Chapitre 49 : Un choix à faire

431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991

C'était une de ces matinées calmes où les premiers rayons de lumière venaient réveiller la maison encore endormie réchauffant ainsi chaque coin de la demeure. Mlle Parker, dans son lit, était recouverte de draps soyeux. Ses cheveux étaient éparpillés sur l'oreiller. Ses longs cils, comme des papillons ensommeillés, frémirent alors qu'elle commençait à émerger. Radieuse, elle dégageait une certaine sérénité et dans ses yeux, on pouvait apercevoir une petite étincelle qui illuminait son regard. La jolie brune s'étira les membres supérieurs, ses lèvres, elles, se formaient en un grand sourire tandis qu'elle pensait à Jarod, l'homme qui ne cessait d'occuper son esprit et son cœur. Elle poussa un soupir de bonheur malgré le fait qu'elle avait passé une nuit blanche. Toute une nuit à réfléchir et ce matin, elle avait enfin pris une décision. Elle se leva de son lit, se dirigea avec hâte vers la cuisine attirée par l'odeur du café frais où son petit frère Ethan, debout, habillé était prêt à attaquer la journée. La jeune femme le retrouva près des fourneaux, revêtu d'un tablier et une poêle à la main. Elle fut étonnée. Elle ne savait pas qu'il avait de tels talents. Celui-ci déclara presque timidement que ces derniers mois, il avait dû se débrouiller tout seul, la cuisine faisant partie intégrante de son quotidien. Jusqu'à là, il ne savait même pas casser ou encore faire cuire un œuf. Souriante, elle savait ce qu'il voulait dire, elle-même n'était pas douée dans le domaine culinaire. Ils s'installèrent tous deux à la table, autour d'un bon petit déjeuner simple mais préparé avec soin. Des toasts grillés, des œufs brouillés, de délicieux pancakes arrosés de sirop d'érable et du jus d'orange pressé lui donnaient l'eau à la bouche. Elle l'informa de son intention de se rendre à Cleveland dans l'Ohio. Ethan intrigué, souhaitait en savoir davantage. Elle irait directement à l'hôpital afin de prendre des nouvelles de Margaret et de Jarod. Bien sûr, ce n'était pas là, la seule raison de son voyage imprévu. Elle devait tenir au courant le caméléon de la situation actuelle et également lui remettre des dossiers confidentiels, des documents qui contenaient des informations vitales susceptibles de changer le cours des évènements, pour tout le monde. Le jeune frère acquiesça tout sourire. « Eh bien, c'est entendu ! Je vais m'occuper de faire les réservations, je pars avec toi. » Elle accepta bien volontiers. C'est ainsi fait, ils partiront donc ensemble pour l'Ohio, mais elle aussi, avant le départ, elle devait se rendre quelque part. Elle avait une course urgente à faire. « Je dois récupérer quelque chose d'important. »

Hôpital Mercy à Cleveland, Ohio

Le caméléon se tenait au chevet de sa mère, Margaret qui visiblement allait un peu mieux. Elle avait repris de jolies couleurs et elle était moins sensible à la lumière. Jarod, depuis plus de 24 heures, s'était glissé dans la peau d'un médecin spécialiste en neurologie. C'était un rôle qu'il assumait avec sérieux, mettant ainsi ses talents au service de sa mère. Il portait une blouse blanche, debout, droit et sûr de lui, comme tout professionnel aguerri, il commença par lui faire un examen neurologique, prenant tout d'abord son pouls, mesurant la régularité des battements de son cœur. Sa gestuelle était d'une précision, ses doigts agiles se déplaçaient rapidement, mais avec une extrême douceur. Puis, il utilisa une petite lampe pour examiner les pupilles de Margaret, cherchant toute réaction anormale. Par la suite, il testa ses réflexes sur la patiente qui elle, était en position allongée, en lui donnant un coup sec sur ses tendons à l'aide d'un petit marteau en caoutchouc, observant les réponses de son corps. « C'est parfait ! » Il lui demanda, en souriant, de suivre du regard son doigt lorsqu'il le déplaçait d'un côté à l'autre, s'assurant ainsi que ses mouvements oculaires étaient normaux. Enfin, il évalua sa sensibilité en utilisant un outil médical spécifique afin de mesurer aussi bien sa perception de la douleur que celle du toucher. Il lui posa des questions sur ses maux de tête, leur fréquence, leur duré et leur intensité, notant les renseignements dans son dossier médical. Finalement, il adressa un nouveau sourire à sa mère tout en lui faisant part de son soulagement quant à l'absence de problèmes neurologiques majeurs. Tandis que Margaret lui rendit son sourire, elle était enfin rassurée, il lui annonça qu'elle pourrait rentrer à leur domicile dès le lendemain. Il lui recommanda vivement de profiter de cette occasion pour se reposer et récupérer quelques heures de sommeil, il passera plus tard. Il quitta son chevet, rejoignant les autres membres de la famille à la cafétéria de l'hôpital. La nouvelle en réjouissait plus d'un. Margaret seule, son visage épanoui par la gratitude et le dévouement de son fils envers elle

et son bien-être, se trouva chanceuse de l'avoir à ses côtés.

« Tu en es absolument sûr Jarod, elle pourra sortir demain ?

- Oui, Emily. Je viens de l'examiner et tout va bien. Les médicaments font très bien leurs effets.

- Je suis désolée, je n'aurai pas dû t'agresser.

- Ce n'est pas grave Emily. Tu devrais rentrer et revenir ici en début d'après-midi. C'est valable pour vous tous. Ça ne sert à rien de rester là, pour l'instant, elle dort. Rentrez !

- Tu as raison, Jarod. Nous allons faire ce que tu dis. Et toi, mon garçon, comment vas-tu ? Tu as l'air complètement épuisé. Toi aussi, tu dois prendre soin de toi. Ne te néglige pas, lui conseilla le major Charles.

- C'est la vie d'un médecin, le caméléon leva les yeux vers la porte battante.

- On va te laisser, Jarod, s'exclama Emily, on reviendra…

- Excusez-moi ! »

Jarod ressenti comme un pincement au cœur en voyant Zoey. Non pas qu'il l'avait quitté pour suivre son cœur et être avec Mlle Parker, mais elle était atteinte d'une grave maladie, un cancer, ce qui avait rendu leur rupture d'autant plus difficile. Il était pris de remords, il aurait dû prendre au moins de ses nouvelles. Cette rencontre inattendue quoique agréable, les mettait tous les deux mal à l'aise. Le caméléon ne pouvait se permettre de se comporter en mauvais garçon. Il se décida à affronter cette situation avec maturité et compassion. Il s'approcha d'elle.

« Zoey ? Bonjour.

- Jarod, ça fait un moment, avait-elle dit en essayant de paraître détendue malgré sa gêne, elle avança la tête pour lui faire la bise.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu es loin de chez toi. Pourquoi es-tu ici ? Tout va bien ? C'est ton cancer, c'est ça ? s'inquiéta-t-il.

- Oh, Jarod. Je vais bien. Ma santé s'améliore lentement, je suis ici pour un bilan de routine. Un contrôle.

- Et comment tu vas ? Je veux parler de ton cancer, il lui prit la main.

- Je suis sur la voie de la guérison, Jarod, le cancer est en rémission, sur le coup de l'émotion, elle se jeta dans ses bras.

- C'est une excellente nouvelle, Zoey. Je suis content de l'apprendre.

- Et toi, qu'est-ce qui t'amène par ici ?

- Ma mère a été emmenée à l'hôpital pour de graves crises de migraines, mais tout va bien. On a trouvé le traitement adéquat. Elle va mieux, maintenant.

- Ta mère ? Alors ça y est, tu l'a retrouvé ? Je suis très heureuse pour toi. Vraiment, elle se jeta à nouveau dans ses bras avant de s'écarter un peu de lui.

- Oui, c'est une longue histoire.

- Oh, je n'en doute pas, Jarod. Est-ce que tu es toujours recherché par le Centre ?

- Zoey, le Centre ne m'a pas oublié. Ils sont toujours à mes trousses. Pour l'instant, ils ont d'autres préoccupations, mais là aussi, c'est une très longue histoire. En-tout-cas, je reste prudent et invisible, autant que possible.

- Et comment ça se passe avec Mlle Parker ?

- Avec Parker, les choses sont un peu plus compliquées, le ton de sa voix devenait grave. Nous avons des hauts et des bas. Elle a eu quelques soucis ces derniers temps alors on a décidé de faire une petite pause.

- Tu sais Jarod, en général quand on parle de faire une petite pause, ce n'est pas très bon signe.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Jarod, quand deux personnes décident de faire une 'petite pause' dans une relation, cela peut signifier beaucoup de choses. Parfois, c'est juste pour prendre du recul, réfléchir sur ce que l'on veut vraiment ou tout simplement pour s'octroyer un peu d'espace. Mais tu dois savoir que bien souvent, c'est aussi le signe que des problèmes présents sont non résolus ou des divergences d'opinions où d'intérêts sont en train de miner la relation. »

Dans un café près de l'hôpital Mercy à Cleveland, Ohio

Dans un bistrot à quelques mètres de l'hôpital Mercy à Cleveland dans l'Ohio, Mlle Parker et Ethan avaient prévu tous deux de faire une halte pour déguster une boisson chaude avant d'apporter leur soutien au caméléon. Le café, nommé "L'Arôme Céleste", était un petit établissement chaleureux niché à l'angle d'une rue très agitée. La façade avait de larges vitres laissant entrer la lumière du jour. À l'intérieur, la décoration était, à la fois, un mélange entre le rustique et le moderne. Les murs, eux, étaient recouverts de briques et des étagères en bois exposaient une quantité de cafetières vintage, une grande variété de grains de café fraîchement torréfiés et des livres usagés. Le comptoir en bois sombre était orné d'une machine à expresso rutilante, et derrière lui, un barista préparait des expressos et des cappuccinos. Des clients étaient assis à leurs tables, sirotant leur boisson dans des coins paisibles. Mlle Parker et Ethan avaient choisi de s'installer près de la fenêtre. La demoiselle prit alors un moment pour exprimer sa tendre affection envers son frère, lui assurant qu'elle et Jarod seraient toujours là pour lui, et ce peu importe les aléas de la vie. Elle remarqua qu'il semblait soucieux. Et sans aucune pression ni jugement, elle l'incita à se confier posant une main fraternelle sur la sienne. Ethan lui sourit. C'est alors qu'il lâcha un soupir d'une manière tout à fait naturelle et sans réserve, il lui avoua qu'il se sentait seul. Extrêmement seul. Cette solitude pesante n'était pas liée au manque de relations familiales, car il avait désormais retrouvé son père, son frère et ses deux sœurs. Non, ce sentiment de solitude était beaucoup plus fort. Ce qui lui manquait dans son existence, c'était de trouver une personne… Une femme avec qui il pourrait vivre le grand amour, une compagne qui voudrait de lui et l'aimer sans aucune retenue, partagerant avec lui ses rêves, ses ambitions et ses journées tout comme ses nuits. Mlle Parker, bien que surprise par cette révélation, l'écouta avec égard, respectant la sensibilité d'Ethan. Elle ne le comprenait que trop bien. Elle le savait pour avoir ressenti les mêmes émotions que lui. Elle le regarda, intéressée par ce qu'il disait. Être à la recherche de l'âme-sœur n'a jamais été simple pour personnes même pour Ethan. Elle savait aussi que le cœur de son frère méritait de trouver le bonheur qu'il aspirait tant. Mlle Parker, l'encouragea à se dévoiler un peu plus, à moins qu'il ne préférait se confier à Jarod ?

« Non. C'est que je me demande si moi aussi, je connaîtrais le bonheur, il baissa les yeux, regardant le fond de sa tasse.

- Je suis sûre Ethan qu'un jour, tu trouveras cette personne. Cette femme. Celle qui te fera te sentir exceptionnel. Qui te rendra le sourire quand tu l'auras perdu. Qui te rattrapera si tu tombes. Qui quoiqu'il arrive t'aimera toujours.

- On ne parle plus de moi, j'imagine ? C'est ce que toi et Jarod, vous vivez, n'est-ce pas ? Tu vois, c'est ce que je veux dire... Ce que vous avez tous les deux, c'est unique et très rare. Je ne crois pas qu'un jour, je puisse aimer quelqu'un autant que tu aimes Jarod.

- Ethan… elle arbora un petit sourire. Mon histoire avec Jarod est assez particulière et très spéciale. Entre lui et moi, ce n'est pas toujours parfait, mais ce qu'il fait pour moi, rend les moments, que l'on passe ensemble merveilleux et mémorable. Quand on se voyait le week-end à New-York, il faisait attention à moi, à ce que je ressentais. Il ne prenait en compte que mes désirs. Il était au petit soin pour moi. J'étais sa priorité. Il me faisait me sentir bien. Ça me manque, il me manque.

- Oui, mais comment as-tu su que c'était lui. Comment as-tu su que c'était lui et pas un autre ?

- Comment ai-je su que c'était Jarod et pas un autre homme ? Même si j'ai mis du temps à l'admettre, je l'ai toujours su au fond de moi. C'est quelque chose que je ressens au plus profond de mon être. Il n'y a pas de recette miracle pour savoir si quelqu'un est la bonne personne, il était concentré sur les paroles de Mlle Parker, essayant de lire entre les lignes. Jarod et moi, on parle énormément. Il a confiance en moi comme j'ai confiance en lui. Il me traite avec respect et ne porte jamais aucun jugement sur ce que je dis ou ce que je fais. Il veille constamment sur moi. Avec lui, je suis en sécurité, je suis une autre femme. Avec Jarod, je me sens exceptionnelle. Vraiment exceptionnelle, parce qu'à ses yeux, c'est ce que je suis. Je suis là personne la plus importante dans sa vie.

- Mais avec les autres ? Prenons Thomas, par exemple. Il ne te faisait pas te sentir exceptionnelle ? s'interrogea -t-il.

- Disons qu'il est arrivé à un moment où plus rien n'allait dans ma vie. Il m'a appris à ne pas avoir peur de mes sentiments et à ouvrir mon cœur à l'amour... Et à part Jarod, Thomas était le seul avec qui je me sois laissé aller. Mais là où ma relation avec lui diverge de celle avec Jarod, c'est qu'avec Thomas, tout n'était qu'éphémère... Je savais qu'avec lui rien ne durerait. Et puis avec Thomas, je n'étais pas moi-même. Je n'ai pas réussi à lui faire confiance. Il ne savait de moi que ce que je voulais bien lui dire. Il ne savait pas ce que je faisais et qui j'étais réellement où ce que je ressentais. Il ne posait aucune question et ça m'arrangeait… Peut-être que si j'avais eu le courage de me montrer honnête avec lui, il serait encore en vie, elle versa une larme. Tu vois, avec Thomas, c'était incroyable, mais il m'était impossible de me projeter dans un avenir quel qu'il soit, j'avais peur en permanence et j'étais tout le temps sur le qui-vive. Aujourd'hui, je n'ai plus peur. Je sais qu'avec Jarod, tout est possible.

- Tu n'aimais pas Thomas alors ?

- Attention, elle leva son index. Je ne dis pas que ce que j'éprouvais n'était pas sincère pour Tommy, j'étais très amoureuse de lui et je l'aimais. Lorsqu'il est mort, j'en ai beaucoup souffert. Mais il n'était pas mon véritable grand amour, elle secoua la tête. Non, il ne l'était pas.

- Et Jarod est-il ton véritable grand amour ?

- Oui, c'est ce que j'ai découvert, ces dernières semaines. Personne, pas même Thomas, n'a jamais fait ce qu'il a fait pour moi et jamais personne ne m'a aimé comme il m'aime. Tu sais, je viens de prendre conscience qu'être avec quelqu'un n'est pas seulement une question d'intensité. C'est aussi une question de compatibilité, de compréhension mutuelle, et de travail acharné. Ce que je veux dire par là, c'est qu'une relation amoureuse ne peut marcher que si on s'en donne les moyens. Ethan, chaque histoire est différente et vaut la peine d'être vécue, mais, on a un seul grand amour dans sa vie. Et en attendant que tu trouves la femme qui te rendra heureux, souviens-toi que tu es déjà exceptionnel à mes yeux, et que rien ne changera cela.

- Je te remercie… J'espère qu'un jour, tu m'en diras un peu plus sur ton histoire avec Jarod. Je me rends compte que je ne sais rien à ce propos. Dis-moi, Parker où es-tu allée tout à l'heure ? Avant notre départ pour l'Ohio. Quelle était cette course urgente qui ne pouvait pas attendre notre retour ? »

Ethan reposa la question à Mlle Parker sur son arrêt avant de quitter Blue Cove. Il était beaucoup trop curieux. Encore une ressemblance avec le caméléon. Elle sourit, plongeant ses mains dans son sac et fixa un instant la petite boîte rouge qu'elle glissa sur la table. Elle hésita à lui en révéler le contenu. Puis elle tendit celle-ci à son frère. Ce dernier s'en empara et ouvrit l'écrin, il en était bouche bée, ébahi, mais pas tant que ça. Il saisit tout de suite ce que ça signifiait. Et il était heureux pour elle, qu'elle se soit enfin décidée à sauter le pas. Elle admis rougissante que c'était une chose qu'elle aurait dû faire, il y a bien longtemps déja. Éclatant de rire, il comprenait mieux maintenant. Elle haussa un sourcil. « Les magazines ! »

« Alors ça y'est, Parker, tu te sens prête pour ça ? Il commanda deux autres cafés.

- J'ignore si je le suis, mais si je ne le fais pas, je le regretterai toute ma vie.

- Comment comptes-tu t'y prendre ?

- J'ai passé quasiment tout le reste de la nuit à me poser la question, de savoir, quelle serait la meilleure façon de procéder, je n'en ai trouvé aucune. Ce que je sais, en revanche, c'est que je veux explorer cette relation d'une tout autre manière. Ethan, J'ai envie de vivre avec Jarod de magnifiques expériences, comme tous les couples normaux, malheureusement, nous ne pouvons le faire si lui et moi sommes chacun de notre côté.

- Effectivement Parker, ça peut être un problème. Ça veut-il dire que tu vas enfin quitter le Centre ?

- Ça veut dire, que pour l'instant, j'envisage cette possibilité. J'attends d'abord que l'on retrouve Junior, si je pars maintenant, c'est comme si je le condamnais moi-même. Je ne peux pas faire ça.

- Est-ce la seule raison ?

- Non, en effet. J'ai demandé à Broots de faire des recherches sur notre mère.

- Quels genres de recherche, Parker ?

- Je lui ai confié la tâche de retrouver la trace de notre mère.

- Quoi ? Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?

- Parce que je veux des réponses, Ethan. Avant ça m'était égal, c'était facile de nier, de faire comme si son absence n'avait pas grande importance, ça me permettait de ne pas souffrir et puis mon père était là. Enfin, quand il était là. Aujourd'hui, tout a changé pour moi, j'ai besoin de savoir la vérité sur ce qu'il lui est arrivé pour continuer à avancer et à penser à l'avenir.

- Parker, nous ne savons pas si elle est toujours vivante ou si elle est morte.

- Elle l'est ! Je le sais, je le sens.

- Moi aussi, je veux découvrir la vérité à son sujet, connaître son passé, notre passé, mais il y a Junior et c'est à lui à qui l'on doit penser avant tout. Je ne peux pas t'empêcher de mener cette enquête, promets moi que tu seras prudente et que si tu te sens en danger, tu quitteras le Centre. Je ne veux pas que tu en fasses le sacrifice de ta vie.

- Oh, mon petit frère s'inquiète pour moi ? Je te le promets Ethan, tout se passera bien. »

Hôpital Mercy à Cleveland, Ohio

Le caméléon était en proie à la confusion. Il ne comprenait pas pourquoi Zoey pensait que lui et Mlle Parker étaient au bord de la rupture, il était vrai qu'ils traversaient tous deux une phase difficile, mais rien d'irrémédiable. Il se refusait d'y croire. Cependant, Zoey avait une perspective différente, et elle saisit l'occasion pour ouvrir les yeux à Jarod sur la relation un peu bizarre qu'il entretenait avec Mlle Parker. Elle souligna en abordant les points sensibles qui le blessèrent fortement et qui pesaient sur leur histoire. Jarod ferma ses paupières. Elle évoqua en premier lieu la présence du Centre, telle une ombre qui planait sur eux. Puis mentionna la traque continuelle, jamais il ne serait en sécurité s'il décidait de rester malgré tout avec elle. Sa famille serait en danger et d'ailleurs comment avait-elle réagi en apprenant qu'il avait une relation amoureuse avec une de leur ennemie ? Comment ne pouvait-il pas prendre en considération tous les éléments et tous les risques que cela impliquaient ? Et lui, qui prétendait être un vrai génie, comment ne pouvait-il pas voir que cette liaison était déjà vouée à l'échec ? Était-il réellement prêt à faire front et à braver tous les obstacles qui se dresseraient sur son chemin ? Et Mlle Parker, était-elle prête à faire le même sacrifice pour lui ? La réflexion de Zoey l'avait terriblement secoué, un frisson lui parcourut le dos, tout à coup, il lui semblait que l'air de la pièce s'était refroidi ou peut-être bien que la climatisation avait été déclenchée. Il soupira. Comme Zoey l'avait dit, ignorer les problèmes ne ferait que les éloigner.

« Alors que dois-je faire d'après toi ? Rompre définitivement avec Parker, c'est ça ? Je ne peux pas. Je ne veux pas.

- Jarod, la décision de rompre définitivement avec Mlle Parker est personnelle et dépend de nombreux facteurs. Je ne peux pas prendre cette décision pour toi, et je ne peux pas non plus prédire l'avenir de votre couple. Ce que je peux te conseiller, c'est de prendre du temps pour réfléchir à ce que tu veux, à ce qui te rend heureux, et à ce que tu es prêt à faire pour celle que tu aimes.

- Comment prendre une telle décision ? Tu parles d'un choix.

- Je ne sais pas, Jarod. Parle avec Mlle Parker si tu le peux et décides ce qui est le mieux pour toi. Peu importe ta décision, toi aussi, tu as le droit d'être heureux. Et tu mérites de trouver enfin le bonheur. En-tout-cas, sache que si tu as besoin de parler, je suis là.

- Merci pour tous tes conseils, en signe de gratitude, il la remercia en l'étreignant chaleureusement. Merci beaucoup. »

Alors que Jarod entourait Zoey de ses bras, Mlle Parker et Ethan firent leur entrée dans la cafétéria, sans être remarqués au début. Lorsque Mlle Parker posa les yeux sur la scène, une émotion intense s'empara d'elle : la jalousie ! Son regard était magnétiquement attiré vers Jarod et Zoey, les deux amis qui paraissaient complice. Un tremblement lui traversa le corps tout entier, son cœur se serra au point qu'elle ne pouvait plus respirer. Elle ne supportait pas que Jarod touche une autre femme qu'elle. Ça la mettait hors d'elle. Surtout pas de cette manière-là. Une pointe d'irritation prit possession d'elle, suivie d'un sentiment de vulnérabilité. Elle se sentait exclue, mise à l'écart de ce moment de tendresse entre Jarod et Zoey. C'était comme si une barrière invisible s'était érigée entre elle et l'homme qu'elle aimait. Soudain, ses poings se fermèrent involontairement, ses joues viraient rapidement au rouge vif et ses lèvres se pincèrent légèrement. C'en était trop pour elle. Voilà que maintenant, le caméléon profitait de leur séparation pour jouer les jolis cœurs ! Pourtant, elle savait qu'elle seule était responsable de cette séparation. Et elle était consciente que sa réaction était totalement disproportionnée, irrationnelle. Et que sa jalousie avait le pouvoir d'obscurcir son jugement. Cette rivalité n'avait pas lieu d'être puisque Jarod n'aimait qu'elle. Elle entendit la voix son frère lui chuchoter doucement à l'oreille : « Confiance, Parker, confiance. » Ses iris ne quittaient pas le duo enlacé tandis qu'elle scrutait chaque détail de leur étreinte, cherchant les moindres signes d'intimité entre eux, même si elle savait que leur lien était avant tout amical. Mlle Parker tenta de masquer ses émotions en croisant les bras et en affichant un sourire forcé. Cependant, ses yeux trahissaient son malaise, elle avait du mal à se contenir. À côté d'elle, Ethan observait sa sœur avec inquiétude quoique la situation l'amusait énormément. Il lui prit la main et lui lança un clin d'œil. Alors que Jarod vint à leur encontre, Mlle Parker lâcha la main d'Ethan et longea le couloir. Les deux frères se retrouvèrent.

« Je suis content de te voir, Jarod. Comment va Margaret ?

- Elle sort demain.

- Bien. Je passerai la voir tout à l'heure.

- Ça lui fera très plaisir. Ethan, je voudrais te présenter quelqu'un, il désigna Zoey, qui se tenait à proximité. C'est Zoey, une amie.

- Ravi de te rencontrer, Zoey, il regarda la rousse avec un sourire, tout en se penchant pour lui serrer la main. Jarod m'a beaucoup parlé de toi. On dirait qu'il a eu raison de le faire.

- Le plaisir est partagé, Ethan. J'ai entendu beaucoup de choses à ton sujet également.

- Oh, j'espère qu'il n'a pas dit de vilaines choses sur moi. J'ai la réputation d'être un mauvais garçon.

- Ah ?

- Excusez-moi tous les deux. »

Pendant que Zoey et Ethan échangeaient des politesses, Jarod prit discrètement Mlle Parker à part pour une conversation privée alors que le jeune cadet et la rouquine s'installèrent à une table pour se familiariser. Le courant passait entre eux. Un peu plus loin Mlle Parker remis à Jarod un porte-documents.

« Ces documents te concernent toi et ton fils. J'espère que ça te sera utile. Comment va ta mère, Jarod ? J'ai beaucoup pensé à elle, à toi.

- Rassure-toi, elle va mieux. Ici, elle est très bien soignée.

- Je suis soulagée et ravie de l'apprendre. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là.

- Merci, Parker, j'apprécie. Qu'est-ce que c'est ? C'est quoi tout ça ? Ça concerne le projet Évolution, c'est ça ? il feuilleta le dossier. Et où as-tu trouvé ça, hein ?

- Mais avec tout le reste, Jarod. Avec Ethan, on est retourné à l'entrepôt.

- À l'entrepôt ? Je lui avais strictement interdit de te ramener là-bas, Jarod tourna en rond grommelant tandis que Mlle Parker l'observait. Il est têtu, ah, il n'écoute rien de ce qu'on lui dit. Il n'en fait qu'à sa tête.

- Ne lui en veux pas, c'est moi qui ai insisté. Pourquoi tu ne voulais pas que j'y retourne ?

- Je ne lui en veux pas, c'est juste que je ne voulais pas que tu sois confronté de nouveau à ton accident.

- Mon accident ou notre dispute ?

- Tu te souviens ? il resta cloué sur place.

- Oui, c'est encore un peu confus, mais oui, je me souviens de tout. De nous deux.

- Je suis désolé pour ce qui s'est passé là-bas.

- Oui, comme tu es désolé que je te retrouve ici en compagnie de cette rousse écervelée ?

- Tu parles de Zoey ? Elle est venue dans cet hôpital pour un bilan de santé. Tu ne vas pas me faire une crise de jalousie tout de même ? Je te signale qu'avant que je ne quitte l'hôtel de New-York, tu m'as dit que tu ne voulais plus me voir. Que c'était la fin pour nous. Tu m'as demandé de m'en aller et de te laisser tranquille. Tu te souviens de ça ? Mlle Parker détourna ses yeux.

- Et toi, Jarod, tu m'as quitté sur un bout de papier. Ça aussi, je m'en souviens très bien ! répondit-elle du tac au tac.

- Non, ce n'est pas vraiment ce qu'il s'est passé, se défendit le caméléon.

- Jarod, tu m'as fais l'amour toute la nuit, tu es parti au petit matin en me laissant un mot : "c'est fini." Alors oui, c'est exactement ce qu'il s'est passé.

- Je suis désolé. » il s'appuya contre le mur, sa tête bascula en arrière.

Mlle Parker s'approcha du caméléon. Elle lui proposa de s'éloigner de l'agitation qui régnait autour d'eux, de se trouver un endroit sympa où ils pourraient parler calmement, loin des bruits incessants et des petits curieux. Jarod, indécis, sentit son corps frôler le sien. Bien que ce fut un instant très agréable pour lui, il se devait de garder la tête froide. Il s'écarta d'elle, repensant à sa conversation avec Zoey. Son esprit chercha une excuse avant de retomber dans les bras de la jeune femme et de céder à ses pulsions. Il lui fit savoir qu'il ne pouvait pas partir comme ça et quitter son poste de façon si soudaine. Toutefois devant son insistance et sa mine boudeuse, il accepta. Ils empruntèrent le couloir qui les menait vers la sortie. Là, Mlle Parker ne sachant pas comment aborder leur relation, se lança dans un autre sujet, celui de leur frère, Ethan, lui révélant qu'il se sentait très seul. Elle aurait espéré que Jarod parlerait avec lui, le guiderait, l'aiderait à surmonter la solitude qui le rongeait afin qu'Ethan puisse s'ouvrir un peu plus au monde. Elle était certaine qu'il saurait gérer la situation, mieux qu'elle. Debout, face à face devant l'hôpital, le beau caméléon manqua de s'étouffer quand elle lui suggéra de présenter à leur frère quelques-unes de ses conquêtes ou connaissances. Des filles. Des jolies jeunes femmes de son âge. L'idée le prit de court, il leva un sourcil interrogateur, stupéfait qu'elle le sollicitait d'agir en tant qu'entremetteur. Après un moment de réflexion, il sourit annonçant ironiquement, que c'était précisément ce qu'il avait fait à leur arrivée dans l'enceinte de l'hôpital. Il avait présenté Zoey à Ethan. Mlle Parker, s'enflamma aussitôt, sa réaction était instantanée : « Non, non et non, pas cette rouquine ! Je ne la supporte pas ! Et je ne veux surtout pas que notre petit frère s'en approche ! Trouve lui en une autre ! »

« Il faudrait savoir ce que tu veux. Tu me demandes de lui trouver une femme, c'est ce que j'ai fait, avec un peu d'avance, je dois le reconnaître.

- Non. Elle, ce n'est pas une femme, c'est une arriviste.

- Oh, tu exagères ! Parker, Ethan est un adulte et il a le droit de côtoyer qui il veut. On ne va pas lui interdire de voir telle ou telle personne. D'ailleurs, ils s'entendent très bien, tous les deux. Qui sait où cette belle rencontre pourrait les mener ? il se jouait d'elle. Un jour, elle pourrait même faire partie de la famille, la taquine-t-il.

- Ah, j'ai compris, la situation t'amuse. Sache mon petit génie que cela ne se fait pas de sortir avec les ex-petites amies de son frère.

- Eh bien, cela ne me dérange pas du tout, il haussa les épaules. Zoey est une personne gentille.

- Cela ne te fait rien de voir Ethan faire la cour à ton ex ? insista-t-elle. Tu n'es pas Jaloux ?

- Non, pour être jaloux, il faudrait que j'éprouve quelque chose pour elle. Les sentiments que j'avais pour Zoey appartiennent au passé. Je ne suis plus amoureux d'elle… Je dois partir. Merci pour le dossier. Je te tiens au courant. Prends soin de toi.

- Non ! Je t'en prie, attends, elle lui empoigna le bras. Je n'ai pas fini.

- Parker, je crois qu'il vaut mieux en rester là. Je vais retourner auprès de ma mère.

- Jarod, il faut qu'on parle toi et moi.

- Oui, tu as raison, mais ce n'est pas le bon moment, il commençait à s'en aller.

- Pourquoi ai-je l'impression que tu m'évites ? Tu es distant. Je suis consciente que j'ai fait n'importe quoi. J'ai très mal agi avec toi. Jarod, j'ai besoin de toi, son regard était suppliant.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? il s'arrêta et se tourna vers elle.

- Je vais rester quelques jours ici. Quand le soleil se couchera, rejoins-moi au parc, celui près de l'hôpital. Retrouve-moi vers l'étang.

- Aujourd'hui ? Cet après-midi ?

- Oui. Tu viendras ? s'enquit-elle de sa réponse.

- Je ne suis pas sûr de venir, Parker. J'ai des responsabilités ici à l'hôpital et je ne sais pas si je pourrais m'y échapper.

- S'il te plaît, Jarod, c'est vraiment important.

- Parker, je ne viendrai pas.

- Jarod, elle prit son visage entre ses mains, le regardant droit dans les yeux. Je serai au parc en fin d'après-midi. J'attendrai. Je t'attendrai et si tu ne viens pas alors je reviendrai demain, puis après-demain et les jours suivants jusqu'à ce que tu viennes.

- Pourquoi ne pas me le dire là, maintenant ? Il enleva ses mains, laissant les doigts de Mlle Parker effleuraient ses joues.

- Viens. Dis-moi que tu viendras, Jarod. Promets-moi que tu viendras.

- Je ne sais pas, Parker. »

Mlle Parker s'éloigna, son téléphone portable à la main, l'air déçue. La réponse de Jarod l'avait frustrée. Elle commença à sangloter. Et si Jarod ne venait pas ? Comment allait-elle lui dire ce qu'elle ressentait pour lui ? Son refus remettait en question ses plans. Quant à Jarod, il était complètement perdu. Un jour, elle lui annonce qu'elle ne voulait plus le voir et un autre jour, elle avait besoin de lui. Ça n'avait pas de sens. Il soupira. Ah, les femmes ! Non, il ne s'imaginait pas le moins du monde à cette requête de sa part. D'autant plus qu'il avait dû faire preuve d'une maîtrise de soi surhumaine pour ne pas la prendre dans ses bras et l'embrasser. Elle était pourtant si belle.

« Idiot ! s'écria Ethan caché derrière un arbre.

- Ethan ? Jarod sursauta. Où est Zoey ?

- Elle est repartie. Elle est chouette. Je ne voulais pas être indiscret, mais j'ai entendu la fin de votre conversation. Tu ne vas pas aller au rendez-vous ? Et moi qui croyais que votre amour se terminerait par un beau mariage, il s'avança vers lui. Je me suis trompé.

- Un mariage ? Parker t'a dit quelque chose ?

- Eh bien, elle ne m'a pas parlé de mariage en tant que tel, elle m'a juste dit à quel point elle voulait que votre relation prenne un nouveau tournant. Non, écoute Jarod, elle fait beaucoup d'efforts pour arranger la situation. À quoi tu joues avec elle ?

- Je sais Ethan et le fait qu'elle soit venue ici me touche énormément. Mais ce qu'a dit Zoey m'a fait réfléchir.

- C'est une chic fille, mais elle ne connaît rien de ton histoire avec Parker. Moi-même qui suis votre frère, je n'y comprends pas grand-chose. Jarod, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que Parker t'aime. Elle est raide dingue de toi.

- Elle t'a dit qu'elle m'aimait ?

- Si tu veux le savoir, tu sais ce qu'il te reste à faire, il lui donna une accolade. Eh Jarod, tu devrais sérieusement penser à ton avenir avec elle, parce que elle, c'est ce qu'elle fait ! »

Jarod acquiesça, Ethan avait raison, il était un parfait idiot. Pourquoi avait-il fallu qu'il écoute les conseils de Zoey ? Il avait laissé les propos d'une autre personne influencer ses sentiments et sa décision, le semant de doutes concernant sa relation avec Mlle Parker, c'était une erreur. Et le pire, c'était qu'il savait que son comportement vis-à-vis d'elle l'avait blessé, il le regrettait amèrement. Accompagné d'Ethan, il retourna à l'intérieur de l'hôpital...