Hello ! J'espère que vous allez tous bien.
Shadow : Nijimura n'a aucun soupçon envers Seijuro. Deux fics ce n'est pas trop, je l'ai déjà fait. Je ne compte pas publier les deux en même temps, mais peut-être poster un chapitre de "Et si" entre chaque grande partie de Damnatio Memoriae pour vous laisser respirer (ou cogiter, ça dépend) un peu.
Bee-gets : Salut ! Oui, Momoi a de la chance. Mais avant tout, Akashi ne voulait pas la tuer. Murasakibara reste un personnage que je n'aime pas beaucoup mais il a son importance dans l'histoire donc je fais avec ^^ L'ijime, qu'est-ce que c'est ?
Akashi la fraise : Merci !
Bonne lecture !
La province d'Iga
« même si les circonstances ne sont pas idéales, es-tu heureux de voyager avec moi ? »
Un matin de mai 1497, Shirogane prit Seijuro à part peu avant l'entraînement de tir à l'arc avec le maître d'arme.
-Nijimura Shûzo doit se rendre à Iga pour affaire personnelle. Il t'en dira plus. L'empereur et moi-même avons accepté que tu l'accompagne.
-Que je l'accompagne ?
-Vous partirez demain matin.
-Attendez… le coupa Seijuro. Je n'ai jamais pu sortir du palais, hormis pour raison urgente. Alors pourquoi m'autoriser à aller à Iga ?
-La dernière fois que ton garde du corps a été absent, tu as été victime de deux tentatives d'assassinat en une nuit. Il est plus prudent que tu aille avec lui. De plus, l'empereur et moi-même pensons que ce voyage te serait bénéfique. Tu auras, là-bas, une fonction d'ambassadeur. Tu représenteras le palais impérial. Ton comportement devra être exemplaire.
-La raison que vous évoquez ne me suffit pas.
Shirogane soupira.
-Iga appartient à l'empire depuis plus de trente ans et c'est une province très calme, continuât le jeune homme. Je ne vois pas en quoi ma présence aura un quelconque impact.
-Nous ne te demandons pas de révolutionner le monde, Seijuro. Seulement de représenter l'empire. Toute province serait honorée d'accueillir un prince.
Seijuro croisa les bras sur sa poitrine.
-Et puis… ajoutât le précepteur. Je pense qu'il serait bien que tu sois éloigné de tes frères quelques temps.
Les joues de Seijuro se teintèrent de rouge. Aussitôt, il essaya de cacher son émotion mais son visage pâle, même avec tout le contrôle du monde, se colorait.
-Qu'est-ce que vous voulez dire ?
-J'aurai dû agir quand j'ai constaté les tensions entre Daiki et toi. Peut-être que j'aurai pu empêcher son suicide…
-Il… je m'entends bien avec Tetsuya et… ce qui s'est passé avec Atsushi n'est pas…
-Je sais. Ce n'est pas pour te punir, Seijuro. Bien au contraire.
Shirogane soupira.
-Tu sera le premier prince à effectuer un voyage disons… diplomatique. Est-ce que tu te rends compte de l'impact que cela peut avoir ?
-… Oui.
C'était une façon de le mettre en avant. L'empereur souhait-il, de cette manière, montrer qu'il le préférait ? Qu'il voulait faire de lui son successeur ?
-Je te rappelle cependant que c'est avant tout parce que Nijimura doit y aller que tu es autorisé à partir.
-Oui, monsieur.
-Bien.
Dès la fin de la séance de tir à l'arc, qui se déroula normalement, Seijuro alla rejoindre Shûzo dans sa chambre. Celui-ci préparait ses affaires et celles du prince.
-J'ai appris la nouvelle, annonça Seijuro en refermant la porte.
Le mercenaire se releva.
-Shirogane-san ne m'a cependant pas dit pourquoi tu devais partir.
-J'ai reçu ce matin une lettre de ma sœur, répondit-il en tendant un parchemin à Seijuro. Mon père est mourant…
Il détourna le regard un instant.
-J'ai demandé à Shirogane si je pouvais m'absenter, sans vraiment y croire mais… il a accepté.
Seijuro se mordilla la lèvre. Il avait l'impression que Shirogane avait sauté sur l'occasion de l'éloigner du palais. Cependant, peut-être était-ce une bonne idée ? Seijuro avait d'instinct mal réagit mais… être loin du palais, signifiait loin de l'empereur et donc… pouvoir profiter de Shûzo. Même si celui-ci n'allait pas voyager pour le plaisir.
-Je suis désolé pour ton père.
Le mercenaire hocha la tête et se concentra sur son sac. Dans le silence, Seijuro fit de même. Il prépara deux malles et son makura, contenant entre autre son précieux sabre et le collier que son garde du corp lui avait offert. Shûzo avait appris à voyager léger et se contentait d'un sac.
Pendant le dîner, Shirogane annonça le départ de Seijuro. Celui-ci ne devait partir qu'une semaine au maximum. Ses frères ne manifestèrent presque aucune émotion. Seijuro ne s'attendait à rien venant de Shintarô, mais il aurait apprécié un simple « bon voyage » de la part d'Atsushi ou Tetsuya.
Au lever du soleil, le lendemain, Seijuro et Shûzo se rendirent dans la cour, au pied du grand cerisier. Un attelage attendait le prince, escorté de deux cavaliers. Seijuro et Shûzo montèrent dans la carriole. Celle-ci, entièrement cloisonnée, ne disposait que de toute petites fenêtres afin d'éviter que l'on puisse deviner qui se trouvait à l'intérieur et d'éviter le passage de flèches.
L'intérieur était tapissé de banquettes et de coussins pour assurer le confort lors du transport. Les malles du prince furent disposées sous les banquettes.
La porte se ferma, la carriole quitta l'enceinte du palais. Seijuro regarda longuement Shûzo assis face à lui. Il avait envie de lui. Mais il ignorait si c'était réciproque étant donné les circonstances.
-Seijuro, soufflât le mercenaire. Tu veux bien t'asseoir à côté de moi ?
Shûzo n'était pas à l'aise quand il exigeait quelque chose du prince. Il avait l'impression que ce n'était pas dans l'ordre des choses alors que, dans l'intimité, ils étaient égaux.
Le prince sourit et s'exécuta, heureux d'être proche de son amant.
-Tu es inquiet ? demandât-il.
-Oui.
-Mais… même si les circonstances ne sont pas idéales, es-tu heureux de voyager avec moi ?
Shûzo tourna son visage vers Seijuro pour lui sourire à son tour.
-Bien sûr.
Il approcha sa main de sa joue, la caressa et finit par l'embrasser. Une main dans son dos, l'autre, descendant vers sa hanche, puis sa cuisse. Il saisit cette dernière et la tira vers lui pour inciter Seijuro à venir sur ses genoux.
Le prince écarta les pans de ses vêtements, retira le pantalon noir de Shûzo, saisit son membre et vint s'empaler sur lui. C'était la première fois qu'ils faisaient l'amour en plein jour. Même s'ils ne pensaient pas pouvoir être entendus depuis l'extérieur, au milieu des bruits de la ville qui s'éveillait, ils tentèrent d'être discrets. Ils s'embrassèrent afin de masquer leurs gémissements. Leurs coups de reins se cofondèrent dans les irrégularités de la route qui secouaient la carriole.
Il leur fallut neuf heures de route, interrompues par deux fois pour assouvir leurs besoins naturels, pour atteindre la province d'Iga.
Shûzo avait prévenu la veille sa famille de son arrivée et espérait, quand la carriole impériale s'arrêta devant la résidence, qu'ils avaient bien reçu la lettre.
Shûzo descendit le premier et tendit sa main pour aider Seijuro à descendre. Le prince n'en avait nullement besoin mais apprécia l'attention. Ils firent face à une lourde porte. On devinait derrière les hauts murs d'enceinte le toit de la maison en chanvre.
Le mercenaire tapa à la porte avec l'anneau en fer et attendit. Une domestique, petite et replète, lui ouvrit. Shûzo ne l'avait jamais vue. Il supposa qu'elle avait été engagée après son départ. Il du se présenter.
Quelques minutes plus tard, sa sœur, Shûko, fit son apparition. Elle se jeta dans les bras de son frère.
-Je suis si heureuse que tu aies pu venir !
Shûzo serra sa sœur contre lui, ému, avant de s'éloigner d'un pas.
-Shûko, je te présente Seijuro.
Le mercenaire rougit, réalisant qu'il n'avait pas mis les formes auxquelles le prince avait droit. Il le présentait comme un ami.
-Enchanté, répondit le jeune homme.
-De même.
Shûko était perplexe.
-Hum… Seijuro est le prince.
-Le prince ?
La jeune sœur mit ses mains devant sa bouche, choquée.
-Oh, votre Altesse ! Pardonnez ma maladresse !
-Je vous en prie.
-J'ignorais que vous alliez accompagner mon frère. Je suis vraiment, sincèrement désolée, je…
-Ce n'est rien, la rassura Seijuro. L'empereur a pensé qu'il serait bien que je découvre la province. Et Shûzo est mon garde du corps. Je ne…
Pouvais le laisser affronter cette épreuve seul, songeât-il avant de rougir lui aussi. Seijuro se dit qu'il devait être évident qu'ils n'étaient pas que garde du corps et prince.
L'attelage fut conduit dans la cour, les chevaux dans l'écurie voisine et Seijuro découvrit la grande maison dans laquelle Shûzo avait grandi. Celui-ci laissa le prince pour aller voir son père, Gen Nijimura.
Il était alité depuis une semaine. Sa respiration était sifflante, son teint pâle et grisâtre, ses cheveux ternes et gras. Il n'avait plus l'allure de l'homme qui l'avait élevé. Shûzo s'assit à ses côtés, prit sa main et lui parla.
-Le médecin dit qu'il ne tiendra plus que quelques jours.
Shûzo acquiesça.
Sa mère, Amika, arriva, tenant un plateau avec trois tasses de thé et une serviette humide et chaude. Elle s'assit à son tour et déposa la serviette sur le front de son mari.
-Je suis contente que tu sois venu, Shûzo. L'empereur a été bien aimable.
-Hum… Il m'y a autorisé car le prince a pu m'accompagner.
-Oui, Emu m'a prévenue. Je suis gênée… je n'ai pas prévu de chambre pour lui. A moins qu'il souhaite résider au château ?
-Non, il doit rester avec moi. Je suis censé assurer mon rôle, même à l'extérieur.
Les pensées des trois Nijimura convergèrent vers le malade. Ils évoquèrent de vieux souvenirs et même la sœur décédée. Gen avait été un père attentionné, contrairement à la majorité des pères qui laissait l'éducation à la mère. Gen avait joué avec ses enfants dans le petit jardin, leur avait appris à manier, l'épée. Même Shûko avait reçu cet entraînement militaire.
-Est-ce qu'il souffre ? demandât Shûzo.
-Je n'espère pas… répondit sa mère. Le médecin lui donne des solutions de pavot pour calmer la douleur.
Shûzo resta encore de longues minutes auprès de son père. Il lui parla et espéra que, du fond de son sommeil, il l'entendait.
Puis, il décida de rejoindre Seijuro. Celui-ci buvait du thé en compagnie d'Emu. Il se leva, inquiet, dès qu'il vit Shûzo revenir.
-Comment va-t-il ?
Shûzo se contenta d'un soupir. Il hésita à prendre Seijuro dans ses bras mais il ne voulait pas qu'Emu colporte de rumeur. Même s'ils étaient loin de Kyoto, ils devaient se montrer prudents.
-Navré de t'avoir laissé aussi longtemps, s'excusa le mercenaire.
-Voyons, Shûzo… tu es venu ici pour ça, non ? Je peux bien rester seul deux minutes.
Emu guida les deux jeunes hommes vers la chambre de Shûzo. Les affaires du prince y avaient été montée. Seijuro fit le tour de la chambre, attentif à chaque détail.
-Je vais préparer la chambre voisine, annonça Emu.
Seijuro se retourna.
-Inutile. Shûzo reste avec moi.
Le prince et le mercenaire échangèrent un regard entendu, puis un sourire dès qu'Emu quitta la pièce.
Le soir, Seijuro insista pour se joindre au repas de la famille. Cela donna à Shûko et sa mère l'occasion de parler d'autre chose que de l'homme mourant dans la pièce voisine.
Dès le lendemain, Seijuro se rendit au château d'Iga pour rencontrer le daimyo. Il souhaitait se débarrasser de cette corvée et retourner auprès de Shûzo. Le prince savait que c'était son devoir mais, aujourd'hui et dans ce contexte, même si ce sera peut-être sa seule occasion de parfaire son discours avant son couronnement, il n'avait pas envie.
Et le daimyo non plus d'ailleurs.
Celui-ci l'accueilli dans le jardin, alors qu'il était en train de jardiner et de chérir ses melons. Il ne regarda pas le prince quand celui-ci fut annoncé. Seijuro se retrouva devant le daimyo, celui-ci accroupi devant ses melons, muets, concentré, dos au garçon.
Le visage de Seijuro finit par rougir de colère et de honte. Il ne voulait pas être le premier à parler mais rompre ce silence devenait vital. Le daimyo finit par se relever et essuyer ses mains pleines de terre sur un tissu qu'il laissa tomber au sol. Un jeune jardinier vint immédiatement le ramasser puis recula de deux pas.
-Altesse.
Seijuro se mordilla la lèvre le plus discrètement possible.
-Je constate que ma venue était très attendue, énonça le prince.
Le daimyo ne répondit pas et se rendit vers une petite table installée dans le jardin. Deux servantes arrivèrent, pressées, avec deux tasses de thé.
Seijuro le suivit et s'assit à son tour. Il sentait d'ici l'odeur nauséabonde du thé qu'on venait de lui servir.
-Permettez mon franc parlé, Altesse, mais je ne trouve pas honorant de recevoir chez moi un bâtard de l'empereur.
-Je ne vous permet pas de me traiter de bâtard.
-Que je sache, l'empereur n'a jamais épousé votre mère.
Le garçon prit une grande inspiration et tentât de rester calme. Jamais encore il n'avait fait face au rejet. Jamais il n'avait été autant humilié. Jamais il n'avait autant détesté l'empereur de ne pas l'avoir encore légitimé.
-J'avoue ne pas comprendre ce choix. Pourquoi refuser de légitimer sa progéniture alors que rien n'est plus important que l'héritage ? êtes-vous tous plus décevant les uns que les autres ? De plus, même par souci de paix et d'élévation sociale, aucun daimyo censé n'accepterait de marier sa fille à un bâtard.
Seijuro ne répondit pas et se contenta d'incendier du regard le daimyo.
-J'ai entendu parler du suicide présumé de votre ainé.
-Qu'entendez-vous par suicide présumé ? demandât Seijuro d'une voix glaciale.
-Votre famille a un goût prononcé pour la violence et beaucoup d'ambition. Sans compter que j'ai entendu dire que votre frère était quelqu'un de fière et orgueilleux.
-Alors, après m'avoir traité bâtard, vous parlez désormais de fratricide ? Vous serez exécuté dès que j'aurai rapporté vos paroles à l'empereur.
-J'en doute. L'empereur est dans une très mauvaise posture. Iga est riche. Si l'empereur souhaite gagner sa foutue guerre, il a besoin d'unité. J'ai le bras bien plus long que vous l'imaginez, jeune homme. M'exécuter reviendrait, certes, à montrer sa force et sa cruauté, mais aussi à se mettre une grande partie des daimyos de la région à dos. Dont celui de Koga et des zones portuaires limitrophes. Or ce sont justement ces points stratégiques que l'empereur souhaite conserver à tout prix.
-Nous verrons bien.
Sans avoir touché à son thé, Seijuro se leva. Il ne souhaitait pas rester une seconde de plus en présence de ce personnage.
-Je vous remercie d'avoir pris la peine d'être venu, Altesse. Vous passerez le bonjour de ma part à Amika.
Seijuro fit le trajet pour retourner chez Shûzo d'un pas rageur. Ses joues étaient encore rougies de l'humiliation subie. La porte de la demeure des Nijimura se referma violement derrière lui. Shûzo, qui attendait son retour, sursauta.
-Eh bien… que s'est-il donc passé ?
-Ce daimyo est un con ! Il… il m'a humilié !
Shûzo baissa les yeux.
-C'est mon oncle.
-Quoi ?!
Seijuro se laissa tomber sur le bord de la terrasse en bois.
-Tu n'as pas jugé bon de me prévenir ?
-Qu'est-ce que cela aurait changé ?
Le garçon soupira. En soit, rien. C'était le daimyo qui, le premier, lui avait manqué de respect.
-C'est le frère de ma mère. A vrai dire, je le connais assez peu. Que t'a-t-il dit ?
-Il m'a traité de bâtard, a critiqué l'empereur et… c'est tout.
Shûzo vérifia qu'ils étaient seuls avant de prendre la main du prince dans la sienne.
-Ce qu'il a dit… est-il le seul à le penser ? L'empereur a-t-il en réalité des ennemis partout ?
-Le daimyo n'est pas son ennemi, le reprit Shûzo. Il peut être contre ses envies expansionnistes sans pour autant…
-Il pourrait devenir un ennemi.
-… et donc ? Que comptes-tu faire ? Le faire exécuter ? demandât le mercenaire d'une voix plus dure.
Plus que tout, Seijuro n'avait pas envie de se mettre Shûzo à dos. S'il devait dénoncer le daimyo, il ferait en sorte que son amant ne l'apprenne pas.
-Si je monte sur le trône, étant donné que je suis… un bâtard… est-ce qu'on reconnaîtra ma légitimité ?
-C'est bien la première fois que tu te poses la question, remarqua Shûzo.
-Je pensais que, l'impératrice étant morte, il était évident que l'un des nous monterait sur le trône. Mais je commence à penser que tout le monde n'acceptera pas cela.
-Mais l'empereur n'a plus de frère, pas non plus de cousin. Il n'y a que vous qui puissiez prendre sa place. Cela fait longtemps que l'impératrice est morte, tous les daimyos se sont faits à l'idée que l'un d'entre vous allait devenir empereur et que Momoi Satsuki deviendra l'impératrice.
-Hum…
Le prince ne semblait pas convaincu néanmoins il en resta là.
Shûzo passa presque toute sa journée aux côtés de son père. Seijuro préféra le laisser seul et alla rejoindre Shûko dans son atelier étant donné que le mercenaire lui avait interdit de rester seul. La maison des Nijimura se trouvait dans un quartier calme et était entourée par un grand mur, mais le mercenaire préférait rester prudent.
Shûko travaillait sur une sculpture en marbre. Tout son atelier était rempli de ses créations en bois ou en marbre, de bloc brut de matière première et d'outils.
La jeune femme portait un épais tablier sur ses vêtements simples en lin. Seijuro la regarda en silence percuter son outil pour venir entailler la pierre, décoller des morceaux et, petit à petit, affiner les traits de sa sculpture. Elle était si concentrée qu'elle n'avait pas remarqué la présence du prince.
Seijuro s'assit sur la marche qui descendant dans l'atelier et attendit. Enfin, Shûko releva la tête et vit, du coin de l'œil, le jeune homme. Elle sursauta et fit tomber sa mine.
-Votre Altesse ! Je ne vous avais pas vu.
-Navré de vous avoir fait peur.
Elle récupéra son outil.
-Ce n'est rien.
-Vous étiez très concentrée.
Elle rougit.
-Oui… quand je crée, je suis dans mon monde.
-Il n'y a pas de mal.
Elle reprit son travail dans le silence, donna quelques coups encore dans la pierre avant de changer d'outil pour tailler les détails plus fins.
-Y a-t-il quelque chose que je peux faire ?
Seijuro s'attendait à une réponse négative. Il était un prince. Il n'avait jamais taillé de pierre ou de bois. Il avait posé cette question par pure politesse. Pourtant, Shûko sourit.
-Si vous voulez.
Elle désigna une sculpture en marbre déjà terminée, représentant un chat. Seijuro s'approcha tandis que Shûko préparait une coupelle d'eau et une pierre à l'aspect rougeâtre.
-Ceci est un grès. Vous allez le mouiller comme ceci et faire des ronds sur le marbre. Comme ça. Afin d'égriser la pierre.
Seijuro pris le grès dans sa main et commença à faire des ronds, un peu timide.
-Il n'y a aucun risque d'abîmer la sculpture. Le grès est moins dur que le marbre, il cassera avant. Allez-y.
Le prince appuya un peu plus et fit des ronds plus larges.
-C'est tout ? demandât-il.
-Oui. Cela va polir la pierre. Le grès est abrasif. Il va petit à petit s'user et, avec l'eau, former une pate qui va venir combler toutes les imperfections.
Shûko retourna à sa sculpture, jetant des regards réguliers au prince. Celui-ci fini par retirer son kimono afin de pouvoir mieux bouger et se concentra sur son travail. Petit à petit, il sentit la surface devenir plus lisse, plus douce. Loin d'être lassant, ce travail le plongeait dans ses pensées. Il suivait les courbes de la pierre, des oreilles du chat, de sa queue, de ses yeux, de son museau.
Shûko vint voir l'avancement de son travail à quelques reprises. Elle semblait agréablement surprise.
-C'est du bon travail, votre Altesse. Encore quelques passages et ce sera parfait.
-Que faîtes-vous de vos sculptures ? demandât le prince en continuant son ouvrage.
-Mon père les vendait au marché. Je n'ai pas le droit de les vendre en mon nom car je suis une femme et la sculpture est un travail d'homme. Seuls les étrangers qui viennent au marché ignorent qui en est le véritable auteur. A Iga, je suis reconnue comme telle. C'est tout ce dont j'ai besoin.
Seijuro sentit sous ses doigts la marque que Shûko avait laissé en bas de la sculpture. Il reconnut les kanjis du nom Nijimura.
-Comment faîtes-vous depuis que…
-Je les vends moi-même. De toute façon, ce n'est plus un secret pour personne à Iga. Et je suis assez respecté pour qu'on ne me cherche pas d'ennui.
-Vous travaillez uniquement le marbre et le bois ?
-Oui. Enfin, il m'arrive de peindre des estampes. Le bois est moins cher et plus simple à trouver. Le marbre c'est… pour les grandes occasions. Mon père aime beaucoup les chats… je compte mettre cette sculpture dans son tombeau. Elle représente Hachi, notre premier chat.
-C'est une délicate attention.
Shûko sourit.
-Vous permettrez à mon frère de revenir nous voir de temps en temps ?
-Je n'ai pas ce pouvoir pour le moment.
Shûko acquiesça, visiblement déçue.
-Merci pour votre aide, Altesse.
Elle rangea le grès, invita le prince à se laver les mains. Seijuro rejoignit Shûzo qui venait à se rencontre. Il avait le visage creusé par le chagrin. Discrètement, le prince prit sa main et l'entraîna à l'écart. Il caressa sa joue.
-Il est trop faible, murmurât le mercenaire. Il ne passera pas la journée.
-Je suis désolé.
Shûzo prit le jeune homme dans ses bras, recherchant son contact et sa chaleur.
-Comment as-tu fait, quand ta mère est morte ?
-Je ne suis pas le mieux placé pour te prodiguer des conseils, Shûzo, marmonnât Seijuro. Mon deuil, je ne l'ai pas encore fait.
Shûzo soupira et serra le prince un peu plus fort.
-Je t'aime, murmurât-t-il.
-Je sais.
oOo
La main de Seijuro chercha celle de Shûzo alors que les flammes dévoraient le corps de son père. Le mercenaire avait le regard dans le vide.
Shûko pleurait, serrée contre sa mère. Son oncle, le daimyo d'Iga, était également présent, rendant un dernier hommage à son beau-frère. La famille d'Amika Nijimura disposait de son propre sanctuaire et les cendres de Gen y furent déposée, accompagnée de la statue qu'avait sculptée Shûko.
Toute la famille retourna à la maison où ils partagèrent un dîner. Ils évoquèrent leurs souvenirs, dans un mélange de rire et de larmes. Les rires étaient parfois forcés, mais salutaires.
Shûzo entraîna Seijuro dans sa chambre, à l'étage. Depuis l'annonce de la mort de son père, le mercenaire ne se privait pas de pleurer. Il savait que ces quelques jours auprès de sa famille seraient les seuls où il pourrait exprimer son chagrin. Une fois au service du prince, il devra être exemplaire et solide.
Seijuro ne fut pas surpris quand le mercenaire l'embrassa et le déshabilla sur le futon. Il accueillit son désir avec bienveillance.
La mort appelait la vie. La mort appelait l'amour.
Vous avez donc fait la connaissance de la famille de Shûzo Nijimura, dont sa sœur, à la fois sculptrice et peintre... ;)
Ouais, nan, là je ne suis pas subtile MDR
