Résumé du Chapitre Trois : Tandis que Harry et Severus poursuivent leur enquête sur les inquiétantes machinations de l'ACCT, qui utilise le nom de Harry Potter pour attirer les gens sur le Chemin de Traverse, Severus fait une terrible chute. Il tombe de l'échelle à cause d'une crampe et perd connaissance. Harry s'empresse de l'aider à soigner sa jambe cassée et ses multiples fractures aux côtes. La présence de Harry au cottage est révélée au Ministère lorsque des Aurors débarquent pour enquêter sur le surplus de magie généré par les soins que Harry prodigue à Severus. Harry se rend au Ministère pour demander un assouplissement de ses conditions de détentions. Il apprend que Severus a insisté pour être assigné à résidence, parce qu'il se sent coupable d'avoir laissé Charity Burbage perdre la vie. Tandis qu'il est alité, Severus lit un extrait des mémoires de Harry où celui-ci explique qu'au moment où il a assassiné Voldemort, 14 personnes ont perdu la vie comme victimes collatérales.

Chapitre Quatre

Severus est déclaré apte à se lever et à se déplacer un jour et demi après la chute. La toute première chose qu'il fait est de prendre une douche, mais pas avant d'avoir menacé Potter de sa canne pour le faire sortir de la salle d'eau. C'est une petite pièce, et une chaise en plastique a été introduite dans la douche pour permettre à Severus de s'asseoir quand sa jambe fait des siennes. Il devrait l'utiliser dès maintenant, mais se tient debout à la place, et laisse l'eau chaude et la pression, inégale, couler sur ses épaules. Le carrelage dans la salle d'eau est d'un gris bleu, et ne fait rien pour améliorer les ecchymoses vert-jaune qui recouvrent presque son torse.

Utilisant un pain de savon que Potter a volé à Ste Mangouste, Severus se lave distraitement tandis qu'il se repasse en tête la conversation avec les Aurors un peu plus tôt dans la matinée. Ils étaient revenus, arborant un air triomphant, munis d'une liste d'amendements à la condamnation de Severus. Les quatre heures par semaine (avec un quart d'heure en extra le vendredi) de temps autorisé en dehors de sa propriété n'ont pas changé, pas plus que ses restrictions sur le brassage de potions. Le cottage reste exactement le même, et continue à résister aux améliorations permises par la magie. La limite de sorts a été augmentée à dix par jour, et Severus avait été prévenu que le moindre dépassement entraînerait une visite afin de s'assurer que Potter était bien à l'origine de ces sorts et non Severus.

Le Ministère avait décidé de fixer le loyer mensuel de la propriété à un certain montant, et plutôt que de vérifier chaque chose qui était achetée ou apportée au cottage, avait défini la limite à ce montant. Severus comprend que cette mesure est là plus pour le confort de Potter, étant donné qu'il est en mesure d'acheter de nouvelles choses, et des provisions de meilleure qualité depuis de plus grandes villes et de les rapporter. Severus passe sa main dans ses cheveux humides, pouvant déjà sentir la différence offerte par le shampoing plus onéreux.

Pendant l'après-midi qui vient de s'écouler, Severus se rend compte que le Ministère n'a pas la moindre mesure de la sournoiserie dont est capable Harry Potter lorsqu'il le souhaite. Il avait négocié un accord avec Shacklebolt lui offrant une fenêtre de trois heures pendant laquelle il pouvait déménager ses affaires dans le cottage, et il était arrivé avec une charrette pleine à ras bord. Severus, qui avait toujours entretenu l'idée que l'intégralité des possessions de Potter occupait le volume d'une malle, se trouva fort amusé de voir les caisses contenues dans la charrette reprendre leurs tailles normales et révéler une machine à écrire ainsi que sa collection de livres de Poudlard et de l'Impasse du Tisseur.

C'était du Potter tout craché de mentir et de faire passer les livres de Severus pour les siens.

Potter se trouve là à l'instant même, il est dans le jardin à construire de nouvelles bibliothèques pour aller contre le mur où se trouve l'échelle. Il n'est pas très doué pour la tâche, se dit Severus tout en essuyant la condensation sur la fenêtre de la douche, lorsqu'il voit le marteau effectuer un vol plané. Mais Potter est motivé, et Severus est bien conscient que parfois la motivation est le seul prérequis.

Severus tourne à nouveau ses pensées vers sa douche, et commence à profiter de ses dernières minutes sous l'eau chaude, sa main s'égarant au sud de ses hanches pour se caresser tout en fermant les yeux. Il ne passe pas très longtemps à se branler, sa peau commençant à être sensible, sa jambe douloureuse, et Potter sera bientôt de retour pour le thé de l'après-midi. Ses pieds s'écartent sur le sol carrelé de la douche (dix carreaux de large, il avait compté lors de son premier jour au cottage), et les seules images séductrices que son esprit peut invoquer sont faites d'ombres. Alors que Severus observe sa semence être emportée par l'évacuation de la douche, il est légèrement déstabilisé par la réalisation soudaine que l'orgasme que Potter lui avait prodigué était bien meilleur que celui qu'il venait de se donner.

ϟ ϟ ϟ

Potter part après l'heure du thé pour rendre visite à ses deux meilleurs amis. Weasley et Granger vivent dans un appartement à Londres, Granger apprenant la langue des signes à un rythme effréné dans sa tentative de remonter le moral à Weasley. Harry s'y rend ce soir-là pour partager ses souvenirs de la forêt, un geste préventif avant qu'il ne fasse quoi que ce soit des mémoires qu'il a écrites.

Severus apporte ses biscuits jusqu'à la table bancale de la cuisine, remarquant à quel point le cottage est silencieux sans Potter. Cinq heures vient juste de passer, et la lumière commence à baisser par la fenêtre de la cuisine, laissant une humidité froide dans l'air qui porte le parfum des feuilles en décomposition. Severus gigote incessamment sur sa chaise, les bleus sur ses côtes commencent à disparaître et il y a une douleur rampante qui circule de sa nuque jusqu'à ses orteils, s'insinuant le long de ses bras. Il prend une gorgée d'eau de la main gauche, ne faisant pas confiance aux tremblements de sa main droite pour supporter le poids d'un verre, avant de le reposer et de jeter un coup d'œil aux feuilles volantes couvertes de recettes de citrouille que Potter a laissé sur la table. Il découvre un livre masqué derrière la recette du curry de citrouilles, qu'il s'empresse d'ailleurs de métamorphoser en boule de papiers.

Un appel à l'ordre : Les Guildes et les Artisans dans le Londres Médiéval.

Plusieurs pages du livre sont marquées, et Severus n'est pas surpris de trouver le nom de Cartogan listé parmi les membres de la Compagnie des Marchands Tailleor. En tant que famille de Sang-Mêlé (même si Severus avait toujours argumenté qu'en remontant assez loin, on trouverait que toutes les familles étaient de Sang-Mêlé), les Cartogan semblent être bien établis en tant que fins confectionneurs à la fois dans le monde moldu et dans le monde sorcier. Ce qui surprend Severus, cependant, est la page marquée au nom de la famille Prince, et en tant que scribe, excusez du peu. La mère de Severus avait été très talentueuse en potions, tout comme lui, et il était parti du principe que c'était là la spécialité de leur famille. Apparemment non.

Aussi fascinantes que les guildes puissent l'être, Severus ne parvient pas à comprendre l'intérêt que leur porte Potter, étant donné que même si W. Terrence Cartogan est le membre d'une guilde de commerce très célèbre de Londres, il est également le dernier de sa lignée, et cette information semble superflue. Il y a également deux cartes dans le livre de Potter, l'une d'entre elles un croquis récent du Chemin de Traverse, avec le nom des boutiques écrit proprement, les lettres claires, et une version plus ancienne. Elle semblait vieille d'au moins trois cents ans, et bien que les tracés délimitant les propriétés soient restés sensiblement les mêmes, l'écriture des échoppes est devenue encore plus démodée.

Severus tire son tableau blanc, les inscriptions en sténo ressemblant à une ancienne variante aux cunéiformes. Il ajoute les informations sur la guilde à laquelle Cartogan appartient, mais le puzzle ne s'éclaircit toujours pas. Severus peut comprendre que quelqu'un cherche à utiliser Harry Potter pour générer plus de profits, puisque le soutien des superhéros et des célébrités génère un désir de dépenser de l'argent ridicule parmi le grand public. Ce qui n'a aucun sens, ce sont les sucreries Victoire, et leur potion de paix alarmante.

Severus se recale sur sa chaise, son crâne posé contre le mur extérieur de la cuisine. Le mur est légèrement froid au toucher, bien qu'il n'y ait pas de vent ce soir, alors trouver le sommeil devrait être facile. Il ferme les yeux pour considérer les choses, se rappelant le commentaire de Percy Weasley sur la "réunion de restructuration" du Chemin de Traverse. Severus n'avait jamais fait entièrement confiance au Ministère, et il se demande s'ils conservent les souvenirs de la bataille dans la forêt afin d'enquêter pour déterminer si un de leurs employés aurait fait quelque chose de mal. Potter ne lui a jamais dit exactement qui était retenu en otage, ni qui avait été envoyé pour les libérer.

Il n'a pas beaucoup de temps pour bien réfléchir à tout ça, cependant, puisque la porte s'ouvre avec rage et que Potter fait irruption, abattant sa cape sur le porte-manteau. Il a un œil au beurre noir, la lèvre fendue, et la liasse de papier dans ses mains qui semble avoir été disputée, ainsi qu'une quantité phénoménale d'énergie nerveuse.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? demande Severus, se redressant sur la chaise, et observant la tempête sur les traits de Potter.

— Ron est un putain d'abruti », crache Harry. Il tire d'un coup sec sur la porte du congèle et fouille l'étagère du haut. Il trouve un chausson aux pommes en sachet, que Severus a préparé pour lui-même, et Severus pense pendant un moment qu'il va s'en servir comme d'une drôle de poche de glace pour son œil. Mais Potter sort sa baguette, et à la place, lance un sort pour le réchauffer.

« Désolé, dit-il, s'excusant pour la magie sans avoir l'air désolé le moins du monde.

— Allez-vous continuer à vous en prendre à ma cuisine, Mr Potter, ou bien allez-vous expliquer comment un Weasley a pu tabasser le héros du monde sorcier ? »

Severus se penche en avant, remarquant le dégoût sur les traits de Harry en entendant son propre surnom.

« Il m'a stupéfixé, voilà ! Je lui ai raconté ce qui s'est passé dans la forêt. Je leur ai dit, à tous les deux, et je leur ai montré le chapitre, grogne Harry, abattant les papiers sur la table. Ron a commencé à me hurler dessus parce que j'ai dit qu'il était un meurtrier – bien sûr, il ne pouvait pas m'entendre quand je lui hurlais dessus en retour – et juste après ça, je me suis retrouvé stupéfixé et un poing volait vers mon visage. »

Potter prend une bouchée du chausson aux pommes, étalant des miettes sur la table sans y faire attention. Severus se penche et saisit son poignet, mettant fin au bombardement de nourriture. Il n'est pas surpris de sentir son pouls battre, mais la chaleur de sa peau est plutôt inattendue. Potter s'écarte, essayant de se soustraire à son emprise, mais Severus ne le laisse pas faire.

« Est-ce que vous vous êtes expliqué ? » Severus resserre sa prise et remarque que Potter arrête de se débattre.

« Il ne m'a pas laissé. J'ai essayé d'écrire un mot, mais il l'a incendio. Je me fiche de ce qu'il a fait, ce n'était pas un meurtre », affirme Potter.

Severus a une hypothèse : Potter est privé de contacts physiques depuis qu'il a été bambin, et il se calme plus vite si on le touche. Soit cette hypothèse est effective, soit sa prise sur le poignet de Potter est tout simplement trop forte pour l'empêcher de se déplacer sans avoir à se débattre.

« Vous ne pouvez pas dériver les sorts en verbes, imbécile. Il l'a brûlé. Et je suppose que vous pensez aussi que votre grenade était un meurtre ? sonde Severus.

— Mes actions ne sont pas sujettes à discussion. Vous avez lu exactement ce qui s'est passé », Potter le fusille du regard. C'est pour ainsi dire complètement sans effet sur Severus.

« En effet », concède-t-il, haussant un sourcil.

Potter soupire et se laisse tomber sur sa chaise, relâchant sa posture et laissant son bras lâche dans la prise de Severus.

« Je ne veux pas perdre mon meilleur ami à cause de ça. » La voix de Potter s'affaiblit maintenant, et son regard est fixé sur le seau de carottes récoltées à côté de la porte.

« Oh, cessez donc d'être aussi larmoyant, Potter. »

Severus se lève et s'avance vers les bibliothèques, d'où il sort un livre de médecine sorcière obscur et dépassé depuis des décennies.

« Quel sort a frappé Weasley ?

— J'en sais rien. Quelque chose de Bellatrix, murmure Potter. Ses tympans ont disparu de ce plan de l'existence.

— Hmm, » réfléchit Severus. Il feuillette plusieurs chapitres jusqu'à ce qu'un moment plus tard, il en arrive à la section qu'il cherchait.

« La méthode d'un Serpentard pour garder ses amis, Potter, est de les appâter par des faveurs.

— Les appâter par des faveurs ? Qu'est-ce que ça veut dire bordel ? »

Severus place le livre sur la table, et passe un doigt le long de la liste des ingrédients.

« Apportez-moi ces ingrédients demain, et nous installerons une petite cabane pour brasser les potions juste à la limite de la propriété. Mr Potter, vous allez brasser à Weasley une potion qui régénérera ses tympans. »

Severus place un marque-page dans le livre, et presse l'épaule de Potter maladroitement.

« Vous êtes idiot ou quoi ? Je suis nul en potions. » Potter cligne des yeux, se tournant vers Severus. Il y a une expression sur son visage que Severus n'avait pas vu depuis ce tout premier jour où il avait posé les yeux sur un Potter de onze ans. Il désire être bon en potions.

« Est-ce que vous pouvez vraiment restaurer son ouïe ? demande-t-il, et il a l'air aussi plein d'espoir qu'un chiot remuant la queue.

— Non, répond sincèrement Severus. Mais ça devrait être suffisant pour que si un jour Weasley décide stupidement de procréer, il soit en mesure d'entendre les hurlements de son enfant. »

ϟ ϟ ϟ

Deux heures plus tard, quand Severus a terminé de stériliser les pots de confitures et que Potter s'est retiré dans le salon avec un autre livre de recherche, un coup est frappé à la porte. Il n'y a aucun sort d'alerte autour de la propriété pour prévenir Severus, un inconvénient qu'il trouve extrêmement frustrant, mais seul Tolstoï et l'Auror lui rendent visite. Et Potter. Que quelqu'un arrive à presque huit heures trente un lundi soir met directement Severus sur ses gardes, et il entrouvre la porte avec sa baguette dégainée.

« Vraiment, Mr Snape. Ce n'est pas là une manière très distinguée d'ouvrir votre porte, je trouve. »

C'est une voix maîtrisée qui garde la prononciation hautaine des personnes de bonne condition, et Severus est immédiatement assailli par un souvenir des Malfoy.

« Je n'attends pas de visiteur, répond Severus sans bouger d'un iota.

— Je suppose que non, en effet. » La voix appartient à un gentleman très bien habillé d'une robe d'un violet sombre avec des finitions noires, des cheveux gris courts, et surprenamment, des yeux bruns quelconques. L'homme avance d'un pas pour s'inviter, contraignant Severus à reculer tandis que l'intrus jette un regard à son cottage bien rangé avec une curiosité de mauvais goût.

« Mr Cartogan, dit soudainement Harry, se levant du canapé et s'avançant. Je pense que nous nous sommes dit tout ce que nous avions à nous dire en public. Il n'y a aucune raison pour que vous me rendiez visite ici.

— Ah, Mr Potter. Cela n'a pas d'importance étant donné que j'étais… dans le coin, dirons-nous. »

Il regarde avec désintérêt les chaises usées de la cuisine et la main de Severus se fait plus résolue sur sa baguette. Sa voix est nasale et agaçante, ses intonations légèrement exagérées, et ses pauses se terminant une syllabe trop tôt.

« Je suis venu afin de m'assurer de votre présence à l'inauguration de la statue sur le Chemin de Traverse ce vendredi.

— Je n'y serai pas », répond Potter, la mâchoire serrée.

Cartogan se tient immobile sur le pas de la porte d'entrée, hésitant à faire un pas de plus dans le cottage. Il est debout à côté de la photo que Severus a accrochée du lac de Poudlard, ses robes d'un violet minuit impeccable, sur mesures, jurant affreusement avec la cape noire délavée accrochée sur sa gauche. Severus remarque qu'il porte une broche en or d'une forme inhabituelle sur le revers de sa robe.

« J'ai bien peur que ce ne soit pas vraiment une possibilité que nous ayons envisagée. Voyez-vous, Mr Potter, nous pensons que le Chemin de Traverse a besoin d'un peu plus de vie. Et qui de mieux que notre héros en personne pour attirer les foules. »

Potter serre les poings, et se tient très droit, juste à côté de l'échelle. Cartogan s'écarte d'un pas de côté, son regard se perdant dans la pièce et se posant enfin sur la machine à écrire que Potter a installée dans le salon, sur une vieille table d'appoint bancale.

« Je refuse d'être votre attraction, Mr Cartogan. Vous souhaitez faire la promotion du Chemin, faites-le vous-même merde. Et retirez mon nom de votre concours stupide. »

Le regard de Harry suit chacun de ses mouvements, mais l'espace autour de la machine à écrire est vide, et il n'y a rien à découvrir là pour Cartogan. Potter avait déjà rangé ses notes sur la conspiration pour la soirée.

Cartogan claque la langue. « Ce n'est pas comme ça que ça marche, Harry. Vous n'avez pas envie de décevoir vos parents en tournant le dos à ce nouveau monde sorcier libre pour lequel ils sont morts, n'est-ce pas ? »

Severus croise les bras et peut voir les épaules de Potter se tendre tandis que le garçon prend une profonde inspiration. Cartogan glisse lentement ses mains dans les poches extérieures de ses robes, un mouvement qui a l'air de tout sauf d'être décontracté.

« Vous l'avez mérité, j'en suis convaincu. Profitez donc de vos quinze minutes sous les projecteurs, ayez votre portrait dans les journaux, signez quelques autographes.

— Je n'ai jamais voulu être célèbre. »

Potter est de plus en plus agité tandis que Cartogan énonce sa liste. Le regard de Cartogan se pose à nouveau sur Potter, lui jetant un coup d'œil de haut en bas, et semblant déçu du résultat.

« Et qui sait, Mr Potter. Peut-être même qu'il y aura une fille quelque part avec des standards d'héroïsme un peu plus bas que ceux de Miss Weasley. »

Severus reconnaît qu'il a du mérite, lorsqu'il s'éloigne de l'entrée et se saisit du bras de Potter bien plus vite qu'il ne s'en serait cru capable.

« Allez vous faire foutre, vous et votre stupide association ! hurle Harry, pointant sa baguette sur Cartogan et luttant contre l'emprise de Severus.

— Je ne crois pas que vous compreniez, Harry Potter, » dit Cartogan, sa voix nasale durcissant le ton de plusieurs degrés en comparaison à quelques instants plus tôt. Il a sorti sa baguette à son tour, maintenant, une baguette noire ornée de délicates feuilles sculptées sur tout le long, et la pointe contre le torse de Potter. Il a l'arrogance et l'air d'un homme bien trop confiant dans cette bataille. Severus ne lui lance pas de sort pour la seule raison que la visite des Aurors qui en résulterait n'en vaut vraiment pas la peine.

« Le Chemin de Traverse retrouvera tout son potentiel, et ce sera avec votre aide. Poudlard continuera à recevoir le même soutien que par le passé. C'est pour le bien du monde sorcier, après tout, et ce genre de chose semble être votre spécialité », termine Cartogan, son nez pointé haut en l'air avec fierté.

Severus garde sa prise sur le bras de Potter tandis qu'il essaye de lire entre les lignes du discours de Cartogan. Il a l'air d'être un homme d'affaires très malin, et Severus ne peut pas s'empêcher d'avoir l'impression qu'il leur manque un élément important de son profil.

« Vous n'êtes pas ici pour représenter votre petite association de commerçants, dit Severus, serrant un peu plus le bras de Potter.

— Je fais toujours tout ce qui est possible pour soutenir au mieux toutes mes associations, répond Cartogan de manière énigmatique, avant de se tourner et d'ouvrir la porte pour partir.

— Incluant celle représentée par votre broche ? La Compagnie des Marchands Tailleor, si je ne me trompe pas. En voilà une guilde familiale appropriée pour les propriétaires de Tissard et Brodette. »

Il y a un moment de silence dans le cottage, pendant lequel Cartogan scrute Severus. Severus qui conserve toujours une prise forte sur le bras de Potter, mais le jeune homme a cessé de lutter contre lui. Il a fait un pas en arrière, se rapprochant de Severus, sa baguette toujours sortie et pointée vers Cartogan.

« Très bien, Mr Snape, vous connaissez votre histoire. » Cartogan semble agacé par ses connaissances. « Bien que j'imagine difficilement que quelques guildes de commerçants et leurs propriétés aient quelques intérêts à vos yeux.

— J'ai toujours aimé étudier les puissants, répond Severus, durcissant le regard qu'il porte sur Cartogan. Je trouve leur influence et leur capacité à s'infuser dans une pléthore d'affaires et de situations différentes assez divertissante. »

Cartogan a besoin d'un instant pour se reprendre, en apparence, avant de lancer un rictus méprisant à Severus.

« Un sujet d'étude dangereux, je dirais, pour un homme comme vous. » Ses yeux se baissent sur l'avant-bras de Severus, là où se trouve la marque des ténèbres, mais il continue avant que Severus n'ait eu le temps de l'insulter correctement en retour.

« Maintenant que la guerre est terminée, cependant, il conviendrait de laisser le passé là où il se trouve, et de se concentrer sur l'avenir, dit Cartogan avec un geste de la main. Après tout, on ne peut changer ni notre famille, ni nos associations, n'êtes-vous pas d'accord, Mr Durs – mes excuses, Mr Potter ? »

Cartogan incline la tête d'une manière condescendante tandis qu'il passe la porte, la refermant avec force, et se dirigeant à grands pas vers le point d'apparition à l'extérieur des limites de la propriété.

« Mais qu'il aille se faire voir ! » jure Potter, se détournant de Severus dès que la porte se referme. Il marche d'un pas lourd vers le salon, et s'arrête à côté des bibliothèques, se tenant les bras et s'étreignant lui-même.

Severus verrouille à nouveau la porte, et s'assure par la petite fenêtre que Cartogan est bien parti, avant de se retourner pour faire face à Potter.

« Prenez une inspiration et cessez de vous énerver. Il essaye de vous distraire.

— De quoi est-ce que vous parlez ? » demande Potter, et sa voix est basse. Il a presque l'air grognon, mais Severus l'entend plus comme méfiant.

« Malgré tout son discours sur le fait de ne pouvoir changer ni sa famille ni ses associations – il n'y a aucune loi qui le contraigne à porter la marque de sa guilde familiale. D'autant plus une guilde moldue. »

Severus traverse la pièce et s'assied sur le canapé, étant donné qu'il est tard et qu'il ne tient plus à être une figure imposante pour Potter. Pas après leur moment d'intimité.

« Alors pourquoi est-ce qu'il la porte ? Parce que le côté moldu de sa famille le veut ? »

Severus désigne de la tête le livre sur les guildes que Potter avait apporté au cottage, soudainement content d'avoir lu les sections qu'il avait mises en avant.

« Compagnie des Marchands Tailleor existe depuis près de cinq cents ans. Le fait qu'elle ne soit pas magique ne signifie pas qu'elle manque de pouvoir ni d'influence.

— Vous pensez que le côté moldu de sa famille contrôle le côté sorcier ? »

Severus plisse les yeux, et tire sur un fil lâche de l'accoudoir du canapé.

« Pas nécessairement qu'elle contrôle, mais sans aucun doute qu'elle est égale au côté sorcier. Certaines familles, Potter, ne sont pas dégoûtées par leurs membres moldus ou sorciers. »

Potter se tend à ces mots, un mouvement léger que Severus est certain qu'il n'aurait pas dû remarquer. Il sent qu'il a touché un point sensible.

« Dites-moi, Potter. Pourquoi est-ce que l'opinion que votre famille moldue a de vous a de l'importance ?

— Elle en a, c'est tout.

— Corrigez-moi si je me trompe, mais j'avais l'impression que vous ne vouliez rien avoir à faire avec eux.

— C'est vrai ! Je ne… » Harry tire un livre de la bibliothèque, jette un bref coup d'œil à la couverture, avant de le remettre en place. « Mais il fut un temps où elle avait de l'importance. Il fut un temps où je pensais que si je faisais suffisamment attention, ils m'accepteraient comme un membre à part entière de leur famille. Aussi stupide que ça puisse être. »

Severus est bien conscient de ce que peut faire le besoin d'appartenir à quelque chose, et ne dit rien.

« J'ai toujours pensé que j'avais une chance. Quelque part chez eux, ils tenaient à moi, et c'est là que je pensais avoir mes chances.

— Comment avez-vous pu penser un seul instant que Pétunia tenait à vous ?

— Parce qu'elle m'a appris à utiliser le pot ! J'avais quinze mois quand Dumbledore m'a abandonné sur le pas de leur porte. Il a bien fallu que quelqu'un change mes couches, que quelqu'un m'apprenne à marcher, à utiliser le pot et à manger tout seul. Je me disais que si elle avait pu faire tout ça, alors peut-être que j'avais une chance. »

Le père de Severus avait été du genre pratique lorsqu'il avait dû apprendre à son fils à utiliser les toilettes. Il avait balancé une poignée de Kellogg's dans les toilettes et avait dit à Severus de les faire couler, comme si c'était un jeu. Severus étend ses bras sur le dossier du canapé et réfléchit à ce que Potter vient de lui raconter, donnant du sens à cette logique d'enfant.

« Asseyez-vous, finit par dire Severus, désignant l'espace à côté de lui.

— J'ai compris cependant, quand je suis parti pour Poudlard », continue Harry, son expression tristement triomphante. Il s'assied, et se tourne légèrement pour faire face à Severus. « Tout ce à quoi tenait Pétunia, c'était que je sois autonome au maximum, pour avoir un minimum d'attention à me consacrer. »

Severus n'avait pas oublié l'égoïsme de Pétunia, et le verdict de Potter ne le surprend pas. Il tend les mains et les poses sur les jambes de Potter, qu'il a posées sur la table basse, et s'en sert pour que Potter se tourne complètement vers lui. Ignorant son halètement de surprise, Severus commence à lui masser doucement les pieds.

« Qu… Qu'est-ce que vous faites ? » Harry semble confusément heureux que quelqu'un lui propose un massage.

« Une expérience », répond Severus, en observant son visage. Son expression suspicieuse est peu à peu relâchée, mais il reste sur ses gardes. Severus est curieux de voir si son contact va continuer à calmer Potter.

Celui-ci est à la fois reconnaissant et mal à l'aise, et Severus peut dire qu'il se demande combien ce massage va lui coûter.

« Combien de personnes savent que Miss Weasley a choisi de perdre ses souvenirs ? »

Severus remarque que les chaussettes de Potter sont actuellement très propres, et il se demande comment Potter a pu faire en sorte de les garder dans cet état après avoir passé toute la journée dehors.

« Eh bien, les Weasley bien sûr. Les soignants à Ste Mangouste, le professeur McGonagall, et le reste de l'Ordre.

— Hmm. » Severus masse le haut du pied de Potter, juste avant ses orteils. Il sourit quand le jeune homme sursaute à cette sensation étrange.

« Pour toutes les autres personnes, on leur a dit que c'étaient les effets secondaires d'un sort reçu pendant la guerre. » Potter a les yeux clos, et il lutte pour se détendre.

« Et pourtant, Cartogan a parlé comme s'il savait qu'elle avait choisi de vous oublier. »

Severus suspecte que Cartogan a un contact au Ministère, un qui est au courant de l'enquête sur les souvenirs. Il n'y a aucune preuve, ce n'est rien de plus qu'une intuition, alors il ne lui en parle pas encore.

« Ça n'a plus d'importance », dit Potter, et Severus relâche son pied. La colère est enfin partie. « Elle avait un crush sur moi, je pense, depuis ma deuxième année, mais je pense que c'était plus un crush sur le Garçon-Qui-A-Survécu. »

Potter a un sourire sur le visage, un sourire ni heureux ni tout à fait triste comme tout à l'heure, et il a l'air d'être tout à fait chez lui, affalé comme il l'est sur le canapé usé.

« Venez », dit Severus, et il aide Potter à se relever. Ils manœuvrent ensemble pour atteindre l'échelle, et monter dans la chambre, Harry se déplaçant mécaniquement et Severus boitant légèrement. Il est déterminé à effacer les doutes que Potter peut avoir sur lui-même.

Il pousse Potter contre le lit pas très doucement, s'étendant au-dessus de lui quelques secondes plus tard, plaquant l'autre homme de son poids. La manière qu'a Harry de se tortiller en dessous de lui est étrangement délicieuse, son jean glissant difficilement contre le pantalon en laine de Severus, et un pied enveloppé d'une chaussette frottant contre l'arrière de son mollet de surprise. Severus n'a encore jamais fait cela avec un autre homme, mais il devine que les étapes de bases sont les mêmes. Il se soutient grâce à son bras, posé à côté de l'épaule de Potter et se baisse, inhalant le parfum salé et très légèrement sucré de sa peau. Ce n'est pas repoussant, et Severus dépose un baiser avec hésitation contre son cou, juste sous sa mâchoire.

Cela lui vaut un halètement surpris accompagné d'une saccade de ses hanches, ce que Severus interprète comme un encouragement.

Il continue le long de son cou, sa mâchoire, ses joues, et même ses lobes d'oreille. Il n'embrasse pas Potter sur les lèvres, mais les mains qui s'agrippent à son pull dans son dos lui disent qu'il s'en sort très bien sans cela. Les baisers sont exigeants et fermes, mais il semblerait que ça ne dérange pas Harry. Severus réalise que ça ne le dérange pas non plus, il sait que ce n'est pas une bataille pour dominer ou avoir le pouvoir. C'est une question d'appartenir à quelque chose et d'être en sécurité.

Severus lèche le sel sur la peau derrière l'oreille de Potter et ses hanches se frottent en rythme contre la chaleur et la dureté de son entrejambe, à la fois se désolant et appréciant les restrictions imposées par la texture des tissus qui les retiennent tous les deux. Les jambes de Harry sont écartées et ouvertes, et puis se referment autour de Severus avec force en une emprise possessive. Harry referme ses poings sur les cheveux courts de Severus tandis que ses lèvres donnent forme à des obscénités qui font rougir les joues de son partenaire.

Le lit proteste avec des grincements lourds. Potter est bien plus silencieux et jouit avec un sifflement tandis que Severus lui mord l'épaule, bien qu'il ne soit même pas certain que ce sifflement ait un sens en Fourchelang. Il repousse cette pensée loin dans son esprit et se rapproche de son propre orgasme quand Harry glisse une main merveilleuse dans son dos et vient presser sa paume contre son périnée. Severus se fige, et soupire, éjaculant dans son pantalon tandis que les doigts d'Harry pressent plus fermement contre lui.

« Je hais le Garçon-Qui-A-Survécu, murmure Severus, ses lèvres effleurant la peau derrière l'oreille de Potter.

— Ça n'a jamais été moi, admet-il, son souffle brûlant contre l'oreille de Severus. J'ai lu des trucs sur lui, cependant.

— Tu as ta place ici », lui répond finalement Severus, maintenant Harry plaqué sous son poids pendant encore cinq bonnes minutes. Les jambes de Harry sont encore serrées fort autour de sa taille, trahissant les caresses légères de ses doigts le long de la colonne vertébrale de Severus. Harry a l'odeur du musc et de la sueur, et les délicates touches sucrées du shampoing à la grenade que Severus a acheté.

« Non… Non, je… » commence Harry, et il tente de se relever. Severus place l'une de ses mains sur la hanche de Harry et l'agrippe fermement, un peu au-dessus de l'endroit où il sait que se trouve la cicatrice laissée par les barbelés.

« Regarde-moi, exige Severus, et les yeux verts sursautent. Ici, avec un vieil ex-assassin amer, une ferme sans nom de citrouilles et de pommes, et très peu de magie.

— Et Tolstoï, expire Harry, sans rompre le lien visuel avec Severus.

— Et Tolstoï. Tu es à ta place ici, Potter, aussi longtemps que tu en auras besoin », termine Severus, se redressant à genoux, ses mains traînant le long du torse de Harry. Il glisse une main sur l'entrejambe humide et sensible du jeune homme, affichant un sourire narquois lorsque Harry gémit faiblement. Une main délicate mais forte se saisit du poignet de Severus, stoppant son geste.

« Tu pourrais m'appeler H, tu sais ? Si tu n'aimes pas tout le côté Harry Potter, le héros. »

Severus penche la tête sur le côté et hausse un sourcil, pendant la plus petite des secondes, les longs cheveux qui cascadaient sur sa nuque lorsqu'il faisait ce même geste lui manquent.

« Je vois maintenant pourquoi ils t'ont enfermé dans un asile psychiatrique, Potter. »

Le Potter est prononcé différemment, sur un ton que Severus n'avait encore jamais utilisé avec lui. Il le prononce avec douceur, presque comme il avait l'habitude de dire Lily.

Harry a le dernier mot, cependant, après qu'ils se soient lavés, changés et se soient glissés dans le lit. Il se love derrière Severus et dépose des baisers, expérimentalement, contre sa nuque, causant un frisson qui descend jusqu'à son coccyx, et lui fait relâcher un gémissement surpris dont il refusera d'admettre l'existence pendant des semaines.

ϟ ϟ ϟ

« J'ai enfin compris pourquoi il y a un truc qui cloche avec cette carte », annonce Potter au petit déjeuner le lendemain matin. La carte est dépliée sur le sol de la cuisine, la salière en forme de phare que Severus possède posée sur le carré qui représente la propriété de Tissard et Brodette. Il y a un autre phare (un noir pour le poivre) au milieu du Chemin, et le beurrier soutient un livre épais qui se trouve juste au-dessus du Chaudron Baveur.

« Je ne m'étais pas rendu compte qu'il y avait quelque chose de bizarre avec la carte », commente Severus, buvant son café. Il a du temps libre aujourd'hui, étant donné que Potter a récolté les dernières citrouilles du verger la veille et que Tolstoï ne sera pas là avant quinze heures. Le sol en linoléum de la cuisine sur lequel Potter est étalé a l'air un peu malmené, remarque Severus, alors peut-être qu'il va s'en occuper aujourd'hui.

« Elle l'est. Les délimitations de propriétés n'ont pas changé de beaucoup, et on peut voir que la majorité des boutiques sont sur le Chemin depuis l'an 1000. J'ai toujours pensé que le Chemin n'était que ça, un chemin. Mais ensuite je me suis demandé qui le possédait véritablement, parce que dans le Londres moldu, la ville est propriétaire des rues et en assure l'entretien. »

Il pointe du doigt une nouvelle carte, sur laquelle le Chemin de Traverse n'est pas tracé comme une entité en soi, mais plutôt comme l'espace vide restant entre les propriétés des commerces. Severus peut voir maintenant que sur la plus vieille carte, le Chemin a été délimité comme une propriété à part entière.

« Le Chemin de Traverse n'est pas une rue en fait. On l'a transformé en rue, mais il s'agit en réalité d'une propriété appartenant au ministère de la Magie. En l'an 764, elle était listée comme une propriété résidentielle. »

Potter a l'air triomphant, et prend une bouchée de son muffin aux pommes avec enthousiasme. Severus préfère les scones, et il remarque que Potter en a réchauffé un pour lui. Eileen Snape préparait des scones tous les dimanches matins, et tous ensemble lorsqu'il était enfant ils prenaient le petit déjeuner dans la chambre de ses parents, écoutant le rapport agricole à la radio.

« Je me demandais pourquoi Percy Weasley vous a informé qu'il y aurait une réunion pour la restructuration du Chemin de Traverse la semaine dernière. Elle n'a pas été touchée par la guerre, dit Severus, étalant du beurre sur son scone.

— Non, en effet. » Il semblerait qu'une idée vient de s'allumer dans l'esprit de Potter, et Severus regarde au-dessus de sa tête pour vérifier s'il n'y aurait pas une ampoule en plus. « Une manière assez élusive de dire qu'ils sont en train de restructurer le Ministère, non ?

— Est-ce que le Ministère fait partie de l'Association des Commerçants du Chemin de Traverse ? »

Il y a des livres et des papiers sur la table, submergeant le côté de Potter, et Severus fouille dedans avec précaution.

« Je pense que oui, dit Harry, feuilletant le livre posé à côté de lui par terre. Mais je ne vois pas pourquoi ils en feraient partie. Ils n'ont pas de commerce sur place.

— Au contraire*, Potter. Je pense que vous comprendrez que leur situation précaire est une impasse aux enjeux élevés, dit Severus, laissant courir son doigt le long d'une ligne du livre.

— Le Ministère ne peut rien construire sur cette propriété, étant donné qu'elle est trop petite pour que même des architectes sorciers puissent en faire quoi que ce soit. Les commerçants ne souhaitent pas non plus qu'on y construise quelque chose, et je pense que vous découvrirez que pour empêcher cette éventualité, il y a des fonds échangés avec le Ministère. »

Potter lève les yeux sur lui, avec une expression pensive.

« C'est ce que vous pensez ? Comme du chantage ?

— Peut-être plus comme un loyer. » Severus tapote son menton avec sa baguette tandis qu'il lit avec attention la liste des familles sorcières les plus riches d'Angleterre et la recoupe avec celle des membres de l'ACCT. « Cependant, je commence à me demander quel côté a le plus de contrôle sur l'autre.

— C'est le Ministère, non ? Je veux dire, s'ils décidaient de construire sur ce terrain, les échoppes se retrouveraient emmurées. »

Potter se lève et s'étire, ce qui révèle un espace entre son jean et son tee-shirt. Severus observe le ventre couvert de poils ainsi révélé avec curiosité.

« Correct. Cependant, les boutiques possèdent un large monopole sur le marché sorcier, et génèrent un chiffre d'affaires ridiculement élevé. Vous êtes vous déjà demandé, Mr Potter, comment Lucius Malfoy pouvait influencer autant le ministère de la Magie ? »

Potter apporte les assiettes utilisées pour le petit déjeuner jusqu'à l'évier, et hausse les épaules.

« L'argent.

— Oui, accorde Severus, mais je serais prêt à parier qu'il ne payait pas un centime de plus que nous en impôts. »

ϟ ϟ ϟ

Potter prévoit de passer la journée le nez plongé dans ses recherches ainsi qu'à dactylographier ses mémoires. C'est une vision inédite, et Severus fait la remarque que Potter aurait peut-être dû essayer de faire plus de recherches à Poudlard. C'est une preuve que le garçon a beaucoup changé, cependant, qu'il ne fasse que rire à cette insulte et chasse Severus d'une petite tape.

Aucun d'eux ne parle de leurs frottements gauches de la nuit précédente.

Severus a envie de sortir du cottage, cependant. Il est reclus depuis cinq mois maintenant, et il réalise que sans la compagnie de Potter il serait sans doute devenu fou avant la fin du mois de novembre. Tolstoï est une présence bienvenue dans la maison, mais il n'offre pas la même stimulation que Potter question conversation. Severus sourit rien que pour lui lorsqu'il termine d'écrire les étiquettes pour les pots d'apple butter. Tolstoï, qui a appelé Severus "Rus" depuis le jour de leur rencontre, l'avait écouté avec bien trop d'attention, et appelait maintenant aussi Harry par son nom de famille. Cela donnait quelque chose comme "Otter"**, allez savoir pourquoi, et Severus refusait de le corriger.

« Arrêtez de faire les cent pas », lance Potter depuis le salon. Il a étalé ses papiers sur le sol, et un feu confortable brûle dans l'âtre. Severus trouve à cette scène un air très domestique, et c'est une vision à laquelle il ne se serait jamais attendu, peu importe le genre de foyer dans lequel il aurait pu atterrir.

« Est-ce que vous vous sentez comme un lion en cage, ou quelque chose du genre ?

— Très drôle, Potter », raille Severus. Mais c'est le cas en effet, et il est agacé de ne rien pouvoir y changer.

« Sortez donc. Allez à Londres, ou brassez une potion, ou faites bien ce que vous faites d'habitude quand vous sentez que vous virez cinglé », dit Potter, agitant sa main vers Severus, alors même qu'il ne lève pas les yeux de son livre.

Severus lève les yeux au ciel tellement fort que pendant un moment, il se sent un peu pris de vertiges.

« Potter, j'ai une fenêtre de quatre heures par semaine. Comment est-ce que votre tout petit cerveau s'imagine que je peux voyager jusqu'à Londres, Londres hein, en si peu de temps ? »

Cette fois-ci, Potter quitte son livre des yeux.

« Vous avez une baguette, non ? Vous pouvez y être en très peu de temps.

— Ma magie ne fonctionne qu'au cottage, espèce de crétin, réplique Severus en grinçant des dents.

— Je sais ça, je suis pas stupide, rétorque Potter en retour, secouant la tête. Prenez le Magicobus, vous y serez en dix minutes tout au plus. »

Severus parvient à avoir l'air à la fois révolté, et de considérer l'idée.

« Après tout, tant qu'il n'y a pas d'incantation idiote, ce n'est pas de la magie ? » répond Potter avec un sourire.

ϟ ϟ ϟ

Le voyage requiert un minutage précis, sept Mornilles allé et retour, un déguisement suffisant, et une petite incursion en ville. Severus dit à Potter qu'il va se rendre à la British Library pour récupérer autant de livres sur les guildes qu'il le peut, et passe vingt minutes dans la petite cabane dehors à transférer deux potions dans deux bouteilles d'eau pour les emmener avec lui. Potter a accepté de se rendre à la Bibliothèque Publique Sorcière sur le Chemin de Traverse pour trouver des informations de ce côté là. Ils ont une fenêtre de quatre heures avant l'arrivée de Tolstoï.

Aujourd'hui, Severus porte son plus beau pantalon noir, un pull tricoté bien épais et bien chaud qui n'a qu'un seul accroc facilement dissimulable en roulant les manches, et une barbe de trois jours que Potter a enchantée pour lui juste à l'extérieur de la propriété. La barbe le démange un peu, mais combinée à ses cheveux plus courts elle permet de masquer un peu son grand nez.

Il est étrangement à l'aise avec le fait qu'il n'a plus l'air d'un sorcier démodé.

Le Magicobus l'accepte à son bord, et avec son ciré gris il est indistinguable des autres sorciers nés-Moldus qui empruntent le bus. Severus garde les yeux fermés pendant la majeure partie du trajet, ce qui permet au temps de passer plus vite et c'est le seul moyen de ne pas vomir à cause du mal des transports. Enfin, son arrêt est annoncé, et Severus descend à quelques pas de la British Library, prenant une profonde inspiration de l'air froid ambiant qui emplit son corps et aide à calmer ses haut-le-cœur. Il observe des touristes confus sortir de la gare de Saint-Pancras pendant qu'il compte jusqu'à vingt et jette un coup d'œil à sa montre. Dix-sept minutes se sont passées depuis qu'il s'est retrouvé suffisamment loin de Kirkwall pour que le bus puisse le prendre en charge. Severus vérifie les deux bouteilles d'eau dans son sac à dos, et lève le menton avec assurance. Il entre dans la bibliothèque.

Severus est certain que ses joues, rougies et brûlantes, le trahissent tandis qu'il apporte dix livres jusqu'à un carrel d'étude lové entre deux piliers bien épais. Ce n'est pas exactement à l'abri des regards, et la couverture de l'un des livres est même plutôt scandaleuse. Les livres informatifs sur les guildes sont plutôt rébarbatifs en comparaison.

« Severus Snape, volant des livres sur les homosexuels », murmure-t-il, retirant l'une des bouteilles de son sac. Il s'agit d'une simple potion de duplication, quelque chose que chaque étudiant du niveau ASPIC doit préparer correctement pour passer l'examen final. La potion est complètement inutile sur un certain nombre d'objets, tels que la monnaie ou les bijoux, cependant Severus n'a pas perdu son temps pour rien en passant sa maîtrise, et il a corrigé la potion pour permettre la reproduction permanente de livres. C'est une forme de magie qu'il peut utiliser en dehors de sa propriété étant donné que sa baguette est inutile. En moins de dix minutes, il se retrouve en possession d'une pile de livres identiques, juste à côté de ceux de la British Library. Une autre bouteille est ouverte, celle-ci contenant une solution de ratatinage, et les copies sont réduites jusqu'à avoir la taille d'une pochette d'allumettes. Elles sont placées dans une boîte en métal, et glissées dans sa poche.

Severus quitte la bibliothèque dix-sept minutes plus tard, les détecteurs se déclenchant lorsqu'il passe les grandes portes de l'entrée. On lui fait signe de revenir, et la personne jette un coup d'œil désintéressé aux deux bouteilles dans son sac qui ne semblent contenir rien d'autre qu'un étrange jus, ainsi qu'à la boîte de pastille dans sa poche. Le bus le dépose à la périphérie de Kirkwall avec beaucoup d'avance, et Severus s'arrête pour se prendre un café et une pâtisserie avant de rentrer à la maison.

Les livres sont dans sa poche, reposant silencieusement dans la boîte, et il est frustré de se sentir aussi déstabilisé par certains d'entre eux. Déstabilisé et plutôt ignorant, d'après ce que les quelques coups d'œil qu'il avait pu glisser au livre à la bibliothèque lui avaient appris. Il n'est pas vierge, bien que Severus ne classe pas ses expériences parmi les plus spectaculaires ni les plus extraordinaires. Il n'a eu qu'une seule aventure sexuelle, et son avis sur la question étant que les jeunes sont bêtes et inexpérimentés. Ces observations l'ont conduit à parcourir la section consacrée de la British Library aujourd'hui, et bien qu'il soit incertain que quelque chose ressorte de leur arrangement nocturne inhabituel présent, dans l'éventualité où les choses progresseraient vers une relation d'une nature plus personnelle, il sera préparé. Ou du moins éduqué.

Severus passe le portail de la propriété et se détend lorsque les protections qui l'entourent se referment sur lui, et que son minuteur interne s'éteint enfin. Il est de retour avec deux heures d'avance. Il y a une bouteille de solution d'enflure qui l'attend dans la cabane, et peut-être qu'il pourra feuilleter le livre queer si Potter est toujours à l'extérieur. Il semblerait que ce soit le cas en effet, étant donné que les lumières du salon sont toujours éteintes et que seule l'unique ampoule de l'entrée est allumée.

Severus rend leur format d'origine aux livres grâce à la solution d'enflure et les rapporte à l'intérieur du cottage chaud, s'installant sur le canapé en face de la cheminée. Il allume un feu et s'installe confortablement, tâchant de se convaincre qu'il n'y a aucune raison de ressentir de l'embarras pour des études académiques. Il sait que ses raisons ne sont pas purement académiques cependant, et rougit légèrement en feuilletant les pages colorées, illustrées de photographies, s'imaginant dans certaines positions.

Severus est suffisamment à l'aise dans son propre esprit pour admettre que les expériences des précédents matins, de se réveiller dans les bras de Harry Potter, et de sentir l'érection du Petit Prodige pressée contre lui, ont été plutôt plaisantes, en effet.

Severus se souvient de ce que c'était d'avoir l'âge de Potter, cependant, et sait que ces érections matinales ne sont probablement que le fruit d'une nuit passée aux côtés d'un corps chaud. Il n'y a jamais vraiment eu quoi que ce soit de sexuel lié au nom de Potter ; à Poudlard sa réputation était plutôt celle du gentil garçon tranquille, pas même les Serpentard avaient alimenté des rumeurs de son homosexualité pour le discréditer. Severus est presque certain de ne pas être homosexuel non plus, mais il prévoit d'étudier le livre et de s'instruire quoi qu'il en soit. Il n'est pas sûr de pouvoir un jour avouer à Potter que sa sexualité n'est pas tant une orientation qu'un simple désir de contact humain. C'est une chose très dangereuse à admettre.

ϟ ϟ ϟ

Une heure plus tard, et bien après que Severus en ait appris plus qu'il ne pensait jamais vouloir sur les différents sous-mondes de la sexualité humaine, la porte d'entrée s'ouvre avec fracas et Potter rentre en quatrième vitesse. Son regard fait le tour du cottage avec frénésie, n'enregistrant même pas le livre que Severus vient de planquer sous une couverture.

« Snape ! Vous êtes-là, bien. C'est bien. »

Potter a l'air légèrement paniqué, un peu comme s'il cherchait à se rassurer.

« Où est-ce que vous étiez ? » interroge Severus, se demandant pourquoi Potter est tellement hors de lui et pourquoi on dirait qu'il est parti avec le registre d'impôts sur le revenu de cette année, provenant tout droit du Ministère. Les lettres dorées sur la tranche reflètent la lumière du feu et Severus peut lire le titre assez clairement avec la lumière de l'après-midi qui baigne la pièce.

« Au Chemin de Traverse », répond Potter. Il laisse tomber le livre sur le fauteuil de Severus et défait son écharpe, retournant ses manches quand il retire son manteau. Une des chaussures de Potter est à moitié défaite, et il a l'air d'avoir couru à travers une soufflerie.

« Walter Terrence Cartogan vient juste d'être assassiné devant Fleury et Bott. »

Severus cligne des yeux et fixe ce regard vert déchaîné.

« Assassiné ? Comme dans tué par un sortilège impardonnable ? »

Potter acquiesce, et laisse son écharpe tomber au le sol, où elle recouvre une partie de la carte qu'il a laissée dépliée.

« Par un Auror. »


*en français dans le texte.

**Otter en anglais signifie loutre.