Hey les amis !
Tout d'abord, merci pour votre patience ces dernières semaines car elles ont été compliquées et ma santé mentale était bancale. Mon écriture a bien diminué; mes chapitres ont pris du retard alors qu'écrire est un refuge dans ces moments-là. J'ai écrit mais pas aussi intensément que j'aurais voulu mais c'est ainsi. Écrire me demande du temps et de l'énergie. J'ai envie de faire le tri entre les 1 000 idées qui se bousculent dans ma tête. Je fais le tri car ça donne des futurs projets sympathiques. D'autres projets sont en cours d'écriture/développement aussi.
Les publications reprennent le mercredi comme d'habitude même si les exceptions existent. Écrire cette histoire me tient à cœur. Vous aurez de quoi lire.
Bref, voici le chapitre 20, bonne lecture les amis ! Et merci du soutien car vous ajoutez mes histoires à vos listes de lecture et ça signifie beaucoup !
Playlist
« Silhouette » Aquilo
« Half light » Banners
« Double life » Marina Kaye
« Ghost of you » 5 Seconds of the Summer
Chapitre numéro vingt
Point de vue d'Illium
En arrivant à la Tour ce matin, je ne m'attendais pas à trouver un Vivek sourire béas et un Dmitri visiblement heureux. J'imagine que l'entretien de la musicienne s'est bien passé. Je n'ai pas eu le temps de lui poser la question que j'ai dû m'occuper du premier entrainement des anges de la journée. Ils se sont levés très tôt. Le maniement des armes blanches est de plus en plus fluide, les consignes sont appliquées à la lettre. Je n'ai pas de remarques particulières à leur faire si ce n'est des encouragements. Quand on a terminé la séance, le soleil s'est levé et nous a offert de magnifiques couleurs. Une vision dont on ne se lasse pas du tout. En cinq siècles, j'en ai vu des levers de soleils et chacun est aussi beau que le précédent.
Galen, notre maître d'armes préféré a prit le relai pendant que je vaquais à mes autres occupations. À la Tour, on ne s'ennuie jamais.
Après avoir bien transpiré, je suis allé prendre une douche dans ma chambre. Me décontracter les muscles sous l'eau chaude m'a fait du bien. La chaleur de la douche se repend dans le reste de la pièce. De la buée se forme sur le miroir et mon reflet me montre un ange qui a une meilleure tête. Les marques de fatigues persistent à rester. Alors je fais abstraction et me concentre sur la boîte de médicaments posées sur le rebord du lavabo, j'hésite à la jeter à la poubelle. Terminer. L'idée d'en avaler un me tente aussi. Je suis encore divisé sur la question. D'ailleurs, mon tatouage décide de briller pile à ce moment-là. Je n'ai pas eu de réponse à ce sujet de la part de Vivek et je dois dire qu'en apprendre plus me rend curieux. La question n'est pas de savoir si c'est un bon ou un mauvais message, je trouve étonnant que ce tatouage se soit glissé sur ma peau. Je ne suis pas un Archange. À chaque Cascade, les Archanges ont des pouvoirs en plus, des marques apparaissent sur leur peau. Je ne suis que dans la garde d'un Archange. C'est déjà beaucoup mais je n'ai aucun Archange dans ma filiation. Excepté mon père qui est un Ancien. On sait que cela joue dans l'équation. Je n'ai aucune envie de la résoudre.
Le fait d'y penser me fait peur et je n'ai pas l'intention de creuser le sujet. Le médicament me fait un appel, à quoi bon avoir une boîte si c'est pour la jeter. Le dernier cachet. La dernière boîte. Ensuite, j'arrête tout. Ensuite, je suis clean des médicaments prescrits. Dans mon salon, je remarque la pile d'ordonnances plus ou moins trafiquées pour avoir plus de médicaments. Si Nisia l'apprend, elle se sentirait trahie. Keir pareil. J'ai abusé de leur confiance respective de ce côté-là. Mais j'ai appris à user de ma discrétion. Je dois les ranger. J'ouvre mon meuble dédié aux documents administratifs, range les documents dans une pochette dédiée. Si je peux au moins être organisé.
De toute manière, mon salon est un bazar complet. Il serait temps que je fasse du ménage, que je m'organise mieux mais la paresse prend le dessus, il est tard.
La pluie ne cesse de battre sur les fenêtres, comme si un déluge allait durer toute la nuit. La pluie berce les âmes insomniaques parfois mais pas cette nuit. Cette nuit est agitée. Je suis retourné dans ma maison à l'enclave. Je suis installé dans mon canapé, la lumière de l'ordinateur pour seule compagnie. Je veille à ce qu'aucun autre chat ne franchisse le portail du jardin. Pas question qu'un nouveau félin ne tente l'aventure de se faufiler ici. J'ai déjà eu affaire à un chat roux du quartier. De plus, le dessin retrouvé dans mon jardin me revient en tête et le dessinateur a un talent. Des traits fins, des couleurs estompées, je présume que l'auteur a dû m'observer un moment. L'idée de laisser un dessin s'échapper est intriguant. Ce n'est pas la question de ce soir. Je dois me concentrer sur mes recherches car celles de la semaine dernière n'ont rien donné. Même Vivek n'a pas voulu me donner son nom. Quoique je ne lui ai pas demandé. Je vais me rendre à la Tour dès le lever du jour pour savoir.
Une notification sur mon téléphone m'interrompt et à cette heure-ci, il s'agit soit de Jason qui veut me demander un renseignement, soit Venin car il veut sortir ou Dmitri qui me donne une énigme à résoudre. Ce n'est aucun des trois, c'est Izak. Et il me rappelle.
« Allo ? ».
« Tu dors ? ».
« Vraiment Cupidon ? ».
« Je t'ai dis de ne pas m'appeler Cupidon ».
« Désolé, tu l'as cherché ».
« Il y a un chat roux sur le balcon de Dmitri ».
« Tu m'appelles pour un chat ? ».
« Il semble à l'aise avec les gens et sa médaille... il y a un dessin dans sa gueule ».
« Un quoi ? ».
« Oui, un ange bleu qui se prend pour Superman, c'est très beau je dois dire ».
« Izak je... ».
« Ne dis rien, je te laisse dormir. Désolée de t'avoir dérangé Illium. Bonne nuit ».
Et il raccroche.
D'habitude, Izak ne se vexe pas.
Je me demande si la Cascade n'agit pas sur lui aussi. Après tout, il peut ressentir des effets, c'est un ange puissant à en devenir. Il nous l'a prouvé plusieurs fois par le passé et il est dans la garde d'une affilée d'un Archange maintenant. Il a des preuves à faire auprès d'elle.
Je me demande si lui envoyer un message est une meilleure idée que de croiser son regard demain matin à la Tour.
Je laisse mon téléphone pour la nuit.
Le pauvre, je ne veux pas lui faire de peine.
En attendant que la situation ne s'apaise entre nous, la météo dehors est déchaînée. Je doute que ce soit normal à cette période de l'année. On est au mois de novembre quand même. Les plantes vacillent sous la force de la pluie, du vent qui se lève et je crains des dégâts sur la voie publique si ça continue. De toute manière, on sera tenu au courant si jamais les habitants proche de la Tour se retrouvent sans électricité quelques heures. Cette ville ne dort jamais. J'hésite à allumer la télévision mais il me semble l'avoir trop regardé ces derniers temps. Je préfère me tenir à distance des nouvelles du monde. Ce soir, je dois retrouver un rythme de sommeil correcte.
La conversation ne me concerne pas mais des bribes de la conversation attire mon attention quand j'arrive dans le couloir de l'étage de Dmitri. Monsieur règne en maître ici. Sa réputation le précède mais au fond, c'est un vampire génial. J'avance en évitant de faire du bruit dans le couloir. J'espère que ce n'est rien de grave, je n'ai pas eu de message inquiétant ce matin à propos de quoique ce soit.
Le bureau de Dmitri donne sur une vue imprenable sur les building aux alentours. Ici règne le pouvoir. Son parfum de champagne se remarque à des kilomètres. On est sur son territoire, les bureaux sont austères depuis le couloir alors qu'à l'intérieur de la pièce, on est surpris par la vue de la ville via les baies vitrées. Je sais qu'il est attaché à cette bulle hors du temps, hors de l'agitation de la Grosse Pomme. Il a raison. Là, il peut respirer un peu et se mettre dans la peau d'un Second d'un Archange. Face à lui, soit on se décompose soit on tient tête. Tenir tête n'est pas une bonne idée quand on ne le connaît pas. Il affiche un visage neutre. Pas de signe de colère non plus. J'arrive à un moment délicat, le vampire qu'on a attrapé l'autre jour était drogué.
« Le vampire qui a tué la babysitter est celui qui a été arrêté quelques jours plus tôt à Central Park et il était sous le Soleil noir. Cette drogue est un fléau. Il faut l'éradiquer. Les conséquences sont dramatiques. La situation s'envenime et ça ne présage rien de bon ».
Les paroles du vampire âgé de quelques millénaire sont violentes et réalistes car la ville est encore frappée par l'arrivée d'une nouvelle drogue. Je repère Venin, Jason ? Je pensais qu'il était en mission sur le territoire européen cette semaine. Étant en décalage, je pense avoir loupé les informations dernièrement. Je regrette un peu les deux cachets avalés la veille au soir. Ils me font un peu perdre la tête.
« On est censé surveiller les arrivages ? » intervient Venin.
« Jason les a déjà repéré ».
« Quel ange » répond t-il sur un ton sarcastique.
« Venin, j'ai besoin de tes services. Tu connais du monde ».
« Quand tu veux mon chat ».
L'ange aux ailes noires sourit face à l'ironie de notre vampire aux yeux atypiques préférés. Ces deux là sont à éviter ensemble. Sur le terrain, rien ne les arrête. D'une efficacité hors norme, ils obtiennent tout ce qu'ils veulent.
« Tu es de retour parmi nous Campanule ? ».
Tous les regards se braquent sur moi. J'ai choisi le bon moment pour entrer plus ou moins discrètement dans le bureau de Dmitri.
« Je viens d'arriver ».
« Les cargaisons arrivent par bateau, l'ancienne méthode est toujours d'actualité. J'ai bien envie de les faire exploser mais je pense que c'est un peu trop... ».
« Voyant ? ».
« Non ».
« Explosif ? ».
« C'est le cas de le dire oui ».
« Facile ? » répond Jason.
« Facile. Brusque aussi. Il vaut mieux arrêter le mal à la source d'un autre côté ».
« On programme ça quand ? ».
« Vite ».
« Trace devrait être heureux, il n'a pas utilisé d'explosifs depuis longtemps ».
« Tout exploser ne résoudra pas tout ».
« Je sais mais le traffic doit cesser et je compte sur l'aide de Venin et Jason pour résoudre cette histoire. Campanule, j'ai besoin de toi ici ».
« Moi ? ».
« Qui d'autre cher Papillon ? ».
À l'évocation de ce surnom, ça signifie que j'ai du travail qui m'attends. Qui dit travail dit aussi surveillance sur place pour détecter l'arrivée des trafiquants du Soleil noir. Dmitri semble compter sur moi. Alors je me dois de répondre oui et de me montrer coopératif.
« L'affaire des violons a été résolue et la musicienne viendra récupérer le sien mercredi matin ».
On est lundi.
Je ne connais toujours pas son identité.
Je n'ai pas pris le temps de me remettre à sa recherche sur Internet et Vivek ne m'a pas donné d'indices en plus.
« Ce sont des instruments d'une grande valeur » ajoute t-il. « Je veux que chacun d'entre eux soit restitué à leur propriétaire temporaire ».
« Et ce sera fait » intervient Aodhan qui nous fait l'honneur de sa présence dans le bureau.
« Strass nous honore de sa présence » réplique Venin.
« Je t'ai dit de ne pas m'appeler Strass ».
« Paradoxale pour un ange aussi brillant ».
« Merci Venin ».
Le vampire daigne à retirer ses lunettes de son nez le temps d'un clin d'œil à l'intention de mon meilleur ami qui lève les yeux au ciel. Il ne s'offusque pas.
Je fais semblant d'éternuer pour masquer pour envie de rire aux sarcasme de Venin. Il est déchaîné ces derniers jours. Il ne manque pas une occasion de nous le faire partager.
« Vous pouvez partir » ajoute Dmitri. « Excepté Campanule, il faut que je te parle cinq minutes s'il te plait ».
Une fois qu'il n'y a que nous deux dans le bureau devenu calme, seule la tempête dehors fait office de présence. Le vent continue de souffler. Les dégâts vont commencer à se faire recenser. Je ne sais pas que le vampire millénaire en face de moi en pense. Le temps dehors est comme cette nuit, la pluie s'abat sur les vitres. Limite si on voit quelque chose à l'extérieur.
En attendant le prochain point météo, le vampire me regarde encore d'un air suspicieux. Je n'ai rien à cacher.
« Comment tu te sens ? ».
La question délicate à ne pas poser tous les jours. En ce qui me concerne, je me porte bien. Des cernes sous les yeux quand je me regarde dans un miroir, des traces de fatigue classique pour un ange dans la garde d'un Archange et des bleus suite aux entrainements quotidiens que j'enseigne aux anges de la Tour. Autrement dit, des marques classiques. Mais je sens que Dmitri soupçonne autre chose et qu'il hésite à m'en parler, de peur sans doute de me vexer ou de me faire voir une vérité difficile à avaler. Je déglutis difficilement tout d'un coup, mes mains se crispent un peu, je les tords en ayant pas de réponse immédiate à donner. Difficile pour moi de ne pas faire les cent pas dans le bureau. La pluie empêche les battements de mon cœur de résonner dans le silence.
« Je... ».
Sauf que des coups donnés à la porte me sortent de ce silence et j'en soupire de soulagement quand je constate qu'il s'agit de l'informaticien de la Tour. Il ose à peine s'approcher du vampire en question tellement il doit sentir mon anxiété à trois kilomètres. Pour une fois, je peux prendre le temps de respirer. Je ne peux pas me jeter sur un cachet pour calmer mon angoisse ni même me sauver par la fenêtre. Je suis coincé dans un bureau en verre, la tempête dehors, un vampire millénaire en face de moi qui me connait par cœur depuis l'enfance et à qui je ne peux pas mentir dans les yeux. Autant dire que tous les facteurs sont déterminants. Et je ne peux pas prendre sur moi pour mentir à propos de mon état mental qui vacille ces derniers temps. Impossible de le cacher, dormir quelques heures est quasiment impossible sans mes cachets et je sais que j'ai détourné des ordonnances pour en avoir plus et frauder les réserves de médicaments du Refuge et des pharmacies aux alentours de chez moi. Dmitri est au courant, c'est certain et il veut mettre les choses au clair.
« Excusez-moi, j'ai terminé le rapport que tu m'as demandé ».
« Merci Vivek. Autre chose ? ».
« Des caméras ont eu connaissance du lieu de livraison du bateau, du Soleil noir y sera livré en poudre et en cachets ce soir au port de commerce ».
« Oh voilà qui est intéressant, j'en informerais Jason. Merci Vivek ».
« D'ailleurs, Raphaël veut te parler ».
« D'accord, j'arrive le voir dans son bureau ».
Je quitte le bureau de Dmitri en remerciant silencieusement le vampire informaticien qui vient de m'éviter une justification que je n'ai pas envie de donner. Je me sens pris comme dans un engrenage. Pris dans un mensonge. Je suis incapable de mentir mais la boule qui me serre le ventre me fait prétendre le contraire. Je mens.
Vivek me regarde avec bienveillance. Pas de jugement et je lui murmure un « merci » à peine audible qu'il entend en hochant la tête. Il part en direction de son QG quand il prend un nouvel appel sur son téléphone. Son visage prend une autre expression. Désormais, la peur se lit et de l'inquiétude s'y mêle et Vivek a pris la capacité de cacher cette part d'angoisse en posant les bonnes questions à son interlocuteur. Ce vampire est surprenant et il évolue tous les jours dans son nouveau corps. Je sais que le regard sur son fauteuil roulant le pese mais je trouve que c'est son atout. Sa personnalité prend le dessus sur le fauteuil. Il sait se démarquer. Et j'espère qu'il est conscient de sa force. Il fait partie de notre entourage maintenant.
De l'agitation se fait ressentir et je vois Dmitri sortir en courant de l'ascenseur qu'il a pris il y a trois minutes. Il prend soin de ne pas bousculer Vivek sur son passage.
« Campanule, viens avec moi » crie-il.
Je le suis sans réfléchir.
Le téléphone sonne dans sa poche, il décroche aussi vite que possible. Il menace de se prendre les pieds dans le tapis mais il continue sa course.
« Rejoins moi en bas ».
Dans ses yeux, je lis de la panique. Ses yeux sont sombres quand les portes de l'ascenseur se ferment. J'ai l'impression d'être dans un film. Dans un mauvais film de catastrophe où tous les éléments se suivent et se ressemblent mais on continue de le regarder. Les yeux sont grands ouverts. Mon téléphone sonne à son tour et c'est Jason au bout du fil. C'est ce qui me ramène sur la terre ferme.
« Illium, viens au fleuve Hudson j'ai besoin de ton aide ».
À peine raccroché, je me rends aussitôt dans les lieux. Les températures sont basses, il fait cinq petits degrés à cause du vent. Je hais ce temps. Le ciel est gris orage, l'atmosphère est lourde. Le ciel n'a pas une couleur normal, comme l'autre soir où le fleuve était rouge. Aujourd'hui, comme le ciel, l'eau du fleuve est grise. Comme si elle avait été peinte. Une couleur particulière. Le trajet ne me prend que deux minutes. Je constate déjà de la panique quand je regarde l'avion en bas.
« Que s'est-il passé ? ».
« Un avion a été pris de cours par une tempête de sable noir d'où le ciel gris orage aujourd'hui, c'est de la poussière, il a dû atterrir en urgence sur l'eau ».
« Et il y a des survivants ? ».
« On en saura plus après avoir évacué tout le monde ».
Les sirènes des voitures de police et des ambulances résonnent jusqu'à mes oreilles. La vitesse à laquelle les secours se sont rendus sur place est très rapide. Les voitures peinent à voir quelque chose et en tant qu'ange moi aussi. Jason fronce les sourcils. Il ne dit rien de plus. Il attrape mon poignet pour me diriger vers la surface de l'eau. La visibilité est moindre. La pellicule de poussière noire forme une pellicule qui doit être analysée. Je n'ai pas de quoi ni le temps de prendre un prélèvement. Je sens une odeur particulière aussi. Faire part de mes suppositions à Jason est sans doute précipité. Il y a beaucoup de travail. Evacuer les personnes sur l'avion et celles qui ont sauté dans l'eau très froide par pur réflexe et par peur. L'eau est juste à deux degrés. Comment les gens peuvent survivre dans ces eaux froides ? L'arrivée des secours est très rapide mais quand je vois les passagers qui se sont regroupés sur les ailes de l'appareil comme ils ont pu, je suis sceptique. Beaucoup de ces passagers vont être en hypothermie et en état de stress post traumatique.
« Mais l'eau est juste à deux degrés ».
« Je sais, c'est pour ça qu'il faut attraper les gens qui ont sautés dans l'eau ».
Je n'ai aucune idée des circonstances de cet atterrissage en urgence absolue.
L'ange aux ailes noires est déjà parti, me laissant seul face à cette scène de chaos.
L'avion flotte encore, les bateaux de secours tardent à prendre le large. Les lumières des ambulances, des voitures de police essaient de se faire un passage dans ce brouillard gris. Si l'avion coule, les chances de retrouver la boîte noire permettant de connaître les dernières heures, les dernières minutes de l'appareil seront inexploitables. Sauver le maximum de personne en un minimum de temps est un défi à relever mais je ne doute pas de la capacité de résilience des new-yorkais. Ils sont capables de s'entraider et de ne pas laisser la panique prendre le dessus. Survivre à un crash d'avion est rarissime. J'espère que le pilote va bien et qu'il est conscient de la bonne étoile présente au-dessus de sa tête. Ses réflexes sont excellents, peu seraient capable de réaliser un atterrissage sur un fleuve. New-York est une ville surprenante. La partie du fleuve en question est vide, encore heureux que tout ce soit bien passé. Le pilote a exercé une parfaite manœuvre sur l'eau et à su garder son sang froid. À sa place, mon cœur aurait été en pause et ma respiration aurait été accessoire. L'idée de ne pas faire atterrir l'avion en sécurité, sans potentiellement casser une aile est effrayant. Tout s'est bien passé.
Je survole la zone.
L'appareil présente des signes de défaillances sur le côté gauche. Je ne veux pas m'avancer car mes connaissances sont limitées, un expert en la matière pourra déterminer la cause exacte. Mais de ce que je vois en vol, l'aile arrière a un dommage important. Est-ce dû au choc sur l'eau ou était-ce déjà présent avant l'accident ?
J'attrape une petite fille vêtu d'un gilet de sauvetage jaune qui a plongé dans l'eau sans doute pour échapper aux fumées. On a aucune idée de si elles sont toxiques ou non. Cette petite voix me fend le cœur, elle est gelée. Je l'a ramène sur la berge.
Un pompier récupère la petite fille apeurée et frigorifiée. Il l'enveloppe dans une couverture de survie. Elle claque des dents. Elle va se réchauffer, retrouver sa famille et faire des examens à l'hôpital. Ce sera un épisode traumatisant pour elle mais je suis sûr que ça ira.
Nous continuons d'aider les pompiers, les policiers à récupérer tous les passagers. Les heures défilent sans que l'on ne se rende compte de la situation inhabituelle et atypique du jour. Chaque personne a été identifiée. Cent cinquante sept. Toutes sains et sauves. C'est un miracle. Certaines ont été conduites à l'hôpital pour des examens approfondis, d'autres sont entendues par les policiers et les pompiers, d'autres sont rentrées chez elles. Je regarde les policiers recueillir des témoignages, des pompiers s'affairer à aider les arrivant et les gens téléphonent à leur famille pour les rassurer. Cet épisode va tourner en boucle sur les chaînes infos, les journaux vont en faire des tonnes. Des hélicoptères des diverses chaînes médias de la ville volent déjà au-dessus du fleuve, comme d'habitude pour être les premiers sur les lieux. Un fait d'actualité à ne pas manquer. On connait le discours. Survoler la zone pour des images, découvrir les passagers monter dans les bateaux destinés aux traversées entre les îles, voilà le contenu des images qu'on verra sur toutes les chaînes et décrypté jusqu'à demain matin.
Je suis rentré chez moi il y a une heure et c'est ce que je regarde à la télévision. Les images de Jason et moi en gros plan puis en plan large sont les plus regardées d'Internet. Super. J'ai presque envie d'appeler Vivek pour les faire effacer. Seulement, je termine mon verre de vin, un fond de vin. Mélanger l'alcool à des cachets n'est pas non plus la meilleure idée du siècle, c'est la pire. Je sens que les dernières heures m'ont chamboulé plus que je ne l'imagine. La Cascade est de retour. Personne ne le dit à haute voix mais je sens que l'Archange de Chine prépare un mauvais plan. L'idée me fait peur. L'enfouir pour ce soir est une idée judicieuse.
À défaut de me faire un sang d'encre, je noie ma mélancolie et mes angoisses dans un verre de vin rouge français. Venin serait déçu de ne pas avoir été convié et Dmitri désemparé mais ce n'est pas le sujet de ce soir. Le sujet est que je me sens comme un oiseau sans ses ailes, ça n'a aucun sens. La journée d'aujourd'hui a été mouvementée. J'éteins la télé et pars dans la salle de bain me réfugier sous l'eau chaude de la douche.
Au moins, je peux y laisser mes pensées mélancoliques en dehors de la salle de bain.
En sortant, je ne peux pas m'empêcher de regarde l'écran de mon téléphone.
Me tenir éloigné d'un téléphone est contraire à mes principes d'habitude, j'en suis accro. La technologie évolue si vite et ça me fascine. Cet outil permet de faire tellement de choses, des choses les plus simples comme les plus complexes. Derrière un téléphone, on peut choisir n'importe quoi, n'importe qui. Quelle idée j'ai eu de m'inscrire sur des applications de rencontre. Je sais que Venin a utilisé une application pendant longtemps, quoiqu'il aime aussi aller dans un bar le soir pour ne pas rentrer chez lui seul. Perso, je suis subjugué des profils très différents qui défilent sur l'écran d'un téléphone. C'est à la fois triste et impersonnel. La facilité par excellence. Je ne l'ai utilisé que deux fois. Et les rencontres se faisaient dans un bar, sans aller plus loin. Je n'ai jamais ramené une femme chez moi et encore moins à la Tour car j'aurais eu des ennuis. La seule et vraie histoire que j'ai eu s'est terminée il y a si longtemps et la nostalgie me revient en pleine face de temps en temps. Au début, Elena me regardait avec pitié et quand j'arrivais à lui en dire plus sur cette femme, elle a commencé à comprendre. Mais je sais que ma peine est terminée. Je suis juste dans la nostalgie car les instants passés avec elle me rendaient heureux. Et au lieu de me lamenter dans ma salle de bain, je ferais mieux de faire autre chose.
La pluie refuse de se calmer dehors. Cette tempête ne prendra jamais fin ? Elle a repris quand j'ai quitté le bureau de Dmitri puis elle s'est arrêtée le temps d'évacuer les passagers de l'avion. Cette histoire est complètement folle. Un appareil de cette taille ne peut pas atterrir en plein milieu d'un fleuve, à New-York. Une chance qu'il n'y ait eu aucun trafic particulier. De toute façon, Dmitri a demandé à ce que le trafic maritime soit arrêté le temps de l'évacuation et le temps que l'avion soit extradé de l'eau.
Cette histoire me donne encore des frissons, la peur dans les yeux des passagers a dû être atroce. Une bonne étoile règne au-dessus de leurs têtes. Une chance. Quand je volais au-dessus d'eux, mon bras m'a brûlé. Au début, je n'y ai pas prêté attention, il y avait plus urgent à faire, les passagers étaient en train de geler dans le fleuve. Jason survolait les lieux, moi de même et on était pris dans un tourbillon de vent froid à un moment, j'ai cru tomber dans l'eau à mon tour quand j'ai pu faire un virage à la dernière minute. Cascade quand tu nous tiens par le col de la chemise, difficile de s'en débarrasser. Mon bras me brûle encore. J'ai l'impression que cette peur constante qu'un nouveau pouvoir me bouscule est pesante.
Jason m'appelle.
Quand le maître espion numéro un d'un Archange m'appelle, c'est pour une urgence, surtout à vingt deux heures.
« Allo ? ».
« Salut Illium, c'est Mayiha. Je sais qu'on n'a pas discuté depuis un moment. J'emprunte le téléphone de Jason une minute, le temps qu'il sorte de la salle de bain ».
Je peux deviner ses yeux marrons fauve hésiter à continuer la conversation.
« Je suis content que tu ailles bien Mayiha ».
« Merci mais je m'inquiète pour toi, dis moi comment tu vas ? ».
« Je me porte comme un charme ».
Un premier mensonge depuis longtemps. Heureusement qu'elle ne voit pas mon visage qui commence à afficher une culpabilité. Je lui raconte un peu la journée mouvementée qu'on a eu, Jason a dû le lui raconter alors j'abrège le sujet pour ne pas faire de doublon. Elle écoute. Je lui raconte que je suis allée voir ma mère le mois dernier et ça m'a fait du bien. Histoire de ne pas l'ennuyer avec les affaires de la Tour. Elle mérite d'écouter autre chose et j'aime ne pas ressasser les mêmes sujets quand on me le demande alors je parle de ma mère au Maroc. Elle écoute toujours.
« J'ai entendu dire que les violons ont été retrouvés ? ».
« Oui, comment tu le sais ? ».
« Mon amie Aup... ».
« Je reprends le téléphone avant qu'elle n'en dise trop. Campanule, tu as regardé dehors ? ».
Changement de voix. La voix de Jason résonne dans mon oreille. Je n'ai pas entendu une voix féminine depuis longtemps. Et je suis touchée que sa compagne se souci de ma santé. Tout ce qu'i savoir est que je remonte la pense par rapport à il y a neuf mois. Je me porte comme un charme à la Tour, je ne laisse rien paraitre. Chez moi, je laisse ma vulnérabilité s'exprimer. Personne ne sait que ma consommation de médicament a augmenté ces trois derniers mois. Les avaler me fait planer un peu et me fait moins penser à tout le reste. Avant, je dormais un peu, assommé mais j'avais quelques heures de sommeil réparatrices. Maintenant, je fais des insomnies.
« Non, de quoi tu parles ? » dis-je en me redressant du canapé.
« Tu vas trouver ça bizarre mais il neige dehors ».
« Comment ça « il neige » ? On n'est pas... ».
L'hiver n'est pas prêt d'arriver tout de suite, l'automne se termine certes mais l'hiver ne va pas arriver si tôt. Je ne suis pas sûr que ce soit une illusion à cause des médicaments que je prends le soir et parfois le matin. Pourtant, j'ai réduis ma consommation depuis deux semaines. Je repousse le rideau qui cachait la baie vitrée, les flocons sont énormes. Ce n'est pas de la neige qui tombe, la neige n'est pas grise.
Des flocons.
Des flocons gris.
Les flocons ne sont pas gris.
Les flocons ne sont pas censés l'être.
Je reste bouche bée pendant trente secondes.
« En hiver oui je sais » complète Jason à l'autre bout du fils. « Tu es où ? ».
« Chez moi ».
« Moi aussi. Je viens te chercher ».
Je raccroche en ayant toujours les yeux rivés sur ce que je vois à l'extérieur. J'ouvre la porte fenêtre pour m'assurer que ce n'est pas un épisode hivernal précoce. La température extérieure est fraîche pour un mois de novembre, pas assez pour que des flocons de neige tombent du ciel mais visiblement des flocons gris oui. La présence de l'ange aux ailes noires à côté de moi me fait remarquer que ses plumes sont encore plus belles dans la lumière grise. L'atmosphère n'est pas lourde, l'air est frais, le vent a finit par se calmer, je ne perçois rien de bizarre, sauf les flocons en question. Je ne sais pas ce que mon voisin en pense mais vu son air sérieux, il est sur ses gardes.
« On y va ? » me demande t-il. « On doit rejoindre Venin à Central park ».
« Je te suis ».
Survoler la ville entièrement recouverte d'une fine pellicule grise est très étrange. La ville semble quand même dormir à cette heure-ci, une partie du moins. Les lumières sont éteintes dans certains quartiers. Seule la Tour nous éclaire. Jason survole les nuages comme s'ils n'existaient pas. C'est à peine s'il regarde derrière lui pour s'assurer que je le suis. Je n'ose pas prendre une autre direction et faire la course dans un ciel incertain. Le trafic aérien a été interrompu. Je le sais car Dmitri m'a écrit il y a deux minutes. Toutes les précautions sont prises pour la sécurité de tous.
Jason atterrit dans le parc aux neuf mille quatre cent bancs.
Tous sont recouverts de la pellicule grise.
Pas d'odeur suspecte. Je suppose que ce n'est pas toxique. Pour nous qui avons des aptitudes et une résistance aux toxicités, pas les humains.
Au loin, les équipes scientifiques de la Tour sont déjà au travail pour recueillir des échantillons. Cette Cascade nous en fait voir de toutes les couleurs.
Les yeux de Venin croisent les miens et il enlève ses lunettes de soleil.
Même Jason est surpris par ses pupilles qui brillent.
La Cascade fait encore des siennes avec ce paysage entièrement gris.
