Nouveaux horizons

Chapitre 3

Narcissa sourit doucement et ne put réprimer un léger rire en lisant les lignes tracées par la main de son petit-fils. Assis sur son fauteuil en cuir, profitant d'un verre d'hydromel et d'un bon roman, Lucius observa sa femme, amusé.

- Quelque chose d'amusant, très chère ? Lui demanda-t-il, taquin

- Je me disais juste que les temps changent. Lui répondit-elle. Il n'y a pas si longtemps, jamais un Malefoy n'aurait défendu le nom d'un sorcier né-moldu.

- Il n'y a pas si longtemps, un Malefoy n'aurait jamais qualifié un sorcier né-moldu de né-moldu. Répliqua-t-il

- Scorpius a défendu et protégé un serpentard de première année. Les autres élèves l'ennuyaient à cause de ses origines.

- Au moins, c'est un serpentard.

- Lucius...

L'homme se leva et enlaça doucement son épouse.

- Tu sais bien que je plaisante, Narcissa. Mais avoue qu'un serpentard protégeant un gryffondor aurait été cocasse.

- Aurais-tu été moins fier de notre Scorpius ?

- Je suis toujours fier de notre Scorpius. Il est élevé différemment de nous, de son père, c'est vrai. Mais il n'en est pas moins un vrai Malefoy. Un Malefoy qui aime et soutient sa famille, un Malefoy qui a cette fierté, cette conscience du devoir. Les temps changent, les mentalités et les générations futures avec et c'est à nous d'avancer, pour notre propre survie et notre bonheur. Scorpius représentera notre famille avec honneur quand son tour viendra. Qui sait ? Il rendra peut-être à notre nom sa grandeur passée avec ses méthodes nouvelles.

Elle acheva sa lecture.

- Je suis soulagée de voir qu'il arrive à continuer malgré la perte de sa mère. Il est encore si jeune... T'imagines-tu à la place de Drago, devant élever notre fils dans une situation pareille ?

- Je crois que je serais devenu fou. Admit Lucius. Drago m'impressionne. Il y a cette résilience en lui. Il est un meilleur homme que je ne le suis.

Elle lui sourit. Ils ne comprenaient pas forcément tous les nouveaux changements qui s'opéraient sous leurs yeux mais, dans le fond, on ne leur demandait pas de comprendre, juste d'accepter et de suivre le mouvement. Un mouvement qu'ils sentaient bénéfiques pour la communauté magique, un mouvement balbutiant, peut-être un peu extrême à leur sens, mais qui finirait par s'équilibrer une fois ses racines bien ancrées dans le sol, prêt à pousser et à durer. Et à dire vrai, Lucius et Narcissa n'aspiraient plus qu'à une seule chose en cette vie, un souhait qu'ils ne formulaient pas à haute voix mais qui résonnaient dans chaque fibre de leurs êtres, une prière qu'ils espéraient voir exaucée si jamais le Ciel était assez bon pour la leur accorder :

Une vie pour vieillir à deux et voir leur fils et leur petit-fils grandir, mûrir, évoluer, trouver le bonheur.

C'était là tout ce qu'ils voulaient.

Narcissa prit sa plume et commença à écrire sa réponse. Lucius se rassit et, reprenant la lecture de son livre, demandant à sa compagne de dire à Scorpius que son grand-père était très fier du courage dont il avait fait preuve lors du sauvetage de ce pauvre Eugene.


Dargo venait de finir sa leçon aux élèves de quatrième année. Le sujet avait été les sortilèges impardonnables et pourquoi on les avait appelés ainsi. Bien évidemment, la question de l'Avada Kedavra et de son unique survivant, Harry Potter, avait été sur toutes les lèvres. Il était heureux d'avoir aussi le respect de ses élèves. Il se demandait si le fait qu'il avait été mangemort leur faisait peur ou si c'était à cause de son charisme. Au loin, il entendait Scorpius et Albus qui discutaient et qui avaient hâte d'aller pour la première fois à Pré-au-Lard. Eugene, qui les suivait, était dépité de ne pas pouvoir les accompagner.

- Promis, on te rapportera quelque chose ! Lui dit Albus

Une jolie amitié naissait entre les trois garçons et leur trio n'était pas sans évoquer auprès du professeur le triumvirat qu'avait été Harry Potter, Ron Weasley et Hermione Granger. C'était une vraie camaraderie, ils se voyaient en égaux, se soutenaient, se consolaient, riaient ensemble. Ce qu'il avait eu avec Crabbe et Goyle n'avait été qu'une pâle copie. A dire vrai, il avait agi en maître et eux en esclaves. Il avait honte de cela désormais. En général, il avait honte du garçon qu'il avait été. Et il était hélas trop tard pour demander pardon à Crabbe, mort lors de l'incendie de la salle sur demande. Quant à Goyle, il croupissait à Azkaban pour ses usages de sortilèges interdits lors de leur dernière année et pour avoir aidé les mangemorts. Il avait longtemps jalousé Harry, Hermione et Ron pour ce lien profond alors qu'il était flanqué de « deux incapables ». Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même s'il avait peu voire pas d'amis à l'heure actuelle. Aussi, voir son fils capable de créer de réelles relations, des relations saines avec les autres, le réjouissait.

- Tu n'es pas sans ami. Pensa-t-il un instant. Tu as Granger.

Pouvait-il considérer Hermione Granger comme son amie ? Ils étaient cordiaux l'un envers l'autre, c'était vrai. Tous les deux dans une situation douloureuse, ils trouvaient du réconfort dans leurs conversations car ils se comprenaient sur ce terrain. Ils avaient aussi grandi et mûri, ce qui leur permettait d'avoir des discussions calmes et posées. Et il admettait qu'il aimait ces petits moments tranquilles à parler avec la sorcière. Il savait qu'il pouvait s'ouvrir à ses parents s'il en ressentait le besoin, bien évidemment. Et ils faisaient de leur mieux pour comprendre. Mais ils n'avaient pas traversé ce qu'il traversait en ce moment et il se refusait à en parler à Scorpius. Son garçon était fin, intelligent, comprenait beaucoup de non-dits et à ses yeux, c'était déjà trop. Scorpius n'était qu'un enfant, son enfant, et c'était à lui, son père, d'être une épaule sur laquelle il pouvait pleurer et non l'inverse. Hermione vivait un deuil, elle aussi. Le deuil de son mariage. Par chance, Ron n'était pas mort, ses enfants n'avaient pas à grandir sans père, mais qu'était un divorce sinon la mort d'une union ? Hermione Granger était-elle son amie ? Il n'en savait rien. Tout ce qu'il savait, c'était que leur peine avait trouvé un écho en l'autre et ils se soutenaient dans leur malheur, le tout s'étant fait presque le plus naturellement du monde.

C'était la chose la plus proche de l'amitié qu'il avait et cela lui convenait à merveille.


Les élèves s'étaient éparpillés à Pré-au-Lard, la majorité allant dévaliser Honeydukes, goûter la bièraubeurre de Madame Rosemerta ou chercher de quoi faire des farces chez Zonko. Drago ne put s'empêcher de ressentir une vague de nostalgie en passant devant le salon de thé de Madame Pieddodu. C'était là qu'il avait invité Astoria pour leur premier rendez-vous. Elle avait demandé un Earl Grey avec quelques biscuits, elle avait peur de commander trop, ne voulant pas abuser de sa gentillesse. C'était également là, avant de le faire selon la tradition des familles de sangs-purs, qu'il avait demandé à la jeune femme de l'épouser, souhaitant lui demander sa main à sa manière avant de devoir se plier aux coutumes familiales. Ils y retournaient régulièrement et c'était là qu'elle avait révélé à Drago qu'elle était enceinte. D'ailleurs, l'une de ses envies de grossesse avait été les crapauds à la menthe et il n'avait jamais manqué de lui en rapporter un sachet quand il se déplaçait au village. Un sourire naquit sur son visage. C'était la première fois qu'il arrivait à penser à son épouse sans que la tristesse ne l'envahisse. Elle lui manquait énormément, le trou dans son cœur était toujours aussi douloureux mais il apprenait à vivre avec, tout doucement, un jour après l'autre.

- J'avais promis à Granger un café.

L'occasion semblait toute trouvée puisqu'ils étaient de sortie. Il la trouva en retrait, observant le paysage, les yeux et les joues rouges. Beaucoup auraient mis cela sur le compte de la neige et du froid. Il s'approcha en silence en lui tendit un mouchoir. Et à voir son expression, ses rougeurs n'étaient pas dues au climat. Hermione Granger se cachait pour pleurer.

- Merci... Dit-elle en se séchant les yeux

- Mauvaise journée ?

- On peut dire ça...

Il lui proposa d'aller aux Trois Balais. Ils s'installèrent au comptoir. Hermione demanda une bièraubeurre, lui un thé. Après quelques instants, la jeune femme semblait avoir retrouvé son calme.

- Des ennuis ? Tenta-t-il

- Je me suis disputée avec Rose... Avoua-t-elle

Il resta silencieux, ne sachant pas quoi dire. Il ne voulait pas la forcer à parler. Et il avouait être terriblement gauche quand il s'agissait de consoler quelqu'un. Scorpius étant l'exception mais il était son fils. C'était normal de savoir comment consoler son fils.

- T'es-tu déjà disputé avec Scorpius ? Lui demanda-t-elle

- Non. Mais j'avoue ne pas avoir envie que cela arrive.

- Je te souhaite que cela ne t'arrive jamais.

Elle but une gorgée de sa chope.

- Rose ne comprend pas que son père et moi ne voulons pas nous laisser une seconde chance. Lâcha-t-elle douloureusement. Elle pense que c'est lâche. Surtout venant de moi.

- Ah.

- Il est vrai que je suis quelqu'un d'ambitieuse. Je veux réussir dans tout ce que j'entreprends. Et j'ai toujours réussi. Rose et Hugo grandissent avec cela comme modèle : une mère qui n'a pas peur de viser haut et qui réussit à atteindre son but. Aussi, elle a du mal à s'imaginer que je puisse échouer sur le plan personnel.

- Weasley ne souhaite pas cette seconde chance ?

- Ron et moi avons compris une chose : nous serons toujours amis. Nous aurons toujours du respect l'un pour l'autre. Mais il n'y a plus d'amour entre nous. Malgré nos efforts respectifs, nos différences étaient trop fortes.

- Je ne pense pas que ton divorce soit un échec. Il n'y a aucune honte à reconnaître sa défaite et à sonner la retraite.

Elle lui sourit.

- C'est gentil.

- C'est sincère. Si Weasley et toi en êtes venus à la même conclusion, il valait mieux arrêter les frais au plus vite. Rester pour les enfants n'est jamais une bonne idée, ça leur enseigne des choses fausses. Si tu t'étais entêtée, cela aurait été plus difficile encore lors que ça aurait fini par éclater. Et ça aurait été encore plus dur pour tes enfants.

Après un moment, il demanda comment leurs familles respectives avaient réagi à la nouvelle. La famille Weasley avait été dévastée d'apprendre la séparation mais ils respectaient le choix du couple et ils gardaient Hermione en haute estime, la traitant comme ils l'avaient traitée adolescente : comme une très bonne amie de la famille, avec respect et affection. Les parents de Hermione avaient été aussi peinés et surpris mais ils se voulaient pragmatiques : cela se faisait d'un commun accord, en douceur, ce qui était préférable pour les enfants.

- Je ne t'ai jamais demandé... Comment était morte Astoria. Si tu as envie d'en parler, bien sûr.

- Elle a succombé à une malédiction du sang.

Hermione se figea, présentant rapidement ses excuses au veuf. Elle avait entendu parler de ce genre de malédictions mais elles étaient devenues si rares qu'on les pensait éteintes.

- Un de ses ancêtres a été maudit et comme la malédiction n'a pas fait surface depuis des générations, les Greengrass l'ont crue éteinte. Mais la santé toujours fragile d'Astoria a été la preuve qu'elle était toujours présente et agissait sur elle.

- La pauvre... Cela a dû être pénible...

- Elle a tenu à devenir mère malgré les risques pour sa santé. Elle savait qu'elle ne vivrait pas vieille et ne voulait pas que je sois seul quand son heure viendrait. Et elle voulait avoir la joie d'être maman.

Il se souvenait de la réticence de ses parents quand il avait voulu l'épouser car ils craignaient qu'il se retrouve veuf jeune. Il avait tenu bon et tête à ses parents, c'était Astoria ou personne et ils avaient cédé face à l'amour de leur fils pour la jeune sorcière. Quand Scorpius était petit, elle racontait à son fils que c'était la chose la plus courageuse qu'elle avait vue de toute sa vie. Tout comme Narcissa, elle envoyait régulièrement des bonbons à leur enfant, lui disant que les douceurs aidaient à se faire des amis. Elle avait eu raison car l'amitié entre Scorpius et Albus était née autour de confiseries.

- Est-ce que... Est-ce que Scorpius est en danger ? Demanda Hermione

- Non, il est en parfaite santé.

- C'est tant mieux... Je regrette de ne pas avoir plus connu Astoria. Elle semble avoir été une femme exceptionnelle. Tu as eu beaucoup de chance de l'avoir pour femme.

Hermione ne pouvait qu'admirer l'histoire d'amour qui avait lié Drago et sa femme. L'idée même que l'homme, qui avait été pourtant si dépendant de ses parents, avait pu leur dire non au nom de l'amour, malgré le destin qui attendait celle qu'il aimait, était magnifique. Il avait été prêt à de nombreux sacrifices pour pouvoir simplement vivre avec elle, l'appeler son épouse. Elle avait été, sans l'ombre d'un doute, la femme de sa vie et la perdre ainsi, même en sachant d'avance que leur fin serait tragique, était un crève-coeur. Elle semblait avoir eu une grande influence sur son mari mais surtout sur son fils. Astoria lui apparaissait comme une personne respectable, qui gagnait à être connue. Pourtant, elle était partie sans un bruit, dans la discrétion la plus totale.

- J'ai eu énormément de chance qu'elle accepte de m'avoir pour mari. Sourit Drago

Son expression était à la fois douce et mélancolique. Oh, comme il avait dû l'aimer ! La vie avait été terriblement injuste avec eux !

- Je suis désolée si...

- Non, ça va.

Elle sortit son porte-feuille, il l'arrêta et régla la note.

- Je t'avais promis un café.

- C'est une bièraubeurre.

- Peu importe.

- Cela m'a fait du bien de me confier. Merci Drago.

C'était la première fois qu'elle utilisait son prénom et ce fut à cet instant qu'il se dit que oui, il pouvait considérer Hermione Granger comme son amie.

A Suivre