Playlist

« This town » Niall Horan

« Someone you loved » Lewis Capaldi

« Meteor shower » Andy Kong

« Paper hearts » The Vamps

Chapitre n°11

Point de vue d'Illium

J'ai avalé la moitié de la boite de médicaments prescrite en deux jours et ils sont plus efficaces que les précédents car je pense beaucoup moins à la douleur. Parfois le soir je serre les dents. Ces petites boîtes sont la raisons pour laquelle je me lève, ces antidouleurs me font oublier les blessures internes, autres celles qui sont physiques et qui ne se voient plus. Je garde toutes les boîtes prescrites par Keir et Nisia dans ma salle de bain, dans une boîte en métal dédiée. Celle-ci est bien gardée. J'ai besoin de m'évader, de penser à autre chose qu'à la souffrance occasionnée. Les entrainements de Galen m'offrent une bonne dose d'endorphine. Les effets sont agréables sur le moment et ils s'estompent vite. Résultat, dès le réveil je vais dans la salle de bain avaler deux cachets avec un verre d'eau. Idem le soir quand je rentre de la Tour. Je veux que la douleur me laisse tranquille. À part, me réveiller le matin, aller travailler à la Tour, faire ma vie d'anges et rentrer le soir pour avaler deux nouveaux cachets pour dormir, sans compter le somnifère que j'avale aussi en cas d'insomnie. La seule chose à laquelle je pense c'est la réaction de ma mère. Étant donné que je tolère bien les médicaments en question, j'estime être apte à continuer. Je ne veux pas l'effrayer en lui annonçant la quantité consommée. Nécéssaire car je ne peux pas me passer de la substance, pour ne pas penser à la douleur mais les quantités augmentent. Un jour, je risque de dépasser la dose recommandée sur l'ordonnance. Je prends quatre cachets pour justement laisser la douleur m'oublier. Au moins, je peux me concentrer sur ma vie d'ange. Sauf que ce matin, j'ai mal à la tête et j'ai pris un cachet d'aspirine pour le calmer. Je n'ai pas le temps de me laisser aller.

Ce matin, je me suis décidé à appeler ma mère pour simplement pour discuter avec elle. J'ai besoin d'entendre sa voix, de regarder son doux visage. Elle m'a dit travailler sur une nouvelle œuvre d'art. Je lui ai parlé de la partie de baseball dans les airs avec Aodhan mais pas de l'orage qui m'a marqué le bras et dont la cicatrice est à peine visible pour un œil d'ange et invisible pour un œil humain. Mes blessures au bras se résorbent plus rapidement que je ne le pensais. J'ai enlevé mon bandage depuis quelques jours. Mon corps est impeccable. Je tiens quand même à ne garder aucune trace visible de la foudre sur mon bras. Mes plumes n'ont pas été foudroyées, elles sont intactes. À une époque les perdre était plus impressionnant qu'autre chose et ça aurait été un drame pour moi. Pendant cette partie de jeu dans les airs, je me suis sentie vivant dans le sens où plus de pression ne pesait sur mes épaules, plus de pensées négatives, rien du tout. Juste une partie de baseball avec Aodhan, Galen et deux équipes d'anges motivées à jouer. Aucun regret que d'avoir jouer avec eux. Je me suis tellement investie dans la partie que je n'ai pas prêté aux conséquences de ma blessure due à la foudre. J'ai oublié à quel point la douleur est forte. Un humain aurait été grillé. Dans mon cas, non les brûlures ne sont pas si profondes. J'ai été pris en charge directement par une jolie infirmière du dispensaire du Refuge alors je ne vais pas me plaindre, dommage que je n'ai pas vu son visage très longtemps.

Ma tasse de café fumante près du clavier de l'ordinateur, j'écoute les paroles de ma chère maman. J'essaye de rester proche d'elle dès que possible, après tout nous sommes loin. Elle me manque beaucoup depuis la dernière fois où je suis allée la voir au Maroc car elle trouve toujours les bons mots pour me rassurer quand je doute, quand je me sens pas bien dans ma peau. Bien entendu, je ne lui ai pas dis que je suis dépend aux médicaments depuis deux semaines. Je suis tombé il y a trois mois et vu la dose de médicaments qu'on m'a injecté dans le sang, la dose que l'on m'a prescrite sur une ordonnance, mon corps s'y est vite habitué et je suis satisfait de ne plus avoir mal. En plus, les médicaments inhibent mes pensées négatives. Double effet. Je ne crache pas dessus, au contraire. Je peux me concentrer sur une conversation, sur un entrainement, mes pensées reprennent le cours normal dans ma tête, elles fusent moins. Voir ma mère à travers un écran n'est pas simple car j'ai envie de la serrer dans mes bras, de sentir son odeur de soleil et de reprendre nos occupations communes. Quand j'étais chez elle, on a cuisiné des cookies, comme quand j'étais enfant.

« Je vais devoir te laisser, on sonne à la porte. À bientôt maman je t'aime » dis-je en coupant la conversation et en baissant l'écran de l'ordinateur.

Je n'aime pas couper la conversation de manière brute comme ça mais la sonnerie retentit une deuxième fois, le temps de me diriger vers la porte d'entrée. J'ouvre la porte de chez moi et découvre un ange aux ailes grises et aux yeux reconnaissables entre mille. Je ne connais qu'un seul ange capable d'en jouer. Galen.

« Désolé de venir à l'improviste ».

« J'étais occupé au téléphone avec ma mère. Depuis quand tu t'excuses pour venir chez moi ? ».

Mon petit Galen semble culpabiliser une seconde mais je lui souris pour le détendre un peu. Tout va bien. Je sais qu'il travaille avec les jeunes anges en ce moment alors il est plus souvent dans sa chambre à la Tour. Il ne vient pas souvent dans les environs. Il préfère passer le plus de temps possible chez lui, avec Jess. Je me mets à penser que l'idée qu'il se rende chez moi est son idée. Elle est bienveillante avec tout le monde. Je me souviens de son calme pendant les cours au Refuge, avant les cours de dessins que je prenais auprès de ma mère. Elle ne jugeait jamais le résultat final. Sans me vanter, j'ai mon talent en dessin. Pas aussi doué que certains camarades de classe.

« Visite de courtoisie. Je vais t'en faire baver à l'entrainement ce matin, j'espère que tes muscles sont prêts à travailler ».

« Ils le sont » affirmai-je.

Je m'envole avec Galen en direction de la Tour sans lui poser plus de questions. Il me suit d'assez près et je devine à son air qu'il a quelque chose derrière la tête.

Quand on atterrit sur le toit de la Tour, je reconnais le sourire en coin de mon ami ailés. Il aperçoit Venin dans la salle d'entrainement, habillé en vêtements de sport. Venin n'est pas du genre à laisser tomber ses beaux costumes qui valent une vraie fortune pour une tenue sportive, sauf pour les séances de souffrance. Et ce matin, il s'agit d'une séance où ses muscles vont devoir démontrer de leur effort, de leur souplesse aussi. Il a une grâce propre à lui. Éviter les attaques directes de Dmitri telle la vipère qu'il est est son objectif numéro un de la séance du jour. Ses mouvements sont souples, gracieux et rapides. Il ne se laisse pas faire pour autant, notre Second préféré a de la ressource. Les quelques secondes d'avances seront déterminantes. Je dirais que le score est serré entre les deux vampires. La demi seconde d'avance de Venin lui ait profitable jusqu'à ce que le vampire le plus imprévisible au monde montre encore une fois l'un de ses tours. Venin termine allongé sur le dos, impuissant face au visage ruisselant de l'ennemi. Venin capitule. Dmitri l'aide quand même à se relever et le félicite du combat disputé. Galen sourit. Notre maître d'armes préféré est satisfait de son travail, c'est important de le souligner.

« Papillon » me salut-il en se relevant.

« Papillon n'est pas tout seul » ajoute Dmitri en regardant Galen.

« Je ne peux pas laisser Papillon tout seul ».

Pour une fois, je ne relève pas la remarque sarcastique de l'ange aux ailes grises ni le regard sarcastique des vampires. Je me surprends moi-même alors je lui jette un regard désabusé en guise de réponse et il se met à rire en premier suivit du regard désespéré du second de l'Archange. Je ne suis pas une poupée fragile. Maintenant, je comprends cette expression plus que jamais, elle prend tout son sens. Je ne me sens pas comme tel. Ce qui est je pense un point positif. Je ne peux pas accepter un regard de pitié. Petit à petit, la lumière qui s'est éteinte en moi se rallume. Grâce aux médicaments qui font leur job, je sais que ce soir, je vais avaler deux autres cachets avec plaisir et je laisserai le sommeil m'emporter quelques heures. Et voir Galen devant chez moi ce matin de bonne heure m'a fait penser à la même chose, un peu comme un effet miroir que mon meilleur ami aux yeux verts a. Leur bienveillance est réelle dans les situations critiques et aussi efficace qu'un médicament. Venin, Aodhan sont venus manger un soir, Elena m'a apporté un panier de muffins, Jason est venu discuté une partie de la nuit avec moi, j'ai pleuré dans le bureau de Raphaël, j'ai pleuré dans le bureau de Dmitri. Je me dois de poursuivre la bonne voie et de ne pas me perdre non plus sur un chemin inapproprié et dangereux. Je ne veux pas que quelque chose me change. Précipiter les choses m'amèneraient à l'auto-destruction. Vu le résultat avec Uram non merci. Je ne me vois pas tomber dans une spirale où il me sera impossible de me relever. Pas tout seul, pas tel un déchet devenu inutile. Ça me rend malade d'avance d'y penser car c'est tout ce que je ne veux pas devenir. Quoique les médicaments commencent à me rendre accro. Ils m'aident à ne pas avoir mal. Ils m'aident à ne pas tomber et à me focaliser sur mes cicatrices invisibles.

Les anges et vampires présents à côté de moi me montrent tous les jours que la vie vaut la peine d'être vécue. On a vécu tellement d'épreuves. Des épreuves individuelles comme collectives et on est conscient de beaucoup de choses.

Je me mets à penser au dessin qui est toujours dans ma poche. Je ne l'ai pas retiré de ma veste. Mes mains sont en train de le toucher du bout des doigts. Je le sors discrètement mais bien entendu je ne peux pas être discret puisqu'un courant d'air s'engouffre dans la salle d'entrainement. Quelle idée judicieuse de se placer non loin de la porte. Le papier s'échappe de mes doigts et virevolte sous mes yeux impuissants pour le rattraper. Une main bien plus rapide s'en saisie. La peau dorée par ses origines indiennes me donne l'identité du vampire en question, Venin est aussi rapide que n'importe qui. Évidemment il est aussi souple qu'un serpent. J'aurai dû m'en douter. Je me suis fait avoir comme un débutant. J'ai l'attention de consulter Vivek pour qu'il fasse des recherches, je suis sûr qu'en trois cliques, le compte dessin sera dévoilé.

« Campanule a un admirateur secret » constate Venin en examinant le dessin, un sourire au coin des lèvres.

Mes joues deviennent rouges. C'est gênant. Non que je me sois déjà retrouvé dans des situations atypiques mais là, il s'agit d'un dessin me représentant en train de voler dans les airs de la ville un soir pendant qu'on jouait au baseball avec les autres anges. J'ai la sensation d'avoir été pris en photo par un paparazzi à vide de scoop. Sauf que non, quelqu'un a pris la peine de me dessiner. Quelqu'un a pris du temps pour le réaliser et me le faire parvenir.

« Je le trouve très réussi. Les détails sont beaux » dit Galen en regardant le dessin par dessus l'épaule du vampire.

Parmi nous, l'artiste réputé dans le monde angélique c'est bien mon meilleur ami. Il a sa réputation et c'est entièrement mérité. Il passe beaucoup de temps à dessiner, à peindre et à sculpter. Je me moque ouvertement concernant sa passion pour, je cite « les vieilles reliques moisies » dans les musées. Je suis sarcastique sur ce point là. Ma mère est une artiste reconnue aussi alors je me permets de faire la remarque. Ses travaux sont exposés à la Tour, au Refuge et quand on a la chance de faire partie de son entourage proche, on peut voir s'offrir un tableau en guise de cadeau. Il m'a offert un beau tableau qui trône dans un beau cadre ancien encadré dans le couloir à l'étage de chez moi, acheté au Brésil lors d'une mission. Il a offert à Venin un beau miroir sculpté de serpents. Un détail qui a fait l'unanimité aux yeux de notre cher vampire aux yeux atypiques. Celui-ci me rend le dessin après l'avoir examiné encore une minute supplémentaire. Le comble est que je dessine aussi. Avec une mère artiste, j'ai été élevé aux Arts. Mes parents y étaient attachés quand je n'étais un petit ange âgé de six ans pour un humain et j'apprécie une œuvre à sa juste valeur. Je connais le travail, l'affecte, le temps et la symbolique d'une œuvre d'art en général. Aodhan apprécie celles qui datent d'une autre civilisation par exemple quand d'autres apprécient le contemporain. Recevoir ce type d'attention n'est pas pour me déplaire. Après tout, la personne y a passé beaucoup de temps. Les traits sont fins, la couleur est claire. Il n'y a pas de signature. C'est la seule chose que je regrette. Retrouver l'auteur aurait été un peu plus facile. Le jeter ne serait pas correcte vis-à-vis de son travail. Il est très bien fait et je n'ose imaginer le temps que cela a dû prendre. Je n'aime pas jeter les choses que l'on m'envoie. Je respecte le travail des autres. Je ne sais pas non plus si ce dessin m'était destiné directement ou il s'est envolé dans les mains de l'artiste sous ses yeux tristes de ne pouvoir le rattraper à temps. Le dessin se serait envolé, comme par hasard jusqu'à chez moi par le vent qui s'est levé hier soir ? Hypothèse possible. En tout cas, cette histoire ne m'a pas empêché de trouver le sommeil hier soir. Pour une fois que mes cauchemars sont restés dehors, j'en ai profité pour rattraper les quelques heures de sommeil manquantes à mon organisme dans les bras de Morphée. Ces derniers temps, j'en fais moins ce qui est une bonne chose. Je dois avouer que les ordonnances m'aident à y voir plus clair. Si les douleurs pouvaient vite me laisser tranquille. Sans ces boîtes de médicaments, je serais en train de chercher un moyen de les mettre en sourdine.

« Pas étonnant, il a toujours eu du succès » ajoute Dmitri.

« Les médias parlent de nous comme un objet sexuel ».

« Ce n'est pas la même chose » lance t-il à la remarque de Venin.

« À peu de choses près ».

« Non, Illium est le chouchou parmi les anges. Rien d'étonnant à ce qu'il reçoive des lettres d'admirateurs secrets ».

« Ce n'est plus tout à fait un secret, notre bel ange a sa réputation ».

« Ne cherche pas la petite bête ou on règle ça sur le tapis ».

« Je te distance d'une demi-seconde ».

« Ne te vante pas trop vite Vipère ».

Ces deux-là sont uniques en leur genre. Mais c'est aussi pour ça qu'on s'y attache. Ce sont des personnages atypiques. Une fois leur carapace respective fendue, ce sont des êtres vampiriques à connaître. Il faut juste passer cette barrière. Les guerriers qui m'entourent sont des êtres redoutables et pourtant, en regardant un dessin ils cherchent à m'aider au sujet de ce dessin.

« Je suis là » dis-je quand même en levant les bras. « Je suis le principal concerné ».

« Hé il y a une signature » inspecte Venin en examinant un point précis du dessin.

« Où ? Je n'en ai vu aucune » dis-je surpris.

« Juste ici, c'est tout petit et en plus placé dans l'une de tes plumes ».

Ce vampire a des yeux de lynx. Aucun détail ne lui échappe. Moi qui ai inspecté ce dessin sous une mauvaise lumière je l'avoue, je n'ai pas vu de signature tout de suite. Et après sa révélation, si, il y en a bien une. Elle est placée dans mes plumes.

« Phœnix drawing ? ».

« Inconnu pour moi » répondent Venin et Galen en même temps.

« Ce compte Instagram est connu ? » demandais-je.

« Toi qui est assidu et doué sur les réseaux sociaux, tu devrais le connaître, non ? » lance Dmitri.

« Je les déserte ces derniers mois ».

« Demande à Vivek, il va te retrouver qui se cache derrière ce compte ».

« Que ferions-nous sans les idées géniales de Galen hein ? » intervient Venin.

L'intéressé se retient de rire et se contente de lever les yeux au ciel face à la remarque intelligente de Venin et je dois dire qu'il a raison. Je retiens qu'il faille que je demande à Vivek de l'inspecter. J'espère le lui transmettre et éventuellement analyser des empreintes autre que les nôtres sur le papier. Je voudrais bien clore le sujet et pouvoir continuer de vivre ma vie sans y penser. Le hasard est étonnant parfois.

« Restons sérieux. C'est bien que tu sois venu aujourd'hui » dit Dmitri en se grattant l'arrière de la tête.

« Il a quand même fallu que je vienne le chercher mais on va tout faire pour que notre Illium préféré aille mieux. À l'avenir, on sera plus vigilant durant nos parties de baseball » intervient Galen.

« D'ailleurs, tes cicatrices sont-elles guéries ? ».

« C'est en cours cher Sombre Suzerain. Merci de t'en inquiéter ».

Malgré les apparences, Dmitri est sans doute le plus inquiet de nous tous. Je remarque une petite lueur de satisfaction à l'entente de ce surnom dans ses yeux. Je veux le rassurer sur ce point, ma santé est de mieux en mieux. Plus les jours passent plus je me sens alerte. Je sors davantage et le soutien des autres Sept est sans faille donc je n'ai pas de quoi me plaindre. Cela me ramène les pieds sur terre.

« Où est Aodhan ? ».

« Dans son atelier, il dessine beaucoup ces jours-ci ».

Je ne l'ai pas revu depuis la partie de baseball. L'inspiration a dû lui donner de quoi faire et c'est tant mieux, il n'a pas crée depuis longtemps. Autant qu'il profite de son inspiration. Je ne sais pas s'il va montrer ses dernières œuvres à sa sœur. D'habitude, il en offre en cadeau lors d'occasion spéciale, il les personnalise. On a de la chance qu'il soit parmi nous.

« L'entraînement des bébés anges ne va pas se faire tout seul Campanule » annonce Galen impatient.

« Impatient le Barbare ? ».

« Veux-tu me donner un peu de ton temps cher Campanule ? ».

J'acquiesce. Au moins, je vais pouvoir voir le travail des bébés anges. Ils progressent vite. Vu l'entrainement que Galen prépare à chaque fois, ils ont intérêt à être endurants. Celui-ci n'est pas l'ange le plus tendre avec eux et pendant un entrainement en règle générale. Je sais qu'avec Elena, il ne rigole pas. La pauvre chasseuse de la Guilde termine épuisée à chaque fin de séance. Si Galen la traite ainsi c'est qu'il sent un potentiel intéressant pour un jeune ange transformé. Il ne voudra jamais l'admettre. Au final, je pense qu'il attend le jour venu pour lui dire à quel point c'était mal parti mais les efforts payent au bout d'un moment. Parfois j'assiste à un entrainement. Il me demande soit mon avis ou ma participation quand il manipule des armes blanches. Dans ce cas, j'en profite pour montrer mes nouveaux tours. Et aujourd'hui, il se trouve que sur le planning, c'est à son tour d'entrainer les nouvelles recrues angéliques. Dmitri se charge des vampires, Ash et Janvier qui ont un cours particulier.

« Je ne peux rien te refuser » osais-je dire.

Galen se met à rire. Un rire franc et spontané. Je l'entends peu ces temps-ci. c'est un peu de ma faute et je veux me rattraper. Histoire de montrer que je remonte la pente, que je ne les abandonne pas non plus aux mains de Galen quand il faut travailler avec les jeunes anges. Dmitri serait aussi perdu sans moi.

L'entraînement s'est tellement bien passé que je suis resté avec Galen pour un second.

Les anges progressent vite. Certains sont surpris par la rapidité de leur adversaire. Je devine même un sourire en coin très discret de notre ami ailé. Il joue de la situation. Les anges travaillent bien leur mouvement, en cohérence pour ce cours sur le corps à corps. Ne jamais perdre de vue son adversaire est la première règle. Garder un œil sur son arme aussi. Les anges l'apprennent dès le plus jeune âge. Ici en tout cas, ils suivent des cours pour se défendre en cas de bataille dans les règle de l'art.

Je peux profiter de la tranquillité de ma maison à l'Enclave. Une bombe de bain termine de se dissoudre dans la baignoire, un livre à proximité et me voilà partie pour me détendre. Les couleurs se mélangent dans l'eau du bain au fur et à mesure jusqu'à la disparition de la boule de bicarbonate. L'entraînement de ce matin m'a mis sur les rotules, j'ai participé aux autres séances des anges de Galen ensuite. Sa méthode de travail est précise, on devine chez qui il a appris tout ça. À la cour de Titus, la rigueur est importante, j'ai su bien des années après l'arrivée de Galen ici que ses relations avec sa mère était distante. Elle dirige les armées de l'Archange. Sa mère Tanae est ce qu'elle est, c'est dans sa nature de se montrer forte, je sais de qui Galen tient ça. Il en parle peu. Je pense que le sujet est encore sensible pour lui. Je ne le juge pas. À sa place, je ferais sans doute la même chose. Quand on parle de mon père, je grince des dents. Le sujet est différent, j'ai de la rancœur, de la colère parfois envers lui, ce n'est pas une question de pudeur. Galen a été élevé de manière à devenir le grand guerrier qu'il est, au sein de la cour d'un Archange c'est un atout majeur.

Le reste de la journée s'annonce intéressant.

J'oublie un peu les douleurs mentales. Je tente de faire le vide dans mon esprit le temps de la séance de travail que je supervise en tant que second dans celle-ci. Galen me fait confiance pour relever les progrès de ses élèves du jour et de lui en faire part.

Mon téléphone s'illumine. Meilleure idée pour se manifester. Je jure quand je dois quitter mon bain au bout de vingt minutes de tranquillité. Un message de Venin. Rare sont les fois où il me contacte à une heure tardive. D'habitude, il m'appelle. Mais je ne pose pas de question et lis son message. Que fait-il à cette heure-ci ? Il m'écrit qu'un vampire s'est échappé du lieu où son contrat a été établi. Ce n'est pas une situation nouvelle, ça arrive souvent et je ne vois pas en quoi ma présence serait utile. C'est pour ça que les chasseurs de l'académie de la Guilde sont appelés. Ils doivent résoudre les problèmes comme ça, les anges qui sont récalcitrants. Après la Tour intervient en cas de nécessité. Je ne suis pas d'humeur à voler derrière un vampire qui a tenté de s'échapper de sa maison d'adoption pendant le premier siècle de sa nouvelle vie d'immortelle. C'est une histoire entre lui et l'ange chez qui il est en contrat. En principe, ça se règle à l'amiable. Je réponds à Venin que je ne suis pas disponible. De plus, il est dans le quartier où Trace réside. Je préviens le vampire que Venin a besoin d'un coup de main. Celui-ci me répond rapidement et se rend déjà sur les lieux. Je vais donc avoir ma soirée tranquille. Merci quand même à Venin de me proposer de passer mes nerfs sur un vampire en fuite mais les deux séances d'entrainements avec Galen m'ont lessivé. Je ne suis pas capable de voler en quête d'un vampire et surtout pas de lui régler son compte. Venin peut se débrouiller avec l'aide de Trace.

Une fois sortie du bain, séché, changé, je m'allonge sur le canapé et allume la télévision deux minutes sur une chaîne où les informations sont diffusées en boucle. Encore une fois, les faits divers habituels à New-York. Je suis l'actualité quelques minutes. Rien d'intéressants alors j'éteins la télé et attrape mon carnet de notes. Je me remets à en relire quelques unes et je me mets à penser que les choses prennent une autre tournèrent en peu de temps. Après la chute, j'ai été comme « assommé » par les événements, comme impuissant en fait face aux changements qui prennent possession de mon corps. L'écran de mon téléphone s'illumine encore une fois et je parie que c'est Venin. Gagné. Mais je fais moins le fier en lisant son nouveau message. Ni une ni deux, je dois sortir de chez moi ce soir. Le vampire attrapé semble être de mauvaise fois et ne veut absolument pas coopérer. Ce qui est rare en la présence de Venin et Trace alors je ne comprends pas l'objet de ma venue mais je ne discute pas.

Mes ailes me portent jusqu'au lieu du crime.

Je repère les trois vampires d'en haut. En cinq minutes, me voilà. Je me pose devant eux.

Le travail est déjà fait.

De là-haut, j'ai vu le vampire bondir sur le plus jeune tel un animal sauvage qui surveillait sa proie à une distance suffisante pour agir vite. Il a été gracieux et efficace. On aurait dit la tactique de Venin. Trace lui a demandé des conseils pour se fondre dans la masse. Bravo.

« J'espère que tu as une bonne raison de me demander de venir aussi tard ».

« Crois-moi ce n'est pas pour rien Campanule ».

Venin, Trace et un vampire ligoté comme un saucisson.

Mon regard interrogateur se pose sur les deux autres vampires. Ils m'ont appelé alors que le vampire en fuite dont Venin m'a parlé par message est actuellement hors d'état de nuire. Trace s'avance vers moi et me donne un papier plié en quatre. Sans comprendre la raison de ce papier entre les mains du vampire, je le déplie quand même et découvre une feuille blanche toute simple. Cette fois-ci je suis vraiment intrigué. Personne ne parle. Le vampire ligoté est en train de s'agiter. Il mord dans le morceaux de tissu entre ses crocs.

« L'un de vous peut m'expliquer ? ».

Venin regarde Trace qui lui aussi n'a pas de réponse. La feuille blanche ne représente rien de spécial. Venin appelle les services de la Tour qui arrivent sur place dix minutes plus tard. Venin leur explique la situation. Je me tiens un peu loin de la scène. Ce papier ne s'est pas retrouvé dans la poche de ce vampire en fuite pour une raison évidente pour le moment. Si l'auteur y a laissé des empreintes, elles seront visibles après les analyses. J'espère y apprendre un peu plus d'informations même minimes. Pendant ce temps, Trace m'explique que cette feuille est imbibée d'un produit encore inconnu et ce produit semble contenir des substances psychoactives. Ces substances en question rendent folles les humains qui les inhalent de leur plein gré ou de force. On n'en sait rien encore, on attend des analyses poussées. Si une nouvelle forme d'agression circule, les choses tourneront mal. On fait beaucoup pour garantir la sécurités des habitants de cette ville.

« On en saura davantage une fois que les analyses de cette feuille seront faits » annonce Venin. « Merci d'être venu Trace ».

Nous ne sommes que deux. Je n'ai toujours pas d'explications sur ce que Trace vient de m'expliquer. Venin me dit de le rejoindre à la Tour pour en discuter. Je suppose que je vais passer la nuit dans ma chambre. Il monte dans sa voiture et je m'envole aussitôt après qu'il ait fait rugir le moteur. Dans les airs, je surveille d'un coin de l'œil le véhicule lancé à une vitesse plus grande que la moyenne dans cette ville. Cette ville qui ne dort jamais. Elle nous correspond bien.

Je l'attends devant la porte de la Tour, le dos appuyé contre elle les bras croisés et la voiture italienne du vampire se gare deux secondes plus tard dans le parking privé. Il est vrai que je me pose beaucoup de questions au sujet du vampire ligoté et qu'un dessin vierge imbibé d'un produit soit dans sa poche. Ce n'est pas quelque chose de courant alors je me demande s'il avait réellement l'attention de l'apporter jusqu'à chez moi et je me mets à penser que non. Très peu de personnes savent où ma maison à l'Enclave se situe exactement, ce papier devait être livré à la Tour. Je ne sais pas ce qu'il peut signifier.

Le vampire arrive vers moi et m'ouvre la porte du bâtiment, je le suis dans les couloirs, dans l'ascenseur et on monte à l'étage des chambres des autres Sept. Sachant que ma chambre est non loin de la sienne, il s'adosse à celle de son bureau. Pour une fois, il ne va pas travailler. Je reconnais le grand espace. Il apprécie son confort. Il ne garde pas toujours son air sérieux.

« Rassure toi, il ne s'agit pas d'un psychopathe » commence t-il par m'expliquer « Ce papier vierge dans sa poche n'a pas de signature, d'après ce que j'ai pu voir. Les analyses d'empreintes devraient être plus explicatifs. Et les analyses du produit en question seront sur mon bureau le plus vite possible. En attendant, nous surveillons ce vampire de près ».

« C'est censé me rassurer ? ».

« Le vampire est suspecté d'un trafic d'instruments de musique dont nous avons peu d'éléments pour affirmer quoique ce soit pour l'instant, on verra plus tard ».

Ces quelques arguments ne me rassurent pas. Savoir qu'il est mis sous surveillance mais le lien avec le papier imbibé retrouvé dans sa poche est encore un mystère. Et il va falloir le résoudre.

« Un trafic d'instruments de musique ? ».

« C'est récent. On verra plus tard, va te reposer quelques heures ».

En attendant, je regagne ma chambre de la Tour où j'avale deux cachets d'une boîte que j'ai laissé dans la salle de bain. Les effets de la fatigue se voient un peu moins. Je termine le verre d'eau avant de m'effondrer sur le lit pour quelques précieuses heures de sommeil.