Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf Simon.
Pairing et personnages pour ce chapitre : Saga x Aioros, Shura x Angelo, Mu x Aphrodite présence de tous les Ors.
Rating : T+ à M
Note : Bonjour à tous ! Merci aux fidèles lecteurs et désolée pour le retard !
Un merci particulier à ViMiKi pour avoir pris le temps de lire et de laisser un avis : je suis contente que tu aies aimé ! Bon courage à toi et plein de bonnes ondes !
Merci à Mini-Chan pour le temps que tu me consacres à chaque fois dans ton emploi du temps qui me semble bien rempli ! J'espère que ta visite aux pingouins s'est bien passée ! Cela ne me dérange pas que tu me parles des animaux et de ton travail dans les reviews, c'est passionnant ! J'imagine très bien le jeune lion fougueux qui te fait penser à Aiolia et même le vieux caracal grincheux XD Pour le chapitre, je suis contacte que tu aies eu l'impression d'y être, c'est ce que je cherche à faire passer, car je suis à fond dans l'écriture, je vis parfois vraiment les émotions que je décris, alors si ca transparait ne serait-ce qu'un peu, je suis soulagée ! Ce chapitre n'épargnera pas ton petit coeur ou palpitant, comme tu dis (et je trouve ça très poétique) avec une séquence émotion pour Angelo, mais pas que... Bonne continuation à toi et prends soin de toi !
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/!\ ATTENTION : LEMONS /!\
Si cela ne vous plaît pas, cela risque d'être un peu compliqué mais vous pourrez sauter les passages en question, ce n'est « détaillé » que pour Saga et Aioros. Les autres sont plus suggérés.
Bonne lecture à tous !
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Le Fil rouge du Destin
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Chapitre trente-deux : La passion charnelle reste la plus haute forme de quête spirituelle. Elle est un aperçu d'éternité.
(François Cheng)
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Sanctuaire
Treizième temple
Mercredi 20 septembre
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Après avoir dû relever chacun de nombreux gages ou s'obliger à dévoiler certaines vérités, les Chevaliers décidèrent que c'était assez et qu'il valait mieux passer à autre chose.
La fatigue et pour certains, l'alcool, avaient commencé à rendre les échanges un peu risqués et confus. Les confessions auxquelles quelques-uns s'étaient livrées avaient remué les profondeurs de leurs êtres, et même si tout avait été pardonné ou presque, les anciennes rancœurs pouvaient remontées, dans ce genre de contexte, et entraîner maladresses et blessures involontaires.
Ce fut Shaka qui, en annonçant qu'il allait rentrer chez lui, sonna la fin de la session Action ou Vérité.
Il était pourtant le moins fatigué et le plus sobre de tous, ne buvant jamais d'alcool, et il ne s'était pas non plus lassé du jeu, qui lui avait appris autant sur ses camarades que sur la nature humaine. Il aimait les observer, peu importait le contexte.
La raison de son départ était tout autre.
A un moment donné, il avait senti le cosmos d'Ikki près de leur Salon, mais il ne s'y était pas arrêté. Shaka en avait donc déduit que son cadet allait probablement sortir prendre un peu l'air sur le parvis du Treizième, plutôt que sur une des nombreuses terrasses de l'aile, probablement pour s'isoler et être sûr de ne pas être dérangé par ses camardes.
L'idée et l'envie de le rejoindre le prirent immédiatement, le surprenant par leur intensité.
Mais là encore, Ikki ne s'arrêta pas et poursuivit sa route, descendant de Maison en Maison jusqu'à atteindre la Sixième, celle de la Vierge.
Cette fois-ci, Shaka perçut clairement son cosmos, comme s'il s'adressait directement à lui.
Il y lut l'attente, mais décela également une certaine hésitation, encore, un peu de nervosité, également, et ce, malgré la détermination qui prévalait.
Aussi, le Sixième gardien ne s'attarda pas davantage et prit congés de ses confrères et amis, les remerciant encore pour l'excellente journée et soirée en son honneur, les souvenirs créés, ainsi que pour les cadeaux reçus.
Quand il arriva chez lui, qu'il découvrit effectivement Ikki qui l'attendait, l'accueillant avec des dizaines de bougies allumées et une délicieuse odeur d'encens qui flottait dans l'air, le silence dense simplement perturbé par le bruit de l'eau qui remplissait la baignoire en prévision d'un bain plus que bienvenu, malgré l'heure avancée de la nuit, Shaka sut que la meilleure partie de son anniversaire venait seulement de commencer.
Même si, techniquement, on était déjà le lendemain depuis quelques heures.
Et peu importait ce qui allait se passer avec Ikki, cette fin de nuit-là.
Ce qui comptait, pour lui, c'était que l'élu de son cœur fût présent à ses côtés, le regard farouche, nerveux, un peu maladroit, mais déterminé et surtout, s'en remettant totalement à lui, en toute confiance, ouvrant son cœur comme il ne l'avait jamais fait, auparavant, se mettant à nu et abaissant absolument toutes ses barrières pour lui.
Cela aussi était assurément le plus beau cadeau qu'il avait reçu, ce soir-là.
Shaka ayant donc sonné le glas de leur séance d'Action ou Vérité, le groupe se dispersa.
Certains rentrèrent se coucher, d'autres continuèrent à boire, discuter, jouer en formant des petits groupes à travers la pièce, un long moment, encore.
Plus tard, enfin, alors que la nuit était plus qu'avancée et qu'il ne lui restait que quelques heures avant d'être chassée par l'aube d'un nouveau jour, l'anniversaire de Shaka se termina définitivement avec le départ des derniers fêtards.
Même si le héros du jour était rentré chez lui, les autres avaient encore prolongé la soirée toujours dans une très bonne ambiance, qui avait caractérisée l'ensemble des festivités de cette journée, soirée et moitié de nuit.
Malgré leur fatigue, car leur journée avait été particulièrement longue et avait commencé tôt, avec le départ de Letizia et sa famille, Saga et Aioros avaient veillé sur tout le monde jusqu'à la fin, et faisaient à présent le tour pour s'assurer que personne n'avait été oublié derrière une colonnade ou sous une table, évanoui ou simplement endormi.
Après avoir vérifié de son côté, le Gémeau rejoignit son Sagittaire qu'il apercevait de dos, dans un coin du Salon, qui formait une sorte de renfoncement où, habituellement, se trouvait une petite bibliothèque qui avait disparu, Athéna seule savait où, au cours des dernières heures.
- C'est bon de mon côté, amour, il n'y avait personne et tout était rangé et propre, lui dit-il. Tout le monde semble être bien rentré.
- Pas totalement, répondit Aioros à voix basse en s'écartant pour que Saga put voir le spectacle qui s'offrait à leurs yeux.
Aphrodite, Angelo et Shura, bras et jambes emmêlés, étaient étendus à même le sol, avec quelques coussins qu'ils avaient récupéré Athéna seule savait où, cette fois encore !
- Je n'y crois pas, on est revenu seize ans en arrière ! s'exclama Saga en posant son front contre l'épaule d'Aioros un court instant. Tu te souviens, mon amour ?
- Comment oublier ? Angelo et Shura avaient neuf ans, Aphrodite huit et il venait de recevoir l'Armure d'or des Poissons, après un an d'entraînement en Suède. Ils étaient enfin tous les trois Chevaliers d'Or et ils n'avaient rien trouvé de mieux à faire, pour fêter ça, que de piquer deux bouteilles d'ouzo dans les réserves et d'en boire comme du petit lait, avant de s'écrouler.
- Ils se sont réveillés dans un état déplorable, le lendemain.
- C'est vrai qu'on les avait laissé dormir.
- C'est toi qui m'a convaincu, rappela Saga. J'étais prêt à les secouer sans ménagement par les pieds en les découvrant dans leur crique soi-disant secrète, affalés sur le sable et les deux bouteilles vides dans les mains d'Angelo. Mais toi, tu souriais avec tendresse à cette vision.
- Ils étaient tellement adorables ! se défendit Aioros. Shura tenait Angelo à sa gauche et Aphrodite à sa droite, tous deux avachis sur son torse, ses bras protecteurs autour d'eux, prêt à les défendre même dans son sommeil, même dans son état.
- Oui, c'est vrai que c'était incroyablement touchant, concéda le Gémeau. Mais c'était aussi vraiment irresponsable de leur part. Même pour des Chevaliers d'Or. Ils étaient encore des enfants, à ce moment-là... enfin, peut-être pas Angelo, après ce qu'il avait subi.
- Oui et quand bien même, tous les enfants ne pouvaient pas être aussi sages que tu ne l'étais, mon aimé, rappela Aioros en passant son bras autour de sa taille avec tendresse.
- Que nous l'étions, répliqua Saga en posant sa tête sur son épaule.
- Je le reconnais. Mais je ne pouvais pas me permettre de faire des bêtises en ayant la charge d'Aiolia.
- On en a quand même fait une ou deux, Shion s'en souvient encore. Il m'a rappelé l'histoire des pommiers, et celle des souterrains qu'on a bien failli détruire, pas plus tard que ce soir…
- Et avec moi, il a évoqué l'effraction dans la salle des Archives et notre escapade nocturne à Athènes, gloussa Aioros.
- Tu vois ! Alors oui, on a aussi fait quelques bêtises, mais c'était rare, comparé à tous les coups tordus de ces trois-là. Ils nous en ont fait voir de toutes les couleurs ! Leur entente et leur complicité étaient aussi remarquables et dangereuses en prévision des combats à venir, que dans les bêtises qu'ils faisaient, avec toujours plus d'imagination. Et encore, Shura tempérait beaucoup leurs ardeurs et la propension des deux autres à la curiosité et la désobéissance.
- L'amitié qui les lie est vraiment magnifique, depuis toujours. Même si cela s'est quelque peu atténué, aujourd'hui, enfants, ils avaient une relation totalement fusionnelle.
- Elle n'a cessé de se consolider, toutes ces années terribles. Et elle leur a sauvé la vie, notamment celles d'Aphrodite et d'Angelo.
- Je suis heureux qu'ils aient partagé cela, durant la vie difficile qu'ils ont menée, sourit le Sagittaire. Et de les voir ainsi, aujourd'hui, après tout ce qui s'est passé, malgré les liens forts qu'ils ont tissé à côté… cela me réjouit vraiment. Je l'ai déjà dit, tout à l'heure et je le répète.
- Je comprends, moi aussi, je ressens la même chose, soupira Saga.
- Hey, les petits vieux, c'est pas bientôt fini de radoter ! grogna Angelo sans ouvrir les yeux.
- C'est d'un ennui… soupira Aphrodite à son tour.
Les deux aînés sourirent en échangeant un regard amusé.
- On vous pensait complètement faits.
- On a plus neuf ans, vous avez oublié à qui vous parlez ! Ma ahiii !
Shura venait de se redresser pour frapper Angelo.
- C'est toi qui oublies où on est et à qui tu t'adresses, un peu de respect ! Désolé, Saga, Aioros, on va rentrer… s'excusa-t-il ensuite.
- Où tu vas ! l'arrêta Angelo en l'attirant pour qu'il revienne dans ses bras, alors qu'il se levait. Reste-là.
- On a que trop tardé, levez-vous, tous les deux, on rentre.
- Bouge pas, je vais nous téléporter tous les trois chez toi.
A ces mots, Aphrodite se redressa immédiatement.
- Hors de question ! Je préfère même descendre les escaliers jusque chez moi en roulant !
En effet, Angelo ne pouvait téléporter que vers et depuis le Puits des Morts.
Il fallait donc forcément y passer pour rejoindre la destination qu'il voulait.
- J'ai envie de marcher, annonça Shura en réussissant enfin à se dégager pour se lever.
Alors, Angelo se leva à son tour en grommelant et se frottant le crâne férocement.
- Vous êtes pas drôles, les gars.
- Vous pouvez rester dormir ici, tous les trois, proposa Aioros, souriant toujours.
- Il y a des chambres un peu partout, rappela Saga, n'hésitez pas. Enfin, Aphrodite, tu es peut-être attendu chez toi…
- Tu veux bien arrêter de fourrer ton cosmos partout, Saga Grand Pope des Gémeaux ? grimaça le Douzième gardien en se recoiffant tant bien que mal.
- C'était juste une supposition. Et nous n'avons pas encore été introduits Popes.
- Ce n'est qu'une formalité, assura Shura.
- Hey ! intervint le Cancer, les faisant presque sursauter, si Saga pas encore Pope des Gémeaux a vu juste, y a vraiment un petit mouton qui attend son fourrage au Douzième !
- Angelo !
- Oh ça va, Papy centaure qui joue avec des glaçons sous la couette, je sais très bien qu'il en faut plus pour te choquer ! ricana le Quatrième gardien face à son aîné du Neuvième.
Aioros leva les yeux au plafond.
Il se doutait bien qu'en faisant cette confession, il risquait d'en entendre parler encore longtemps après la fin du jeu.
- C'est pas une raison pour débiter tes âneries ! fit remarquer Aphrodite en le frappant.
- Ma ahiii !
- Encaisse en silence, si tu ne veux pas t'en prendre une autre !
- Et tu laisses faire, toi ? protesta-t-il en se tournant vers son Capricorne impassible.
Et qui haussa simplement les épaules.
- Vous êtes sacrément en forme pour des gamins qui gisaient au sol à moitié morts, il y a quelques minutes, remarqua Saga, toujours en souriant.
C'était impossible de ne pas le faire devant un tel spectacle.
- Et un peu trop agités, grogna Shura. Saga, Aioros, encore désolé, et bonne nuit. Allons, tous les deux, on a assez dérangé comme ça, en route ! Dépêchez-vous.
- Roger ! répondirent-ils en chœur avec un salut militaire.
Si Angelo avait été le protecteur, partageant ce rôle avec Shura, celui-ci avait toujours été le guide, la voix de la raison, celle à suivre.
Cette fois-ci ne fit pas exception.
La fatigue aidant, les deux hommes obéirent à leur meilleur ami et aîné sans discuter plus avant.
Saga et Aioros fermèrent le Salon et les escortèrent jusqu'au parvis où ils se saluèrent, puis les regardèrent s'éloigner en souriant toujours à la vision qu'ils offraient, car ils se taquinaient encore dans les escaliers, se tenant et se poussant entre eux.
Aphrodite sauta même sur le dos de Shura qui le porta sur une petite distance, avant qu'Angelo ne le fit descendre... en le faisant léviter.
- Est-ce qu'on reste dormir ici ou on rentre chez moi, amour ? demanda Aioros en enlaçant Saga, lorsqu'ils sortirent de leur champ de vision.
- On peut descendre doucement jusqu'au Neuvième, de cette façon, on pourra faire la grasse matinée demain sans se soucier des gens autour, ni du personnel. La journée a été vraiment très longue et riche, elle serait méritée.
- Tu as parfaitement raison. Une grasse matinée et des câlins sous les draps, le meilleur des programmes, un avant-goût de nos vacances en amoureux… soupira Aioros, rêveur. Allons-y, rentrons.
- Encore un instant, mon aimé… le retint Saga, alors qu'il se détachait de lui.
Attendri, le Sagittaire stoppa son élan et se laissa enlacer par son compagnon, accédant à sa requête.
- Tout va bien, amour ? murmura-t-il au creux de son oreille, car ils étaient joue contre joue.
Saga frissonna et se blottit plus fort contre Aioros, leurs corps étroitement enlacés s'épousant parfaitement.
- Oui… Je suis simplement heureux de la vie que nous avons, tous, chacun de nous est enfin heureux.
- Tu penses plus particulièrement à Aphrodite.
- Pas uniquement, mais principalement, oui. Je peux enfin t'aimer sans culpabilité ni retenue par égard pour lui. Pouvoir te toucher ce soir sans craindre de le blesser, te voler un baiser peu importe qui nous surprenait, en avoir même échangé un très langoureux devant tout le monde en ne récoltant que tendres taquineries... Et durant le jeu commun, les autres ont pu nous poser des questions très intimes auxquelles nous avons pu répondre, en en choquant certains, certes, mais en ne blessant personne, encore une fois. C'était vraiment parfait.
- C'est vrai, reconnut Aioros en caressant son dos sous sa longue chevelure dorée. Je sais combien cela te pesait, je suis heureux que tu en sois enfin libéré.
Saga s'écarta légèrement pour le regarder dans les yeux.
Il caressa sa joue de ses doigts repliés avec une infinie tendresse.
- Je vous aime, cher Chevalier du Sagittaire.
- Il en est de même pour moi, Premier Gardien de la Maison des Gémeaux, répondit-il en tournant légèrement son visage pour atteindre son poignet, sur lequel il déposa un baiser appuyé.
Ils se sourirent, complices et échangèrent un nouveau long regard.
Celui-ci se teinta peu à peu d'envie, se chargea de désir, alors que les yeux glissaient vers les lèvres, elles-mêmes mordillées pour tenter de contenir la vague qui montait et menaçait de les emporter.
Finalement, la tentation fut trop forte pour l'un comme pour l'autre.
Impossible de savoir qui des deux amorça le premier mouvement, mais la courte distance entre leurs visages soudain disparut.
Le baiser qui suivit fut doux et tendre, quelques secondes, avant de devenir plus passionné, plus affamé, même, alors que les mains agrippaient des poignées entières de cheveux sous l'intensité de l'échange.
Ils le rompirent avec difficulté pour se calmer, mais restèrent étroitement enlacés, reprenant leurs souffles, front contre front.
La tête de Saga glissa jusqu'à l'épaule d'Aioros sur laquelle elle s'appuya, alors que ce dernier repassait tendrement sa main dans dos, encore une fois
Mais la douce et tendre étreinte qu'ils arrivèrent à instaurer changea elle aussi bien vite de nature, lorsque le souffle du Gémeau commença à se promener du creux de l'épaule d'Aioros jusqu'à sa mâchoire, le long de son cou offert, suivit d'une pression de lèvres gourmandes ou de morsures taquines.
C'était impossible pour lui de résister à cette peau chaude juste sous son nez, à portée de lèvres, à ce pouls qu'il sentait pulser sous elles, et dont il savait pertinemment que le sang qui y battait était chargé de désir pour lui, à cet instant.
Face à ces délicieuses attentions, la tension ne manqua pas de remonter d'un cran, aussi, Aioros se détacha, bien qu'à contrecœur.
- Saga, mon aimé, il est plus que temps de rentrer, je ne vais pas tenir bien longtemps, si tu continues comme cela…
Il lui avait pris la main pour l'entraîner sur le chemin du retour, mais Saga ne bougea pas.
- Non.
Aioros n'eut pas le temps de poser ne serait-ce qu'un début de question.
Saga l'attira contre lui d'un mouvement sec et l'embrassa sans plus de cérémonie.
La surprise d'Aioros ne dura qu'un bref instant, celui de l'impact de leurs corps et de leurs lèvres réunies brutalement par le mouvement soudain de son Gémeau.
Il referma presque immédiatement ses bras autour de sa nuque, autant pour les stabiliser que pour répondre à ce baiser un peu brusque, certes, mais délicieux dès les premières fractions de secondes.
Tout en dévorant la bouche de son amour à lui en couper le souffle, Saga le poussa à reculer jusqu'à une colonnade éloignée du parvis, à l'abri des reflets argentés de la Lune qui le baignait d'une douce lumière.
Il l'y plaqua durement et pressa son corps contre le sien.
- Saga, amour…
- Chuuuut… le coupa-t-il entre deux baisers, tout en faisant onduler leurs corps dans un mouvement de plus en plus suggestif.
Aioros parvint à reprendre sa respiration lorsque Saga libéra ses lèvres marquées pour s'attaquer à son cou, léchant sa peau jusqu'à la jonction entre ses clavicules, qu'il mordilla amoureusement.
Dans le même temps, ses mains s'attelèrent à défaire leurs vêtements pour se frayer un chemin vers la zone convoitée.
- Mon amour, tenta encore Aioros, on est…
La bouche de Saga de nouveau sur la sienne autant qu'une caresse plus poussée et intime l'empêchèrent de poursuivre sa phrase.
Le nouveau baiser de Saga et ses mouvements contre lui, sur lui et en lui, eurent tôt fait de déconnecter définitivement ses neurones encore en fonction.
Il se laissa gagner par son urgence, submerger par sa passion dévorante, tant et si bien qu'il se retrouva très vite à supplier pour plus, aussi bien contre ses lèvres, entre deux baisers, que dans sa tête.
Cet appel résonna dans l'esprit de Saga et son écho vibra dans chaque partie de son être, chaque cellule qui le composait.
Il releva la jambe d'Aioros contre sa hanche et sa bouche tout contre son oreille, lui demanda son accord.
Recevant une énième supplique en réponse, il plongea sans plus tarder puissamment en lui.
Aioros s'accrocha à son Gémeau et mordit son épaule pour retenir un léger cri de douleur.
La préparation sommaire et rapide ne lui permettait pas d'accueillir Saga sans elle, mais il s'y attendait, il l'avait voulu et par tous les Dieux ! il en avait vu d'autres…
Et surtout, il savait qu'elle ne durerait pas.
En effet, après avoir embrassé ses lèvres comme une excuse, Saga se retira lentement avant de se glisser à nouveau en lui, une fois, deux fois, et à partir de la troisième, avec une fougue et une intensité retrouvées et renouvelées, dès lors qu'il reçut l'accord et surtout, l'ordre de son Sagittaire de continuer sans retenue.
Une main plongée dans les mèches soyeuses de son Gémeau et l'autre crochetée à son épaule, Aioros ne ressentit rapidement plus de douleur mais que du plaisir.
Un plaisir brut, instinctif, animal, viscéral.
Même son dos qui heurtait et frottait le marbre froid et poli de la colonne contre laquelle Saga le projetait ne le blessait pas.
Il accueillait et acceptait tout, il voulait tout et plus encore.
Malgré la passion et la fougue qui les emportaient, le Gémeau n'oublia pas un instant d'être attentif à son Sagittaire : il avait glissé sa main libre autour de la tête d'Aioros pour l'empêcher de cogner contre la pierre millénaire.
Cependant, ses doigts se refermaient parfois un peu durement sur ses mèches de bronze, les tirant, lorsqu'il était saisi par un mouvement, un souffle ou un gémissement contre son oreille, une réaction ou une contraction d'Aioros, une pensée partagée, qui l'amenaient chacun au bord du précipice à sa façon.
Aucun des deux amants passionnés ne voulait voir la fin arriver, ils étaient si parfaitem..ent connectés, leurs corps et leurs pensées unis, leurs cœurs battant de concert, leurs âmes et leurs cosmos en résonance totale, la fusion de leur être était complète.
Si seulement ce moment pouvait durer à jamais !
Ou simplement un peu plus.
Juste encore un peu…
Mais c'était impossible.
Cela ne pouvait pas durer.
Cela ne devait pas durer.
Et ils en étaient douloureusement conscients.
Entre les limbes du plaisir, la réalité reprit ses droits.
Étouffant leurs gémissements et leurs cris par des baisers brûlants ou des doigts mordillés férocement, Saga les mena bien malgré lui vers la fin où ils explosèrent tous les deux dans un ensemble parfait, en un embrasement de cosmos qu'ils avaient appris à maîtriser, fort heureusement vu l'endroit où ils se trouvaient.
Haletant, Saga reposa doucement la jambe d'Aioros au sol et le libéra, mais sans trop s'éloigner encore.
Son autre main caressa ses cheveux dans lesquels elle était toujours plongée, avant de la faire descendre doucement jusqu'à son épaule où elle s'immobilisa, l'enveloppant tendrement et la caressant du pouce.
Le souffle court, ils échangèrent quelques baisers papillons, frottèrent amoureusement leurs visages l'un contre l'autre, se remettant doucement de la tempête qu'ils venaient de traverser.
- Je t'aime, murmura Saga en posant son front contre celui d'Aioros, une main au creux de ses reins qu'il frictionnait tendrement. Est-ce que ça va ?
- Je me sens très bien. Et je viens de retomber amoureux de toi, mon aimé, répondit-il d'une voix un peu rauque. Encore.
- Je ne vais pas m'en plaindre, d'autant plus que cela m'arrive aussi régulièrement, donc je suis à même de comprendre, sourit-il contre ses lèvres, qu'il embrassa encore tendrement et chastement.
Aioros soupira d'aise.
- Je ne sais pas ce qui t'a pris, mais c'était parfait ! Surprenant et inattendu, mais parfait ! Je t'aime tellement…
- Je t'aime, réaffirma Saga en reculant le visage pour le regarder dans les yeux. Voilà exactement ce qu'il m'a pris. On a été très occupés et fatigués, ces derniers jours. Je voulais juste te rappeler que je suis fou de toi et de ton corps, et que la plus petite étincelle peut nous embraser. Et là, en l'occurrence, la manière dont tu as pressé tes lèvres sur l'intérieur très sensible de mon poignet, comme tu le sais, et celle dont tu m'as regardé, l'éclat particulier dans tes yeux, cela m'a fait perdre toute retenue.
Aioros caressa tendrement sa joue du revers de sa main.
- J'ai apprécié la démonstration, même si je le savais déjà. Mais il est vrai que nous avons été si sages et responsables, ces derniers temps, que j'avais presque oublié que tu pouvais te montrer aussi peu raisonnable en prenant ce genre de risque et d'initiative.
- Dit celui qui, il y a quelques jours à peine à la Villa, m'a rejoint sous la douche pour me faire subir de merveilleux outrages, alors que nos amis nous attendaient juste en bas pour l'apéro.
- Justement, sourit Aioros en frottant son nez contre le sien, en la prenant à deux, on a été plus vite !
Saga laissa échapper un petit rire et saisit sa main pour y déposer un baiser.
- Pas vraiment, amour, mais elle était effectivement plus appréciable. J'ai adoré. Comme à chaque fois que tu fais ce genre de choses…
- Tant mieux, car je ne compte pas m'arrêter, j'aime autant te surprendre que quand c'est toi qui… m'assailles.
- Je t'assaille, vraiment ? s'amusa Saga du choix du mot.
- Oui, tu me prends d'assaut comme une forteresse dont tu aurais trop fait longtemps le siège.
- J'aime assez l'image, elle me parle bien.
Ils partagèrent un sourire complice et amoureux, puis un nouveau baiser, doux et tendre, avant de s'écarter pour se nettoyer un peu et se réajuster complètement.
Aioros s'étira longuement, sous les yeux de Saga qui le couvait d'un regard où le désir était toujours présent, même apaisé.
Le Neuvième gardien sourit et se glissa derrière son Gémeau pour l'enlacer, dos contre son torse, et posa le menton sur son épaule, faisant alors tous deux face au Grand escalier qui serpentait sombrement jusqu'au Douzième temple en contrebas.
- C'était vraiment trop bon, mon amour… soupira-t-il contre son oreille. Je crois que j'ai déjà envie de recommencer, malgré la fatigue.
Saga releva une main pour la glisser sur la nuque d'Aioros, l'autre se posant sur les mains nouées sur son ventre.
- Tu crois ? murmura-t-il en appuyant sa joue contre la sienne.
- Non, j'en suis sûr, corrigea le Sagittaire en se détachant à regret après un baiser sur sa tempe. Rentrons à la maison, avant que ce ne soit moi qui te plaque contre une colonne.
- Je ne serai pas contre, mais nous avons assez joué avec les limites de la décence pour cette nuit, alors qu'Athéna est présente au Sanctuaire et pas très loin, qui plus est.
- Je suis d'accord.
- Allons-y, mon aimé, une très belle fin de nuit nous attend. Ce n'était qu'une entrée en matière.
Aioros hocha la tête et main dans la main, ils quittèrent enfin et sagement le Treizième temple.
Quelque part dans une aile de ce même Temple, dans une chambre au lit immense, enlacés face-à-face au creux de ce dernier, deux hommes se regardaient, l'un gloussant, l'autre soupirant.
- Nous allons peut-être enfin pouvoir nous rendormir, maintenant, murmura Shion en retenant un bâillement. Vraiment, ces deux-là, mais quelle idée, presque juste sous nos fenêtres !
- Je la trouve excellente, moi, s'amusa Dokho. D'ailleurs, puisqu'ils nous ont réveillé, autant en profiter, j'en ai de bonnes, moi aussi… continua-t-il en disparaissant soudain sous les draps.
- Qu'est-ce que… Dokho, où est-ce que tu… attends… Que… Do… Dokho !
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Un peu plus tôt
Maison des Poissons
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Lorsqu'Aphrodite retrouva sa chambre après une bonne douche, Mu était effectivement dans son lit.
C'était la première fois qu'une telle situation se présentait, ils n'avaient jamais vraiment pu dormir ensemble au Sanctuaire.
Même en prétextant n'être qu'amis, c'était devenu dangereux, au fil du temps.
Ils s'étaient donc contentés de micro-siestes plus ou moins coquines, lors de leurs escapades diurnes, et ne passaient des nuits entières que lors de leurs séjours à Jamir.
Mais pour ne pas éveiller les soupçons, malgré la complicité de Shaka, ceux-ci n'avaient été qu'au nombre de deux et pour quelques jours, seulement.
Ce qui était déjà très bien, car Aphrodite avait beaucoup appris lors de ces voyages.
Le tantrisme, comme annoncé par Mu, mais aussi beaucoup d'autres aspects de la philosophie bouddhiste qui lui avaient donné une forme de sérénité.
Même si lui pensait plutôt le devoir à Mu et le bonheur qu'il lui apportait qu'à Bouddha...
Mais là, enfin, il rentrait chez lui et retrouvait son amoureux, son amant, son partenaire de vie, sans craindre de trahir la nature exacte de leur relation auprès des autres.
Une vague de bonheur et d'amour le submergea et lui coupa le souffle.
Il n'avait plus à la cacher, mais il devait tout de même se calmer.
Il prit donc une grande inspiration en posant sa main sur son cœur, puis se glissa sous les draps.
Alors qu'il se demandait s'il devait prendre le risque de réveiller Mu en l'enlaçant, ce qu'il avait terriblement envie de faire, ou le laisser tranquille, celui-ci se tourna vers lui en ouvrant les yeux.
- Je t'ai réveillé, désolé, honey, s'excusa Aphrodite.
Mu se lova dans ses bras.
- Je ne dormais pas profondément.
- Tu m'attendais ? Je suis désolé d'avoir tant tardé, dans ce cas…
- Si tu avais été avec n'importe qui d'autre que Shura et Angelo, j'aurais râlé. Mais tu avais besoin de passer du temps avec eux, cela fait longtemps que vous n'avez pas partagé un moment comme ça, tous les trois et sans rien avoir à se cacher. Votre petite discussion à la Villa n'était pas assez.
- Tu as raison, ça nous a fait du bien de finir la soirée que tous les trois dans notre coin. On a fini par s'assoupir, mais avant d'en arriver là, on a quand même bien ri et pas mal discuté, encore. Merci de ta compréhension et de ta patience.
- Tu as eu les mêmes à mon égard, toutes ces semaines ou je t'ai imposé de garder le secret.
- Tu ne m'as rien imposé, tu m'as demandé et j'ai accepté, protesta Aphrodite en passant tendrement sa main dans ses cheveux et le long de son dos nu. C'est très différent.
- C'est vrai.
Aphrodite glissa un peu dans le lit pour être à la hauteur de Mu et pouvoir le regarder dans les yeux.
Malgré le fait qu'ils étaient embrumés de sommeil et de fatigue, ils ne se lâchaient pas, profondément ancrés, verrouillés au regard de l'autre.
- Mon cœur a-t-il aimé jusqu'ici ? Non ; jurez-le, mes yeux ! Car jusqu'à ce soir, je n'avais pas vu la vraie beauté, murmura Aphrodite avec un doux sourire. (1)
- Dois-je t'appeler Roméo ? le taquina Mu pour cacher un peu son émotion.
- Non, j'aime le surnom que tu me donnes. Et tu n'as rien d'une Juliette non plus ! Tu es un million de fois mieux qu'elle, en tout.
- Merci pour cette citation, Alfiye. Ces mots venant de toi ne sont pas anodins.
- Je le ressens vraiment, tu sais. Oui, j'aimais profondément et douloureusement Saga, mais… le véritable amour réciproque est au-delà de tout. Je croyais aimer Saga de la façon la plus absolue qui soit. Mais je découvre chaque jour avec toi une nouvelle facette de l'amour, qui me comble comme jamais. Je riais jaune en lisant que l'amour donnait des ailes, car je n'avais jamais ressenti cela, avec Saga, bien au contraire. J'avais l'impression d'avoir d'énormes boulets aux pieds qui m'enfonçaient toujours plus et m'empêchaient d'avancer. Alors qu'avec toi, je ne touche plus terre depuis un moment !
- Tu penses sûrement encore que Saga était ton premier amour, un premier amour impossible. Mais malgré cela, tu es retombé amoureux. Ce nouvel amour s'est concrétisé dans la réciprocité, ce qui t'a permis de découvrir vraiment ce qu'est un premier amour et surtout, le véritable amour. Saga est la première personne que tu as aimé, mais je suis ton premier véritable amour, Aphrodite. Mais si tu n'adhères pas à ma vision des choses, alors soit, Saga est et restera ton premier amour. Permets moi d'être ton premier amoureux, dans ce cas.
- Peu importe ce qui fût, c'est toi qui me l'as appris. Tu es aujourd'hui mon seul et unique amour, honey. Et tu seras le dernier, j'en suis certain. Je ne sais pas d'où me vient cette certitude, cela te paraît sûrement fou, mais…
Mu lui donna un doux baiser pour lui assurer qu'il partageait son avis.
- J'étais en train de mourir, quand tu m'as ramené à la vie par ta proposition, en entrant de cette façon dans la mienne, poursuivit Aphrodite après ce tendre échange. Sans mon poison, je ne cessais de me demander ce que je faisais encore au Sanctuaire. Un Chevalier des Poissons sans poison, que peut-il bien garder et protéger ? Comme je l'avais dit à Kanon ce jour-là, envoyer des bouquets de roses n'a jamais tué personne, que je sache…
- Ton pouvoir et ta puissance ne se résument pas à ton poison, Aphrodite, toutes tes roses et tes attaques ne reposent pas sur lui. Tu es un grand Chevalier, même sans cela. Tu es redoutable au corps à corps, déjà, bien que tu n'aimes pas cela.
- Peut-être, mais ce n'est pas suffisant pour un Or, tu le sais bien. Même si Kanon m'a rassuré également à ce sujet, je doutais beaucoup. Je me sentais déjà un peu seul, avec tous ces couples se formant et batifolant autour de moi, même si j'étais content pour eux… Mais avec cette nouvelle concernant mon poison, j'ai en plus ressenti un vide. Et mon inutilité s'est ajouté à ma solitude. Malgré l'amitié précieuse témoignée par tous, les nouvelles et les anciennes, malgré la possibilité qu'Athéna puisse faire quelque chose pour mon poison, en cas de conflit… j'ai passé deux nuits et deux jours difficiles à me demander si je devais vraiment rester au Sanctuaire, si j'y avais encore ma place.
- Je peux le comprendre. Mais tu aurais pu nous en parler, que ce soit à Angelo ou Shura, Shaka ou moi. Nous sommes devenus suffisamment proches pour cela, non ?
- Bien sûr. Mais je n'ai pas eu à le faire, expliqua-t-il en posant sa main sur sa joue. Je ne sais pas si tu as senti ou compris ce que je ressentais, mais tu es intervenu au bon moment.
- Comme je te l'ai dit, le jour où nous sommes devenus amants, je craignais que tu n'acceptes la proposition de Minos et je voulais que tu saches qu'il y avait une alternative à celle-ci. Je ne savais pas encore que tu avais bien d'autres choix, sans ton poison.
- J'ai fait le meilleur.
- Tu m'as aussi répondu cela, ce jour-là, mais tu n'avais pas encore testé d'autres possibilités. Tu ne l'as jamais fait, d'ailleurs.
- Je n'ai pas eu à le faire, comme je l'avais prédit. Tu m'as tout apporté dès notre première étreinte. J'ai su tout de suite que j'aurais tout avec toi : je me suis senti désiré, respecté, aimé, d'une certaine façon, car nous sommes deux amis proches.
- Nous pouvons aimer de différentes façons, en effet.
- C'est ce que j'ai ressenti. J'ai eu la passion, la tempête, le chavirement des sens dont j'avais aussi cruellement besoin, et peu à peu, au fil les jours, des étreintes, des échanges, tu m'as apporté l'oubli. Je pensais de moins en moins à Saga, le pincement au cœur en le voyant avec Aioros ou même seul diminuait jusqu'à avoir complètement disparu, aujourd'hui, et depuis un moment. Ton visage, ta présence, ton cosmos, tout de toi a fini par emplir chaque partie de mon être. Et moi qui ne voulais pas aimer, plus jamais, qui étais si terrifié de retomber là-dedans et de souffrir… je me suis noyé dans un océan d'amour pour toi. Je t'aime tellement que j'en tremble… s'amusa-t-il avec un petit rire gêné en tendant sa main, effectivement prise d'un léger tremblement, devant eux.
- Je ne m'attendais pas à un tel résultat, en déclenchant tout ça, mais j'en suis heureux, assura Mu en lui prenant la main. J'espère que tu ne m'en veux pas.
- Je t'en voudrais, si tu m'abandonnes après m'avoir rendu comme ça.
- Ce n'est aucunement mon intention.
- Que ça ne le soit pas pour les 18 prochaines années me convient, tu pourras faire ce que tu veux après ! Enfin, tu m'avais déjà dit que tu continuerais à vivre dans mon souvenir, après mon départ, mais… si tu peux être heureux avec quelqu'un d'autre, même si je suis quelqu'un d'égoïste et d'egocentrique, je t'aime suffisamment pour te le souhaiter.
Mu ne répondit rien et amena la main d'Aphrodite qu'il tenait toujours jusqu'à ses lèvres pour embrasser ses doigts repliés.
- Merci d'être venu à moi, Mu. Merci de m'avoir sorti de ce désespoir qui menaçait de m'engloutir. Par ton amitié, tout d'abord, puis en partageant ton intimité avec moi. Et enfin, en m'aimant. Je trouvais ça un peu exagéré quand Angelo me disait qu'un simple regard de Shura le faisait se sentir vivant et légitime, jusqu'à ce que je l'expérimente avec toi. C'est grisant, comme sensation.
- Tu mérites ta place parmi nous et également, à mes côtés, pour partager ma vie.
- Je sais, même si j'en doute encore parfois. Mais aujourd'hui ce qui compte, c'est de t'avoir auprès de moi. Parfois, c'est vrai, je suis pris de panique et de terreur à l'idée que tout puisse…
Le Bélier posa deux doigts sur la bouche d'Aphrodite pour l'empêcher de terminer sa phrase.
- Chaque jour offert par les Dieux grâce à la Princesse Athéna est un cadeau, Alfiye. Vivons-les chacun l'un après l'autre sans nous soucier de celui qui arrivera ensuite. Ne laisse pas la peur de ce qui n'adviendra peut-être jamais te gâcher le moment présent qui t(appartient.
- Oui, tu as raison. Pardonne-moi, nous avons pourtant déjà eu cette conversation, il y a plusieurs semaines…
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Flash back
Début août.
Un chalet, quelque part dans les Alpes suisses.
Allongés sous les draps, face à face, les deux hommes se regardaient simplement, dans un silence confortable et intime.
- Tes yeux sont vraiment magnifiques, Mu. Je pourrais passer des heures plongé dedans sans me rendre compte du temps qui passe, du monde qui continuerait pourtant de tourner autour. J'ai l'impression de regarder un univers tellement dense et lumineux ! C'est fascinant, hypnotique…
- Je préfère les tiens. Ils me font penser au ciel d'été que l'on peut observer à Jamir, lorsque l'on est sur les hauteurs. Le bleu est si pur et lumineux, sans aucun nuage, on a envie de tendre la main car l'illusion de pouvoir l'atteindre est grande. On l'imagine si doux… Comme le regard que tu poses sur moi, en ce moment.
Aphrodite sourit et posa sa main sur la joue de son cadet, qui savoura la caresse en se frottant à la paume chaude contre sa peau.
Puis il soupira, mais d'une manière qui interpella Mu.
De même l'angoisse qu'il percevait à présent et qui perturbait le cœur et le cosmos de son aîné.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-il en prenant sa main pour la serrer avec tendresse, pressant les deux contre son cœur.
- Quand tu me regardes, parfois, comme à l'instant, avant l'inquiétude que je t'ai causé… je me sens important, tout d'un coup. Comme si moi-même, je valais quelque chose. J'ai peur du jour où tu détourneras les yeux… avoua-t-il en se redressant.
Mu suivit son mouvement et prit son visage en coupe entre ses mains pour le tourner vers lui, qu'ils puissent se regarder à nouveau.
- Aphrodite, pourquoi craindre un avenir qui n'existe pas et n'existera peut-être être jamais ? Ne t'enferme pas dans ton monde de doutes et de craintes, c'est dans celui-ci que nous vivons.
- Oui, je sais. Vous m'apprenez patiemment à le faire, à habiter le moment présent, Shaka et toi. J'y arrive plutôt bien. Mais c'est juste que tu es devenu si important pour moi… Et c'est bien connu, plus on s'attache, plus la peur de perdre est grande !
- Mais aujourd'hui, je te vois, je te regarde, tu te sens bien et heureux, non ?
- Pleinement.
- C'est tout ce qui compte, Alfiye. Ne gâche pas le présent qui nous appartient et qui est si concret. Ça, poursuivit-il en effleurant ses lèvres des siennes, et ça, ajouta-t-il en posant sa main sur son propre cœur, celle d'Aphrodite sur le sien, c'est notre présent. Ici, et maintenant, toi et moi.
- Tu as entièrement raison, je suis désolé, Mu, soupira-t-il en secouant la tête.
Comme pour chasser ses sombres pensées parasites.
- Le bonheur est une décision de chaque instant, n'oublie pas. Quand le futur deviendra présent, on s'en inquiètera, s'il le faut. Mais pour l'heure… on a bien mieux à faire, tu ne crois pas ?
Aphrodite hocha la tête en souriant, et se laissa entraîner par son cadet vers une nouvelle étreinte.
Décidément, il le menait vraiment à la baguette !
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Fin du flashback.
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- Je te promets que c'était la dernière fois.
- Tu ne dois pas me faire ce genre de promesse, répliqua Mu. Celle que j'attends de toi, c'est qu'au contraire, au moindre doute, tu m'en parles. Tu veux bien faire ça pour moi ?
- Oui, répondit-il sans hésiter.
Mu sourit, satisfait, et alors qu'Aphrodite comblait le faible écart entre eux pour l'embrasser, il détourna le visage pour bailler.
- Désolé, Alfiye.
- C'est moi qui le suis, il est très tard… On devrait dormir. Je ne suis pas certain que Kiki nous laissera faire une grasse matinée, demain… Enfin, tout à l'heure, il est bientôt 4 heures...
- J'ai parlé à Seiya, tout à l'heure. Non seulement Kiki dort avec lui, mais il va également l'emmener je ne sais où toute la matinée. On ne le verra pas avant le déjeuner, et encore…
- Il ne va pas vouloir venir te saluer avant de partir ?
- Je compte sur Seiya pour le convaincre qu'une petite entorse à son rituel n'est pas dramatique, de temps en temps, surtout quand son Maître doit dormir après une longue journée et une soirée agitée. Ça devrait aller, jusqu'à au moins midi.
- Et bien dans ce cas… allons saluer Morphée !
Mu retrouva sa place contre le torse d'Aphrodite, le nez contre son cou.
- Bonne nuit, Alfiye.
- Bonne nuit, mon cœur.
- C'est nouveau, ça, tout comme le « honey », d'ailleurs, que tu as employé tout à l'heure, fit remarquer Mu sans ouvrir les yeux.
Mais par leur position, Aphrodite pouvait sentir que ses battements de cœur s'étaient légèrement accélérés.
- Je me retenais avant, de peur que cela ne m'échappe devant les autres. Cela te déplaît ?
- Non, c'est parfait, j'aime beaucoup.
- Tant mieux, alors... honey.
Il déposa un baiser sur le sommet de sa tête, entre ses mèches soyeuses, et ferma les yeux en attendant que Morphée vint le cueillir.
Mais apparemment, il avait loupé le coche.
Les doigts de Mu qui caressaient toujours délicatement son torse lui disaient qu'il n'était pas le seul.
Le Bélier releva d'ailleurs son visage vers le sien pour le regarder.
- Dis, Alfye…
- Oui, mon cœur ?
- Est-ce que tu as déjà fait l'amour derrière une cascade ?
Cette question incongrue surpris l'aîné, qui cessa un instant de caresser l'épaule nue de sa main.
- Comment ? Mais non, jamais !
- C'est assez particulier, comme expérience. Tu es au cœur des éléments, tu sens le grondement et la force de la nature, ce qui rend l'union de deux corps, pratique à l'origine de la vie, incroyablement intense.
- A t'entendre oui, ce doit être quelque chose… commenta l'aîné, des images plein la tête. Est-ce que tu me parles de ça pour me donner de la matière et me provoquer de merveilleux rêves érotiques ?
Mu se redressa pour déposer un baiser appuyé sur les lèvres d'Aphrodite.
Malgré la fatigue qui se lisait encore sur ses traits, le sommeil semblait l'avoir définitivement quitté.
- Pourquoi se contenter de rêver, quand on peut le faire dans la réalité ?
- Tu veux dire...
- Oui, j'aimerai le vivre à nouveau avec toi.
- Alors là, je te suis sans problème ! assura le Douzième gardien, tout à fait conquis par l'idée.
- Parfait, allons-y, déclara Mu en se redressant.
Deux couvertures pliées et une natte roulée apparurent soudain sur le lit.
- Comment ça… maintenant ? demanda Aphrodite en s'asseyant.
- Oui. Il est plus de 3h du matin, ce qui équivaut à à peu près 7h du matin, en Thaïlande.
- En Thaïlande ? répéta Aphrodite en levant un sourcil.
Il était pourtant habitué à être emmené aux quatre coins du monde par son Bélier aventureux, il lui avait fait découvrir des endroits magnifiques et surprenant, inconnus du grand public où insolite, et parfois simplement tranquilles… et confortables.
Si, au départ, c'était principalement pour faire leurs affaires discrètement loin du Sanctuaire, selon leur arrangement, ces dernières semaines les avaient vu partager des moments très romantiques et plutôt sages.
Ce qui leur avait fait soupçonner, chacun de leur côté, que leurs sentiments commençaient à évoluer vers… autre chose.
- Oui, confirma Mu, et plus précisément à la cascade de Ti Lo Su. C'est une très jolie chute d'eau que j'ai visité cet été pour méditer, assez difficile d'accès, ce qui fait que nous ne serons pas dérangés. Vu que le sommeil nous fuit, nous pouvons nous y rendre tout de suite. Nous sommes fatigués, c'est vrai, mais l'énergie des éléments chassera la fatigue de nos corps. Notre désir de l'autre, qui ne demande qu'une petite étincelle pour s'enflammer, fera le reste, assura-t-il en glissant sa main sur sa cuisse nue, sous le drap. A moins que tu ne préfères essayer de dormir…
Alors qu'il ôtait sa main, Aphrodite la saisit entre les siennes.
- Franchement, même si ça avait été le cas, ça se serait effacé dès l'instant où tu m'as proposé qu'on le fasse maintenant ! Et en plus, une cascade en Thaïlande au petit jour ? Je signe tout de suite ! Plus de fatigue ni de sommeil !
- Je m'en doutais un peu… avoua le Bélier en entrecroisant leurs doigts d'une main, la deuxième se saisissant des deux couvertures et de la natte. Prêt, Alfiye ?
Avec un grand sourire, le Douzième gardien hocha vivement la tête.
Le temps d'un battement de cils plus tard, les deux Chevaliers avaient disparu.
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Un peu plus tôt
Maison du Capricorne
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- Bonne nuit, 'Gelo, murmura Shura en éteignant la lumière.
Angelo l'attira dans ses bras et promena ses lèvres entre ses mèches sombres et encore humides de leur douche rapide.
- Tu veux vraiment dormir tout de suite, Shurizo mio ?
- Je suis fatigué, répondit Shura, la tête posée sur son torse au niveau du cœur. Et toi aussi. T'as pas mal bu, en plus, ce soir.
- J'suis loin d'être bourré !
- Tu ne l'as jamais été. quoi que tu aies pu boire et quelle que fût la quantité. Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire et tu le sais.
Angelo le serra un peu plus contre lui.
- Je vais bien.
- Je sais cela aussi, ce n'était pas un reproche, juste un constat. Je suis conscient que la soirée n'a pas toujours été facile, surtout la partie d'Action ou Vérité.
- J'ai bien aimé être dans tes bras et te sentir quasi à poil derrière moi. C'était tentant et excitant. J'étais pas loin de monter la tente à quelques reprises.
- ´Ge…
Le Quatrième gardien grimaça dans la nuit.
Évidemment que Shura n'était pas dupe, il savait combien certains moments, certaines questions, certaines réflexions, certains regards avaient remué la vase qu'il avait toujours au fond de son cœur, où s'amoncelait la somme de ses regrets, ses remords, ses blessures passés.
- Je voulais te dire merci, justement, mio amore, murmura-t-il le nez dans ses cheveux, sa main l'entourant et caressant son bras nu. Tu m'as soutenu et défendu, même, à certains moments, tu m'as protégé, aussi.
- Pourquoi tu me remercies, c'est normal d'agir de cette façon. C'est mon rôle, je suis ton compagnon. Si je ne le fais pas, qui le fera ?
- Personne avec autant d'efficacité et de morgue, ça, c'est sûr, répondit-il en embrassant le front à portée de lèvres.
Le Dixième gardien releva la tête et posa ses mains sur le torse du Quatrième, puis son menton dessus, afin de pouvoir le regarder.
Dans la pâle lumière argentée de la Lune filtrant par les persiennes, qui donnait des reflets nuancés à la chevelure du Cancer et éclaircissait celle du Capricorne, leurs yeux s'accrochèrent.
- Puisque tu as envie de parler plutôt que dormir, je vais en profiter pour te dire quelque chose, moi aussi…
- Y a pas que dormir et parler qu'on peut faire et qu'on fait généralement, dans ce lit…
- Tu vas m'écouter, oui ? protesta Shura en claquant sa main qui se glissait sous les draps. Je suis sérieux.
- Moi aussi ! Mais vas-y, dis-moi, je veux savoir.
- J'ai été fier de toi, hier soir et je le suis encore. Je le suis toujours, en vérité, depuis notre retour à la vie, mais tu as été admirable, hier.
- Parce que j'ai pas tout péter dans un mouvement de colère ? grimaça le Cancer.
- C'est plutôt que tu as pris sur toi pour pouvoir te confier sur des sujets délicats. Nos amis n'osaient pas trop aller sur ce terrain, jusqu'à présent, mais ils ont tendu quelques perches que tu as saisi sans les ignorer, cette fois-ci, ce qui les a rassurés sur le fait que tu étais prêt à répondre à certaines questions, à aborder certains aspects les plus sombres de ton passé.
- Encore une fois, c'est grâce à toi. Sans toi à mes côtés, je les aurais tous envoyé chier. Mais te voir me défendre comme ça… En plus de m'exciter, ça m'a donné envie d'assumer encore plus mon passé. Parce que tu m'aimes malgré lui, tu vois ?
Shura embrassa tendrement ses pectoraux, sur lesquels il dessinait ses arabesques du bout des doigts, sans le quitter des yeux.
- Parfaitement.
- N'empêche, reprit Angelo après un court silence, j'ai vraiment adoré te voir sortir les crocs... ou pointer tes cornes, plutôt, prêt à charger.
- Quand Camus t'a fait parler de Simon ?
- Oui, aussi, mais surtout quand Aiolia m'a interrogé sur Maître Luigi.
Angelo sentit Shura se tendre légèrement contre lui.
- J'étais prêt à lui en coller une, même s'il n'y avait aucune malice dans sa démarche.
- J'ai vu, sourit Angelo en dégageant tendrement une mèche de cheveux toujours humides, qui s'était glissée sur le front de Shura.
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Flash-back
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Quelques heures plus tôt.
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- J'ai une question, mais exceptionnellement, tu peux refuser. Parce qu'en fait, d'une certaine façon, elle est pour Deathmask.
- Si tu veux interroger un mort, Aiolia, trouve une planche de ouija, intervint immédiatement Shura. (2)
Son ton était aussi polaire que celui que Camus savait prendre, frôlant le zéro absolu.
Angelo posa sa main sur sa cuisse qui l'entourait et lui sourit pour l'apaiser.
- Je vous ai déjà dit que je pouvais assumer de remuer le passé, même si ça m'enchante pas spécialement, mais faut voir si vous êtes prêts à entendre la réponse, quelle qu'elle soit… Si c'est le cas, je t'écoute, Chaton, je verrai après si j'y réponds ou pas.
Personne ne s'y opposa ni ne bougea, alors Aiolia se lança.
- Pardon d'avance si ce n'est pas agréable, mais… c'est ton Maître qui t'a rendu… qui t'a transformé en Deathmask ? J'étais trop petit pour m'en souvenir, et surtout, je n'avais pas encore le droit d'entrer dans le Sanctuaire, donc je ne vous voyais pas beaucoup, mais Aioros m'a dit que quand tu es arrivé ici, tu étais…
- Normal ?
- Non, intervint immédiatement et fermement Aioros. Je n'emploie jamais ce mot, car qu'est-ce qu'une personne normale, et selon qui ? Pour ceux d'entre nous qui aimons un homme, nous savons que nous n'avons aucun problème. Mais pour une partie du monde encore, nous ne sommes pas normaux, nous sommes même malades, d'après elle. Toi, Angelo, à ton arrivée, tu étais un enfant agité et en colère, qui voulait devenir plus fort pour ne plus avoir à s'écraser et subir son Destin. Tu étais avide de pouvoir, mais aussi curieux et téméraire. Mais tu étais surtout un petit garçon qui était encore capable de te lier aux autres et qui s'en préoccupait.
- Shura était très solitaire, toujours dans son coin, mais tu le collais tout le temps, jusqu'à ce que vous deveniez amis, puis inséparables, ajouta Saga avec un petit sourire plein de tendresse.
- Tu l'as eu à l'usure, rigola Milo pour détendre un peu l'atmosphère qui avait déjà commencé à prendre du plomb dans l'aile.
- Et à la ruse, précisa Shura. Il m'a dit que nous devions protéger Aphrodite. Il était plus jeune que nous d'un an. Et il paraissait tellement fragile...
- Hey !
- On se trompait, 'Di. Tu ne t'approchais pas pour ne pas nous contaminer et tu avais peur aussi du rejet, l'ayant subi depuis l'enfance. Mais c'est vrai que j'avais cette impression qu'en tant qu'aîné, je devais te protéger.
- Mais un an après ton arrivée au Sanctuaire, tu es reparti en Sicile, Angelo, pour t'entraîner, le relança Aiolia.
- J'avais déjà passé six mois avec Maitre Luigi avant de débarquer en Grèce. J'étais un sale gamin des rues qui volait et se battait pour survivre. Il m'a attrapé, un jour, alors que je lui faisais les poches. Il m'a emmené sur une île au nord de la Sicile à une vitesse proche de celle de la lumière. Déjà là, je pigeais plus rien à ce qui se passait. En fait, on était sur l'île de Stromboli, mais j'le savais pas, à l'époque, j'avais à peine eu le temps de capter qu'on avait survolé la mer… Quand on est arrivé au sommet du Struognoli, il m'a tenu par le talon comme Thétis avec Achille au-dessus du Styx, mais lui par contre, il m'a carrément lâché dedans.
- Attends une seconde, c'est quoi, le Struo… truc, là ? demanda Milo.
- Le Struognoli, cretino ! Et comment ça, c'est quoi, le Struognoli ? C'est l'un des volcans les plus connus au monde !
- C'est le Stromboli, précisa Aioros. Les Siciliens le nomment Struognoli. Et les habitants de l'île l'appellent même Iddu, qui veut dire « Lui », car ils le considèrent comme une personne à part entière, quelqu'un de capricieux avec qui ils vivent au gré de ses humeurs.
- T'avais pas vécu du côté de Gênes, toi ? C'est-à-dire bien plus au nord ?
- Si, Aphrodite, mais j'ai eu l'occasion de voyager, aussi. Je passais souvent mes vacances en Sicile, ses volcans toujours en activité m'ont longtemps fasciné. L'Etna et le Stromboli sont deux véritables monstres, c'est impressionnant ! La Terre est vivante, vibrante, et les éruptions de l'Etna sont un spectacle saisissant. Toute la décennie que j'ai passé en Italie, il y avait une à plusieurs éruptions par an, quasiment, dont une très grande en 1983 qui a duré plusieurs mois. Il y a trois ans, l'année précédent mon retour ici, j'ai même assisté à une impressionnante pluie de cendres. Et quelques semaines plus tard, il y a eu une nouvelle forte éruption qui a duré sept ou huit mois. Ils en ont parlé dans les journaux, des touristes ont été tués et d'autres blessés.
- Ce doit être effectivement très impressionnant, fit remarquer Aiolia.
- Il s'est remis à cracher, depuis une semaine, si vous voulez y faire un tour, leur apprit Angelo. Y a des coulées de lave, personne n'est censé traîner dans le coin, alors si vous allez y jeter un œil, soyez discrets. Et faites gaffe. Y a pas eu de grosse éruption depuis deux ans, il reste rarement aussi sage aussi longtemps. Ca va pas tarder à péter sévère.
- Et les gens arrivent à vivre à côté, tout à fait normalement ?
- Pas qu'à côté, mais aussi dessus, Aldé. Y a plusieurs vallées habitables, des bois et tout, sur les pentes, donc des villages. Moi, je viens de Maletto, le plus haut de tous, il doit approché les 1000 mètres d'altitude.
- Mais pourquoi cette folie ?
- Y a pas toujours le choix ! Les gens se sont installés où ils pouvaient et sont restés. Faut aussi savoir que les sols volcaniques sont très fertiles. Y a plein de trucs qui poussent naturellement, et on peut cultiver, aussi, très facilement. La réputation du vin de Sicile n'est plus à faire, par exemple, et les meilleures vignes, elles sont là-haut !
- Avec le risque qu'une éruption emporte tout...
Angelo haussa les épaules.
- Les agriculteurs ont toujours été soumis à la nature et à ses caprices, en tous lieux et de tous temps, rappela Aphrodite.
- Exactement. Pareil chez nous. C'est juste un padre colérique, pour nous. Si t'es prudent et que tu suis les consignes, tout se passe généralement bien. Et d'un point de vue strictement personnel, même si j'y ai vécu l'enfer, ça reste la plus belle région au monde, pour moi, assura le Cancer en serrant son pendentif à la Trinacria. La Sicile et toutes les îles qui l'entourent et qui en font partie. Dont l'île volcanique de Stromboli, avec le capricieux qui la domine. Il est pas mal, lui aussi, faut pas croire !
- Mais attends, je viens de réaliser ce que tu as commencé à nous raconter : c'est dans un volcan en activité continue depuis l'Antiquité, connu pour la régularité de ses éruptions, que ton Maître t'a jeté ? s'épouvanta soudain Aldébaran.
- La dernière éruption avec coulée de lave avait eu lieu deux ans avant, elle était visible depuis mon village en Sicile, j'me souviens encore. Le reste du temps, même s'il entre effectivement en éruption toutes les trente minutes environ depuis des siècles, il crache que du gaz et des projectiles. C'est une petite toux qui se gère, quand on sait ce qu'on fait…
- Bien sûr… grimaça Shura. Ton Maître gérait parfaitement, tes bras peuvent encore en témoigner, aujourd'hui, soit vingt ans plus tard...
Angelo releva ses bras nus pour montrer ses cicatrices de brûlures.
- J'me suis fait ça en me protégeant le visage. J'ai perdu un peu de peau et des cheveux, mais rien de grave. C'est les premières traces indirectes qu'il m'a laissé, maintenant que j'y pense.
Shura prit ses bras et les ramena contre son torse, gardant les siens autour de lui.
- Comment tu t'en es sorti ? voulut savoir Camus.
- Ta glace m'aurait été bien utile, mais c'est ma télékinésie qui s'est éveillé. J'me suis mis à flotter au bord du volcan, dans une petite zone assez épargnée du cratère, en évitant les projections comme je pouvais, parce qu'y en avait quand même. Ça lui a confirmé mes pouvoirs, mon cosmos, et le fait que j'étais probablement un Chevalier. Comme beaucoup d'Argents, à cette époque, sur ordre de Shion, il recherchait les potentiels protecteurs d'Athéna en prévision de son retour dans le futur pour les former. Et notamment, les Ors. Shion lui avait dit que le prochain Cancer serait dans le coin. C'est comme ça qu'il m'a trouvé.
Angelo ne répondait toujours pas à la question d'Aiolia, mais personne n'osait l'interrompre. Car beaucoup ignorait son passé, c'était presque un sujet tabou. Aussi, écoutaient-ils tous ce qu'il acceptait de confier, l'alcool aidant sûrement, mais aussi et surtout, le cocon que lui offrait Shura avec son corps et son cosmos qui l'enveloppaient de la même façon.
- Et il ne t'a pas envoyé au Sanctuaire tout de suite ? demanda Shaka. Les Chevaliers d'Argent étaient censés nous trouver, nous emmener auprès de Shion au Sanctuaire pour confirmation, et ensuite nous entraîner jusqu'à ce que l'élève dépasse le Maître.
- Dans l'idéal, peut-être, mais ça s'est pas passé comme ça pour moi, Little Bouddha. Maître Luigi, sous prétexte de vérifier pour ne pas déranger le Grand pope pour rien, voulait surtout m'éduquer. Au départ, il était sévère, mais juste, d'une certaine façon. J'crois que mon idée de la justice qui ne peut être qu'entre les mains du plus fort, ça venait de lui, aussi. Un truc de plus qu'il m'a légué, grimaça-t-il. Il m'a appris un truc bien, aussi, c'est à me tenir correctement, à bien parler, à lire et écrire. J'étais un vrai sauvage, une sorte de Tarzan, pour ceux qui connaissent.
Angelo laissa soudain échapper un petit ricanement amer.
- J'y pense, quand je dis qu'il m'a appris à bien m'tenir, c'était surtout à table, manger avec des couverts, pas faire de bruit en mâchant, manger la bouche fermée… Ce qui est tordu, c'est que j'ai jamais eu un repas à table avec lui. J'avais le droit de manger que quand je réussissais un exercice, ou que je remplissais une tâche qu'il m'avait confié. Mais je mangeais par terre, dans un coin, avec ou sans couverts. Hey, faites pas cette gueule, j'en souffrais pas ! C'était presque habituel, pour moi, je vivais dans la rue, jusque-là, l'oubliez pas. Je réussissais ce qu'il me demandait, le plus souvent, j'avais au moins un repas par jour, et c'était bon ! C'était toujours plus que certains jours quand j'étais dehors à mendier ou voler...
- Mais tu étais tellement jeune... ne put s'empêcher de remarquer Aiolia. Personne s'est occupé de toi, même orphelin ?
- C'était l'église du village qui se chargeait de nous, dans un bâtiment annexe. Mais la mafia l'a récupéré quand j'avais 3 ans. Je sais pas trop ce qui est advenu des autres gosses, mais moi, quand j'ai vu les gars qui n'avaient rien à faire là, j'suis pas rentré, j'me suis juste barré. Et j'ai joué à cache-cache avec les adultes les deux ans et demi qui ont suivi, fuyant autant la mafia qui ratissait à la recherche de gamins désœuvrés à recruter, que les flics qui voulaient me faire passer à la caisse à cause de mes vols. J'ai toujours réussi à m'en sortir, même si j'me suis pris de sacrées raclées, parfois. L'Italien de base, il plaisante pas avec l'éducation ! Jusqu'à ce que j'me fasse définitivement pincer par Maître Luigi. Le comble pour le futur Cancer, ricana-t-il amèrement.
Il fit une pause que personne ne voulut interrompre, cette fois.
- Maître Luigi m'a évidemment montré comment me servir de mon cosmos, le plus important, sûrement. Mais en parallèle, il a commencé son bourrage de crâne, insidieusement. La colère et la haine que j'avais contre le monde, pour être né et vivre dans ces conditions, il les nourrissait, l'air de rien, m'apprenant à détester encore plus les gens. Parce qu'il haïssait l'humanité, et j'ai jamais su pourquoi. Peut-être parce qu'il était presque aussi puissant qu'un Or, il lui manquait pas grand chose, et ça devait le bouffer.
- Sûrement, intervint Saga. Pour qu'il te monte la tête de cette façon, sachant que tu causerais certainement des problèmes au Sanctuaire, il devait en vouloir à Shion.
- J'y ai pensé, parce qu'il m'a fait diriger une partie de ma haine contre lui, en m'assurant que tout ce qu'il me faisait était des directives du Grand pope. Quand j'me suis inquiété pour l'entrainement de Shura et ce qui attendait 'Dite, il m'a dit que c'était un entrainement spécial pour moi, parce que je venais de la rue, de la fange, je devais donc pouvoir surmonter tout ça pour prouver que j'étais digne de recevoir une Armure, surtout une Or... Mais il devait y avoir plus que de la frustration, derrière sa haine. Juste, ça m'a jamais intéressé... Bref, il a fini par m'envoyer au Sanctuaire pour que Shion vérifie mon potentiel et tout le reste. Et une fois cela fait, après six mois, j'étais de retour auprès de Maitre Luigi pour finir mon entraînement. Et là, ça a pris une autre tournure.
Angelo alluma une cigarette, tira deux fois dessus, avant de reprendre.
S'il se sentait capable de le faire, c'était parce que Shura le tenait toujours étroitement serré contre lui.
Ainsi enveloppé de sa chaleur et de sa force, il parvenait à affronter ses démons, son passé, et l'immense chaos de sentiments et d'émotions que cela provoquait en lui, à cet instant.
A soutenir le regard de ses pairs, aussi, sans trop s'attarder sur tout ce qu'il y lisait.
- J'avais sept ans, à ce moment-là. J'entrerai pas dans les détails, mais voilà, Maître Luigi, c'était le Chevalier d'Argent des Chiens de Chasse. La principale capacité de ce Chevalier est de lire dans les pensées des gens et de créer des illusions de lui-même seulement, au niveau basique, dirions-nous. C'était l'un des plus puissants Argents, à l'époque, comme je vous l'ai déjà dit, il avait éveillé ses techniques au maximum. Vous imaginez les dégâts sur un gosse… Il a détruit le peu d'enfance et d'humanité qu'il y avait encore en moi, par sa violence physique, verbale et psychologique. Il a fait ressortir le plus sombre et maléfique en moi pour l'exacerber et me façonner comme il le souhaitait. Il brisait mon esprit comme il brisait mon corps, méticuleusement, quotidiennement et il prenait son pied comme ça.
- Comment un tel homme a-t-il pu être Chevalier et en charge d'un apprenti ? se désola Aldébaran sans pouvoir s'en empêcher.
- Tu poseras la question à Shion, répliqua Angelo avec un petit rictus.
- S'il avait su ce qui se passait, Maître Shion serait intervenu, protesta immédiatement Mu.
- Nous connaissons tous ton attachement et ta grande admiration pour lui, Mu, mais il n'a pas toujours su prendre les bonnes décisions, intervint Saga.
Kanon serra les poings.
Mu regarda les Gémeaux, puis détourna les yeux.
- Il savait pas tout, reprit Angelo, et on s'est expliqué là-dessus, depuis. J'lui en veux pas, Plus maintenant, en tous cas.
- C'est le principal, assura Saga. Tu peux poursuivre, Angelo, si tu le souhaites.
- C'est à vous qu'il faut poser la question ! Je continue, ou pas ?
Ayant reçu l'aval de ses pairs, le Cancer continua de dérouler le fil de son passé en le remontant.
- Durant cette période, les trois seules choses qui me faisaient tenir, c'était d'une, la nécessité de survivre, et j'avais un instinct de survie aussi développé qu'un animal sauvage, car c'était ce que j'étais redevenu. De deux, une autre nécessité, tout aussi absolue, celle de récupérer mon Armure et de devenir assez fort pour lui faire la peau. Mais sans avoir à le tuer rapidement, j'voulais, au contraire, pouvoir prendre le temps de lui fracturer chaque os et m'amuser avec lui comme il s'amusait avec moi. Et de trois… J'avais une lumière qui tenait le coup en moi, malgré toute la noirceur qu'il y entassait et encrassait mon cœur et mon âme : Shura et Aphrodite. J'avais passé qu'un an avec eux, mais je voulais les revoir, les retrouver. J'avais promis à Shura qu'on protègerait Aphrodite ensemble. Qu'on aurait nos Armures, la prochaine fois qu'on se reverrait pour pouvoir le faire. Je voulais pas le décevoir. Et je voulais pas qu'il tombe amoureux d'Aphrodite, non plus, avec sa gueule d'ange et son grain de beauté qui faisait craquer tout le monde…
- Angie…
- Quoi, c'est vrai ! Même si j'avais pas réalisé ce que ça voulait dire pour moi, à ce moment-là. Sur certains aspects, j'restais un gosse, même si j'avais perdu définitivement mon innocence…
Shura lui serra la main avec force.
Angelo prit le nœud qu'elles formaient avec leurs doigts entrecroisés pour y déposer un baiser, avant de poursuivre son récit, sa voix se faisant toujours plus basse et rauque.
- On a tenu parole, on est rentré tous les deux l'année d'après et Shion nous a officiellement intronisé Chevaliers d'Or, à 8 ans. J'avais énormément changé. Physiquement, déjà, mes cheveux étaient devenus gris - blancs, j'ai jamais trop su…
- Ce n'était pas de naissance ? l'interrompit Milo sous la surprise.
- J'ai l'air d'un albinos avec mes yeux bleu foncé et mon teint hâlé ? répliqua le Cancer en écrasant son mégot de cigarette dans le cendrier qui débordait.
- Maintenant ou avant ? Parce que franchement, t'en étais arrivé à un tel point, les dernières années avant la Bataille du Sanctuaire, que j'aurais pu croire n'importe quelle histoire sur tes origines, même que t'étais le fils d'un démon ou la réincarnation d'un satyre !
- L'albinisme peut prendre différentes formes, intervint Aphrodite, mais Angie n'en souffrait pas, évidemment. Quand on s'est connu, à six ans pour lui et moi cinq, il avait la même tignasse hirsute, qui est bien mieux soignée, aujourd'hui. Mais ses cheveux étaient noirs comme la nuit la plus profonde, celle de mes hivers en Suède. Plus encore que Shura. Cela m'avait marqué, la première fois. Tout comme de le voir revenir avec ce casque d'argent, d'ailleurs. Mais de la même façon, à l'époque, le gris était terne, comme des cendres, alors qu'à présent, ses nuances sont aussi douces que les reflets de la Lune. Comme il nous parlait tout le temps de la Sicile et de ses volcans, j'avais même pensé qu'il avait traversé une pluie de cendres pour récupérer l'Armure du Cancer et qu'il ne s'était pas lavé avant de revenir au Sanctuaire. Mais non. Enfin si, Cancro t'attendait bien dans le volcan, mais c'en était fini des mèches folles d'un noir de jais.
Angelo passa sa main dans sa crinière avec une petite grimace, alors que chacun réalisait la portée de cette information : ce qu'avait subi Angelo avait été si traumatique que ses cheveux et ses sourcils avaient blanchi.
Le syndrome de canitie subite n'arrivait que soumis à un très haut niveau de stress et de violence, un choc émotionnel si puissant qu'il se répercutait physiquement, comme si l'esprit n'arrivant pas à absorber l'impact, l'onde se propageait alors et marquait le corps.
- Pareil pour tes yeux et ton regard, ajouta Saga dans un silence de cathédrale. Ils étaient injectés de sang, à ton retour, et si durs... Leur douceur actuelle n'a plus rien à voir, surtout lorsque tu regardes Shura.
- C'est normal, ça. Mais comme je le disais, j'avais changé aussi, là-haut, dans ma tête. Ma folie destructrice était encore sous contrôle. Même si c'était pas simple, vous pouvez en témoigner, Saga, Aioros.
- Oui, tu étais dur et cruel, seuls Shura et Aphrodite trouvaient grâce à tes yeux, se souvint Aioros avec tristesse. Mais tu ne manquais jamais de respect à Shion, même si tu lui tenais tête et lui en voulais beaucoup. Quant à nous, tu nous obéissais, le plus souvent.
- Quand les autres sont arrivés, un an après ton retour, tu avais tendance à les malmener, poursuivit Saga. Nous avons souvent dû te reprendre et te punir. Mais heureusement, Shura te cadrait beaucoup.
- Je t'en ai fait baver à toi aussi, Shurizo mio.
Shura déposa un baiser sur son épaule, sans un mot.
Son cœur était broyé dans un étau, il partageait la souffrance d'Angelo comme si elle était sienne, tout en le soutenant car non, elle ne l'était pas.
Il restait une part qu'il ne pouvait porter avec lui, malheureusement.
Mais aussi heureusement, car ainsi, il pouvait demeurer l'ancre qui l'empêchait de sombrer.
- Donc, pour répondre enfin à ta question, Chaton, en résumé, on peut dire que c'est Maitre Luigi qui m'a rendu comme ça, mais que c'est la vie qui lui a donné les moyens de le faire. Et le Lémure s'est chargé de la dernière étape en me laissant avoir libre court à mes pulsions, en toute impunité.
- Mais nous, quand on t'a connu, un an avant l'arrivée du Lémure, tu voulais déjà qu'on t'appelle Deathmask, lui fit remarquer Aldébaran.
- Parce qu'il était déjà éveillé. Je peux répondre à ça, aussi, mais si vous préférez pas savoir, faut le dire maintenant…
Il avait volontairement laissé son regard appuyé sur Mu, qui le soutint en silence.
Et personne ne se manifesta, encore une fois.
Angelo se gratta la tête, un de ses tics nerveux, du côté opposé à celui où Shura avait appuyé la sienne.
- Maitre Luigi m'a montré un masque mortuaire, une fois, c'était quelques mois après mon retour en Sicile pour l'entrainement. Je croyais que c'était un moulage, il m'a dit que non et m'a expliqué comment il avait procédé. C'était sa première victime, qu'il avait tué des années plus tôt, mais le visage était intact. J'ai été fasciné par cette vision de la mort préservée, de la douleur figée à jamais, il y avait quelque chose de beau et de poétique... Il m'a ensuite plusieurs fois emmené « chasser », souvent des "déchets de la société", comme il disait, mais aussi, parfois, des randonneurs et des touristes. Tout ça pour que je m'entraîne.
Il marqua une courte pause, et on pouvait entendre une mouche voler.
C'était comme si tout le monde avait cessé de respirer.
- Sans distinction d'âge, de sexe, ou de condition, précisa-t-il enfin en grimaçant. Peu avant mon départ définitif pour le Sanctuaire, il m'a dit que la dernière étape pour obtenir l'Armure du Cancer, c'était de tuer quelqu'un seul. Et que je devrais aussi faire un masque, car ce serait ma première victime, pour ne jamais oublier cette sensation, ce plaisir que j'allais ressentir. Je devais la choisir, la chasser et tout le reste. J'étais peut-être fasciné par ce qu'il faisait, mais à cette époque, même si l'idée de tuer quelqu'un à qui je reprochais quelque chose me dérangeait pas, j'étais encore un peu bloqué par celle de tuer une personne innocente, qui ne m'avait rien fait. J'aimais pas spécialement chasser avec lui. Mais lui faire la peau, à lui, littéralement, j'y pensais chaque putain de journée, j'en rêvais la nuit, même, entre mes cauchemars...
- Et tu l'as fait ? osa demander Aiolia, alors que le silence retombait.
- Evidemment. Et ça a été une pure jouissance, le meilleur moment de ma vie, à ce moment-là. J'ai ri autant que j'ai chialé, ce jour-là, en réussissant à l'immobiliser avec ma télékinésie, enfin ! Et surtout, en brisant chacun de ses os, du moins douloureux au plus douloureux, je connaissais cette échelle par cœur... Je déboitais et je remboitais comme j'avais appris en l'observant faire sur moi... Et je lui ai aussi enfoncé tout ce que je trouvais dans le corps, des pieds de chaise, le balai, des bouteilles, des épis de maïs long comme un bras d'homme, tous ses instruments de torture qu'il aimait tant, aussi, ses différents jouets… Les pleurs et le rire ont continué de me secouer, quand je me suis attaqué à son visage et que je l'ai découpé, alors qu'il rendait son dernier souffle fétide. L'excitation que j'ai ressentie et le plaisir que ça m'a procuré, le sang et les larmes qui inondaient mes joues et trempaient mes lèvres et ma langue, ouais, c'était la première manifestation de ma folie, j'crois bien, et la naissance de Deathmask. Parce que c'est sur le chemin du retour vers le Sanctuaire que j'ai décidé que ce serait mon nom, désormais, mon nom de Chevalier : Deathmask du Cancer. En touchant Cancro pour la première fois, après l'avoir arrachée au volcan, j'avais eu des flashs de ses précédents porteurs, et l'un d'eux s'appelait Deathtoll, "le Fabricant de cercueils". J'avais l'impression d'avoir une certaine légitimité, d'entrer dans la lignée des Cancers. Même si, je l'ai appris plus tard, certains d'entre eux étaient des hommes exceptionnels, comme mon prédécesseur, Manigoldo, et son maître, l'ancien Grand pope, Hakurei. Shion m'a beaucoup parlé d'eux, il les adorait. Il a même fini par me donner l'envie de les rencontrer et le regret de n'avoir pas pu le faire. J'aurais préféré les avoir comme Maîtres ou simplement comme exemple, les choses auraient été clairement différentes.
Le silence retomba, toujours aussi dense, alors que les Chevaliers, pourtant aguerris, avaient tous frissonné, eut la nausée, senti la révolte et la colère monter, à divers degrés, face à ce récit terrifiant.
Avec tous la même idée en tête : comment Angelo aurait-il pu finir autrement, avec tout ce qu'il avait subi et encaissé, comment un enfant pouvait-il espérer se construire, avec une telle vie ?
- Tu détestais ton Maître parce qu'il t'avait appris à être un monstre ? osa demander Aiolia dans un murmure.
- C'était lui-même un monstre et il m'a appris toute la noirceur que peut contenir un être humain. Ce qu'il m'a fait subir…
La voix d'Angelo se brisa nette, brusquement : il n'avait même pas senti le point de rupture arriver.
Pourtant, ses poings et ses mâchoires s'étaient serrées, son regard était devenu fiévreux et douloureux.
- Tu as eu ta réponse, Aiolia, intervint Shura, et davantage, encore. Il n'y a pas besoin d'en dire plus.
- Ouais, puis faut que j'aille pisser, de toute façon, annonça le Quatrième gardien de sa voix grave retrouvée, tout en se levant.
- Désolé, lui dit Aiolia, alors qu'il quittait la pièce. Shura, je m'excuse, je ne pensais pas…
- Ce n'est rien, assura le Dixième gardien. Ça lui fait du bien, c'est pour ça que je ne suis pas intervenu plus tôt. Mais il faut y aller doucement. Il y a des choses qu'il n'est pas prêt à révéler et à formuler explicitement et il ne le sera sûrement jamais, d'ailleurs. Je suis déjà étonné qu'il en ait autant dit et je vous remercie de l'avoir écouté sans jugement et avec respect.
- J'imagine que ça n'a pas été simple pour lui de parler de ce qu'il a vécu… Il y a certaines choses qu'on peut lire entre les lignes. Même si c'est difficile à croire, tant c'est ignoble… Il n'avait que sept ans… Son Maître l'a vraiment…
- ´Lia, il suffit, le coupa fermement Aioros. On en sait suffisamment, inutile de creuser des plaies qui ont peiné à se refermer et sont à peine cicatrisées.
- Tu as raison, Grand frère. Ce n'est pas de la curiosité malsaine, je voulais juste comprendre comment il a pu être cette bête sanguinaire et cruelle, alors que c'est un homme super, aujourd'hui. C'est vraiment le jour et la nuit.
- La réponse est la même qui répond à la question de savoir comment il n'a pas définitivement sombré, et elle se trouve juste en face de toi, sourit Saga.
Et de fait, pile en face d'Aiolia, il y avait Shura.
- Ne m'attribue pas tout le mérite, Saga. C'est Athéna qui l'a sauvé.
- Mais sans toi, y aurait rien eu à sauver, je t'l'ai déjà dit, Shurizo mio, répondit Angelo, déjà de retour, en reprenant sa place entre ses jambes. T'as gardé ma tête hors de la boue et par miracle, j'ai eu une deuxième chance en La rencontrant pour qu'Elle me purifie. Et que je puisse devenir ce mec génial que vous appréciez tant ! conclut-il en faisant un clin d'œil à Aiolia.
- C'était une façon de parler, répliqua le Lion. Prends pas la grosse tête ! C'est juste que le contraste est impressionnant entre ce que tu étais et ce que tu es devenu.
- Ta femme m'a demandé d'être son témoin, ça veut quand même dire quelque chose !
- C'est parce que Seiya sera encore mineur, l'an prochain !
- Tchhh… Tu ferais mieux de faire gaffe à comment tu me traites, j'te rappelle que j'aurais un discours à faire à ton mariage !
- C'est bon, t'as gagné, tu seras le témoin de l'année, même !
- Hey, m'oublie pas ! protesta Milo.
- Bon, on vous envoie dans une autre dimension régler votre discussion pour qu'on puisse continuer, ou tu vas te décider à tourner la bouteille, Angelo ? demanda Kanon en soupirant.
- Va bene… répondit le Cancer en saisissant la bouteille abandonnée. J'vaux juste préciser une chose, avant : si j'vous ai raconté tout ça, c'est pas pour que vous me plaigniez ou que vous me preniez en pitié, j'en veux pas !
- Nous te respectons suffisamment pour ne pas avoir ce genre de sentiment à ton égard. N'est-ce pas ? demanda Saga.
Tout le monde sans exception hocha la tête en signe d'assentiment.
- Bien. J'veux pas que les choses changent, entre nous. Et tout ce que j'ai dit, c'est pas une excuse pour le mal que j'ai fait. Ca l'explique, mais ça le justifie en rien.
- Nous l'avons bien compris, le rassura Aioros. Tu as été pardonné, non excusé, et il n'a pas été nécessaire de connaître ton passé pour cela. Cette soirée changera peut-être ton rapport avec certains, mais de manière positive pour tout le monde, n'aies aucune crainte à ce sujet.
- Ok, ça me va. Mais je préférais quand même que les choses soient claires.
- Elles le sont.
Angelo regarda ses camarades tour à tour, en terminant par Mu, et tous lui sourirent ou hochèrent la tête.
Rassuré, Angelo put refaire partir le jeu.
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Fin du flash back
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- C'est vrai qu'y a eu des petits moments pas évidents, mais on a passé une très bonne soirée quand même ! assura Angelo. Et ça a même commencé hier midi, à la Villa.
- Tu as raison. Et conclure les festivités par un câlin sous les draps aurait été parfait, si nous n'étions pas si fatigués et s'il n'était pas si tard !
D'un mouvement fluide et rapide, Angelo fit basculer Shura sur le dos et le surplomba.
- Je ne serai jamais trop fatigué pour te faire voir les étoiles, mio amore. Tu penses pouvoir le supporter ?
- Quand tu m'appelles comme ça, tu sais très bien que je peux tout supporter, répondit Shura en entourant sa nuque de ses bras. Mais par contre, tu ne lances pas de chrono, tu y vas en douceur, on prend notre temps, d'accord ?
- Cuisson lente et à basse température… (3) C'est prévu, c'est exactement comme ça que je comptais te dévorer… assura le Cancer en mordant férocement son cou.
- ´Ge !
- Pardon, te savourer, s'excusa-t-il en léchant la légère morsure qui marquait déjà sa peau.
Il se redressa pour le regarder dans les yeux, et l'amour et la tendresse qui y brillaient, malgré le désir pourtant conséquent, rassura Shura : le ton était donné et c'était exactement celui dont il avait besoin.
Dont ils avaient tous les deux besoin, en vérité.
Le Capricorne le comprit aussi à la manière dont Angelo caressa sa joue avec douceur, tout en redessinant du regard chacun des traits de son visage.
Il s'abaissa vers lui pour saisir sa lèvre supérieure entre les siennes, l'aspirant doucement, avant de s'écarter pour ancrer son regard au sien, à nouveau.
- Te amo.
Te et non pas ti…
Angelo lui parlait en espagnol, preuve d'amour ultime de sa part, s'il en était.
Shura frissonna et soupira, puis remonta ses jambes autour des cuisses d'Angelo, augmentant leurs zones de contact, et glissa son visage contre sa paume toujours sur sa joue pour y déposer un doux baiser, sans le quitter des yeux.
- Ti amo, répondit-il en italien.
Le Quatrième gardien se mordit la lèvre inférieure, puis plongea dans le cou de Shura et souffla contre sa peau.
- Mi vida…
Ma vie, encore en espagnol.
- La mia vita… murmura Shura au creux de son oreille, en réponse et en italien, à nouveau.
- Mi alma… poursuivit le Cancer, toujours dans la langue de son compagnon, avant de lécher lentement sa pomme d'Adam qui fit un aller-retour appuyé sous la douce torture.
- Mia anima… soupira Shura, lui aussi continuant dans la langue natale de celui qui était, effectivement, son âme, et en aspirant doucement le lobe de son oreille.
Après s'être réaffirmés leur amour, puis que l'autre était leur vie et leur âme respectives, ils continuèrent encore, au gré de leurs caresses et baisers…
- Mi ángel… déposé dans le cou du Capricorne, les mains du Cancer plongées dans les mèches sombres et soyeuses.
- Mio Angelo… gémit contre la tempe du Quatrième gardien, les doigts du Dixième crochetées sur sa nuque et son épaule.
- Mi todo… soufflé sur un menton ensuite mordillé.
- Mio tutto… appuyé contre une joue.
- Mi universo…
- Mio universo…
Sur le coin de la bouche.
- Mi estrella…
- Mi stella…
En aspirant la lèvre supérieure.
- Mi amor…
- Mio amore…
Enfin, et la tension et le désir ayant atteint leur paroxysme, ces derniers mots furent bus à même les lèvres, avant qu'elles ne fussent prises d'assaut.
Avec passion, certes, mais aussi et surtout, avec une tendresse infinie dans laquelle ils baignèrent pour les heures qui suivirent.
Et qui accueillit aussi leur sommeil, lorsqu'ils s'endormirent enfin, heureux et comblés, à l'aube du jour naissant.
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A suivre…
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Notes :
1. Vous l'aurez compris, citation de Roméo et Juliette d e William Shakespeare, plus précisément de Roméo lorsqu'il voit Juliette, il me semble, pour la première fois.
2. Planche ou table de ouija : on s'en sert principalement pour communiquer avec les défunts et autres esprits. On connait tous le fameux "esprit es-tu là ?" Elle est composée d'une planche de bois, généralement, des lettres de À à Z, des chiffres de 0 à 9, du oui et du non, parfois « au revoir ». Bien que non scientifiquement prouvée, cette pratique reste sérieuse et peut être dangereuse si on en croit les témoignages de gens qui ont fait une séance et ont eu des invités non désirés… Si le ouija est bien un portail comme certains le prétendent, il ne vaut mieux pas s'amuser à l'ouvrir, c'est clair… Pour moi, c'est JAMAIS DE LA VIE ! J'en ai des frissons rien qu'à y penser. Brrrr...
3. Lorsqu'il parle de cuisson lente et à basse température, Angelo fait ici référence à une expression espagnole imagée qui signifie « faire l'amour », à savoir, « mettre un gâteau au four ». Je la trouve infiniment plus poétique, voire romantique, que notre « tremper le biscuit » français, limite vulgaire (à mon sens), même si elles veulent dire la même chose. Bon, ils ont aussi une version vulgaire, mojar El churro qui veut dire tremper son churro... Pour info, l'une des plus belles images reste chez les Arabes, qui disent 'baddel el mè lil asfou" qu'on pourrait traduire par "changer l'eau pour l'oiseau". Alors si t'as pas les codes, tu comprends rien à l'histoire, mais je trouve ça joli !
Merci d'avoir lu ce chapitre jusqu'au bout, j'espère que vous avez passé un bon moment.
Pour la suite, un dernier chapitre pour le mois de septembre, puis on va avancer un peu dans le temps et l'histoire pour l'amener à sa conclusion, que j'ai déjà fortement repoussée ! Mais voilà, c'est le piège, plus j'écris sur eux et plus j'ai envie de raconter de choses. Mais il faut savoir s'arrêter avant d'ennuyer les lecteurs !
A bientôt, donc, en espérant vous retrouver à la prochaine escale !
Prenez soin de vous !
Lysanea
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