Nouveaux Horizons

Chapitre 11

C'était une vision rare et somme toute très peu britannique. S'asseoir devant une tombe était, en effet, quelque chose qui ne se voyait que dans les séries par-delà l'Atlantique. Pourtant, il était là, devant la stèle de son épouse, à lui parler comme ils discutaient ensemble lors de leurs premières années de romance. Ils aimaient s'isoler dans un coin de nature, s'installer à même l'herbe et discuter ainsi de tout, de rien, dans la plus grande simplicité. Le monument funéraire d'Astoria était toujours bien entretenu et fleuri. Drago devait remercier ses parents : malgré leurs différends, Lucius et Narcissa avaient appris à aimer leur bru. Veiller sur sa dernière demeure, c'était aussi prendre soin de son veuf et de son orphelin.

-Scorpius est le premier de sa classe en étude des moldus. Il est un très bon élève. Et les professeurs se montrent aussi indulgents : ils savent que nous t'avons perdue peu avant la rentrée. Ils se veulent magnanimes. Mais lui, il n'en profite pas pour avoir de passe-droits. Il fait de son mieux, se donne à fond. Il a aussi pris la défense d'un né-moldu et l'a pris sous son aile. Tu devrais les voir : toujours ensemble, on dirait un oisillon suivant sa mère.

Pris dans sa discussion, il n'entendait pas les bruits de pas derrière lui.

-Tu serais si fière de lui, Astoria…

La voix du veuf tremblait.

-Je sais que tu le serais, je le suis moi-même. Il est ton plus beau cadeau, la chose la plus pure et la plus belle de toute mon existence. Je me sens parfois indigne d'être son père : il est si gentil ! Si intelligent !

Il battit des paupières. Ses yeux le brûlaient.

-J'ai rencontré quelqu'un. Avoua-t-il. Ou plutôt, j'ai retrouvé quelqu'un, quelqu'un sur qui j'ai craché jadis. Et regarde-nous aujourd'hui…

Ses doigts touchèrent délicatement le marbre où était gravé le nom de son premier grand amour.

-J'aime beaucoup Hermione. Elle et moi, nous avons grandi. Et on se comprend mieux maintenant qu'à l'époque. Elle est drôle, elle est spirituelle, elle ne juge pas. Elle est sincèrement soucieuse du bien de Scorpius. Avec elle, j'oublie la douleur de t'avoir perdue… je ris, je souris, je me sens bien…

Une larme roula le long de sa joue, ses lèvres finissant par en goûter le sel.

-Pourtant, je m'en veux parfois de l'aimer comme je l'aime. Ce n'est qu'un début, je sais que ça grandira… et je m'en veux. Je m'en veux de ressentir ça alors que tu es partie il y a si peu de temps… C'est comme si je ne t'avais pas aimée alors que je t'ai aimée plus que la vie elle-même, que je t'aime encore tellement… Je sais que tu voudrais mon bonheur. Que tu serais heureuse pour moi. Mais parfois, j'ai l'impression d'interpréter ce que tu dirais pour soulager ma conscience.

Il inspira pour se redonner contenance ?

-J'aimerais avoir un signe… Un signe que tu ne m'en veux pas, que tu me comprends…

-Je pense pouvoir te répondre.

Il sursauta et se retourna. Daphne, la sœur ainée d'Astoria, se tenait derrière lui, un bouquet de rose dans les bras. Drago se releva aussitôt, se recula pour lui laisser la place. La jeune femme plaça l'ensemble floral sur la tombe.

-Astoria serait heureuse pour toi, Drago. Dit-elle. Je le sais parce que je le suis. Cela me fait un peu étrange que cela soit si vite, oui. Mais la vie est souvent étrange. Ma sœur t'aimait de tout son cœur et je sais que de là où elle est, elle est la première à se réjouir de ton bonheur retrouvé. Et en plus, la nouvelle dame de ta vie fait attention à ton fils. Que demander de plus ?

-J'ai pourtant ce sentiment de la trahir…

-Je crois que c'est commun à tous ceux qui ont perdu un époux.

La sorcière lui sourit.

-Tu as aimé ma sœur, tu l'as acceptée toute entière, tu étais prêt à être le dernier de ta lignée pour ne pas l'affaiblir, tu as vu sa malédiction de sang comme sa particularité et non comme une contrainte. Ce n'est pas moi qui te reprocherai de ne pas l'avoir aimée pour retrouver quelqu'un si vite après son décès. Pas quand tu t'es battu pour elle. Etre heureux, c'est le plus bel hommage que tu puisses lui faire, Drago.

Ajustant une dernière fois une fleur, elle se redressa.

-Et si on allait prendre un whisky pur feu ? J'ai hâte que tu me racontes tout sur ta nouvelle dulcinée !

Drago eut un rire.

Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait léger.


Les jumeaux d'Harry et de Ginny étaient arrivés avec un peu d'avance. Ils étaient certes plus petits et plus menus que leurs adelphes à l'époque mais ils étaient en excellente santé.

-Pas trop dur d'être la seule fille ? Plaisanta Ron auprès de sa nièce

-Ca ne me rend que plus spéciale pour Papa et Maman ! Sourit Lily

-Bien répondu !

Hermione, qui s'était précipitée du Ministère à Saint Mangouste, observait les nouveaux-nés avec émotion. Hugo se voyait déjà leur apprendre à jouer aux Bavboules.

-Ils sont superbes. Félicitations à vous deux ! Vous avez déjà des noms ?

-Remus Rubeus et Arthur Colin.

-Hagrid et ton beau-père vont être très touchés.

Rose entra dans la chambre, accompagnée de ses deux cousins. Ron prétexta alors chercher des boissons pour tout le monde, demandant à son ex-femme de l'accompagner. Elle le suivit.

-Rose et Al ont l'air réconciliés. Lui confessa-t-il. J'ignore pourquoi.

-Je sais pourquoi. Répondit son ancienne compagne. Mais je ne peux pas te le dire. Cela serait trahir la confiance d'un des deux.

-Rien de grave au moins ?

-Non, loin de là. Mais quand tu le sauras, tu réaliseras combien notre fille est géniale.

-C'est une Weasley, elle est forcément géniale.

La sorcière sourit.

-Hermione, écoute… Je sais que c'est peut-être un peu abrupt mais je préfère que tu le saches par moi plutôt qu'un jour, par les enfants, qui n'en savent rien pour l'instant…

-Tu as rencontré quelqu'un.

Il acquiesça.

-Il n'y a rien d'officiel ! Et en vérité, je ne peux pas dire que ce sont des dates. Mais on se voit pour prendre un café, on discute et…

-Ron. Le coupa-t-elle. Tu n'as pas à te justifier. Nous sommes divorcés, tu as le droit de refaire ta vie et je suis heureuse pour toi, vraiment ! Tu es un homme bien et tu mérites d'être aimé à ta juste valeur.

-Merci, Mione… Ca me touche.

-Je dois te l'avouer aussi… Je fréquente aussi quelqu'un.

-Drago ?

Elle ne put réprimer un hoquet de surprise.

-Je l'ai deviné quand tu es venue pour le Nouvel An.

-Il ne s'était encore rien passé.

L'auror sourit.

-Mione, toi non plus, tu n'as pas à te justifier. Tu m'as dit que Drago avait changé, que tu appréciais sa compagnie, c'est tout ce que j'ai besoin d'entendre. Mais ce que j'ai dit tient toujours : s'il te fait du mal, je le lui ferai payer.

Il posa sa main sur son épaule.

-Toi aussi, tu mérites d'être aimée à ta juste valeur. Et si c'est lui qui te fait sourire, alors je n'ai rien à dire. Je n'ai rien à dire tout court en fait… Donc… Félicitations pour avoir pécho Drago ? C'est bien comme ça que disent les jeunes ?

Elle éclata de rire.

-Bon, et si on prenait cette boisson ? Sinon, on va nous accuser d'ourdir un complot !