la table.
- Tel père, telle fille…
- Tu vas rester avec nous ? demanda-t-elle à Candice.
- Nan… Je bois juste un petit café et je m'en vais… J'ai du travail…
- Dommage… bouda-t-elle en faisant demi-tour vers sa chambre.
- Merci… chuchota Candice alors qu'Antoine versait le café dans sa tasse.
- Elle a raison en même temps… se contenta-t-il de répliquer en fixant ses yeux bleus.
- De quoi ? s'étonna-t-elle.
- C'est dommage… confirma-t-il sérieusement alors qu'elle baissait la tête.
- Ouais… Mais Perrin m'attend pour la paperasse… Et je vais pas te rappeler comment il est… Lui, il fait pas de cadeaux…
- Je sais…
- J'ai pas hâte de le retrouver…
- Tu préférais celui d'avant ? demanda-t-il enjôleur.
- C'est pas vraiment comparable… s'amusa-t-elle.
- C'est vrai que personne m'arrive à la cheville… plaisanta-t-il.
Candice rigola doucement, amusée par son léger narcissisme.
Non mais c'est vrai… Puis je… Moi aussi je préférais mon ancien commandant…
- Encore heureux ! Mais bon… C'est comma ça…
- Hum… Chacun va rentrer chez soi et… voilà…
- Toutes les bonnes choses ont une fin…
- Ouais… Et concrètement ? Ça signifie quoi pour nous ?
- De ?
- Bah… Si on se voit plus au boulot…
- Ah ! Bah on peut s'appeler… On peut s'écrire aussi… répondit-elle gênée.
- Et se voir ? osa-t-il hésitant.
- De temps en temps, oui.
- Ouais…
- Bon, je vais y aller… Je voudrais pas fâcher le chef… annonça-t-elle en se levant.
- Et ton café ?
- Antoine… chuchota-t-elle en le fixant tristement.
- Tu reviens bientôt ? demanda la petite avec engouement.
- Promis, j'essaye ! répondit-elle après s'être baissée pour l'embrasser. »
Candice se releva et se retrouva désormais nez à nez avec son père. L'envie de le prendre dans ses bras et de l'embrasser était grande… Mais il ne fallait pas aller à l'encontre de ses principes. Hésitante, elle se contenta d'annoncer à nouveau son départ. Antoine baissa la tête, déçu de cette simple formule de politesse. La blonde le ressentit et en une fraction de secondes les évènements d'hier lui revinrent à l'esprit. Elle finit par s'approcher doucement et caressa son bras avant de tenter de s'enfuir lorsqu'elle sentit son poignet pris au piège.
« Hier j'ai le droit à un ''mon amour'' et là… tu pars comme ça ? osa-t-il en chuchotant.
- Antoine… Rends pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont… Hier c'était… particulier et…
- Donc ça signifiait rien ?
- Antoine… força-t-elle suppliante.
- Ok… répliqua-t-il en lâchant son poignet. Salut, alors… »
Elle le fixa, tristement… amoureusement… Candice ressentait toute sa déception, mais faire demi-tour annonçait sa défaite. Et ça elle ne voulait pas. Il ne fallait pas craquer… Pas maintenant alors que le chemin était encore long. La blonde finit par faire un signe à la petite réfugiée dans sa chambre et quitta la maison non sans une once d'amertume.
Suzanne fixa son père, consciente que le départ de Candice le rendait triste. Impuissante, elle se contenta d'approcher de lui et encercla sa taille de ses petits bras. Ému, Antoine l'observa en souriant doucement.
« T'inquiète pas papa… Elle va revenir…
- Ouais ! Alors, qu'est-ce qu'on regarde ?! »
