Hey ! J'avais du temps ce matin donc j'ai décidé de poster la suite étant donné que le chapitre précédent était assez court.
Bee-gets : Merci pour ton review ^^
Shadow : Je ne me force pas t'inquiète ! Si je publie, c'est toujours parce que j'ai le temps et parce que ça me fait plaisir. Bon, contente qu'on ressente la sincérité de leur relation. C'était un point qui me tenait à cœur.
Bonne lecture !
Le conseil de guerre
« Tu suggères que j'oriente ma vengeance vers vos mères ? à moins que votre mort ne soit leur punition. »
Seijuro se sentait différent depuis sa nuit avec Shûzo. Il avait l'impression d'être désirable, que les regards étaient tournés vers lui, d'être plus adulte. Pas un instant il ne regrettait de s'être lancé dans cette aventure, même si elle mettait en danger son accession au trône. Seijuro, quand Shûzo venait le rejoindre sous la couverture, craignait d'être découvert et chassé par l'empereur. La discrétion était de mise car Tetsuya dormait dans la chambre d'a côté.
Sa relation avec ses frères continua à se détériorer. Leurs séances de jeux dans la cour étaient bien loin… n'en restait qu'un souvenir rarement sollicité. Shintarô se plaçait en tant que rival. Il parlait peu, restait discret, mais sortait de temps en temps du silence pour attaquer Seijuro. Atsushi restait égal à lui-même.
Tetsuya tentait de rester neutre, mais il n'avait jamais apprécié Shintarô, et celui-ci le lui rendait bien. Pour la première fois, Seijuro se retrouva avec une majorité toute relative de son côté. Néanmoins, il sentait Tetsuya beaucoup plus distant depuis la mort de Daiki. De même, son regard avait changé. Il exprimait de la crainte.
Ses journées, il les passait aux côtés de Satsuki. La jeune fille avait mis longtemps à se remettre de la variole. Son père, nouveau daimyo de Hokkaido, avait voulu la faire rentrer sur l'île. Mais il convint que ce serait encore plus dangereux d'apporter la maladie sur l'île, pour le moment épargnée, que de rapatrier sa fille.
D'autant plus qu'il avait plusieurs filles.
oOo
Après l'hiver 1498, alors que Tetsuya venait de fêter ses dix-huit ans, l'empereur estima que ses fils étaient désormais assez âgés et formés pour participer aux conseils de guerres. Ceux-ci se tenaient à intervalles réguliers pour informer l'empereur de l'avancée des armées et pour discuter des stratégies à mettre en place. Tous les hauts généraux étaient présents.
Pour l'occasion, les garçons revêtirent leurs tenues les plus formelles et prirent leurs sabres. Ils avaient le droit de se tenir de part et autre du trône de chrysanthème et ne pouvaient parler sans autorisations. Seijuro aurait préféré être le seul à y assister. Après tout, n'avait-il pas prouvé au shogi qu'il était le plus capable pour mettre au point des stratégies ?
Sur une immense carte de l'empire étaient représentés les forces alliées et ennemies. Seijuro, avant de venir, avait révisé l'histoire des conflits de l'empire. Il se rendit compte, sur cette carte, que depuis le début de la guerre, l'armée n'avait que peu progressé. Les vagues d'épidémie successives qui sévissaient dans le pays n'y étaient pas pour rien. Les soldats, partaient au front, puis revenaient pour leurs quelques permissions ou lorsqu'ils étaient blessés. Ces mouvements de population avaient aidé à propager la variole.
Les batailles dans la baie d'Osaka et de Wakayama pour prendre le contrôle des îles telle que celle d'Awaji avaient affaiblis les deux flottes mais s'étaient toujours soldées par une égalité et une destruction mutuelle. Malgré la force de son armée et de sa flotte, l'empire ne parvenait plus à progresser. Renonçant à attaquer depuis Wakayama, l'empereur s'était concentré sur l'ouest et la baie d'Hiroshima. D'îles en île, il comptait atteindre Shikoku et surtout sa capitale, Matsuyama, située juste en face. Pour le moment, seule l'île d'Etajima et celle de Kurahashi avaient été prises. Le plus important sera la bataille prochaine pour Nakajima.
Mais la contrée d'Hiroshima avait longtemps été alliée de Shikoku et cette fidélité installait une ambiance hostile dans la région et empêchait les troupes d'agir à leur guise. Le territoire était annexé depuis cinq ans seulement.
-Le seigneur Momoi d'Hokkaido nous a informé que les récoltes de cette année avaient été désastreuses. Les réserves après l'hiver sont très basses. Il ne pense pas pouvoir…
-Le seigneur Momoi continuera à nous aider dans cette guerre, le coupa l'empereur de sa voix calme et profonde.
-Sauf votre respect votre Majesté, mais malgré l'alliance, il n'y a plus de lien de mariage pour unir nos deux nations. Depuis le décès de sa majesté, et tant que la princesse Satsuki ne sera pas mariée…
-La princesse n'est certes pas mariée, repris un autre général avant que l'empereur n'intervienne. Mais elle réside au palais et cela fait d'elle notre captive. Le seigneur Momoi ne prendra pas le risque de nous trahir.
-Le seigneur a d'autres filles qu'il pourrait marier aux daimyo de Shikoku.
-Messieurs, le mariage de la princesse n'est pas le sujet, les interrompis un autre général. Nous devons parler de l'offensive pour prendre l'île de Nakajima.
Seijuro coulait régulièrement de petits regards vers l'empereur. Il voyait qu'il semblait se délecter des conflits entre les généraux. Jusqu'à ce que ceux-ci divergent trop. Il montrait alors de l'ennui.
Tandis qu'il observait le visage de l'empereur, celui-ci tourna la tête vers lui. Le garçon sursauta et détourna les yeux.
-Seijuro. Voudrais-tu nous proposer quelque chose ?
-Oui, votre majesté.
Il regarda le plan, fit appel à ses connaissances et à sa ruse.
-Shikoku est une île plus petite qu'Hokkaido mais plus peuplée. Elle n'est pas autosuffisante et a besoin de ressources venant de Kyushu. Nous pourrions couper les ravitaillements entre les deux îles. Puis assiéger Matsuyama quand l'île sera plus affaiblie.
L'empereur souris tandis que plusieurs généraux semblaient acquiescer. D'autres se pinçaient les lèvres, comme si ce projet semblait irréalisable.
-Majesté, empêcher toute communication entre Shikoku et Kyushu nécessiterait un trop grand nombre de vaisseaux. Notre flotte a été réduite de moitié depuis la bataille de…
-Je sais, le coupa brusquement l'empereur. Mais notre flotte est déjà en reconstruction.
-Le plan que le prince Seijuro propose demandera des années. Et pendant ce temps, notre peuple continuera à souffrir de la famine, surtout si Hokkaido ne peut plus…
-Shintarô ?
Le garçon dévisagea la carte un long moment. Seijuro savait qu'il était intelligent. Pas autant que lui, mais assez pour presque l'égaler s'il le décidait. Ce conseil de guerre était le moyen de s'illustrer, non seulement devant l'empereur, mais aussi devant les généraux.
Shintarô se racla la gorge, gêné.
-Je pense, commençât-il, que notre armée n'est plus en mesure de continuer cette guerre. Si la famine persiste, nous serons trop vulnérables et Shikoku pourrait décider de nous envahir à son tour.
Seijuro sourit. Shintarô venait de se ridiculiser devant l'empereur. Jamais ce dernier ne renoncera à ses projets expansionnistes. Pourtant, des généraux semblaient intéressés par cette option.
L'empereur fit signe à Shintarô de se taire.
-Tu souhaite donc que, comme des lâches, nous mettions fin à cette guerre ?
-Je pense, continuât Shintarô d'une voix peu assurée, que ce ne serait pas de la lâcheté. De plus, même si nous mettions fin à cette guerre, d'une manière ou d'une autre, ce ne serait pas une défaite. Nous avons pris deux îles à l'ennemi.
Mais l'empereur était sourd à cette argumentation. Lui, voulait la guerre et l'annihilation de cette nation qui les narguait depuis leur île couverte de rizières et pleine de vie. Sur Honshu, la variole, dans les campagnes, avait décimé les paysans.
A la fin du conseil de guerre, les garçons quittèrent la grande salle. Mais, au lieu de retourner dans l'aile ouest, ils écoutèrent à la porte, sachant que les généraux étaient encore avec l'empereur.
-Votre Majesté, commença un des généraux, il serait temps que vous désigniez un héritier.
-Ce n'est pas nécessaire pour le moment.
-Deux de vos fils sont morts et la variole a faillit en emporter deux autre d'après ce qu'on dit.
-Je n'aurai pas à désigner d'héritier. La question se réglera d'elle-même. La princesse épousera un de mes fils et l'alliance sera maintenue. C'est tout ce qui compte.
-Qu'est-ce que vous faîtes ?
Les garçons sursautèrent en reconnaissant la voix de Shirogane dans leur dos.
-Vous n'avez pas honte d'écouter aux portes ? Vous n'avez pas l'allure de princes venant d'assister à leur premier conseil de guerre. Retournez dans votre aile. Toute de suite.
Les quatre adolescents obéirent. Chacun dans leurs pensées, ils rejoignirent les onsens. Ce moment, d'ordinaire joyeux, était ce jour-là morne. Shintarô ne resta que quelques minutes, le temps de se frotter le dos et les cheveux. Atsushi tentât d'entamer la conversation avec Seijuro, mais celui-ci ne pensait qu'aux mots de l'empereur. Il avait espéré l'entendre dire qu'il le voulait comme successeur.
Finalement, ne resta que Seijuro et Tetsuya dans le bain chaud. Une bascule en bambou rompait le silence à intervalle régulier.
-Seijuro-kun, j'aimerai te parler de quelque chose.
-Je t'écoute.
Ils étaient assis côte à côte dans le bain. Tetsuya avait mis une serviette sur sa tête et la gardait en équilibre.
-Daiki-kun était très fière, tu ne me contrediras pas sur ce point, n'est-ce pas ?
-En effet, répondit Seijuro, méfiant.
-Alors, même malade… jamais il ne serait suicidé. Au contraire. Il aurait décidé d'affronter la maladie pour montrer qu'il est le plus robuste. Comme toi tu as fait.
-Et donc ? Où veux-tu en venir ?
Tetsuya se mordilla la lèvre et s'enfonça un peu plus dans l'eau.
-Vous vous détestiez.
-C'est vrai, concéda Seijuro.
Après tout, le combat qui avait eu lieu entre eux avait fait le tour du palais et avait eu Tetsuya comme témoin.
-Daiki-kun ne s'est pas suicidé. Il ne l'aurait jamais fait. Il a forcément été tué.
-C'est en effet une possibilité. Et donc ? Viens-en aux faits, Tetsuya, demandât Seijuro, irrité de la lenteur avec laquelle Tetsuya développait ses pensées, alors qu'il était d'ordinaire si franc.
Tetsuya rougit et détourna le regard. Seijuro savait parfaitement où son demi-frère voulait en venir. C'était limpide.
-Est-ce que tu… ne saurai pas quelque chose ?
-C'est-à-dire ?
Tetsuya se tourna d'un coup vers lui, abandonnant sa retenue. Il ne voulait pas être la souris avec laquelle Seijuro s'amusait à jouer pour lui tirer les vers du nez. De toute façon, son frère avait très bien compris ce qu'il avait en tête, il attendait seulement qu'il le verbalise, qu'il fasse sortir de sa bouche ces impardonnables soupçons.
-Seijuro-kun, as-tu tué, ou demandé à ce qu'on tu, Daiki-kun ?
-Tu me penses capable de faire une chose pareille ?
-Je…
Seijuro se pencha vers son frère.
-Dis-moi le fond de ta pensée, Tetsuya.
-Tu… Tu détestais Daiki-kun.
-Et ? Tu penses que ma haine est un motif suffisant ?
-Je… je sais que Daiki-kun a tenté de te tuer en envoyant ces deux hommes. Alors…
Seijuro se redressa. Ainsi, Tetsuya était au courant. Voilà qui était inattendu. Tout comme Ryota, il n'avait rien dit.
-Alors tu penses que j'aurai pu lui rendre la pareille ?
-… oui, répondit timidement Tetsuya.
Mais Seijuro vit dans ses yeux que ce n'était pas tout. Tetsuya avait d'autres soupçons. Il vit son frère prendre une grande inspiration.
-Et… je pense aussi que tu as tué Ryota-kun. Après tout, tu étais seul avec lui cet après-midi-là.
-Je suis seul avec toi en ce moment.
Il vit Tetsuya reculer d'un bon mètre dans l'eau.
-Tu… tu ne… Seijuro-kun, tu ne ferais pas ça…
-Il faudrait savoir, Tetsuya. Tu m'accuse d'être un tueur, oui ou non ? Car si je le suis, rien ne m'empêcherait de te noyer, là, tout de suite.
-Seijuro-kun… soufflât Tetsuya, effrayé. Non… Atsushi-kun et Shintarô-kun savent que nous sommes ici. Ils se douterons de quelque chose.
-Atsushi a trop confiance en moi. Et Shintarô est certes assez intelligents pour comprendre, mais il a peur de moi alors il n'agira pas.
-Shirogane-san aussi comprendra. Et il en parlera à l'empereur. Tu penses qu'il…
Tetsuya continuait à s'éloigner, désormais terrifié par son frère. Certes, il n'avait pas avoué ses deux meurtres, mais il n'avait pas non plus démenti.
-L'empereur s'en fiche. Et je pense que tu en as conscience, Tetsuya.
Le garçon continuait de reculer dans l'eau, jusqu'à arriver au bord du bassin. Il sorti. Il se souvenait de la conversation qu'il avait surpris entre l'empereur et Seijuro après la mort de Ryota. L'empereur savait que son fils était responsable. Et il ne lui avait rien dit. « Le jour venu, Tetsuya, sera-tu prêt à mourir pour le bien de ton frère ? ». Les paroles de l'empereur lui revenaient.
-Pourquoi ? Seijuro-kun, pourquoi ?
-Vos mères ont assassinés la mienne. Et Daiki a cherché à me nuire et à me tuer.
-Nous ne sommes pas responsables pour les agissements de nos mères !
-Vous saviez et vous avez gardé le secret.
-Et on comprend pourquoi ! Tu es un monstre, Seijuro-kun. Tu as tué mes frères pour de faux prétextes. Tu n'as agi que par sadisme !
-Tu suggère que j'oriente ma vengeance vers vos mères ? à moins que votre mort ne soit leur punition.
Tetsuya n'arrivait pas à reconnaître le jeune homme qu'il avait sous les yeux. Ses yeux froids. Sa voix ténébreuse. Ce n'était plus vraiment Seijuro mais sa haine et sa colère qui lui dévorait l'esprit. Son frère, il se rendait désormais compte, était rongé par tout ces sentiments négatifs. Le temps n'avait fait qu'aggraver cette gangrène.
Tetsuya ne voulait pas mourir. Il prit la fuite.