CHAPITRE 4 : A la Bibliothèque
Les semaines passèrent, et pourtant Drago avait des raisons de se demander si la fièvre l'avait vraiment quitté. Cela semblait se manifester de temps en temps, généralement sous la forme d'un frisson involontaire et de cet étrange sentiment de faiblesse qu'il avait ressenti lorsqu'il s'était réveillé pour la première fois pour trouver le Professeur Rogue dans sa chambre – provoqué, le plus souvent, par la rencontre du regard de Granger à travers une salle de classe ou dans la Grande Salle à l'heure des repas
C'était un sacré problème, voilà ce que c'était.
S'il y avait une consolation à avoir, c'était qu'il voyait dans ces yeux sombres, les fois où ils rencontraient les siens, un malaise profond qui correspondait au sien. Il semblait qu'elle, également, avait été perturbée par leur rencontre le soir de la Saint-Valentin.
C'est une petite consolation.
Le problème était qu'il n'arrivait tout simplement pas à sortir Granger de son esprit. Et cela le rendait fou. Il s'était trompé sur la date de remise d'un essai important en Métamorphose, avait fait de nombreuses petites erreurs en Potions, normalement son sujet préféré, et avait, samedi dernier, perdu le vif d'or au profit de Potter une fois encore parce que son esprit, alors qu'il s'était envolé, avait été ailleurs. Heureusement Serpentard avait encore une chance de gagner la Coupe de Quidditch en raison de ses performances exceptionnelles précédentes contre d'autres maisons, mais... c'était vraiment ridicule.
Il se surprenait à lui jeter des regards furtifs chaque fois qu'il en avait l'occasion, au détriment de ses devoirs, au détriment de sa concentration sur le Quidditch, au détriment de sa putain de santé mentale – essayant de la regarder lorsqu'elle baissait sa garde pour espérer percevoir son charme quand elle ne le regardait pas. Elle n'était pas belle, pas au sens conventionnel du terme, comme Lavande Brown ou Susan Bones, mais la beauté d'Hermione s'insinue sous la peau de n'importe quel homme, bon sang. Et c'était aussi rare que de l'eau fraîche dans un désert et mon Dieu, il avait soif.
Et oh, comme il l'a combattu. Il s'est donné du mal pour combattre ses pensées. Entrer dans un mariage arrangé en était une chose - bien qu'il n'ait jamais été ravi par la perspective de se marier avec Pansy, il ne s'y ai jamais opposé non plus, car il avait toujours admis que c'était une évidence, et à quoi bon s'insurger contre quelque chose qui allait arriver de toute façon, aussi inexorablement que le soleil se lève chaque matin ?
Mais il n'avait jamais ressenti ce genre de désir d'en avoir un autre auparavant. Il ne s'était jamais permis de le faire, avait stoppé et piétiné la moindre pensée à la seconde où il en avait pris conscience, et juste pour cette raison qu'il était dans un mariage arrangé. Il n'avait pas besoin d'autres complications dans sa vie, merci bien. Il en avait assez dans son assiette, et il allait épouser Pansy et faire ce qui était bien envers sa famille, point final, fin de la discussion. Alors pourquoi inviter les ravages qu'une histoire d'amour causerait dans sa vie ? S'il ne pouvait pas aimer sa future femme – et il avait essayé, mais sans succès – alors il n'aimerait personne. C'était plus simple ainsi.
Donc se lancer dans un mariage arrangé était une chose, mais ça... se lancer dans un mariage arrangé quand il veut soudainement, inexplicablement et désespérément (et quelle lutte cela avait été, même pour admettre qu'il la voulait), une fille qui était tellement en dessous de lui en termes de hiérarchie. Il la voulait avec une intensité qui défiait tous ses efforts pour l'écraser - c'était autre chose. C'était comme... comme mourir.
Et putain de Rogue, qu'il aille directement en enfer pour ces putains de remarques énigmatiques qu'il avait faites, alors que Drago n'était clairement pas bien, pas lui-même, et donc plus sensibles à de telles idées que le Maître des Potions lui avait mises dans sa tête et qu'il ne pouvait pas, malgré tous ses efforts, sembler bannir.
Des pensées qui, contre sa volonté, prenaient racine et grandissaient, lui murmurant constamment avant de dormir la nuit et les premiers moments de somnolence du réveil.
C'était exaspérant.
Il n'y avait qu'une seule chose à faire.
Il devait lui parler à nouveau.
La bibliothèque était déserte.
Enfin, presque désert. Déserté sauf par Drago.
Il s'était attendu à ce qu'il en soit ainsi, vu que c'était vendredi soir. Même Madame Pince s'était retirée pour la soirée. Cependant, en fin de trimestre, la bibliothèque était ouverte aux étudiants de septième année vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour encourager les révisions en vue des ASPIC. Peu importe l'heure de la journée ou de la nuit, aucun élève de septième année ne pouvait être pénalisé pour sa présence à la bibliothèque. Cependant, y accéder et en revenir était un autre problème. Rusard et Miss Teigne régnaient toujours en maîtres dans les couloirs.
Néanmoins, Drago, penché sur une petite table dans un coin avec des livres et des parchemins (sur lesquels il n'arrivait pas à se concentrer) étalés devant lui, était certain qu'Hermione ferait son apparition ce soir.
Et il n'a pas été déçu.
Il fut d'abord perplexe lorsque la lourde porte en bois, fermée par des barreaux de fer, s'ouvrit en grinçant puis se referma apparemment d'elle-même. Puis ses yeux clairs s'écarquillèrent d'étonnement alors qu'Hermione apparaissait de nulle part, enlevant ce qui ne pouvait être qu'une véritable cape d'invisibilité d'un mouvement rapide et expérimenté. Drago était loin d'être stupide. Il se retrouva tout à coup en troisième année, à l'extérieur de la Cabane Hurlante, dans le village de Pré-au-lard. De la boue dans les cheveux.
— Potter, marmonna-t-il dans sa barbe. Je le savais, putain, je le savais. Bâtard !
Hermione ne prêta aucune attention à lui qui était dans son coin reculé et sombre de la bibliothèque. Ce qui lui convenait parfaitement et c'était pourquoi il avait choisi cet endroit en particulier. Il voulait avoir l'avantage d'être celui qui allait lancer la conversation, selon ses propres conditions.
De toute façon, la bibliothèque était sombre. Même si les étudiants de septième année étaient autorisés à utiliser ses ressources à tout moment et à toute heure du jour ou de la nuit, aucune disposition n'était prévue pour eux en termes d'éclairage. On a supposé, et à juste titre donc (à l'exception de quelques cas notables tels que Crabbe et Goyle), qu'ils étaient suffisamment doués en magie pour être capable de créer leurs propres sources de lumière.
C'est ce qu'Hermione fit, allumant sa baguette avec un simple Lumos, puis murmurant un autre sort qui lui permit d'ajustez l'intensité de lumière émise. Elle augmenta la puissance lumineuse de la baguette jusqu'à ce que toute la table qu'elle avait choisie pour espace de travail - qui était considérablement plus grande que celle de Drago. Elle s'installa sur une chaise, tournant le dos à Drago, plia sa cape argentée et la fourra dans son sac, d'où elle commença alors à récupérer un nombre impressionnant de livres, ainsi que de nombreux parchemins.
Silencieusement, Drago se leva.
Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, mais bon sang s'il voulait lui donner la moindre idée de la façon dont sa présence l'affectait. Son visage se dissimula derrière un masque parfait de dédain froid, prit une profonde et vivifiante respiration ... et resta là où il était pendant les dix minutes suivantes, la regardant, totalement incapable de faire un pas dans sa direction.
Eh bien, réfléchit-il amèrement, c'était une première. Drago Malefoy, maître de lui, prince de Serpentard, troublé (il n'y avait pas d'autre mot pour le dire, pas s'il devait être très honnête avec lui-même – et une chose à savoir à propos de l'homme que Drago était devenu était qu'il était brutalement honnête, avec lui-même comme avec les autres) - donc, troublé par une fille. Tellement confus qu'il était figé sur place, incapable de l'approcher. Et pas n'importe quelle fille, non plus, mais une Gryffondore, le meilleur ami de son ennemi juré, et une sang de bourbe.
Que Dieu l'aide.
Ses camarades de Serpentard se moqueraient de lui.
Et son père aussi.
D'ailleurs, il valait mieux ne pas s'attarder sur la réaction de son père.
— Reprends-toi, Malefoy, grogna-t-il dans sa barbe, se raidissant et se dirigeant vers l'endroit où elle se trouvait assise, dos à lui, au milieu de sa petite flaque de lumière.
— Bonsoir, Granger, dit-il d'une voix traînante, alors qu'il était très proche de sa table, la faisant sursauter.
Elle se tourna sur sa chaise pour lui faire face, forcée par sa proximité, alors qu'il la surplombait, de pencher la tête en arrière pour le regarder.
— Malefoy, dit-elle, sa voix n'étant guère plus qu'un murmure.
Il vit un éclair de peur dans son regard, mais elle se repris rapidement - en fait, quelqu'un de moins habile que lui à cacher ses propres émotions ne l'aurait jamais vu. En même temps, elle n'a pas attrapé sa baguette – elle s'est levée, se mettant à son niveau, sans jamais rompre le contact visuel.
— Tu m'as surpris, dit-elle.
Drago haussa les épaules, d'un geste délibérément nonchalant.
— Tu m'as interrompu, répondit-il. J'étais ici en premier.
Il montra la petite table à laquelle il était assis, et il la sentit se tendre immédiatement.
— Tu m'as vu entrer ? demanda-t-elle rapidement.
Est-ce qu'il l'avait vraiment vu entrer ? C'est une bonne question.
Les capes d'invisibilité étaient strictement interdites à Poudlard, il le savait. Même si c'était la préfète en chef qui en utilisait une, il importait peu que ce soit sa cape et que Potter l'ait emprunté ce jour fatidique en troisième année, ou que ce soit la cape de Potter et qu'elle l'empruntait ce soir. (Les capes d'invisibilité étaient si rares qu'on était sûr qu'elles ne pouvaient pas être utilisées). Maintenant qu'il avait la preuve concrète de son existence, elle pouvait la dissimuler au cas où…
— Non, dit-il catégoriquement. J'étais dos à la porte.
Très bien, pourquoi diable avait-il juste dit ça ?
Elle se détendit visiblement et un long silence gênant s'ensuivit. Enfin …
— Voudrais-tu me rejoindre pour étudier, Malefoy ? demanda brusquement Hermione. Ta table là-bas a l'air un peu étroite. Il y a de la place pour s'étendre ici, et nos deux baguettes créeraient une bien meilleure lumière.
Drago ne dit rien. La vérité était que son invitation était si inattendue qu'il ne trouvait rien d'approprié à dire. Rien qui ne le ferait pas passer pour un foutu idiot de Poufsouffle. Mais il a réussi à se mettre au travail. Il passa de l'autre côté de la table, tira la chaise en face de celle d'Hermione, agita sa main gauche vers sa propre table et murmura Accio.
Sa baguette vola immédiatement dans sa main tendue, tandis que ses affaires étaient rapidement et soigneusement emballées, dans son sac, pour le rejoindre à la table. Hermione regarda Drago avec un sourcil arqué, mais refusa de commenter.
Drago plaça sa baguette au centre de la table à côté de celle d'Hermione, et en effet, toutes deux réunis produisaient une lumière beaucoup plus saine pour lire.
Avant qu'ils puissent se mettre à étudier, Drago tendit de nouveau la main vers les baguettes - mais au lieu de récupérer la sienne, cette fois il prit celle d'Hermione. Il fit semblant de l'inspecter pendant qu'elle le regardait prudemment.
— Alors, comment la baguette fonctionne-t-elle pour toi, maintenant, Granger ? demanda-t-il en le faisant tournoyer négligemment entre ses doigts tout en parlant.
— Très bien, Malefoy, je te remercie, répondit Hermione d'un ton sec.
— Je suis heureux de voir que tu as surmonté cette petite dispute que nous avons eu, remarqua froidement Drago, et étant fidèle à ma parole, ça ne t'as posé aucun problème, n'est-ce pas ?
— Non, dit-elle en serrant ses dents.
Drago pensait qu'elle commençait à regretter de l'avoir invité à la rejoindre. Cette pensée l'amusait. Il était peut-être complètement frappé, mais il l'était toujours…, Drago.
Drago agita la baguette avec aisance, la faisant émettre une pluie d'étincelles vertes et argentées, puis la replaça, au centre de la table à côté de la sienne.
Cependant, remarquant son regard furieux, il se renseigna d'un ton trompeusement désinvolte :
— Tu ne t'en ai pas encore vraiment remis ? Tu es toujours dérangé par le fait que j'ai réparé ta baguette. Pourquoi ?
Hermione jeta des coups d'œil, alternant entre lui et la baguette qui brillait constamment et vice-versa, une bataille se déroulant clairement dans son cerveau. Pendant un instant, il sembla qu'elle ne répondrait pas, puis, brusquement, elle capitula.
— J'ai fait quelques recherches sur le sujet, dit-elle en parlant rapidement et en jouant nerveusement avec ses cheveux, qu'elle avait rassemblés en un chignon lâche avant de se lancer dans son incursion à la bibliothèque, mais qui s'échappaient, maintenant, dans tous les sens.
Drago ne pouvait pas cacher le sourire qui apparut sur ses lèvres à ces mots si caractéristiques - mais elle ne parvint pas à le remarquer dans son état clairement agité.
— Et ? demanda-t-il doucement.
— Et, dit-elle tristement, j'ai découvert que lorsque la magie noire est utilisée pour réparer une baguette – et tu n'as jamais nié que tu avais utilisé de la magie noire – la personne qui a réparé la baguette conservera un lien avec celle-ci. Autrement dit, même lorsque je tiens ma propre baguette, tu peux la contrôler, si bon te semble. Donc ce n'est plus vraiment ma baguette, n'est-ce pas ? C'est plus comme… la nôtre.
Putain de merde. Drago n'était même pas au courant de cet effet secondaire particulier de la réparation améliorée des baguettes par la magie noire. Bien, c'était intéressant.
Il n'était même pas conscient du sourire narquois grandissant sur son visage – son sourire narquois était une seconde nature pour lui, après tout – mais Hermione l'avait déjà compris.
— Oh, ça te rend heureux, n'est-ce pas, Malefoy ? explosa-t-elle. Tu te sens tellement supérieur, hein, sachant que tu as ce genre de pouvoir sur moi ! Super, continues et jubiles ! Je ne sais pas pourquoi je n'ai jamais…
Elle commença à bourrer ses livres et ses parchemins au hasard dans son sac, avec des mouvements rapides et saccadés de colère. Sa voix était étouffée, les cheveux tombant sur son visage alors qu'elle enfonçait les choses au fur et à mesure dans son sac.
— Je pars, dit-elle inutilement, car son intention était parfaitement claire, et elle s'éloigna de lui vers la porte, sans jamais lever les yeux. Fais-moi juste une faveur Malefoy, et reste loin, très loin.
Drago était à côté de la table qu'ils occupaient et lui bloquait la sortie avant qu'elle puisse finir de parler ou faire un seul pas vers la porte. Ne sachant jamais ce qui l'avait poussé à faire cela, il tendit la main et la saisit par les deux épaules ; elle rejeta ses cheveux en arrière, hors de son visage, et leva les yeux vers les siens. Avec un pincement au cœur inattendu, il vit qu'il y avait des larmes prêtent à dévaler ses joues, mais elle les retenait avec une détermination farouche tout en continuant de le fixer avec défi.
— N'y va pas, dit-il doucement. Je …, il faillit s'étouffer avec le mot suivant. Je suis désolé si tu penses que je ... te taquinait. Je te donne ma parole solennelle (la partie suivante du serment disait généralement « en tant que sang pur et Malefoy », mais il omit cette partie, devinant à juste titre que cela ne servirait à rien que de la mettre davantage en colère) que je ne le savais pas lorsque j'ai réparé ta baguette... Je l'aurais réparée de toute façon, si je l'avais su. Le fait est que, maintenant que je sais…, je n'utiliserai pas cette connaissance contre toi. Je le promets. Maintenant, assis toi. Si l'un de nous doit partir, ce sera moi. Je ne veux pas te chasser.
Elle resta immobile pendant un moment, luttant clairement pour retrouver son calme, puis se retira, hors de son emprise, prit une profonde respiration, et s'essuya les yeux avec colère.
— Je déteste pleurer, remarqua-t-elle d'une voix à peine audible, plus pour elle-même, semblait-il, que pour lui.
Juste au moment où elle commençait à se détourner pour aller vers la table cette fois, Drago se surprit une fois de plus, à tendre à nouveau sa main, mais pas pour lui saisir les épaules, cette fois. Non, cette fois c'était un geste bien plus intime. Il lui saisit doucement le menton, ramenant son visage vers le sien, rencontrant ses yeux, qui étaient écarquillés et soudain incertain.
— Ce n'est pas seulement la baguette, n'est-ce pas ? Il a demandé. C'est tout ce qui s'est passé cette nuit que tu n'arrives pas à digérer.
Et, reconstituant inconsciemment ce qu'il avait fait à Pansy dans son délire, il passa un doigt sur la pommette qui avait été si gravement meurtrie cette nuit-là, puis il passa légèrement son pouce sur ses lèvres. Il y avait du sang cette nuit-là, du sang rubis, pas boueux du tout... et elle était toujours un être inférieur, et son devoir était envers lui, sa famille et la cause sacrée de sa famille, et il devait continuer à se le rappeler… mais mon Dieu, il la voulait. Il ne pourrait jamais l'aimer – c'était la pire hérésie que de l'admettre – mais il pouvait le faire, la vouloir, décida-t-il, je pouvais et je l'ai fait - oh, comme il l'a fait. Il la voulait maintenant sur la table où ils étaient tous les deux assis, il voulait …
Assez.
Il baissa les mains.
Mais bon Dieu, il y avait quelque chose chez cette fille : sa beauté qui n'était pas vraiment une beauté, sa vulnérabilité qu'elle a essayée de cacher sous cette apparence autoritaire de Mademoiselle Je-Sais-Tout, son innocence - une qualité qui transparaissait même lorsqu'elle enfreignait délibérément les règles – se faufilant dans l'école avec une cape d'invisibilité, et en tant que préfète en chef – qui inspirait simplement le désir chez un homme.
Il fronça les sourcils, se souvenant de son état échevelé cette nuit-là. Oui, il y avait quelque chose chez cette fille qui inspirait le désir chez un homme, et Crabbe et Goyle étaient enclins, après tout, à agir selon leurs instincts animaux les plus bas.
— Granger, dit-il soudainement, dis-moi ce qui s'est réellement passé cette nuit-là. Tes vêtements ont été déchirés. Est-ce qu'ils … ?
Elle recula d'un pas, puis se détourna de lui, enroulant ses bras autour d'elle – pour se réchauffer ? Pour se protéger ?
— Je te l'ai déjà dit : non, dit-elle d'une voix plate.
Drago comprit soudain.
— Mais pas faute d'avoir essayé... non ?
— Ce n'est pas faute d'avoir essayé, répéta-t-elle dans un murmure, puis elle se tourna vers lui juste assez pour qu'il puisse voir son visage de profil. Non, ce n'est pas faute d'avoir essayé, répéta-t-elle d'une voix plus forte, c'est pour ça que je me suis autant battue. Je t'ai dit que j'aurais préféré mourir, et je le pensais. Je me suis dit, très bien, si je riposte et qu'ils me tuent pour ça, ainsi soit-il, c'est mieux que l'alternative. Je….
Elle s'interrompit un instant, le regard fixé dans le vide ; puis, juste au moment où il était sur le point de faire un pas vers elle, elle sembla revenir à elle-même et lui faire face à nouveau pleinement. L'expression de ses yeux était maintenant très proche de la panique.
— Je, euh, je dois vraiment y aller, dit-elle, les mots se bousculant dans sa soudaine précipitation. Je suis désolé.
Et elle l'a frôlé et s'est pratiquement précipitée vers la porte. Drago commença à la poursuivre, puis se ravisa. Elle avait vraiment l'air surmenée - il devrait lui permettre de partir en paix.
— Granger, appela-t-il à la place alors qu'elle atteignait la porte.
Elle s'est arrêtée là, même si elle ne s'est pas retournée vers lui. Il réfléchit soigneusement à la manière de formuler ses mots d'adieu.
— Faites attention à Rusard, dit-il enfin. Tu as fait un long chemin pour venir. Ce serait mieux... de ne pas être vu.
Elle ne répondit rien, ouvrit simplement la porte, se glissa sans bruit et disparut.
Drago espérait qu'elle avait compris ce qu'il voulait dire et qu'elle se cacherait sous la cape d'invisibilité. Il ne serait pas bon qu'elle tombe sur ce salaud de Rusard... ou sur n'importe qui d'autre, d'ailleurs. Notamment deux personnes en particulier.
Ils avaient tenté de la violer.
Il se rendit compte que ses poings et sa mâchoire étaient serrés.
Ils avaient tenté de la violer. Et elle avait bien précisé que s'ils avaient réussi, cela aurait été, pour elle, un sort pire que la mort. Elle avait eu peur qu'ils la tuent pour s'être battue, mais elle avait quand même riposté.
Ils avaient essayé de la violer - et pourquoi, bon sang, POURQUOI ? Il se déchaina soudainement, enfonçant son poing dans la bibliothèque la plus proche de lui. Est-ce que cela lui importait vraiment ? Son bien-être était censé lui importer autant que celui de l'elfe de maison de quelqu'un d'autre. Et s'ils l'avaient violée ? Et s'ils avaient détruit une belle et fragile innocence ? Il n'était pas censé s'en soucier. Qui plus est, il ne voulait pas s'en soucier – il n'avait pas demandé cette complication dans sa vie. Elle n'était qu'une sang-de-bourbe. Mais, murmura un coin de son esprit, elle est ta Sang-de-Bourbe, maintenant.
Merde, Merde, Merde.
Très bien, peut-être que ce n'était pas si grave s'il regardait les choses sous un autre angle ; en termes de propriété, par exemple. Aimer une créature inférieure était inacceptable, mais on pouvait posséder une créature inférieure – prenons les elfes de maison, par exemple – il était alors naturel de veiller à sa propriété. Donc, s'il abordait le problème de cette façon, il peut avoir une revendication sur la Sang-de-Bourbe, et il pouvait en faire se prochaine conquête – alors il pourrait dire à Crabbe et Goyle de ne pas y aller près d'elle à nouveau, et ils écouteraient…
Il hocha la tête de manière à peine perceptible, après avoir décidé de la marche à suivre, puis revint à la table qu'ils avaient si bien partagée brièvement et commença à emballer ses affaires – à la main, cette fois, car il n'y avait plus personne à impressionner. Cela ne servait à rien de rester dans la bibliothèque maintenant qu'elle était partie ; il pourrait étudier plus confortablement dans sa chambre privée de préfet en chef.
Il était sur le point de partir quand quelque chose attira son attention ; une lueur blanche sur le sol, dans l'ombre de la table. Se baissant, il récupéra un rouleau de parchemin et, le déroulant, fut accueilli par la vue de lignes et de lignes d'écritures soignées d'Hermione, à hauteur de 90 cm en tout. Un devoir de potions à rendre à la fin de la semaine prochaine. Il avait apparemment chuté quand elle rangeait son sac, à la hâte.
Il le fourra dans son sac avec ses propres parchemins et retourna aux cachots. Drago n'avait pas besoin de cape d'invisibilité pour éviter d'être détecté par Rusard il était furtif de nature.
Une heure plus tard, il était assis à son bureau et écrivait. Sa calligraphie était aussi soignée que celle de Granger, bien que plus masculine. Il écrivait de la main gauche ; cela avait enthousiasmé son père lorsqu'il avait découvert pour la première fois que son unique enfant était un gaucher ; c'était un trait très prisé parmi les Serpentards, puisque le grand Salazar lui-même était gaucher.
Il commença par écrire une lettre avec un léger sourire narquois au bout de ses lèves :
Chère Granger
Trouves, ci-joint, ton devoir de potions, que j'ai découvert dans la bibliothèque après ton départ. J'ai pris la liberté de le lire et j'ai le regret de t'informer que tu as commis une grave erreur dans le quatrième paragraphe, en listant les ingrédients pour la potion que tu proposes. L'un des ingrédients que tu as listés est incorrect et modifiera l'effet de la potion sévèrement. Au lieu de rendre le sujet bleu, comme prévu, la potion, comme tu l'as écrit, renversera le sujet, entraînant une mort plutôt désagréable. Essaie-la sur Londubat, si tu ne me croies pas ; ce ne sera pas une grande perte.
Je me permets de te dire que le professeur Rogue n'accordera aucun crédit à ce devoir tel quel, et je ne peux qu'imaginer le plaisir intense que cela lui procurera de te réprimander devant toute la classe. Je ne vais pas te dire quel ingrédient est mauvais. Je suis très intéressé de voir à quel point tu es intelligente, et à cette fin, j'observerai Rogue avec beaucoup d'intérêt vendredi, pour voir s'il accepte ton travail, ce qui signifiera bien sûr que tu as rectifié l'erreur par toi-même, ou il la rejettera si ce n'est pas le cas.
DM
Il resta assis un moment plongé dans ses réflexions, puis ajouta, en guise de post-scriptum :
PS : Si tu prends l'habitude d'étudier dans la bibliothèque après les heures d'ouverture, peut-être pourrions-nous le faire ensemble quelques soirs par semaine. Je pense que nous pourrions être bénéfiques l'un à l'autre alors que nous nous préparons pour nos ASPIC. De toute évidence, tu pourrais avoir besoin d'un peu de tutelle en Potions et j'avoue que je ne suis pas non plus fort dans toutes les matières ; je voudrais profiter de ton expertise en Arithmancie et en Runes Anciennes. Réfléchis-y et fais le moi savoir.
Ceci fait, il roula le devoir d'Hermione et sa lettre dans un seul tube de parchemin, qu'il attacha avec un ruban de satin vert, et d'un mouvement paresseux de sa main gauche, il fit lever le loquet de la cage de son grand-duc et pour ensuite l'ouvrir. Le bel animal s'approcha immédiatement de son maître et se posa sur le bureau en face de Drago et présenta une patte pour accepter le message qu'il devait délivrer.
— Amène ça à Granger, la préfète en chef, ordonna-t-il, et ne la mords pas, tu comprends ? D'ailleurs, tu lui adresseras peut-être de la correspondance assez fréquemment pendant un certain temps, et tu ne dois jamais la mordre, Jupiter. Tu la reconnaîtras pour une Sang-de-Bourbe... mais elle est un cran au-dessus des autres. Est-ce clair ?
Le majestueux hibou inclina la tête un instant dans un geste d'acquiescement, et Drago se leva, se dirigea vers l'unique fenêtre de sa chambre et l'ouvrit, savourant l'air frais de la première nuit de printemps tandis que son hibou passa devant lui et disparut, volant vers le sommet du château. Drago était immensément privilégié d'avoir à la fois une fenêtre et un hibou dans sa chambre. Les fenêtres étaient difficiles à trouver dans les cachots, et seuls les préfets et les préfets en chef étaient autorisés à garder des hiboux dans leurs chambres plutôt que dans la volière, comme seuls eux disposaient de chambres privées dans lesquelles ils pouvaient être gardés.
Il arpenta la pièce jusqu'au retour de Jupiter, puis jura sur le fait qu'elle ne répondait pas. Pas même, un petit mot de remerciement pour lui avoir sauvé la mise grâce aux potions, et certainement aucune indication quant à savoir si elle accepterait sa suggestion d'étudier ensemble.
Cette foutue Sang-de-Bourbe jouait les difficiles.
Enfin, il se laissa tomber dans son fauteuil, passa ses deux mains dans ses cheveux argentés, ferma les yeux et, s'enfonçant plus profondément dans le fauteuil vert foncé et moelleux, il laissa finalement un petit sourire s'installer sur ses lèvres.
Cette foutue Sang-de-Bourbe voulait jouer à la dure. Eh bien, qu'il en soit ainsi. Cela ne ferait que rendre la victoire savoureuse, car à la fin il obtiendrait ce qu'il voulait. Drago Malefoy obtenait toujours ce qu'il voulait. Sauf la tête de Weasley sur un plateau d'argent et celle de Potter sur un plateau d'or, mais... il travaillait encore là-dessus. Peut-être qu'il pourrait même mettre ce rêve en veilleuse pendant un moment, afin de consacrer plus d'énergie à celui-ci.
Cela en vaudrait la peine au final.
Il la voulait – c'était tout, il la voulait juste – tellement.
La victoire serait si douce.
