Nouveaux horizons
Chapitre 2
Finissant de lire la lettre qu'il avait reçue, Drago ne pouvait que sourire doucement. Malgré le fait qu'il était un adulte accompli et père, sa mère ne cessait jamais de s'inquiéter pour lui. Si désormais les sucreries étaient réservées à Scorpius, Narcissa écrivait chaque semaine à son fils, lui demandant de ses nouvelles, ce qu'il pensait de ses cours, des étudiants. Elle essayait de ne pas trop lui parler d'Astoria, craignant sans doute de rouvrir une plaie qu'elle savait profonde et lancinante. De temps à autre, son père prenait la plume et ajoutait un petit mot au bas de la missive. Drago se sentait chanceux d'avoir des parents comme les siens. Bien sûr, ils avaient été déçus qu'Astoria et lui décident de ne pas poursuivre leur idée de l'éducation des sangs-purs pour Scorpius. Même s'il était évident pour eux que jamais plus un Voldemort ne devait s'élever pour faire régner la terreur, ils ne pensaient pas qu'avoir conscience de son sang et de sa spécificité était une mauvaise chose. Au contraire ! Il fallait l'embrasser plutôt que de se renier pour mieux se fondre dans la masse. C'était un point de vue qu'il comprenait, qu'il entendait mais qu'il n'approuvait plus depuis très longtemps. Cependant, Lucius et Narcissa étaient intelligents: ils devaient sans doute parler entre eux et personne ne pouvait les en empêcher. Mais jamais au grand jamais ils n'avaient critiqué Astoria et ses idées devant elle, devant lui, ou pire encore devant Scorpius. D'ailleurs, quand son fils leur avait demandé pourquoi il n'avait pas eu la même éducation que son père, Narcissa avait répondu, avec un sourire réservé à son petit-enfant, que ses parents voulaient lui donner l'éducation qu'ils jugeaient la plus juste et la plus adaptée. Et depuis la mort d'Astoria, ils étaient d'une aide et d'un soutien indéfectibles. Ils avaient eu une peine sincère de perdre leur bru car ils savaient combien elle et leur fils s'aimaient, car ils savaient la douleur que cela causait à leur petit-fils chéri. Ses parents ne cessaient jamais de faire des efforts pour lui et pour Scorpius, au nom de l'amour intarissable qu'ils leur portaient à tous les deux. Drago se sentait fier d'eux, de leur combat contre leur nature, mais aussi fier d'être le fils de deux êtres aussi résilients. Il se doutait que Scorpius leur écrivait et le connaissant, il leur disait sans doute à quel point il aimait le cours du professeur Granger sur l'étude des moldus, ce qu'il pouvait y apprendre et il imaginait ses parents se raidir mais lui répondre dans leur prochaine missive que c'était très intéressant et qu'ils étaient heureux qu'il s'investisse autant dans ses leçons.
Il replia la sienne avec soin, la rangeant dans une poche de sa robe et marcha le long des jardins de Poudlard, prêt à gagner sa salle de classe, quand des rires moqueurs et des pleurs parvinrent à ses oreilles. Immédiatement, il se mit en route afin de constater quel était le problème. Au loin, il vit Hermione arriver en courant, ayant sans doute entendu, elle aussi, la commotion. Elle devait revenir du ministère car elle était encore vêtue de son tailleur blanc crème.
-Malefoy ! Je viens d'arriver ! Confirma-t-elle. Que se passe-t-il ?
Ses cheveux étaient encore une fois en bataille à cause de sa course.
- Je n'en sais rien, j'allais voir. Dit-il
Ils se rendirent aussi vite que possible vers le centre de la cour où un jeune de première année à Serpentard était encerclé par plusieurs autres élèves de sa maison, en pleurs.
- Laissez-moi tranquille ! J'ai pas choisi d'être comme ça ! Répétait-il entre deux hoquets
Le duo vit ensuite Albus et Scorpius qui courraient vers le cercle et Drago n'avait jamais vu son fils si en colère.
- Ca vous amuse de vous en prendre à plus petit que vous ?! Vociféra-t-il
- On n'a pas de leçon à recevoir de la part du fils d'un sale Mangemort !
Hermione se raidit mais Drago lui fit signe de ne pas bouger. Étonnement, son garçon n'avait même pas haussé un sourcil et sa posture lui rappelait les colères froides de son propre père, bien plus effrayantes encore que ses explosions.
- Sais-tu pourquoi mon père est devenu Mangemort, Basile ? Demanda-t-il à son camarade de classe avec une voix si calme que cela était glaçant. Parce que Voldemort voulait punir mon grand-père d'avoir échoué dans une de ses missions. Alors, il a pris mon père à sa place et lui a confié une tâche qu'il savait échouée d'avance pour humilier mon grand-père un peu plus. Et si mon père échouait, notre famille était détruite.
Le jeune serpentard avait pâli et les murmures haineux avaient cessé.
- Je tiens aussi à te rappeler que c'est grâce aux Malefoy qu'Harry Potter a survécu. Ajouta-t-il. Ma grand-mère a menti au mage noir le plus puissant de son siècle dans l'espoir de pouvoir retrouver son enfant en vie à Poudlard. Si elle ne l'avait pas fait, le Survivant aurait été achevé et nous vivrions alors sous la Terreur. Mais sinon, oui, tu as raison, je ne suis que le fils et le petit-fils de sales Mangemorts.
Albus tendit un mouchoir au premier année qui cessait peu à peu de pleurer.
- Comment t'appelles-tu ? Lui demanda-t-il
- Eugene... Eugene Simon.
- Et pourquoi ils t'embêtaient ?
- Ils m'ont dit que j'étais un sale sang-de-bourbe. Que je volais la place à Poudlard d'un vrai sorcier.
Scorpius eut un rictus mauvais.
- Si être un sang pur veut dire pisser sur les gens au nom d'une certaine supériorité, alors j'ai honte d'en être un. Les nés-moldus sont des miracles de la magie. On ne sait pas comment ni pourquoi mais ils révèlent des dons de sorcier sans aucune justification familiale. Nous, les sangs-purs, on se contente juste d'hériter des dons de nos parents et encore, on pourrait être crackmols. Et ça ne serait même pas un problème en soi. On vit au XXIème siècle, les gars ! La supériorité du sang, c'est littéralement un concept du siècle dernier. Faut vous mettre à la page.
Le visage de Basile s'empourpra.
- T'as dit quoi là ?!
Drago fit un signe de tête à sa collègue, il était temps d'agir. Voyant deux professeurs arriver, les harceleurs se trouvèrent alors au pied du mur.
- Professeur Malefoy, Professeur Granger, nous étions juste... Tenta de se justifier l'un d'eux.
- Inutile ! Coupa Hermione avec une voix ferme et autoritaire. Nous avons tout entendu !
Basile eut la décence de baisser la tête, honteux.
- Je laisse le soin au professeur Malefoy de vous punir comme bon lui semble mais sachez que je suis profondément déçue. Je rapporterai cet événement au professeur McGonagall ! C'est tout simplement inadmissible d'avoir de tels actes au sein de notre école ! Monsieur Malefoy, Monsieur Potter, merci d'avoir secouru Monsieur Simon.
Drago la remercia d'un signe de tête avant de prendre la parole.
- Messieurs Marsters, Efron, Graham, Barris et Koretz. Vous faites perdre chacun vingt points pour Serpentard pour avoir participé à ce lynchage publique et vous serez en retenue tous les soirs pendant une semaine. Quant à vous, Monsieur Sterling, en plus de faire perdre vingt points pour Serpentard, vous lui en faites perdre cinquante de plus pour vos propos déplacés envers un élève né-moldu et au lieu d'être en retenue tous les soirs pendant une semaine, vous le serez pendant un mois. En outre, vous aurez tous à me rendre une dissertation de cinq rouleaux de parchemin sur la dangerosité du racisme anti-né moldus et sur ses conséquences. Je les veux sur mon bureau dès lundi prochain. Si je revois un seul d'entre vous tourmenter un autre élève, peu importe sa maison, à propos de sa naissance, cela sera le renvoi. Poudlard ne tolérera pas de telles discriminations. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Oui, Professeur. Marmonnèrent les élèves
- Malefoy, Potter. Reprit-il. J'accorde vingt points à chacun d'entre vous pour Serpentard pour être venu au secours de votre camarade sans user de violence.
- Merci, Professeur ! Sourit Albus
- Maintenant partez, vous allez être en retard.
Drago vit Hermione lui sourire et pour une raison qu'il ne comprenait pas, cela le gênait tout autant que cela lui faisait plaisir. Il n'avait pas besoin de son approbation, la seule approbation qui comptait à ses yeux... était celle de son fils. Mais il ne pouvait pas nier que c'était réconfortant de savoir que quelqu'un d'autre semblait approuver vos manières de faire pour évoluer et grandir.
- Un instant, Malefoy. Lança-t-il à Scorpius pendant qu'Hermione partait avec Albus et Eugene.
- Oui, Professeur ?
L'adulte jeta un coup d'oeil derrière lui. Ils étaient seuls.
- Tu peux m'appeler Père. Je suis très fier de toi, Scorpius. Lui dit-il en lui ébouriffant les cheveux. Ta mère le serait aussi, j'en suis certain.
L'adolescent souriait, fier et heureux.
- Tu ne les as pas punis pour t'avoir insulté ? Lui demanda-t-il
- Ce qu'ils pensent de moi m'importe peu. J'ai été Mangemort. Mes raisons sont ce qu'elles sont, elles expliquent mais ne pardonnent pas forcément.
- Tu sais, moi, je ne t'en veux pas de l'avoir été. Tu voulais protéger Grand-Mère et soutenir Grand-Père. Tu n'as pas vraiment eu le choix. T'étais à peine plus âgé que moi en plus.
Drago ne savait absolument pas d'où venait l'étonnante maturité de son enfant mais il ne pouvait que s'en réjouir. Scorpius n'avait que treize ans et était déjà un homme bien meilleur que lui.
- Si toi, tu ne m'en veux pas, c'est tout ce qui compte pour moi.
- Tu m'en veux d'avoir expliqué ton passé ?
- Mon fils, je te l'ai toujours dit : je n'approuverai jamais que tu attaques quelqu'un mais si on t'attaque en premier, je serai le premier à te dire de riposter. Allez, file, tu vas être vraiment en retard sinon. Et, s'il te plaît, dis à ce Eugene de venir me voir après ses leçons.
Il le regarda courir en direction du château, où Albus l'attendait patiemment. Le premier année était avec eux et il put entendre, malgré la distance, le garçon le remercier chaudement.
- S'ils t'embêtent encore, tu nous le dis ! Lui dit Scorpius. On ne les laissera pas faire. Mange à côté de nous aux repas, ça leur enverra un message.
Drago ne put s'empêcher de sourire, sentant malgré lui une vague de nostalgie l'envahir.
- Tu serais tellement fière de notre Scorpius, Astoria ! Pensa-t-il. Je le sais car je le suis chaque jour qui passe. Merci de m'avoir donné un tel fils.
- Professeur Malefoy ?
Drago se retourna et vit Hermione avancer vers lui. Les cours pour la journée venaient de s'achever.
- Professeur Granger. La salua-t-il
Pour une fois, ses cheveux étaient parfaitement domptés en une grande queue de cheval lisse.
- J'aimerais vous parler à propos de l'altercation de l'autre jour. Si vous n'êtes pas occupé, nous pourrions en discuter dans la salle des professeurs.
Il acquiesça. Les deux se rendirent dans la dite salle, située au rez-de-chaussée du château. Elle était vide. Hermione fit apparaître un service à thé. Un parfum d'Earl Grey embaumait la pièce.
- En veux-tu un autre ? Lui demanda-t-elle
- Non.
A dire vrai, cette odeur le réconfortait. L'Earl Grey était le thé préféré d'Astoria, qui avait toujours eu des goûts simples et sobres, un peu à son image.
- Comment va le jeune Eugene ? S'enquit-elle
- Bien. Lui répondit-il. Je l'ai vu quelques heures après. Je lui ai présenté des excuses au nom de notre maison et lui ai fait promettre de venir voir un professeur si jamais on l'insultait à nouveau de la sorte. Scorpius et Albus veillent sur lui comme deux grands frères.
Elle sourit.
- C'est bien, c'est très bien... Dit-elle. Le principal, c'est qu'il aille bien. Je n'arrive pas à croire qu'on en soit encore à ce niveau-là de nos jours. Cela montre bien que nous avons encore énormément de travail devant nous pour nous débarrasser de ces préjugés médiévaux.
- Est-ce que je t'ai demandé pardon pour t'avoir traitée de sang-de-bourbe ?
Hermione le regarda, surprise par une telle question.
- Malefoy, c'était il y a longtemps !
- Est-ce que je t'ai demandé pardon ? Répéta-t-il, le nez dans sa tasse.
- Non. Admit-elle.
Il soupira, finit sa gorgée, reposa sa tasse et la regarda droit dans les yeux, sans sourciller.
- Alors, je me dois de le faire. Granger, je suis désolé de t'avoir insultée de sang-de-bourbe quand nous étions en deuxième année. J'espère que tu pourras me pardonner.
- C'est déjà oublié ! Sourit-elle
Elle but une gorgée à son tour.
- Scorpius n'a de cesse de me surprendre. Avoua-t-elle. Albus ne cesse de me vanter ses mérites d'ailleurs ! C'est vraiment un bon garçon, tu peux en être fier.
Drago ne comprit pas de suite pourquoi elle mentionnait Albus avant de se rappeler qu'avant son divorce, elle avait été la tante par mariage du jeune serpentard et était toujours la mère de ses cousins. On pouvait se moquer de l'arbre des Malefoy, celui des Potter-Weasley n'était pas des plus simples non plus ! A dire vrai, l'homme aimait bien Albus Potter. Au-delà d'être le meilleur ami de son fils, ce qui lui octroyait déjà un certain respect, l'adolescent avait des qualités qui résonnaient en lui : la loyauté, notamment.
- Comment vont tes enfants ? Tenta-t-il.
Hormis avec son fils, il n'était pas à l'aise pour faire la conversation.
- Bien, ils vont bien. Dit Hermione. Rose est toujours aussi bonne en classe. Le divorce ne l'a pas perturbée dans ce domaine. Hugo et elle sont toujours tristes de nous voir séparés. Je me demande s'ils ne nourrissent pas le rêve de nous revoir ensemble. Avec Ron, on a essayé de faire en sorte que cela se passe bien, de leur faire comprendre du mieux qu'on pouvait mais je ne sais pas si ça sera assez...
- Il ne faut pas sous-estimer les jeunes, Granger. Ce sont souvent eux les plus sages d'entre nous.
- Je te ne savais pas philosophe ! Et toi, comment vas-tu ?
- On fait aller. Répondit-il. Tant que Scorpius va bien, je vais bien. Nous avons la chance d'avoir nos familles.
Elle sentait qu'il n'en dirait pas plus, elle ne chercha donc pas à approfondir, cela aurait juste brusqué et gâché les choses. Elle se contenta juste de partager un moment de calme avec celui qui avait été son ennemi des années plus tôt, autour d'une tasse de thé fumante. Drago finit sa tasse, se leva, ayant des copies à corriger, mais avant de la quitter, il lui lança une simple phrase qui, pourtant banale, la rendait heureuse pour une raison qu'elle n'arrivait pas à déterminer :
- La prochaine fois, on pourrait prendre un café, si tu veux.
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