Playlist
« Bruises » Lewis Capaldi
« Breathe me » Sia
« From where you are » Lifehouse
« Rainbow connection » Sleeping at last
« On the loose » Niall Horan
« Issues » Imaginary future
Chapitre numéro quinze
Point de vue d'Aupale
Avec Ash, nous courrons dans les rues de New-York, à la poursuite d'un vampire ayant désobéi à son contrat. Elle m'a appelé une heure avant et depuis je participe à la chasse. J'ai toujours été curieuse de voir comment mon amie était sur le terrain face à un vampire qui refuse de se laisser attraper. Évidemment, personne n'a envie de terminer entre les mailles d'un filet à papillon. Là, il s'agit d'une métaphore de ma part. Ash est énervée et moi déroutée par cette créature nocturne qui est rapide.
Le vampire en question se débrouille bien pour passer inaperçu dans la nuit, dans la pénombre, entre la lumière des lampadaires du parc. Un des tours que peuvent faire ces êtres immortels est la dissimulation. Mes sens sont aux aguets pour le repérer. J'élabore des pistes potentielles. Elles m'aident quand un bruit des plus banals, une feuille écrasée et je trouve ma cible. Ce vampire est en train de signer son arrêt de mort, je pense à l'ange qu'il vient de trahir et je ne veux pas me retrouver à sa place. Je perds de vue sa trajectoire une seconde et il réapparaît comme neige au soleil. Persévérer est une bonne chose, il ne va pas aller loin. En principe, je suis assez prêt pour lui mettre la main dessus, Ash m'a donné une arme blanche légère que je peux utiliser à tout moment en cas de nécessité.
Je suis au courant du trafic d'instruments qui se déroule dans le pays en ce moment mais un peu partout dans le monde aussi. L'idée que l'on puisse en voler un me donne des frissons d'angoisse et de dégout. Il faut savoir que ces instruments valent une petite fortune. Les journaux en parlent suffisamment à la une de chacun d'entre eux. Je n'ai pas encore eu le temps de lire celui d'aujourd'hui. Et en tant que joueuse de violon, la capacité des médias à inventer je ne sais quoi me surprend tous les jours. Et des rumeurs stupides, j'en ai eu un paquet sur le dos. Je les collectionne comme on peut collectionner les timbres postaux.
Le vampire que je poursuis avec Ash vient de réapparaitre d'un trou sombre issu du quartier de Manhattan, près du Washington Square Park. Je passe entre les deux immeubles et me pose sur le sol face à une arche en face de ceux-ci. Il n'y a personne. Le vampire a de nouveau filé. Je ferme les yeux afin d'écouter les bruits aux alentours. Rien ne me vient, excepté le bruit de la fontaine en face. Ce vampire maitrise les sons, ce n'est pas possible autrement ou alors mes oreilles sont défaillantes ce soir. Sauf qu'aucun d'eux me résistent. Il a trouvé une meilleure astuce pour prendre la fuite. C'est frustrant. Seul le bruit du vent me parvient aux oreilles. Le silence de la nuit ne va pas m'aider. Le bruit de la fontaine au loin non plus. La circulation est plus faible à cette heure-ci de la nuit. Est-ce une aide de la part de la ville pour m'aider à boucler cette affaire. La pellicule de transpiration me donne des frissons à cause du vent qui m'effleure la peau. Je suis vêtue d'une tenue adéquate pour pourchasser un vampire: pantalons, bottes, chemisier retrousser sous ma veste en cuir noir. Mes cheveux sont attachés en un chignon qui ne ressemble à rien du tout car je suis en chasse depuis au moins une heure et demi. Et ce n'est pas une affaire facile aussi tard dans la nuit. J'ai hâte de rentrer chez moi me laver, me changer et dormir comme un bébé près du mien. J'aperçois enfin mon amie Ash, un couteau entre les dents, prête à bondir tel un chat sur une proie en ligne de mire. Elle est déterminée à lui mettre la main dessus. Le vent balaye les goutes de sueur sur mon front que j'essuie d'un revers de manche. Contrairement à mon amie, je n'ai pas de tâches de sang ni de terre sur moi. Elle est prête à agir au moindre mouvement. Allez, ne te laisse pas abattre. Ne laisse pas tes émotions prendre le dessus. Ash compte sur moi. Je respire doucement, me concentre. Le vent souffle dans mes cheveux dont les mèches se détachent du chignon. Le vampire ne va pas s'en sortir aussi facilement. Un premier son, celui du vent mais j'en distingue un autre. Ce n'est pas ma respiration, ni celle de mon amie chasseuse de vampires. C'est celui de notre fugitif. Il panique. Il a compris qu'il ne s'en sentirait pas comme prévu.
Je ne me rends pas compte des éventuelles conséquences si Ash ne l'attrape pas. Je sais bien qu'elle connait l'Archange de cette ville mais pas moi. Je ne veux pas qu'elle soit blessée par ce crétin de vampire en fuite. On ne sait jamais les intentions d'un vampire dangereux. Il ne s'agit pas d'une affaire personnelle. Je n'ai pas beaucoup vu mon amie ces derniers temps car j'ai été amenée à voyager avec les concerts de l'orchestre et avec un bébé qui a du mal à faire ses nuits, c'est compliqué pour moi de la laisser à une nourrice le temps de quelques heures. Ash a été occupée avec la Guilde alors on peut dire que nous sommes au même point. Maintenant, je ne veux plus perdre de temps, je ne veux plus me mettre sur pause. J'ai besoin de m'occuper de moi, de ma musique, de mon bébé évidemment. J'écris mes textes la nuit. L'inspiration vient plus facilement. Le reste peut attendre quelques heures tant que l'atmosphère particulière de la nuit est là. Parfois, je regarde le lever du soleil. J'ai besoin d'enregistrer ma musique pour la partager et je travaille sur un projet avec une amie fidèle, chanteuse lyrique. Je ne suis pas là pour parler de moi, j'ai une chasse à terminer.
La respiration du vampire s'accélère. Je l'entends. Une chance, cela me donne une piste à suivre pour le faire sortir de sa cachette. Le couteau en main, je le serre assez fort de peur de le lâcher au sol et que le vampire en profite pour me poignarder dans le dos. Sa respiration est rapide. Il hésite à sortir de l'ombre. Il hésite à courir aussi vite que ses jambes lui permettent, en espérant esquiver les lampadaires pour se faire repérer. Une chance que je puisse le pister sans qu'il ne s'en rende compte. C'est l'un des avantages de l'oreille absolue. J'entends tout. Mon oreille a été déterminante dans ma carrière de musicienne. Et Ash l'adore. Pour que je puisse l'aider lors de partie de chasse corsée par exemple, celle de ce soir car elle est convaincue que ça portera ses fruits.
« Là » pensais-je. « Planqué dans un coin. Il tremble ».
Je m'approche en priant intérieurement que personne ne surgisse derrière mon dos. Je ne pourrais pas me défendre. Dans ce cas, je suis un ange prêt à être épinglé, plaqué au sol, aussi à la merci d'un vampire sans scrupule. Ash m'aperçoit et s'approche aussi. Je ne veux pas que nous soyons séparées. Je n'ai pas participé à une chasse avec un chasseur depuis longtemps. Les réflexes reviennent rapidement. J'ai essayé d'enseigner un peu à la Guilde, en dehors de mes répétitions mais je n'ai pas tenu longtemps à cause du temps que cela prend.
Nous avançons dans la pénombre, seuls quelques lampadaires du parc fonctionnent et illuminent l'allée. Enfin, un sur deux puisque sur les trois qui surplombent l'allée, celui du milieu est en train de clignoter. Je pense que le vampire y est appuyé. À croire que c'est une provocation de sa part. Être visible et dans une zone d'ombre en même temps est contradictoire mais je ne suis pas là pour faire la psychologie d'un vampire. Je n'ai pas à juger sa vie d'immortel au service d'un ange pendant le premier siècle de sa nouvelle vie.
Mon amie chasseuse compte sur moi pour l'attraper en entier pour l'interroger sur le trafic de pilules qui sont vendues en ce moment et qui laissent une odeur particulière. Ce vampire fugitif ne va pas rester longtemps dans son coin d'ombre, à l'abri des regards. Il ne va pas s'en sortir indemne. Je sers le couteau prêté par Ash et le mien est rangé dans un fourreau. Je ne réfléchis pas, concentrée sur la tâche à accomplir, je lance l'arme blanche en direction du vampire qui surgit des ombres. Je ne le manque pas puisque l'arme en question se plante dans le bras. Pas de quoi freiner un être comme lui, c'est un premier essai de ma part et l'arme plantée lui tire une grimace de douleur. Je le rattrape aussi vite que mes ailes me le permettent. Il ne met pas longtemps à jeter le couteau couvert de son sang au sol. Des éclaboussures sur le bitume, je présume qu'Ash va vouloir prélever des gouttes pour les analyser. D'ailleurs, le couteau menace de se planter dans mes plumes. Hors de question d'en perdre et encore moins d'avoir un trou. Il court vite. Mais je ne le laisse pas s'échapper, je relance le couteau et bonne visée de ma part car il atterrit au niveau de sa nuque. Un cri s'échappe de sa bouche sans grande surprise puisque la douleur le saisi. Disons que cela peut effrayer les habitants aux alentours qui ne dorment pas encore. Une chasse au vampire à une heure aussi tardive est plutôt la routine ici. J'ai perdu Ash de vue. À vrai dire, je n'ai pas prêté attention à l'environnement. Je me suis concentrée sur la cible en vue. Mais je ne vois pas la créature nocturne censée être en face de moi, je commence à perdre patience. S'il apparait, je peux me retrouver en mauvaise posture à nouveau. J'ai réussi à l'atteindre deux fois, je peux le refaire. Il court encore. J'entends sa respiration. Il est doué pour éviter que quiconque ne puisse le voir. Je l'entends mais ne le distingue pas. Je cours moins vite, je prends le temps de regarder partout mais ce n'est pas suffisant. Il est pourtant dans les parages et je veux l'arrêter. Il est rapide. Pas autant que moi, je suis certaine de réussir même s'il me faut parcourir la moitié de cette ville.
« Là » me dit Ash par la pensée.
Nous avons développé un lien au fur et à mesure du temps, ce qui nous permet de communiquer par télépathie. Une chance, le vampire en fuite ne peut deviner nos pensées respectives. Je lève mon second couteau, le lance en sa direction et il atterrit dans son épaule. Une fois de plus, un cri de douleur retentit dans la nuit. Je doute que ce soit la plus grosse douleur qu'un vampire puisse connaître. Je sais que l'Archange de cette ville a fait pire, il a rendu publique quelque chose dont tout le monde souhaite oublier. Pauvre être qui en a payé le prix fort. L'Archange cultive son image intraitable. Je suis sur son territoire alors je n'ai pas à contredire quoique ce soit. Ce soir, j'aide une chasseuse à rattraper un vampire en fuite, c'est tout. D'ailleurs, plus je m'approche de lui, plus le sang se répand sur le sol. Je ne veux pas de traces sur mes plumes. Quand j'arrive à sa hauteur, je ne reconnais pas l'arme de mon amie chasseuse ni la 'un d'autre est dans les parages. Je n'y ai fait attention, trop concentrée par la chasse. Une autre personne est tapie dans un coin d'ombre. Mon attention est portée au blessé à côté de moi afin d'éviter qu'il prenne à nouveau la fuite pour de bon, qu'il puisse arriver à me planter dans le dos par surprise avec une arme blanche. À ma surprise, il ne bouge pas.
« Heureuse de te revoir ».
La voix de la chasseuse de la Guilde me fait sortir de mes pensées. Elle s'adresse à quelqu'un que je n'arrive pas à voir pour l'instant. Un homme en costume sort des ombres, appuyé contre un lampadaire qui clignote avant que l'ampoule ne lâche. Je croise son regard argenté qui ne me laisse pas indifférente tant il est inhabituel. Ses cheveux de la même couleur sont magnifiques, je me demande si c'est sa couleur naturelle. Sa peau dorée rayonne quand je l'aperçois dans la lumière d'un lampadaire allumé qui fonctionne. C'est un être qui a un charisme immédiat, il faut le reconnaitre. Je secoue la tête pour ne pas montrer mon trouble. Mes yeux ne le quittent pas des yeux pour autant. Le fugitif affiche un visage blasé. Ash est ravie.
« Bien joué » dit-il de sa voix suave.
Je ne sais pas à qui il s'adresse et Ash me fait signe que c'est à moi. Un peu intimidée, je souris brièvement.
« Merci ».
« J'imagine que ce n'est pas ta première chasse ? ».
« Non, j'ai... ».
« Tu saignes » ajoute t-il à mon encontre.
Le regard de mon amie se pose sur ma main. À force de serrer le couteau, je me suis entaillée la main. Une longue ligne rouge se dessine sur ma peau. Je ne murmure qu'un:
« Ce n'est rien. Ma peau cicatrise déjà ».
Je comprends mieux la trainée rouge sur ma veste en cuir. Le sang du vampire n'est pas le seul à avoir coulé ce soir, de manière brève pour moi. Je recule d'un pas et effectivement, la coupure a disparue de ma vampire approche de moi et jette un œil à ma main, elle est intacte. Il me sourit et je devine une part sauvage en lui, comme un tigre. Je ne le connais pas assez pour l'affirmer. Ash semble à l'aise en sa compagnie alors je me détends un peu plus. Je suppose qu'il fait partie de la garde de l'Archange de la ville. Dans ce cas, je me dois de rester polie. Son Archange est suffisamment dangereux pour me mettre au placard le restant de mes jours. C'est sa réputation, je ne l'ai jamais rencontré de ma vie. On entend beaucoup de choses dans les médias et le problème est que l'on se forge une idée, souvent fausse. Je le sais. Pour en avoir payé les frais quelques fois. L'Archange de cette ville fait quand même parti du Cadre des dix, autrement dit un cercle d'Archanges très fermés. En côtoyer un doit être vraiment impressionnant. Mais je ne suis pas là pour avoir peur d'un autre ange, je suis ici pour prendre du temps pour moi.
« Je m'appelle Naasir » se présente t-il.
« Je suis Aupale » dis-je simplement.
« C'est lui le fugitif ? » demande t-il à l'attention de la chasseuse.
« Oui, Aupe a été d'une efficacité folle. Elle l'a touché deux fois. Mais grâce à toi, il ne bouge plus ».
« Ravi d'avoir été utile Ash et au plaisir, Aupale ».
Le vampire à la peau dorée s'éloigne vers les équipes de la Tour leur expliquer que le fugitif est sous contrôle. Mon amie vient à côté de moi examiner ma main et tout va bien. Je n'ai pas de mérite, c'est Ash qui fait ça tous les jours. Je ne fais que lui apporter une aide, secondaire, quand elle en a besoin et je suis de passage pour un moment à New-York.
« Tu as été parfaite, merci pour ton aide » me dit Ash en me serrant dans ses bras.
« Si je peux t'aider à nouveau, appelle-moi ».
Une fois que l'équipe de la Tour est partie avec Naasir, Ash m'annonce qu'elle doit rentrer chez elle. À ces mots, je m'envole jusqu'à chez moi aussi. Récemment, j'ai acheté un appartement dont le toit a été aménagé en terrasse fleurie. Cela me permet de me cacher du vis-à-vis. C'est comme ça que je peux sortir avec mon fils dans les bras sur le toit pour admirer les lumières de la ville. Il est trop jeune pour supporter la notoriété. Mon appartement est situé non loin de Central Park, j'ai même une vue sur la Tour. Et je recherche une maison dans le quartier de l'Enclave pour être plus tranquille. Les prix sont élevés, c'est bien le problème donc j'attends de mieux connaitre New-York avant de faire une quelconque proposition d'achat sur une annonce immobilière. En attendant des futurs projets d'installations plus concrets, je suis bien dans cet appartement. Il est aménagé à mon goût et ce dont je suis la plus fière, c'est ma terrasse fleurie. Dès que l'inspiration n'est plus là, je tente de la retrouver en jardinant. Il se trouve que mes frères et moi avons une notoriété qui grandit au fur et à mesure, on a aussi été pris dans un orchestre classique nord américain d'où notre présence à New-York. Mon fils doit vivre sa vie d'enfant avant tout. Pour l'instant, c'est le cas. Je le préserve du mieux possible. Comme tous les enfants du monde, il a le droit de vivre son enfance en paix. Les fleurs poussent très bien, le citronnier est fleurit, les odeurs de jasmin m'arrivent aux narines. Des odeurs qui me ramènent à la maison. Mon frère me voit de lien, pose le livre qu'il tenait sur une table à côté d'une plante monstera. Mes outils de jardinage sont rangés dans un coin, à l'abri des intempéries. Rien ne traine au sol. Je fais attention à ce que rien ne nuise à mon fils qui doit dormir dans sa chambre à cette heure tardive. J'irais le voir tout à l'heure, écouter sa respiration, regarder son visage apaisé.
« Merci Ayrian » dis-je en le voyant sur la terrasse. « Tu m'as sauvé la soirée, sans ton aide je n'aurais pas pu rendre service à Ash ».
« C'est un drôle de service, courir après un vampire. J'espère qu'il s'est laissé faire et tu n'as pas aidé Ash depuis longtemps à une chasse ».
« Courir est un grand mot, j'ai dû lancer deux couteaux pour qu'il tombe au sol et encore ça n'a pas suffit puisqu'un vampire de la Tour est intervenu ».
« Vraiment ? ».
« C'était rapide, il a saisit le couteau et l'a immobilisé comme s'il ne pesait rien ».
« Nous sommes sur le territoire d'un Archange, sa garde est aux aguets ».
Le vent souffle dans ses cheveux. Il remet une mèche en place. Perso, je n'ai qu'une envie, défaire mon chignon. La fraicheur de la nuit me fait du bien, courir après une créature nocturne m'a fait avoir chaud. Le vent souffle doucement dans mes cheveux attachés. Mon frère est à peine vêtu d'un t-shirt en coton, par ces températures je suis étonnée. Je ressers mes bras autour de moi.
« Impossible d'avoir un œil partout et il dirige le reste du pays. Il a autre chose à faire que de surveiller des musiciens tel que nous ».
« Tout arrive mais ne t'inquiète pas Aupe, personne ne va te faire de mal ».
« Je sais que tout ne peut qu'aller mieux. At a été sage ? ».
« Atlas apprécie le violon alors j'ai joué pour l'endormir, ça me fait passer du temps avec mon adorable neveu ».
« Un concert privé, un luxe pour cet enfant ».
« Qu'il s'y habitue, il baigne déjà dans la musique. Tu sais, je suis heureux qu'il soit là ».
« Je sais. Arsène en est baba ».
Mes frères sont deux tontons fiers. On nous appelle « les trois A ». Mes frères sont indispensables à ma vie. Ils m'aident tous les jours. Sans eux, je me demande comment j'aurai échappé à ma relation toxique et sans eux, je n'aurai pas eu le courage de faire les démarches pour déménager avec mon bébé innocent sous le bras. À cette époque, mon cœur était en miette, mon âme était en miette. Plus rien ne suffisait à me faire remonter à la surface. Ma relation toxique m'a laissé des traces. Les mots, on ne les oublient pas. Alors, faire de nouveau confiance à une autre personne est encore compliqué pour moi. Ma confiance en moi est réduite et maintenant je me méfie des gens. Rencontrer quelqu'un n'est pas envisageable. Je préfère me concentrer sur ma musique. Je ne suis pas qu'une joueuse de violon, je compose des mélodies et les textes sont ajoutés à part dans un livret inséré dans l'album. C'est un concept que j'apprécie de faire de plus en plus. Je m'exprime autant qu'en reprenant des œuvres de grands musiciens connus de tous. Ma musique a sauvé une partie de mon âme. L'autre partie sauvée, je la dois à mes deux frères incroyables et à mon fils dont il faut s'occuper, même quand le moral est à zéro.
Tout ce que je veux, c'est le bonheur d'Atlas. Pour moi, c'est ce qui compte le plus.
Alors je me suis installée à New-York dans l'espoir de prendre du temps pour moi afin de composer un nouvel album. J'aime l'exercice. Écrire est une thérapie au final. Mettre des mots sur une mélodie à part est un peu particulier mais intéressant. Le public suit mes aventures en tout cas. C'est gratifiant. Je les partagent sans problème avec les gens. Ils les interprètent à leur manière, chacun d'eux a une histoire propre et la plus belle chose que l'on puisse me dire est que la mélodie leur parle, qu'elle les a aidé à une période de leur vie pour une raison spéciale, qu'elle soit bonne ou négative. Si elle a sauvé mon cœur, elle peut le faire pour les autres. Partager est mon moteur dans ces cas là. Et quand je joue devant des spectateurs, il y a une sorte de fierté dans leur regard. Ils s'évadent. La musique éveille quelque chose en eux.
« Il est temps de rentrer » dis-je.
Mon frère ferme la fenêtre de la terrasse en dernier. Je me débarrasse de ma veste tachée et j'ai bien envie de me réchauffer sous l'eau chaude mais je ne me vois pas virer mon frère maintenant.
« Je me suis un peu étalé » dit-il un peu embarrassé.
Des partitions, des stylos sont disposés sur le sol et sur la table de la cuisine. Je le laisse faire comme chez lui. Qu'il prenne de la place dans le salon s'il le souhaite pour travailler ou étaler des jouets d'enfants, qu'il rit fort avec mon fils, qu'il écoute de la musique avec ou sans lui, qu'il joue du violon avec ou sans lui. Ayrian a suffisamment eu de soucis avec moi comme ça. Alors qu'il étale ses affaires s'il le souhaite dans le salon. De toute façon, je ne suis pas au courant de ses créations. Il ne veut pas m'en parler. Je pars dans la cuisine préparer du thé et revient avec deux tasses fumantes.
« Tu fais comme chez toi, j'aime te voir souriant ».
En disant cela, je me souviens du visage d'Ayrian quand il est venu me chercher pour une répétition. L'homme avec lequel je suis sortie m'a donné une gifle. Ce n'était pas la première. Mon frère a claqué la porte de colère, tout ça pour découvrir une trace rouge sur ma joue. En l'espace d'un instant, j'ai vu une partie de ma vie défiler. Une horrible sensation. Sans la présence de mon frère, les choses n'auraient pas été ce qu'elles sont. Rien ne peut lutter contre un lien fraternel aussi fort que le notre. Ma famille est ma priorité.
« Ne t'occupe pas de moi » me dit-il depuis le salon.
Je ne peux m'empêcher de jeter un œil au lit de mon fils qui dort profondément en passant devant sa chambre. Il est apaisée. Rien ne peut le déranger. Je constate des égratignures sur ma peau dans le miroir de la salle de bain. Mes vêtements tachés iront à la machine à laver cette nuit, ma veste sera nettoyée à la main. Je profite de ces quelques minutes de tranquillité pour laver les traces de sang qui collent encore à ma peau. Les cheveux en bataille, je vais quand même les laver ce soir. L'eau chaude me fait du bien, je ressasse les images de la chasse de ce soir. Je n'ai pas chassé depuis très longtemps. Quand Ash m'appelait, je disais oui car j'aime bien l'adrénaline que l'on ressent. Elle ne m'a pas proposé de participer plus souvent mais de temps en temps, elle me demande mon aide. Je suis entrainée comme mes frères à manier des armes en cas de légitime défense et Ash m'a appris aussi à en manier, nous sommes amies depuis des années. Je sais me défendre en cas de besoin. Même si je n'ai pas été capable de le faire dans mon ancienne relation. La venue d'Atlas a tout bouleversé et il a été le déclic pour dire stop. Ce n'est pas en me malmenant que son fils va grandir dans de bonnes conditions. Une fois que les violences s'installes, le piège se referme aussitôt et on est piégé comme une guêpe face à un fruit.
En sortant de la salle de bain, détendue grâce à l'eau chaude, mon frère s'est assis dans le salon, sur le canapé. Il essaie de trouver un programme télé convenable pour passer la soirée. Il est d'humeur pensive j'ai l'impression. Qu'il profite de la situation, il va reprendre les concerts d'ici deux semaines et moi la semaine prochaine. Les temps de repos sont trop courts. Je vais devoir appeler la baby-sitter pour garder mon bébé les soirs où je ne serais pas à la maison pour le mettre au lit. D'un coup, il lève la tête en m'apercevant et se lève du canapé. Je n'ai rien dit. Il se dirige vers le four et la porte ouverte de celui-ci dégage une odeur de cookies. Il a cuisiné des cookies pendant mon absence. Excellente idée.
« Des cookies ? ».
« Ce sont tes préférés » sourit-il.
« Pépites de chocolats et caramel » murmurais-je satisfaite.
« Saupoudrés d'amandes » précise t-il.
Mon frère sait me prendre par les sentiments. Je ne peux pas résister à sa cuisine en règle générale. Il cuisine mieux que quiconque. Ses cookies sont merveilleux. Heureusement qu'il a déménagé à New-York aussi. Sans lui, je me demande comment affronter la vie trépidante dans cette ville. Je dois jouer bientôt à l'opéra, on a un concert avec l'orchestre. Mes frères seront à Boston pendant ce temps pour un concert aussi. On essaye de se trouver dans le même orchestre lors des concerts pour être le plus possible ensemble. Ils savent que j'ai besoin de leur présence et c'est une chance que notre agent en commun le comprenne. Trois musiciens pour une seule personne, c'est du travail. En attendant, je n'ai pas consulté mon agenda pour la suite des projets. Je dois faire une répétition avant la semaine prochaine. Le concert sera au profit d'une association caritative. J'espère que les dons seront conséquents. Pour les enfants, la musique est une évasion. Une bulle hors des traitements et je comprends leur envie de penser à autre chose. Quand je joue pour eux, je pense automatiquement à Atlas. S'il lui arrivait quelque chose, je ne m'en remettrais pas. Les parents que je rencontre ont beaucoup de courage et les enfants sont incroyables.
« Rien de tel pour se réconforter après une chasse ».
Les cookies sont fondants, idéaux pour se réconforter après la chasse avec Ash. Mon corps va me faire comprendre que demain, ce sera difficile de sortir du lit. En tout cas, mes cuisses ont des muscles dont je ne soupçonnais pas l'existence.
« Merci Ayrian, ils sont merveilleux ».
« Tu es ma sœur, logique que je prenne soin de toi ».
« Sans vous deux, je ne sais pas ce que je ferais ».
« Trois. Atlas est là ».
En un an, ma vie a changé. Avant, j'étais au sein d'une relation malsaine. Depuis, je me suis reconstruite comme je pouvais. J'ai une vie plus stable avec Atlas et mes frères ont emménagé à New-York aussi. Les cicatrices de cette ancienne relation seront toujours là. Les effacer seraient impossible et de toute façon, ça fait partie de ma vie, pas la meilleure partie mais j'avance. Je ne veux plus fermer les yeux, je ne veux pas que mes frères se sentent obligés de s'occuper de moi, ils doivent avoir leur vie aussi mais je les connais suffisamment pour savoir qu'ils prennent soin de moi pour me faire comprendre que la famille passe avant tout. Ayrian est un ange adorable, il a beaucoup de qualités et je suis heureuse de passer plus de temps avec lui. Il en profite aussi pour passer des moments avec Atlas. C'est important pour lui de connaitre ça. J'ai entendu dire qu'il y a un hôpital au Refuge. Je me demande combien d'anges sont en soin là-bas. J'espère que j'aurai l'occasion d'aller jouer auprès d'eux, je serais curieuse de connaitre les locaux et surtout le refuge au sein d'un territoire d'un Archange. Je crois que c'est ce qui m'intrigue le plus. Je n'ai jamais rencontré d'Archange de ma vie. Mes trois siècles et demi d'existence sont un battement d'ailes pour eux. Je ne représente pas de danger quelconque. J'ai besoin de voir du monde et je pense être au bon endroit pour ça. Si un an auparavant, j'étais différente maintenant je suis plus sereine sur l'avenir sachant que mon fils va bien, que mes frères sont là, que mes projets musicaux évoluent et que l'on se trouve dans une nouvelle ville.
« Trop de sentiments d'un coup » rit-il.
Je me demande si je serais un jour capable de faire la même chose que lui, de ne pas me soucier du passé trop longtemps et de profiter du moment présent. J'ai l'impression que c'est quand tout va mal que l'on profite des moments où tout va bien et inversement, un peu comme si on prenait conscience que d'un coup, la vie vaut la peine d'être vécue même si elle est déguelasse parfois. On ne peut pas dire qu'elle soit parfaite. Elle ne l'est pas. Je me demande si c'est pour cette raison que l'on veut vivre beaucoup de choses, éviter de souffrir pour ne pas en perdre une miette. C'est un peu étrange, non ?
« Oh j'ai oublié de prévenir Inès. Sa leçon de ce soir ».
Inès est ma voisine de palier. C'est une enfant adorable qui commence le piano et comme j'ai des notions (grâce à mon second frère et j'en ai joué longtemps même si je joue essentiellement du violon). Je me dis que pour l'aider un peu, je peux lui consacrer du temps. Les cours de musiques ne sont pas donnés ici alors je pense faire une bonne action. Il m'est arrivée de demander à sa mère de garder ma fille pendant une heure ou deux en cas d'indisponibilité de la babysitter. Heureusement, elle accepte. Sans elle, je ne sais pas comment faire dans ces cas là. Ma voisine travaille dur à l'hôpital et je prends ça en considération en étant avec sa fille une heure par semaine. Il lui arrive de venir toquer à ma porte quand elle le souhaite et je ne peux pas le lui refuser, elle est si mignonne.
« Je m'en suis chargé ».
« Tu es le meilleur » dis-je. « J'espère qu'elle ne m'en veut pas ».
« Ne t'inquiète pas, elle a bien compris. J'ai eu le droit à un update de ses dessins ».
Inès adore dessiner. Elle est fascinée par les anges. Évidemment dès qu'elle en voit un voler dans le ciel, elle ne peut s'empêcher de l'admirer. Ce que je peux comprendre. Si j'étais humaine comme elle, c'est évident que je serais admirative des créatures aussi belles que les anges. Ces créatures ont une grâce, un charisme que d'autres n'ont pas. Pour un ange c'est différent, les regards sont automatiquement braqués sur eux, l'allure, les ailes. Les ailes sont ce qu'il y a de plus beau. Pour eux, c'est facile d'attirer l'attention. Étant un ange, je ne peux pas reprocher ça aux humains et encore moins à une enfant comme Inès. On peut tout lui pardonner. Elle aime dessiner aussi souvent que possible. Outre les images trouvables sur Internet, voir un ange voler en direct est ce qu'il y a de mieux pour lui. Les détails lui sautent aux yeux. À ce sujet, je pense qu'il a des choses à me raconter. Je dessine moi aussi. Je suis moins assidue en ce moment et il y a pas si longtemps, j'ai dessiné un bel ange. Dommage que le dessin ce soit envolé, je l'ai perdu. Je n'ai même pas eu le temps de le partager sur mon compte Instagram anonyme.
« Ravie d'être passé petite sœur, je vais devoir rentrer chez moi ».
« Merci pour tout » dis-je en serrant mon frère dans mes bras.
« Fais de beaux rêves, on se voit plus tard ».
Une fois que la paire d'ailes de mon frère s'éloigne dans la nuit, je vais me blottir dans le canapé consulter les informations à la télé sauf que mes paupières se ferment, j'ai besoin de sommeil.
Hey !
Nouveau personnage en vue aujourd'hui dans ce chapitre, une nouvelle famille d'anges que j'espère vous aimerez autant que moi. Les trois A seront présents dans la suite des aventures hihi. C'est ainsi que s'achève cette première partie de l'histoire et ça me fait quelque chose. La semaine prochaine commencera la seconde partie.
Merci de suivre cette histoire, merci de l'ajouter dans vos listes de lecture, ça signifie beaucoup ! 🙏
