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Notes de l'Auteure :
Mon dernier trauma et mes dissociations ne s'arrangent pas, donc : j'écris !
Voici un autre chapitre pour ma série sur AO3, du nom de :
'La Saga de Buscarron'
Aussi, j'ai changé tous les résumés des histoires pour plus de cohérence. Cette histoire fait donc suite aux quatre autres qui la précède :
'Let there be love'
'No place like London'
'With your drums and guns'
'The future belongs to the mad'
Donc, le personnage reste presque le même, mais ici, je me retrouve dans le Monde de la série :
'Peaky Blinders'
Dont je vous avais teasé l'univers à la fin de l'histoire précédente.
Je suis en train de Binge-watch la série, car je m'étais arrêté à la fin de la saison 1 il y a deux ans de ça, et du coup, j'ai repris pour écrire ce récit. Mais, je prends beaucoup de liberté, car je n'aurais jamais terminé les épisodes à temps.
Pas de chanson pour cette histoire, seulement les citations du personnage dont il est question.
(En VO, toujours).
Remontons dans le temps...
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1921, Camden Town, London, England :
De tous les sauts dans le Temps que j'ai pu faire au cours de ma vie, je ne me suis jamais retrouvé aussi proche de LA Ligne Temporelle que je cherche autant à modifier. Non seulement, j'étais proche de cette année fatidique, mais en plus la géographie était parfaite !
Pour quoi ? Me demanderez-vous.
Eh bien, pour sauver Michael Collins, bien sûr !
Michael Collins est, depuis 2017, ma figure Irlandaise favorite, un valeureux et patriotique soldat, un Leader incontesté et le sauveur de l'Irlande. Disons-le clairement, sans lui, la République d'Irlande n'existerait pas telle que nous la connaissons aujourd'hui. Malheureusement, comme tous les révolutionnaires, il a eu beaucoup d'ennemis, notamment des pros anti-traité, et mon cher Michael Collins s'est fait lâchement assassiner en revenant chez lui, dans l'Ouest Cork, au sud de l'Irlande, ce triste 22 Août 1922.
Oui, 1922. En Irlande.
Et, je me retrouvais en Angleterre, en 1921.
Vous comprenez, maintenant ?
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« Intelligence is a very valuable thing, innit, my friend ?
And usually it comes far too fucking late. »
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Néanmoins, je devais me rendre dans un endroit dangereux. Disons, dangereux pour une femme comme moi, dans une année comme celle-ci. Heureusement que j'avais quelques accointances avec le célèbre Tommy Shelby et sa famille du gang des 'Peaky Blinders', puisque grâce à eux, je pus enfin avoir une réunion secrète avec l'étrange et redoutable Alfie Solomons en personne !
Tommy avait pourtant essayé de me mettre en garde, mais à sa façon, du coup je n'étais pas sûr d'avoir bien tout compris. Mais, comme je l'ai dit, j'étais trop proche de la bonne Ligne Temporelle pour sauver Michael Collins et je ne comptais absolument pas abandonner mon plan.
Il me fallait désormais un moyen de transport pour glisser sur la Mer d'Irlande sans me faire repérer par les fous anti-traité. Ceux qui assassinaient les Anglais à vue.
Je n'étais ni Anglaise, ni Irlandaise, mais j'étais une femme.
Donc, j'imagine que c'est pareil pour eux.
Allez savoir...
Il faisait froid en ce mois d'automne, Samhain approchait et les plus superstitieux des Humains commençaient déjà à craindre les fantômes et esprits d'Halloween.
Ah... S'ils savaient...
Je portais une longue robe bleu marine, des bottines noires, mes imposants cheveux châtains étaient noués en une coiffure sophistiquée nommée : 'Crown Braid'. J'avais tressé deux nattes que j'avais enroulées autour de mon crâne pour créer une espèce de couronne soignée. J'étais plutôt petite, avec une peau blanche, presque pâle. Je parlais Anglais sans accent Français, mais les expressions de l'époque d'après-guerre m'étaient parfois difficiles à comprendre.
Il pleuviotait dehors, j'ai accéléré le pas dans la boue en soulevant le pan de ma robe pour ne pas tâcher le tissu et je me suis mise à courir vers la porte en bois de la Boulangerie, dont le nom peint en or sur la façade indiquait :
'Le Choix de Buscarron'
Jusque là, tout allait bien.
Une fois à l'intérieur, le feu crépitant dans l'âtre de la cheminée me réchauffa avec joie, puis une forte odeur d'alcool et de tabac me chatouilla les narines.
Mais, je savais très bien pourquoi je sentais l'odeur sucrée du Rhum dans une Boulangerie.
Et non, ce n'était pas pour cuisiner de bonnes pâtisseries...
Quelques secondes plus tard, un grand homme vêtu de noir avec une Kippa sur le crâne et un revolver dans une main s'approcha de moi en me jetant un regard sournois. Il me cracha presque :
- T'es perdu ?
J'ai levé les yeux au ciel, en soufflant :
- Non. Je suis Alisone Davies. Tommy Shelby a déjà prévenu ton chef de ma visite, je suis ici pour m'entretenir avec Alfie Solomons.
Le Juif esquissa un sourire et ricana. Il me fit signe de le suivre dans l'arrière-boutique, tout en narguant :
- Ce sont tes funérailles...
Mmmm... Oui, Tommy m'avait prévenu de ce petit risque...
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« I, my friend... I am the uncle, and the protector, and the promoter of that fucking thing right there, in whose shadow nothing good nor godly will ever fucking grow. »
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Les bougies éparpillées çà et là éclairaient l'endroit d'une façon à la fois lugubre et mystérieuse, que j'appréciais étrangement. L'homme à la Kippa marcha le long d'un couloir pour rejoindre une espèce de bureau secret, dans lequel je découvris plusieurs autres Juifs armés jusqu'aux dents, ainsi qu'un bien étrange individu à qui mon guide informa, avec précaution :
- Boss, la demoiselle envoyée par Tommy est là.
Ce fut ainsi que je rencontrai, pour la première fois, le fameux et terrible Alfie Solomons.
Il marmonna un simple 'Mmmm' tout en se dirigeant vers moi.
Physiquement, il en imposait carrément. Il n'était pas bien grand pour un homme, mais il était plutôt large en musculature : bien bâti, d'épaisses épaules et une taille athlétique. Il portait un haut chapeau noir qui cachait son regard, sa barbe épaisse rongeait son visage et il avait sur le dos une vieille chemise blanche, froissée, aux manches retroussées jusqu'aux coudes. Par-dessus, il portait un veston bleu marine, de la même couleur que ma robe. À mesure qu'il s'approchait de moi, je pouvais déceler d'autres petites choses, comme les bretelles de son pantalon qui tombaient sur ses cuisses, au lieu d'être enfilé sur son torse, puis une montre à gousset en or qui ressortait de la poche interne de son veston, et il avait un anneau en or à un de ses doigts et un bracelet également en or très clinquant.
Maintenant qu'il me toisait de haut, je pouvais apercevoir le bleu intense de ses yeux.
Mais, pas seulement...
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« Never give power to the big man. »
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Il y avait de la folie qui nageait dans ses iris océan. De la folie, de la violence et de la curiosité. D'une voix grave, il dit simplement :
- Alisone Davies ?
- Moi-même... répondis-je en faisant attention à mes mots.
Il me scruta des pieds à la tête, puis marmonna :
- Mmmm... As-tu faim ? Je viens de préparer du pain.
Les indications de mon ami Tommy me revinrent en mémoire et je devais traduire les phrases de cet étrange individu. Parce que, oui, Alfie parlait en codes.
Ainsi, en le suivant vers une table ronde en bois, je ne fus pas surprise de découvrir deux bouteilles de Rhum, ainsi que deux verres vides. Il se tourna vers moi, puis questionna à nouveau :
- J'ai du pain blanc ou du brun. Lequel veux-tu goûter ?
Traduction : du Rhum blanc ou du Rhum ambré.
Parce que ce personnage au demeurant improbable, était en réalité un sacré gangster, connu notamment pour sa violence, mais surtout pour sa production illicite de Rhum. Du coup, il n'utilisait jamais le vrai mot désignant son produit.
Sa distillerie était une boulangerie et ses bouteilles d'alcool étaient du pain.
Logique.
- Le brun... répondis-je en souriant.
Il esquissa un sourire à son tour en me servant allègrement.
Après avoir bu nos verres cul-sec, il me resservit derechef en me jetant des regards en coin, tout en répliquant de sa voix grave, mais posée :
- J'ai attentivement lu la lettre de Tommy, qui m'annonçait ton arrivée. J'ai été surpris de sa demande. Pourquoi veux-tu traverser la Mer d'Irlande pour te retrouver chez ces fucking Irlandais ?
Je réfléchis attentivement à ma réponse :
- Eh bien... J'aimerais sauver la vie d'une personne.
- Ah... Un homme ? Une fucking histoire d'amour, forcément.
J'étouffai un rire :
- Non. Rien à voir. Je ne veux pas qu'il meurt, c'est tout.
Alfie me dévisagea à nouveau de la tête aux pieds, en reprenant :
- Mmm... Tu sais que c'est dangereux, pas vrai ? L'IRA n'aime pas les étrangers.
- Oui. Je sais.
Silence.
Je jouais de mon doigt sur mon verre, au rythme des tambours dans ma tête :
Un, deux, trois, quatre.
Alfie le remarqua et s'approcha de moi. Sa folie grandit au fond de ses yeux, lorsqu'il rétorqua :
- Pose-moi ta question.
Devant mon air étonné, il leva les yeux au plafond, en grommelant :
- Je sens bien que tu veux me poser une fucking question. Vas-y.
Intelligent. Je savais qu'il était intelligent et minutieux. J'ai toussoté avant de baragouiner :
- Monsieur Solomons...
- Ah ah ah... me coupa-t-il. Appelle-moi 'Alfie'. Et je t'appellerais 'Alisone'. Nos prénoms se ressemblent, c'est fucking amusant, tu ne trouves pas ?
Il but une rasade de son Rhum et je repris :
- Alfie... Permission de parler librement ?
Il sourit jusqu'aux oreilles :
- Oh, yes.
- Très bien. Tommy m'a mis en garde contre toi. Je sais que tu es un Vétéran de la Première Guerre Mondiale, que tu ne fais confiance à personne, que tu es Juif, mais Russe par ta mère, et que tu essayes de protéger ton peuple, mais surtout : que tu es sacrément versatile. Et... Disons que... J'ai comme le sentiment assez vif que ces qualités vont se retourner contre toi un jour et que tu finiras en très très mauvaise posture... Comme je vais traverser la Mer pour sauver un homme, j'en profite pour sauver celui qui m'aidera dans mon aventure. Est-ce que... Est-ce que c'est bon pour toi ?
Je bus une gorgée d'une traite de mon alcool pour me donner du courage. Aussi surprenant que cela puisse paraître, Alfie sourit simplement et répondit calmement :
- Mmmm... C'est foutrement injuste...
- Quoi donc ?
- Que tu saches autant de choses sur moi alors que moi... Je ne sais presque rien sur toi.
Je ricanai :
- Nous pouvons y remédier.
- Je pensais justement à la même chose. Retrouve-moi à la Taverne du coin, ce soir, à 19h.
Je souris en comprenant :
- C'est un rendez-vous galant ?
- Oh, yes.
Ses iris bleus s'illuminèrent dans les ténèbres de la cave secrète.
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« The problem, right, between rum and gin, is that gin, right, it leads to the melancholy.
Whereas rum incites violence, it also allows you to be liberated from your self-doubt. »
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Mais qu'est-ce qu'il m'avait pris d'accepter un rencard avec un barbare pareil, qui ne sait pas sortir une phrase sans prononcer le mot 'fuck' ou 'fucking' ?!
OK. OK. OK.
Je sais, il n'était pas désagréable à regarder, clairement, et j'avais un penchant pour les 'bad boys' ou les faux méchants, donc... Ceci pouvait expliquer cela.
J'ai soufflé un coup avant d'entrer à l'intérieur de la Taverne, qui se trouvait à côté de la Boulangerie 'Le Choix de Buscarron' (qui était en réalité une distillerie, vous avez compris).
Il faisait chaud dedans, mais en bonne frileuse que je suis, je me suis dirigée vers la table en face de la cheminée dont le feu crépitant ne couvrait même pas le brouhaha du Pub. Le Barman ne fut pas jouasse de voir une femme dans son établissement et me demanda mauvaisement ce que je voulais boire.
- Guinness. Pinte.
Il grommela et repartit derrière le bar, tout en me jetant des coups d'œils agressifs.
Quant à moi, je perdis mon regard dans les flammes brûlantes. Mon esprit partit loin.
Très loin.
Loin au milieu des montagnes verdoyantes, sous un ciel gris...
Puis, un bruit sourd me ramena à la réalité : Le Barman posa ma Pinte avec fracas sur ma table, esquissant un mauvais rictus de ses quatre dents cariées. Seulement, sa mauvaise humeur quitta très vite son visage pour se changer en une peur évidente, lorsqu'un homme se dirigea vers moi. Rien que dans sa gestuelle, il en imposait.
- Monsieur Solomons... balbutia le Tavernier en tremblant. Qu'est-ce que... Voulez-vous que je vire la demoiselle ? Que désirez... ?
Il n'eut pas le temps de terminer ses questions, car Alfie fut aussi rapide et vif qu'un serpent en pleine chasse lorsqu'il attrapa le Barman par la nuque pour le ramener violemment contre lui. Tout en lui tordant le cou d'une seule main, il murmura avec calme, à quelques centimètres du visage pétrifié de terreur du Tavernier :
- La demoiselle en question est sous ma fucking protection, ce soir. Fais passer le mot à tous les débiles de ton genre, compris ?
Puis, il poussa l'homme contre le bar et il sourit en coin, en rajoutant :
- Oh et, je veux du Whisky. Ton meilleur. La bouteille entière. C'est ta maison qui offre, pas vrai ?
Le pauvre homme se releva en tremblant, puis courut vers ses étagères, en chuchotant :
- Oui, oui, oui, bien sûr Monsieur Solomons...
Enfin, Alfie se tourna vers moi, me sourit et reluqua ma Pinte avec amusement.
- Mmmm... Une femme qui boit de la Guinness ?
- Une femme qui boit tout court doit déjà être étrange par ici, n'est-ce pas ?
Il me reluqua de la tête aux pieds, puis s'assit lentement sur la chaise en face de moi. Il portait un haut chapeau noir qui cachait ses yeux océans, et était affublé d'un magnifique costume sombre par-dessus sa chemise blanche, toujours autant froissée. Ses bracelets et colliers en or cliquetaient à chacun de ses gestes. Enfin, le Barman laissa sur notre table deux verres et une bouteille de Whisky, de ses mains tremblantes, tout en balbutiant :
- C'est la maison qui offre...
Alfie releva son regard vers lui et s'amusa :
- Oh, comme c'est gentil. Now, fuck off.
Le serveur partit en courant.
J'étouffai un rire, que mon rencard entendit. Il sourit et, tout en versant allègrement de l'alcool dans les deux verres vides, questionna :
- Alisone, tu es un vrai mystère, et j'aime les mystères. Cependant, j'ignore si tu es du genre à mentir, ou pas, alors, au cas où, j'ai fait mes petites recherches sur toi avant de te rejoindre ici, ce soir.
- Je n'en attendais pas moins de la part du grand Alfie Solomons.
Il m'observa longuement avant de glisser un verre, désormais plein, vers moi, à côté de ma Pinte de Guinness à moitié vide.
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« He'll wake up. Granted he won't have any teeth left but he will be a wiser man for it. »
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Aussi surprenant que cela puisse paraître, et peut-être était-ce dû à l'alcool, la soirée se passa merveilleusement bien. Si nous mettions de côté les trois millions de fois où Alfie prononça le mot 'fucking', il avait un sens de l'humour assez particulier que j'appréciais et une manière de parler en codes qui me rappelaient ma jeunesse. Surtout, j'aimais les étincelles étranges qui brillaient dans le bleu de ses yeux. Comme je le disais tantôt, une espèce de mélange de curiosité, de violence, de malice et de folie. Ce fut quelques minutes avant de quitter l'établissement qu'il lâcha la plus grosse révélation de la journée :
- Alisone, je vais t'aider à traverser la Mer d'Irlande en bateau. Je possède un frêle esquif qui passera inaperçue par les fucking tarés de l'IRA. À une seule condition, non-négociable.
Je terminais ma troisième Pinte et mon quatrième verre de Whisky, j'attendais à ce que ce cher Alfie utilise mon ivresse évidente pour me soutirer encore plus d'argent que le prix déjà établi.
- Quelle condition ?
Mon cœur battait la chamade.
Allez savoir ce que sa folie s'apprêtait à m'annoncer comme condition improbable !
Alfie se pencha vers moi comme pour me dire un secret :
- Je viens avec toi.
Je faillis en lâcher ma Pinte sur la table. Devant mon regard étonné et mon air ébahi, il sourit et expliqua à demi-mot :
- J'ai besoin de faire une petite pause et de me mettre au vert loin de Londres pour quelques jours...
- Mmm... je souris malgré moi.
- Quoi ?
- Eh bien...
Je me grattai les yeux pour rester concentré sur mes mots et ne pas le froisser :
- J'ai appris à traduire le 'Alfie' et, ce que tu veux dire, c'est qu'il te faut t'échapper quelque temps de Londres à cause d'une énième trahison que tu as dû faire. Soit à Tommy Shelby, soit à ce fucking taré de Darby Sabini.
Je fis la moue et mordis ma lèvre en m'entendant parler comme mon nouvel ami, alors que ce dernier sourit jusqu'aux oreilles. Il rajouta avec mystère :
- Ooooooh, Alisone... Tu n'as pas tort. Mais tu n'as pas tout à fait raison non plus...
Je n'eus pas l'occasion de lui demander ce que cela signifiait, car il était temps de quitter le Pub.
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« You are behaving like a fucking child. This is a man's world. »
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Trois jours plus tard, Alfie et moi quittions Camden Town avant le levé du soleil, pour rester inaperçu le plus longtemps possible dans ce quartier dangereux. Un navigateur et deux gardes du corps nous accompagnaient. Nous n'avions qu'un baluchon chacun, nous devions voyager léger et rapidement pour ne pas se faire intercepter par les Irlandais, ou pire, par l'IRA. Nous allions passer par le courant le plus long, mais plus sûr, pour ne rien risquer. Le bateau n'était pas bien grand, mais il contenait au moins quatre minuscules cabines privées, sans hublot, ainsi qu'un semblant de cuisine.
Cuisine remplie d'alcool et de provision pour plusieurs jours. Je souris d'ailleurs en y découvrant plusieurs miches de pain.
J'étais un peu barbouillé à cause de la houle, un matin après ma première nuit blanche, alors j'ai titubé tel un Zombi vers la cuisine pour y descendre une tasse de café noir, sans sucre. À la lumière d'une chandelle à la flamme vacillante, je ne fus pas surprise de trouver Alfie, assit autour de la table en bois très exiguë. Même en pleine mer, il gardait toute sa prestance et toute sa superbe. En m'installant sur le tabouret, je me retrouvais à quelques centimètres de lui. Il ne portait pas son chapeau et je pouvais facilement plonger dans le bleu intense de ses yeux. Aussi azur que la mer sur laquelle nous voguions.
- Alisone ?
Je secouai la tête. Alfie me scrutait avec inquiétude et curiosité. Je compris qu'il essayait de me parler, mais que je dissociais bien trop loin pour l'entendre. En même temps, nager dans la pâleur de ses iris ne m'aidait pas vraiment à me concentrer. Sans parler de sa voix grave, posée et calme qui me faisait somnoler de joie.
- Quoi ? De quoi ?
Il esquissa un sourire, avant de demander :
- Tu étais partie où, comme ça ?
Je rougis.
Heureusement que la lumière tamisée de la chandelle cachait mes joues pourpres. Je ne répondis pas, du coup Alfie reprit :
- Mmmm... Tu t'inquiètes pour ton cher Michael Collins ? Tu devrais plutôt t'inquiéter pour l'IRA.
- Ou pour toi... lâchais-je, sans le vouloir.
Je tiquai, suite à ma gaffe, alors que mon camarade sourit de plus belle, tout en se rapprochant plus près encore de mon visage :
- Tu t'inquiètes réellement pour moi ?
Je toussotais :
- Eh bien... L'IRA tire à vue sur les Anglais et... Tu es Anglais. Je sais, à moitié Anglais, à moitié Russe. Mais pour les Irlandais, tu viens d'Angleterre, donc ça ne change rien.
Je bus une grande gorgée de café pour m'occuper et me donner de la contenance, mais je sentais les yeux océaniques d'Alfie me scruter de la tête aux pieds, comme il avait si bien l'habitude de le faire.
- Mmmm... Dommage... railla-t-il. Je pensais que nous étions sur la même longueur d'onde...
Je sursautai.
Je n'avais pas cette traduction-ci, malheureusement.
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« Yeah, weakness behind the eyes. Didn't blink too much, all right ?
You smell of smoke, and coal, and horses. »
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Voyant mon air interrogateur, Alfie expliqua à moitié :
- Tu sais, je peux m'échapper de Londres sans voguer sur la fucking Mer d'Irlande. Ce n'est pas pour l'amour de la Guinness et des montagnes vertes que je suis à bord de cette barque pourrie.
Je fis la moue, ne comprenant pas :
- Pourquoi était-ce alors non-négociable de te retrouver à bord ?
Il sourit et se rapprocha encore plus de moi.
Dans l'étroitesse de la cuisine, nos jambes se touchaient et nos visages étaient bien trop proches l'un de l'autre. Avant de me perdre à nouveau dans l'azur de ses yeux, Alfie m'avoua finalement :
- Pour toi.
Mon cœur rata un battement.
Puis, enfin, Alfie m'embrassa amoureusement.
Ses lèvres avaient le goût amer du café et du Whisky.
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FIN
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« If you pull that trigger, right, you pull that trigger for a fucking honorable reason.
Like an honorable man, not like some fucking civilian that does not understand the wicked way of our world, mate. »
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PS : Si vous désirez vous spoiler sur la prochaine histoire, qui ira dans la continuité de cette Saga, je vous donne le titre, la Ligne Temporelle et l'endroit :
'In a rose tattoo'
Hong Kong, en 2012.
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28.10.2023
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