CHAPITRE 22 : L'attaque
Un sifflement incessant, au début, très léger comme celui du moustique, puis qui s'intensifia pour finir par lui vriller les tympans. Les sons bourdonnaient dans ses oreilles, ce qui les rendaient difficiles à distinguer. Des voix peut-être ? Des cris ? Tout cela lui paraissait flou. Il faisait sombre. Est-ce qu'elle était dans son lit, en pleine nuit ? Possible. Sa tête était embrumée, comme si elle avait sommeil, et ses paupières étaient lourdes. Pourtant, une lueur rosâtre lui parvenait derrière ses paupières, signe que le jour s'était levé. Est-ce qu'elle avait dormi tout ce temps ? Pourquoi Zoro ne l'avait-il pas réveillée ? Les autres allaient avoir besoin d'elle pour définir le cap à suivre.
- Oi ! Nami !
C'était la voix de Luffy, qu'elle entendait ? Qu'avait-il encore fait, celui-là ? Des rires. Celui de leur capitaine, bien évidemment, mais aussi celui de Chopper, d'Ussop, de Brook, ainsi qu'un autre qu'elle ne reconnaissait pas. Il y avait des claquements secs, de choses que l'on entrechoquait, qui venait se mêler aux rires.
- Hihihihihi ! Hahahaha ! Tu ne m'auras pas !
Attirée par la cacophonie qui se jouait à l'extérieur, Nami ouvrit les yeux pour constater qu'elle était dans leur chambre, à bord du Sunny. La place était vide à côté d'elle dans le lit. Elle passa sa main sur son visage et se leva. Sa tête tournait légèrement, la faisant titubée jusqu'à la porte, derrière laquelle, les sons se faisaient plus forts. La soirée de la veille avait dû être sacrément arrosée, car elle avait l'impression qu'un pic-vert s'amusait à lui perforer le crâne. La porte s'ouvrit dans un flash blanc qui lui fit plisser les yeux. Le vent chaud de l'après-midi lui caressa le visage et le brouhaha lui assaillit les oreilles.
- Hey Nami ! Viens voir ! s'exclama la voix d'Ussop.
La lumière extérieure était aveuglante et elle ne parvenait pas à ouvrir complètement les yeux. La rouquine mit la main devant son visage en guise de protection, mais l'intensité lumineuse était bien trop importante. Chaque flash que captaient ses rétines, lui envoyait une décharge à la tête, l'obligeant à fermer les paupières.
- Aller Nami ! regarde-nous ! l'encouragea joyeusement Luffy.
- Oui, Maman ! Regarde ! Sinon tu vas tout louper !
La petite voix qu'elle n'avait pas reconnue jusque-là, lui parut soudainement familière et la fit tiquer. Elle lutta contre son mal de crâne pour ouvrir les yeux et fit un pas de plus pour sortir pleinement de la chambre. L'image était floue mais elle discerna un peu mieux les formes. Tous les membres de l'équipage s'étaient regroupés sur le pont verdoyant du Sunny pour former un cercle. Au milieu de ce cercle, se trouvait Franky face à Jinbe. Tous deux semblaient effectuer une sorte de dance étrange, qui consistait à avancer et reculer, en portant quelque chose sur leurs épaules. A mesure que ses yeux s'adaptaient à la lueur éclatante du jour, Nami constata que les choses en question, s'avéraient être des personnes. Sur les épaules de l'homme-poisson était juché leur capitaine avec un bâton entre les mains qu'il agitait au-dessus sa tête en riant, tandis que sur celles de Franky, se trouvait une petite silhouette, comme celle d'un enfant, qu'elle eut du mal à déterminer. Il lui sembla qu'elle tenait également un bâton entre ses mains, et qu'il y avait un halo vert autour de son visage. Elle s'avança vers l'escalier mais sa tête tournoya de plus en plus vite et elle dut s'amarrer de justesse à la balustrade pour éviter de tomber.
- Oi Nami ! Fait attention ! lui intima la voix soucieuse de Zoro.
Sa tête lui faisait un mal de chien. C'était comme si elle allait exploser. Nami porta la main à son crâne et sentit ses jambes se dérober sous elle. Une violente douleur la saisit à l'estomac, l'obligeant à se recroqueviller sur elle-même. Qu'est-ce qu'il lui arrivait ?!
- Nami ! s'écrièrent des voix au loin.
Pendant ce temps, les rires continuaient de monter depuis le pont principal, et les claquements redoublèrent d'intensité, pour résonner douloureusement dans sa tête.
- Maman ! Regarde !
Cette fois, la voix enfantine n'avait plus rien de rieuse, elle était paniquée. La jeune femme aurait bien aimé faire ce qui lui était demandé, mais la douleur était insoutenable.
- Mamaaaan ! Ouvre les yeux !
L'urgence avec laquelle cela lui avait été dit, éveilla un sentiment d'inquiétude en elle et la poussa obtempérer.
Ses paupières se fendirent avec difficulté. L'une d'elle semblait collée et lorsqu'elle les ouvrit enfin, un voile pourpre macula son champ de vision. Ses oreilles bourdonnaient et son cerveau battait contre sa boite crânienne. Au loin, elle entendit des gens crier. Le lit sur lequel elle reposait, était dur et très inconfortable. Nami voulut se lever mais son corps refusa de lui obéir. Cette réalisation l'inquiéta et son esprit fut aussitôt en alerte. Quelque chose n'allait définitivement pas. Il fallait y aller par étape. Elle essaya d'abord de lever un bras. Par chance, celui-ci répondit et commença à décoller, mais très vite, une vive douleur irradia dans son épaule, puis se propagea dans tout son corps. Son bras retomba sur le sol froid alors qu'elle laissait échapper un gémissement plaintif. C'est là qu'elle comprit et tout lui revint. Elle n'était pas dans son lit mais à même le sol, dans une rue de Rosa-Maria. Quelque chose l'avait frappé alors qu'elle fuyait des chasseurs de primes et qu'elle tentait de rejoindre le bar non loin de là.
Puis la réalisation de ce que cela signifiait fit rapidement tilte dans son esprit. Elle était tombée ! Tout à coup, ses yeux s'ouvrirent en grand et, le cœur battant, ses mains se portèrent, toutes tremblantes, sur son ventre. Nami prit appui sur son avant-bras pour se redresser mais à l'instant où elle força, la douleur irradia dans son dos puis se propagea à son ventre. Elle dut rester allongée et attendre que la contraction se dissipe.
Ses jambes ne répondaient plus, soit parce qu'elles étaient engourdies, soit parce qu'elle avait perdu définitivement toute sensation, ce qui, dans son état, n'aidait pas à la rassurer. De l'aide. Oui, c'était la seule solution pour la sortir de ce merdier. Malgré une vision quelque peu floue et légèrement chancelante, Nami chercha du regard où avait pu atterrir son den den mushi. Tout autour d'elle, des débris jonchaient le sol, des planches de caisses en bois pour la majeure partie. Elle nota également qu'elle se trouvait dans une petite ruelle étroite, à l'abris de la lumière du soleil et certainement à la l'abris des regards. Autant dire que cela compliquait les choses pour voir de l'aide arriver. Mais elle ne devait pas céder à la panique !
Finalement, la navigatrice repéra l'escargot à quelques mètres de sa position, couché sur le flanc, mais il lui était impossible de voir ses yeux. Bien, maintenant le tout était de réussir à l'atteindre. Ramper semblait être la meilleure solution. Alors, au prix d'un gros effort, Nami se tourna sur le côté, en se mordant la lèvre pour éviter de crier. L'élancement au niveau de son bas-ventre était atroce. Il lui coupait le souffle à chaque crise, mais elle préféra ne pas penser à ce que cela impliquait. Si elle commençait à trop réfléchir, elle allait paniquer.
Elle venait de ramper sur un bon mètre et ses forces s'amenuisait déjà. Ses muscles tremblaient à cause de la fatigue et de la douleur, pour ne rendre sa progression que plus compliquée. Si seulement elle pouvait compter sur ses jambes ! Malheureusement, malgré toute sa volonté, elle était incapable de les remuer.
Sa paume glissa soudainement sur une substance gluante, lui faisant perdre son équilibre précaire et elle s'écrasa face contre le sol. Un cri, mélange de rage, de frustration, de peur, lui échappa mais se retrouva à moitié étouffé par une nouvelle contraction. Nami serra les poings de chaque côté de sa tête, dans l'attente que la souffrance redevienne tolérable. Cependant, elle ne put empêcher les larmes de rouler sur ses joues déjà maquillées par le sang de sa plaie qu'elle avait au front et qui avait coulé sur son œil gauche avant de sécher et de former une croute qui alourdissait sa paupière.
La simple idée que son bébé courrait un grave danger la poussa à ne pas abandonner. Quand elle releva la tête, elle était bien déterminée à atteindre ce maudit transpondeur, mais quelque chose capta son attention et la détourna de son objectif.
Un peu plus loin sur sa droite, vers l'entrée de la ruelle, gisait un sac blanc, la gueule béante et vomissant son contenu sur la pierre froide. Un petit amas d'étoffe vert d'eau contrastait avec la tinte grisâtre des pavés. Le petit pyjama ! Non ! Il allait être sale et abîmé à trainer par terre ! Etrangement, cette idée l'obnubila et lui fit oublier le besoin essentiel de récupérer le den den mushi.
Nami dévia de sa trajectoire, et se traina avec toutes les peines du monde vers le petit vêtement. Plus rien n'avait d'importance, hormis remettre le pyjama dans son sac. Dans un coin de son esprit, une petite voix hurlait que ce n'était pas sa priorité, mais c'était plus fort qu'elle.
Une contraction la cloua une nouvelle fois au sol. Elle y était presque pourtant ! Nami tendit le bras à son maximum. Le bout de ses doigts n'était plus qu'à quelques millimètres du tissu duveteux et ils dansèrent maladroitement devant, incapable de l'atteindre.
Serrant les dents et le poing de son autre main, la rouquine força pour gagner le peu de distance qui les séparait, avec enfin le soulagement de pouvoir l'attraper.
Une botte noire, couverte de saletés, s'écrasa sur le vêtement sans la moindre considération. NON ! Obstinée, Nami agrippa la manche du pyjama et tira dessus avec le peu de force qu'il lui restait. Pourquoi ne venait-il pas ?! Pourquoi la personne ne bougeait-elle pas son pied ?! Elle ne voyait pas qu'elle l'abîmait ?! Son bébé ne pourrait jamais le porter si ça continuait ! Il ne le porterait jamais ! Jamais !
Sa vision s'embua alors qu'elle continuait de fixer le tissu, qui lui résistait désespérément, se couvrir de tâches noirâtres. Ses ongles griffèrent le cuir mais la botte refusait de bouger. Pourquoi ? Nami se sentait impuissante. Son corps ne lui obéissait pas non plus, en plus de cela, elle souffrait terriblement. Les larmes ruisselèrent sur ses joues tandis qu'elle essayait vainement de dégager le pyjama.
Quelqu'un la poussa de la pointe du pied, comme si elle n'était qu'un vulgaire détritus, afin de la faire rouler sur le dos. La jeune femme émit un grognement plaintif, puis elle sentit une main rugueuse et froide s'enrouler autour de sa gorge avant de la hisser en l'air. L'attraction terrestre fit son œuvre et tira son corps vers le bas. Le changement brutal de position, lui arracha un cri de douleur mais que la main qui la strangulait, transforma en grommellement. Par instinct de survie, Nami se débattit et chercha à desserrer la prise sur son cou. Elle lacéra la chair de ce bras inconnu de ses maigres forces, mais l'individu ne sourcilla même pas.
Il la leva jusqu'à ce qu'elle soit à hauteur de son visage. Ses jambes pendaient mollement au-dessus du sol alors qu'elle étouffait. L'homme qui la dévisagea d'un air dédaigneux, avait la carrure d'un gorille, un visage dur et rectangulaire, strié de cicatrice. Dans ses pupilles d'un noir d'encre, résidait une cruauté froide, une absence d'humanité, à faire froid dans le dos, et à cet instant, Nami sut qu'il n'aurait aucune pitié, aucun égard pour son bébé.
- L'information était donc correcte. La « chatte-voleuse » des Chapeaux de paille est bien enceinte.
Sa voix était aussi abrupte que son physique. Une grimace de dégoût vrilla ses lèvres sèches.
- Est-il également correct que le chasseur de pirates, Roronoa Zoro est le père de cet enfant ?
Nami fut surprise par cette question. Comment pouvait-il savoir cela ? Qui l'avait renseigné, et en quoi cette information avait-elle une quelconque importance ?
- Ah qu'importe… Les gens de votre espèce ne devraient pas se reproduire. Cette engeance…
Il posa sa grosse main sur son ventre et enfonça ses doigts. Malgré la douleur, la navigatrice le fusilla du regard et redoubla ses coups poings sur le bras qui la tenait suspendue. De quel droit parlait-il de son enfant de la sorte ?!
- Ne doit pas voir le jour.
Le poing qu'elle tenait en l'air se figea et ses yeux s'écarquillèrent. Comment pouvait-on dire de telles choses ?! Quel genre de monstre fallait-il être pour s'en prendre à un bébé encore dans le ventre de sa mère ?! Un enfant était innocent à la naissance, alors pourquoi intenter à sa vie ?! Ce n'était pas juste.
Elle voulut appeler Zeus à l'aide, mais seul un gargouillis incompréhensible passa la barrière de ses lèvres. Le manque d'air lui brulait le poumon et ses contractions devenaient de plus en plus fréquentes. Une réalisation frappa son esprit. Elle allait mourir, et son enfant avec elle. Des tâches noires apparurent dans son champ de vision et les sons qui l'entouraient se transformèrent en bourdonnement. Elle allait mourir. Dans un ultime effort, elle plaque sa main sur le visage de son agresseur, avec la volonté de lui crever les yeux pour l'obliger à la lâcher, mais ne réussit qu'à le griffer et, au mieux, le gifler. Pathétique, songea-t-elle, les yeux ravagés par les larmes de désespoir. Elle avait été incapable de protéger son enfant.
Sa conscience s'effaça progressivement sur cette pensée. Ses bras retombèrent mollement à ses côtés.
Elle ne connaitrait jamais le visage de son enfant. Elle ne verrait jamais son sourire. Avait-il celui de son père ? Ses cheveux seraient-ils vert mousse ? ou bien d'un orange ardent ?
Luffy, Zoro ? Où êtes-vous ?
- NAMI-CHERIE !
Cette voix lui était familière, mais elle semblait si lointaine… Tout à coup, la pression autour de son cou disparut et Nami tomba lourdement au sol. Aussitôt, elle s'empressa d'aspirer autant d'air que possible pour regonfler ses poumons, même si sa gorge la brulait, même si chaque bouffée d'oxygène provoquait une quinte de toux qui lui arrachait la trachée. Les points noirs s'effacèrent de son champ de vision, pour lui permettre de voir un flash blond, bondir dans tous les sens.
- Diable Jambe ! Mouton shot !
Une jambe incandescente s'encastra dans les côtes du chasseur de primes et l'envoya valdinguer dans le mur de l'autre côté de la rue. Sanji était venu à sa rescousse ! Le soulagement la submergea. Elle aurait tellement aimé se jeter à son cou, mais la douleur la cloua au sol. Tous ses muscles se contractèrent et elle sentit de l'humidité couler sur l'intérieur de ses cuisses. Non, non, non, non, non ! Ça ne pouvait pas être ça. Ses doigts se faufilèrent, non sans difficulté, sous la jupe de sa robe. Le sang pulsait dans ses tempes, pompé à grands flots par son cœur que l'inquiétude agitait de façon anarchique, faisant de son mal de tête, un enfer. Lorsqu'ils réapparurent, ses doigts étaient nappés d'un liquide écarlate, que les rayons du soleil rendirent brillant. Le monde s'écroula autour d'elle.
- Nami-chérie !
Le cuisinier se précipita à ses côtés, et s'agenouilla près d'elle avec les mains en suspens au-dessus de son corps étendu. Il n'osait la toucher de peur de lui faire encore plus de mal, ce qu'elle trouva ridicule, vue son état. Qu'aurait-il pu faire de pire que ce qui n'avait déjà été fait ?
- Ne t'en fais pas, Zeus va ramener Chopper. Ils seront là d'une seconde à l'autre.
- Sanji ! gémit-elle. Le bébé… il… il…
- Tu dois te calmer. Ça va aller…
Cependant, l'intonation vacillante dans sa voix, la fit douter. Lui non plus de croyait pas à ce qu'il disait. Sa respiration s'accéléra. Elle suffoquait à nouveau. Puis une douleur, bien plus forte que tout ce qu'elle avait ressenti jusqu'à présent, irradia dans toute la partie inférieure de son corps. Quelque chose se déchirait à l'intérieur d'elle et l'écartelait pour la préparer à expulser. Non ! tout mais pas ça ! Pas maintenant ! Elle n'était pas tout à fait à huit mois et demi de grossesse.
Nami hurla, sous le regard désemparé de Sanji.
- Sonic Wave !
Une onde de choc ravagea tout sur son passage et fit voler en éclat les fenêtres de la maison derrière eux. Comme à son habitude, le blond avait été prompt à réagir. En entendant l'attaque, il s'était dépêché de prendre Nami dans ses bras avant de bondir en l'air, d'une puissante flexion de jambe. L'homme s'extirpa des décombres sans une égratignure mais l'air passablement énervé. Ses yeux perçants se braquèrent instantanément se eux et il leva le bras dans leur direction, la paume bien ouverte.
- Sonic Blast !
Une grosse explosion sonique résonna dans un bruit assourdissant, faisant vibrer l'air autour d'eux. Sanji sauta dans le ciel pour éviter une nouvelle fois l'attaque, mais s'il évita l'onde de choc, il ne put les soustraire au bruit de l'explosion qui leur déchira les tympans, ce qui lui fit perdre de l'altitude. Nami avait pu se protéger quelque peu en se couvrant les oreilles, mais pas le cuisinier, qui avait préféré resserrer sa prise sur elle afin de ne pas la lâcher. Encore un utilisateur du fruit du démon.
- Sanji ! Nami ! s'écria leur médecin de sa petite voix.
Celui-ci accourait vers eux sous sa forme Walk Point, avec Zeus juste au-dessus lui. Ce n'était pas trop tôt ! La jeune femme se tordit de douleur en gémissant dans ses bras.
- Chopper est là, Nami-chérie ! Je vais te laisser avec lui.
Au moment où il s'apprêtait à la déposer par terre, contre un mur, elle s'agrippa fermement à son bras et se contracta violement en serrant les dents pour retenir son cri. La voir ainsi, lui brisait le cœur, et attisait sa colère envers le chasseur de primes.
- Ne t'en fais pas, je n'en n'ai pas pour longtemps. Juste quelques secondes le temps de botter les fesses de ce type et je reviens vers toi.
De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front taché de sang et collaient des mèches sur sa peau. Elle entrouvrit les yeux mais continua de planter ses ongles dans sa veste de costume.
- Z-Zoro…, où… où est Zoro ? peina-t-elle à demander.
Les mâchoires du cuisinier se contractèrent et l'expression de son visage s'assombrit pendant un instant.
- Il va bien ne t'en fait pas.
Evidemment que ce n'était pas ce qu'elle attendait comme réponse, mais comment pouvait-il lui dire qu'il n'en savait rien, que ce crétin décérébré n'était même pas fichu d'être là pour sa femme alors qu'elle souffrait le martyr, parce qu'il devait être en train de picoler ou bien d'errer comme un perdu ? Nami n'avait pas besoin de savoir cela, et de cette manière, il ne lui mentait pas. Où qu'il puisse être, Sanji était certain que cet abruti allait bien, lui.
- Nami ! Je suis là ! Je vais t'examiner, annonça Tony Tony.
Il prit sa forme heavy point et la prit dans ses bras à son tour pour l'emmener dans un coin à l'abris. Tant mieux, car désormais, Sanji était doublement furax, et il allait passer ses nerfs sur ce cette raclure qui avait osé s'en prendre à sa Nami-chérie. Il sortit une cigarette du paquet qui se trouvait dans sa poche de devant, pour la porter à ses lèvres, puis l'alluma avec dextérité d'un claquement du pouce sur la roulette de son briquet. Le bout incandescent rougeoya lorsqu'il tira une bouffée de nicotine.
- Juste une question avant que je n'étale ta sale tronche sur les pavés…
Il écarta le petit stick blanc du bout de son index et de son pouce et inclina la tête en arrière pour expirer la fumée grisâtre. Le chasseur lui fit face, également déterminé à en découdre et ajouter un trophée à son tableau de chasse.
- Pour quelle raison tu t'en es pris à elle ?
- Vous êtes le fléau de cette génération. Vous semez le chaos et suscitez l'insurrection partout où vous passez, sans vous souciez des conséquences de vos actes.
- Drôle de discours pour un chasseur de primes…, de la part de la Marine, j'aurais compris…
Un sourire fendit son visage abîmé.
- Tu as raison… il fut un temps où j'étais un soldat au service du Gouvernement Mondial, où je pensais rendre la justice et protéger les civils. Mais avec le temps, j'ai fini par me rendre compte de l'hypocrisie qui règne dans l'armée. Le système des Grands Corsaires était une aberration, et je regrette qu'il n'ait été aboli que maintenant.
- Donc, pour toi, rendre justice c'est de t'en prendre à une femme enceinte ? Je ne vois pas en quoi cela fait de toi un homme meilleur que ceux que tu pourchasses…
- Ton jugement n'a que peu de valeur à mes yeux. Pour être honnête, c'est vrai que j'aurais préféré tomber sur Roronoa Zoro…
L'expression de l'homme se ternit à l'évocation de l'épéiste. Cela faisait un peu trop de fois que l'on mentionnait ce dernier aujourd'hui, au goût de Sanji.
- Rien ne me ferait plus plaisir que de lui régler son compte. Porter le titre de chasseur de pirate alors qu'il a vendu son âme pour en devenir un, c'est tout bonnement une insulte à tout ce pour quoi nous luttons. Mais je dois avouer qu'avoir l'opportunité de tuer la femme qui porte son enfant, me console un peu. Une fois que je me serais débarrassé de toi, je me ferais un malin plaisir de la traquer et je m'assurerais que ce monstre ne voit jamais la lueur du jour. Puis j'amènerais la tête de la « chatte-voleuse » aux pieds de Roronoa, pour voir la rage et le désespoir dans ses yeux, avant que je ne lui prenne la vie.
Le blond mordit le bout de sa cigarette et serra les poings dans ses poches. Ce type était complètement dingue.
- Désolé de casser ton trip… mais ça ne se produira pas, car ça voudrait dire que j'ai perdu. Et autant te dire que face à une raclure comme toi, ça n'arrivera jamais. Tu as osé frapper Nami, et rien que pour ça, tu ne mérites plus de vivre.
Des flammes bleues léchèrent furieusement sa jambe, alors qu'il retirait le mégot de sa bouche pour le jeter d'une pichenette.
…
- AAAAHHH !
Le cri d'agonie déchira le semblant de calme qui régnait dans la petite rue, à l'écart du combat entre Sanji et le chasseur. La voix de la jeune femme s'érailla et se transforma en sanglots. Assise par terre, adossée au mur d'une bâtisse, Nami se tenait le ventre, les jambes repliées et écartées, le visage froissé dans une expression de souffrance. La tête de Chopper émergea de son jupon, avec une mine sérieuse qui cachait mal son inquiétude. La situation était pire qu'il ne pensait. Le travail venait de commencer, la poche des eaux était rompue et son col était déjà bien ouvert. Les coups qu'elle avait reçus l'avaient certainement déclenché, mais ce qu'il craignait le plus, c'était pour l'état de santé du bébé. Nami n'était qu'à 35 semaines d'aménorrhée, ce qui était trop tôt pour que le bébé naisse. Cependant, la fatalité en avait décidé autrement, et cet enfant s'apprêtait à voir le jour. Or il était inconcevable qu'elle accouche dans cette rue s'ils voulaient qu'il ait une chance de survivre. Il lui fallait du matériel médical, une couveuse, un système pour de l'assistance respiratoire artificielle… et il n'avait rien non plus pour soulager la douleur de la jeune femme. Le sang qui s'écoulait entre ses jambes paraissait normal pour le moment, mais si jamais il y avait une hémorragie, rien ici ne lui permettrait de la stopper. Clairement, la situation était très mal engagée, et Chopper dut faire de son mieux pour que son inquiétude ne déteigne pas sur la maman.
Après quelques secondes, les yeux de Nami s'entrouvrirent sur deux prunelles luisantes, en détresse totale.
- Alors ? demanda-t-elle entre ses dents serrées
- Le travail a commencé, annonça le jeune docteur. Tu vas bientôt accoucher, Nami.
- Q-quoi ?! Non ! Non, non, non, non, non ! Tu… tu dois te tromper ! Il ne peut pas arriver maintenant ! C'est beaucoup trop tôt ! Il nous manque encore plein de choses ! On n'est pas prêt ! Je ne suis pas prête !
La jolie rousse se mit à hyperventiler et essaya de se relever, avant que Chopper ne l'intercepte en posant ses sabots sur ses épaules.
- Nami calme-toi, intima-t-il gentiment mais avec fermeté. Ça va aller ! Tu peux le faire ! Je serais avec toi tout le long pour t'aider ! Mais tu n'as pas le choix. Tu as perdu les eaux et ton col est ouvert à 7 cm… ce bébé va naître aujourd'hui.
La terreur était omniprésente dans ses grands yeux écarquillés, mais elle sembla se calmer quelque peu.
- Tu peux le faire, Nami ! l'encouragea le petit renne. L'important maintenant, c'est qu'on te ramène au Sunny car il va me falloir mes instruments et mon matériel.
Nami hocha la tête en silence, les lèvres pincées pour ravaler son sanglot. Une explosion près d'eux, arracha un coin de la maison contre laquelle elle était appuyée. Chopper changea de forme pour la protéger en faisant bouclier avec son corps alors qu'une pluie de gravats s'abattait sur eux. Lorsqu'il releva la tête, il vit le chasseur, profondément encastré dans le sol au milieu de la rue principale, et salement amoché, avec des traces de brûlure sur tout le corps. Sanji s'était bien défoulé on dirait, et ce n'était pas le médecin qui s'en plaindrait.
D'ailleurs, celui-ci atterrit les mains dans les poches, près de l'homme inconscient, puis alluma une énième cigarette. Son adversaire, aussi fort soit-il, n'avait pas fait le poids face au cuisinier des Chapeaux de paille.
- Sanji !
L'interpelé nota enfin leur présence et voyant Nami repliée sous Chopper, se dépêcha d'accourir vers eux. Le médecin lui fit un bref résumé de la situation que Sanji accueillit d'un air grave.
- Il n'y a pas de temps à perdre ! Emmène-la sur le Sunny. Tu iras plus vite que moi en passant par les airs. Je vous suivrais depuis en bas.
Comprenant l'urgence, le blond se dépêcha de récupérer la jeune femme pour la transporter en princesse.
- Pendant ce temps, Zeus, rassemble les autres et dis-leurs de se retourner au navire. Si jamais il y a d'autres chasseurs de pirates, on ferait mieux de lever l'ancre, ordonna Sanji.
- D'accord !
- C'est parti ! On y va Chopper !
A suivre...
