Crédits - Innersloth
Base - Among US
Rating - T
Spécial - Among Us + Imposteur/Crewmate + Voix flippantes. Pour l'échange Halloween 2023.
Avertissements - Meurtre. Mort d'un personnage principal. Amoralité.

Chronologie - Aucune.

Note - Je n'écris sur ce fandom que pendant cette période, on dirait. Bref, une plongée dans une vision particulière que j'ai d'un couple Crewmate/Imposteur - l'histoire n'est pas joyeuse par essence mais la fin est ambigüe, ouverte à interprétation. J'espère que cela vous plaira. Bonne lecture. :)


Après que la mort nous sépare


Incidemment, tout avait commencé après la mort d'Orange.

Rose était un Imposteur efficace. Au contraire de ses compagnons d'infortune – enfin, surtout de Rouge qui avait tendance à porter son cœur en bandoulière – elle faisait rarement dans le sentiment avec ses victimes et se contentait la plupart du temps de les exécuter proprement, complètement indifférente aux sanglots et aux taches de sang qui finissaient sur son scaphandre. Noir appréciait davantage son attitude que Rouge, la qualifiant sans hésiter de « vicieuse » et « retorse » lorsqu'il se sentait d'humeur à la complimenter. Rose préférait laisser courir que de corriger sa vision erronée : tout faisait figure de jeu tordu pour son camarade et moins elle se démarquerait de ses pairs, moins elle attirerait l'attention. Jusqu'ici, les choses avaient plutôt bien marché pour elle.

Peut-être trop bien, en fin de compte.

Tout le monde avait cru à ses larmes choquées lorsque le cadavre d'Orange avait été retrouvé tranché en deux sur le scanner de l'infirmerie, affolant les capteurs vitaux qui s'étaient mis à fredonner un vrombissement strident. Personne n'avait compris comment elle avait fait pour se retrouver seule là-bas – Orange était l'une de leurs xénolinguistes, après tout, et le bureau des communications se trouvait littéralement à l'autre bout du Skeld – et les soupçons avaient longtemps pesé sur Blanche, le médecin de bord, qui était la seule à posséder un passe donnant accès à l'aile médicale. Heureusement pour cette dernière, plusieurs membres d'équipage avaient pu attester de sa présence sur la table d'administration à l'heure présumée du meurtre et de la disparition de sa clé passe-partout, survenue quelques heures avant la tragédie. Faute de coupable à désigner, personne n'avait pu se décider à condamner un membre de l'équipage à la froideur mortelle du vide intersidéral mais un air de méfiance s'était installé autour de l'infirmerie et des coéquipiers qui la tenaient, poussant les membres de l'équipage à éviter l'endroit même pour se soulager d'afflictions mineures.

Et tout cela, pour le plus grand bonheur des Imposteurs.

Noir avait appelé l'enchaînement des évènements un coup de génie avant de taper dans le dos de Rose d'un air satisfait. Rouge s'était contenté de la regarder sans dissimuler sa confusion dédaigneuse, comme si elle était une énigme particulièrement difficile à résoudre et non une semblable. Rose lui avait renvoyé son regard, indifférente au conflit qui se lisait sur le visage de leur frère comme dans un livre ouvert. Elle n'était pas surprise de sa réaction hostile : l'une des premières choses qu'on leur apprenait, c'était de ne faire confiance à personne, pas même aux autres Imposteurs.

Surtout pas aux autres Imposteurs.

— Je croyais que tu appréciais Orange, lui avait-il reproché lors d'une de leurs rondes clandestines à travers le vaisseau, en quête de failles à exploiter et de systèmes à saboter.

— On n'apprécie pas ses proies, Rouge, on les mange, siffla-t-elle entre ses dents, laissant sa langue fourchue passer sur les pointes des canines tandis qu'ils se penchaient sur le tableau de contrôle de ventilation. Tes géniteurs ne t'ont pas instruit proprement sur la question ?

— Bien sûr que si, ne sois pas idiote, répliqua l'Imposteur d'un ton brusque.

— C'est toi qui profanes des idioties. Si tu te concentrais un peu plus sur notre mission et un peu moins sur l'humain pathétique qui te suit comme ton ombre…

Rouge avait coupé court à leur conversation en plantant un tournevis dans le système de ventilation, provoquant immédiatement une surchauffe critique du système qui dégénéra en alerte générale en quelques secondes. Dans la panique collective qui s'ensuivit, personne ne remarqua Noir se faufiler discrètement hors du local électrique, son scaphandre sombre maculé de taches poisseuses. Personne ne remarqua non plus le sang s'écouler paresseusement de sous la porte fermée de la salle de surveillance : tout le monde était bien trop occupé à filer vers les bornes d'urgence de la ventilation pour endiguer la catastrophe imminente.

Rouge profita de la cohue et du sentiment soulagement général qui suivit la fin de l'alerte pour disparaître dans la foule. Rose ne chercha pas à le suivre ni à poursuivre leur discussion avortée. Ils avaient fait du bon travail jusqu'ici et les scrupules d'un Imposteur qui passait beaucoup trop de temps avec les humains n'allaient pas lui faire regretter sa diligence. Alors qu'elle se dirigeait vers le cockpit, désireuse de s'éloigner d'une potentielle scène de crime survenue à l'arrière du vaisseau, l'Imposteur entendit un écho résonner dans les artères métalliques du vaisseau.

Rose ?

L'interpellée fit volte-face, sur le qui-vive, mais le couloir derrière elle était immobile, comme figé dans le temps. La voix qui avait sifflé son nom ressemblait davantage au murmure de l'air qu'à un véritable appel, une plainte stridente et douloureuse, à l'image d'un ongle crissant sur du métal.

Ou d'un couteau glissant le long d'une lame à aiguiser.

Rose ?


Quelques jours plus tard, Rose entendit de nouveau son nom résonner le long des couloirs.

Depuis leur tentative ratée de saboter l'oxygène, l'Imposteur était tendue. Le meurtre de Cyan dans la salle des caméras semblait avoir déclenché une guerre silencieuse entre ses deux compagnons, déclenchée par un Noir qui n'avait rien trouvé de mieux à faire que de chercher le soutien de Bleu pour couvrir son méfait. Le jeune technicien, désireux de ne pas se faire soupçonner par le reste de l'équipage, avait approuvé sans réfléchir aux dires de Noir, au grand dam de son amant. Rouge le quittait rarement depuis, se montrant de plus en plus distant et laconique, pour le plus grand plaisir de leur camarade.

— Vous êtes ridicules, constata Rose, non sans exaspération tandis qu'elle s'occupait de trancher minutieusement les fils du local électrique.

— Ce n'est pas moi qui me suis entiché de mon futur dîner, rétorqua Noir en se curant les griffes d'un ton nonchalant, retirant de temps à autre un bout de chair noircie. Au fond du local, le cadavre de Lime reposait appuyé contre les panneaux de métal, quelques-uns de ses membres à moitié dévorés. Rouge ferait mieux d'arrêter de roucouler avec son humain de compagnie et prendre exemple sur toi, si tu veux mon avis.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Tu aimais bien Orange, non ? Et tu n'as pas hésité à la tuer, pourtant. Net, précis, propre. Si nous étions tous de ta trempe, on aurait déjà conquis la moitié de la galaxie sans effort.

Rose déglutit, troublée. A nouveau, il y avait cette allusion aux sentiments qu'elle avait éprouvé pour Orange, à la complicité et la camaraderie qu'elles avaient tout de suite partagée dès leur arrivée sur le Skeld, à l'affection presque effrontée dont l'humaine avait fait preuve à son égard aux yeux et à la vue de tous, à la main lovée précieusement dans la sienne tandis qu'elles se faufilaient en douce dans l'infirmerie.

— Tu présumes beaucoup, chuchota-t-elle, incapable de dissimuler complètement sa gêne.

— Il n'y a rien à présumer. Nos géniteurs s'entre-dévorent pour se prouver leur amour. Rouge l'a peut-être oublié mais toi et moi, nous savons ce que ça veut dire.

Rose feula, une réponse cinglante sur le bout des dents, lorsque l'écho se fit de nouveau entendre depuis la bouche d'aération grande ouverte : les syllabes familières de son nom, portées par un courant d'air plaintif et déchirant.

Rose ?

— Tu as entendu ?! souffla-t-elle, sa gorge inexplicablement comprimée par l'angoisse.

— Entendu quoi ? A part le bruit des moteurs…

Rose n'attendit pas la fin de sa phrase. L'Imposteur sauta à pieds joints dans la ventilation, vaguement reconnaissante que le reste du vaisseau soit plongé dans l'obscurité totale. Le chemin des conduits la fit prendre à gauche puis vers le haut lorsqu'elle sortit enfin de la bouche d'aération, ce fut pour être confrontée à la vision d'une infirmerie plongée dans le noir et vide de tout occupant. Après le meurtre sinistre d'Orange, l'endroit avait gagné une atmosphère pesante que Blanche et Vert, l'infirmier en chef, avaient tout fait pour désengorger, à grands renforts de détergent, d'huile de coude et de sauge brûlée. Seuls les bips réguliers du matériel médical apportaient un peu de vie à la pièce déserte, plus sinistre qu'un tombeau à ciel ouvert. Presque malgré elle, les yeux de Rose, depuis longtemps habitués à l'obscurité écrasante, se dirigèrent vers le scanner.

Ce qu'elle y vit lui hérissa l'échine.

Sur la plaque biométrique posée au sol, une mare de sang gouttait paresseusement.


Rose entendit de nouveau la voix le jour suivant. Et le jour d'après. Et celui d'après encore. Encore et encore et encore.

Rose, Rose, Rose, Rose…

La voix ne se manifestait jamais deux fois de la même manière : elle résonnait dans les couloirs comme un écho ou se glissait à son oreille, au plus profond du calme du cycle de nuit comme en plein jour, que Rose fut accompagnée ou non. Plus d'une fois, elle s'était surprise à sursauter au milieu d'une tâche ou à se presser contre les murs du vaisseau, interrompue par le même murmure douloureux qui ne cessait de l'appeler en boucle : Rose, Rose, Rose… Autour d'elle, personne ne semblait entendre ou même réagir à la voix. Personne ne comprenait ses mouvements brusques et son regard hagard qui ne restait jamais en place, à la recherche de la moindre silhouette ou explication qui aurait pu donner un sens à l'expérience – le reste des coéquipiers s'était mis à la fuir, à l'observer avec des regards mièvres et remplis de pitié.

C'est le choc de toutes ces morts, disaient-ils.

Pauvre Rose, dans quel état elle doit être en sachant que le meurtrier d'Orange court toujours… disaient-ils.

Vous pensez qu'on devrait la mettre en isolement ? demandaient-ils.

C'était à n'y rien comprendre. Entre chaque chuchotement, les appels reprenaient de plus belle, s'imbriquant dans les murmures de l'équipage comme autant de notes discordantes composant une mélodie sinistre.

Rose ?

Cette dernière avait l'impression de doucement perdre pied.

— Tu vas finir par attirer l'attention sur toi à force d'être aussi imprudente, la sermonna Rouge pendant l'une de ses patrouilles. Il était tombé sur elle en cherchant une proie, l'avait trouvée recroquevillée sous le panneau des communications, à côté de la radio. Un des coins préférés d'Orange. Ça ne te ressemble pas… que se passe-t-il ?

L'Imposteur pressa ses lèvres l'une contre l'autre, indécise. Elle ne faisait pas confiance à son camarade pour la soutenir ou même la croire – on ne pouvait se fier à personne et encore moins aux autres Imposteurs – mais un peu de vigilance supplémentaire ne serait pas de refus. Ils avaient peut-être affaire à une menace inconnue, à quelque chose de plus sournois et dangereux qu'eux-mêmes.

Ou peut-être était-elle tout simplement en train de devenir folle.

— Tu n'as rien entendu d'étrange, ces derniers temps ?

— Plus étrange que les alertes de défaillance du système de ventilation, tu veux dire ?

— Laisse tomber, jura Rose, exaspérée.

Une émotion traversa furtivement le visage reptilien de Rouge, à peine visible derrière la visière de son scaphandre. De la culpabilité, peut-être. Ou de la frustration. Ces derniers temps, elle avait de plus en plus de mal à le comprendre, à interpréter les signes. Noir avait peut-être raison : à force de traîner avec Bleu, le sentimentalisme des humains avait fini par le rendre méconnaissable.

— Tu devrais peut-être aller consulter Blanche. Tu n'as vraiment pas l'air dans ton assiette.

L'interpellée éclata d'un rire sardonique. Demander l'avis de Blanche voulait dire retourner à l'infirmerie. Voir le scanner, les taches de sang fantôme qui perlaient dessus, même si elles n'existaient plus que dans son souvenir. Revoir le cadavre d'Orange, coupé en deux sur la plaque biométrique, la marque des dents de Rose encore fraîchement imprimée sur sa chair.

Entendre son rire clair et franc se colorer de douleur et d'effroi, quelques secondes avant sa mort.

Qu'est-ce que tu fais, Rose – Rose ?

— Je crois que j'entends la voix d'Orange, avoua-t-elle dans un souffle.

Rouge cilla, interdit. Derrière sa visière, ses pupilles verticales la contemplaient d'un air stupéfait, comme si elle venait de lui annoncer ni plus ni moins que la fin du monde.

— Rose, Orange est…

— Morte, je sais, la coupa sèchement l'Imposteur. C'est moi qui l'ai tuée, se garda-t-elle d'ajouter. Inutile de remuer le couteau dans la plaie.

Rouge semblait mal à l'aise devant une telle déclaration – et pour une fois, elle le comprenait. Les humains avaient des dizaines de croyances contradictoires concernant la mort et ce qui venait après : certains pensaient qu'elle apportait le salut ou la damnation, d'autre le repos, d'autre la réunion avec un éventuel créateur divin, d'autre encore le néant éternel. Les Imposteurs ne croyaient en rien d'autre que les dures lois de la nature, des prédateurs et des proies, du cycle éternel de la vie et de la mort les géniteurs de Rose avaient toujours été très formels sur ce point. Tout ce qui meurt finit par être mangé, lui avaient-ils répété avant leur mort. Orange n'avait pas fait exception à la règle.

Tuer un être aimé était normal pour un Imposteur. Naturel, presque. Une preuve d'amour, avait ajouté Noir sur un ton de connivence. Et pourtant, Rose n'y avait pris aucun plaisir, aucune gratitude, aucune extase. Elle l'avait fait par devoir, persuadée d'avoir pris la bonne décision, et le poids de celle-ci pesait étrangement sur son deuxième cœur. Comme si elle s'était levée un jour pour découvrir que respirer était devenu difficile.

— Pourquoi tu n'as pas tué Bleu ? demanda-t-elle.

Rouge soupira longuement et se pencha pour se glisser à son tour sous le bureau. Sans réfléchir, Rose lui offrit sa paume les doigts de son camarade cherchèrent les siens et s'y lovèrent comme des serpents.

— Ma mère s'est laissé dépérir après avoir tué mon père, lui confia-t-il après un long silence.

Il avait dû lui en coûter pour lui confesser une telle chose, tant l'idée était taboue pour eux. Les Imposteurs cultivaient la passion de la survie avant toute chose : ils apprenaient très tôt à être autonomes, à ne se fier à personne et surtout pas à leurs semblables. Ils étaient trop peu nombreux et leur mode de vie trop précaire pour se permettre le moindre sentimentalisme. Trahir un autre Imposteur était parfois l'unique manière de survivre et Rose n'avait aucune illusion sur que la soi-disant camaraderie dont ses compagnons atteindrait sa limite dès qu'ils se sentiraient menacés. Depuis sa naissance, elle savait que son destin était de vivre seule face à l'indifférence du monde.

Mais ce n'était plus totalement vrai, n'est-ce pas ? Il y avait eu Orange pendant un temps, son affection si librement donnée, sa manière de se blottir contre Rose, le poids de sa main dans la sienne lorsqu'elles s'éclipsaient discrètement toutes les deux. Il y avait eu le sel de ses larmes sur la pointe de sa langue et le goût de son sang dans sa gorge. Il y avait sa voix qui l'appelait à travers les couloirs du Skeld, l'invitait à la rejoindre – même maintenant, même après tout ce que Rose avait fait.

Une preuve d'amour, avait rappelé Noir, le rictus aux lèvres.

— Bleu m'a dit… Il ne connait pas tous les détails, évidemment, mais l'histoire ne l'a pas surpris. Il m'a dit que ce n'était pas si absurde, comme idée. D'aimer quelqu'un au point de ne pas laisser la mort vous séparer.

Rose fronça les paupières. Le concept était à mille années-lumière de tout ce qu'elle savait du monde et pourtant… il ne lui inspirait pas autant de révulsion qu'elle ne l'aurait cru.

— Tu penses qu'elle a fait ça par amour ?

Rouge haussa les épaules.

— Je l'ignore. Tu sais comment c'est, on n'était pas vraiment proches. Mais parfois, je me dis que… je regrette de ne pas avoir eu l'occasion de lui demander.

— A cause de Bleu ? devina Rose, un brin amère.

Les écailles de Rouge prirent une teinte foncée. S'il avait été humain, on aurait pu croire qu'il rougissait. Ou qu'il avait traîné un peu trop longtemps dans la salle du réacteur. C'en était presque attendrissant.

— Peut-être qu'Orange est comme ma mère. Peut-être qu'elle t'aime suffisamment pour vouloir rester. Peut-être qu'elle n'a pas l'intention de laisser sa propre mort vous séparer.

Ou peut-être qu'elle veut se venger, pensa l'Imposteur femelle, non sans retenir un frisson de malaise. Rouge lui serra brièvement la main tandis que les lumières se mettaient à baisser, sans doute sous l'effet d'un énième sabotage. Ils n'auraient sans doute aucun mal à s'innocenter du crime que leur camarade avait commis pendant l'alerte mais Rose avait l'impression de comprendre un peu mieux son frère d'infortune. Il avait un humain à protéger, après tout.

— Penses-y, Rose, lui intima ce dernier en se dirigeant vers la sortie du bureau des communications. Tout le monde n'a pas toujours l'occasion d'affronter ses regrets la tête haute.


Rose était un Imposteur efficace. Elle tuait de sang-froid, sans effusions, et trouvait toujours le moyen de jouer l'innocente coéquipière auprès du reste de l'équipage, se fondant sans efforts parmi les innocents à coup de moues horrifiées et de larmes choquées. Elle n'avait pas la prétention de jouer avec ses proies comme Noir ou de s'enticher de la fragilité des humains comme Rouge – parmi la longue liste de victimes qui sillonnaient son passage, seule Orange avait fait figure d'exception.

Orange et son rire franc, Orange et ses mains chaudes, Orange et son caractère facétieux, Orange dont la voix hantait chacun des pas de sa meurtrière comme son ombre.

Rose ?

Rose était un Imposteur efficace. Elle ne versait pas dans le sentiment ni dans l'excès de cruauté. Elle avait aimé Orange et l'avait tuée sans broncher, sans prêter attention à ses hoquets choqués et aux larmes qui avait coulé de ses yeux sans iris elle avait tué Orange mais avait veillé à ce que sa mort soit rapide, sans douleur, comme la promesse de ce repos éternel auquel les humains croyaient avec tant de force.

Son amante avait-elle cru en une vie après la mort ? Était-ce pour cela que sa voix la suivait partout où qu'elle aille ? Ou peut-être était-ce une autre de ces preuves d'amour dont Noir se moquait – mais que savait-il vraiment de l'amour, à la fin ?

Rose avait aimé et elle avait tué. Dans son monde, l'un n'allait pas sans l'autre.

Rose ?

Rose était un Imposteur efficace. Pragmatique, sans remords. Et pourtant, lorsqu'elle se retrouva à nouveau au milieu de l'infirmerie déserte en plein milieu d'une extinction des feux, ses deux cœurs battant à tout rompre contre ses tempes, elle ne put s'empêcher de penser qu'elle avait finalement pris la bonne décision. La tache de sang avait disparu du scanner mais une odeur vaguement métallique continuait d'embaumer la pièce, la scellant aussi sûrement qu'une tombe.

Rose ?

— Je suis là, Orange. Je suis revenue.

Le poids d'une bouche glaciale se posa sur sa nuque.

— Rose, lui murmura la voix d'Orange à l'oreille.