Nouveaux horizons
Chapitre 4
Corrigeant ses copies, Hermione fronçait le nez, soucieuse. Cela faisait le troisième devoir de suite rendu par Scorpius, dont la note laissait à désirer. Et cela l'inquiétait. La première fois, elle avait mis cela sur le compte d'une consigne mal comprise ou d'un point d'une leçon mal acquis. La deuxième fois, elle avait pensé à un coup de fatigue passager. Mais là, le troisième devoir de suite, elle s'était inquiétée. Cela n'était pas normal. Scorpius avait toujours été bon élève dans sa matière. Puis, Hermione eut envie de se gifler elle-même. Cela faisait quelques cours de suite qu'elle avait trouvé l'adolescent un peu plus effacé que d'ordinaire, participant moins, l'air un peu plus éteint, peut-être même... Triste ? Elle aurait dû aller lui parler dès qu'elle l'avait remarqué au lieu d'attendre ! Quelque chose devait clocher ! Quelque chose devait forcément clocher ! Sinon, comment expliquer tout cela ? Elle lui parlerait enfin, elle se le promit.
- Voilà, c'est tout pour aujourd'hui ! N'oubliez pas de réviser le chapitre sur l'invention de l'électricité pour le prochain contrôle ! Dit Hermione alors que les élèves commençaient à prendre leurs affaires. Monsieur Malefoy, pourriez-vous rester un instant, s'il vous plaît ?
Il échangea un regard interrogatif avec Albus avant que son ami ne lui dise qu'il l'attendrait dans la cour avec Eugene. Il lui avait promis de lui apprendre à jouer aux bavboules, cela les ferait patienter. Le jeune homme s'approcha du pupitre de son professeur.
- Oui, Professeur Granger ? Demanda-t-il, un peu inquiet
Hermione lui sourit avec gentillesse.
- Vous n'êtes pas en faute, détendez-vous.
L'adolescent sembla se relaxer quelque peu.
- J'ai ici votre devoir. Bien qu'il n'est pas mauvais, il n'est pas à la hauteur de ce que vous pouvez produire, de ce que vous produisez en temps normal. C'est le troisième de ce genre.
- Je suis navré, Professeur. Je veillerai à faire mieux. S'excusa-t-il de suite
- Monsieur Malefoy... Est-ce que tout va bien ? S'enquit-elle. Avez-vous des ennuis en ce moment ? Quelque chose qui vous mine et vous déconcentre ? En classe, vous me paraissez plus... Plus retiré.
Il observa Hermione un instant, avant de regarder ailleurs, gêné.
- Je suis là pour vous aider, Monsieur Malefoy. Reprit-elle doucement.
- Je... C'est... Balbutia-t-il
- Oui ? Tenta-t-elle de l'encourager
- C'est bientôt l'anniversaire de ma mère, Professeur... Son premier anniversaire depuis...
Sa voix s'était perdue, son menton tremblait et si ses yeux brillaient, il était clair qu'il luttait pour ne pas pleurer. A cet instant précis, Hermione ne put s'empêcher de constater à quel point Scorpius pouvait ressembler à son père. Il avait, lui aussi, cette fierté inhérente à son nom, ce que certains auraient pu qualifier d'arrogance alors que c'était juste un trait de caractère dont les membres de cette famille héritaient. Et encore, Scorpius lui parlait. Malefoy, au même âge, avait cette fierté mais très mal placée. Mais surtout, Hermione se sentit stupide. Profondément stupide. Elle aurait dû se douter que cela avait sans doute un rapport avec sa mère. On était presque aux vacances de Noël. Astoria n'était morte que depuis l'été. L'anniversaire de sa mère plus les fêtes qui approchaient... Ce n'était guère étonnant que Scorpius était plus distrait. Face à son éternel sourire et à sa joie de vivre apparente, elle avait tendance à oublier qu'il n'avait que treize ans et qu'il avait enterré sa mère un mois avant la rentrée des classes.
- Je suis sincèrement désolée, Monsieur Malefoy. Lui dit-elle avec douceur.
- Je vais me reprendre, Professeur. Promit-il
- Ne vous stressez pas plus avec mon cours. Répondit-elle. Maintenant que je sais ce qu'il se passe, si je veillerai, je sais que ce n'est pas à cause d'un problème de compréhension.
Une idée lui traversa l'esprit.
- Je vous propose ceci, Monsieur Malefoy : Si vous désirez remonter votre moyenne, je vous offre la possibilité de me faire un petit exposé sur le sujet de votre choix. Vous me le rendrez après les vacances d'hiver. Si jamais la note est en-dessous des notes actuelles, je ne la compte pas.
Un sourire illumina enfin le visage de l'élève.
- Vraiment ? Sur le sujet que je veux ?
- Tant que c'est en rapport avec la matière.
- Merci, Professeur. Vraiment.
La jeune femme lui sourit à son tour.
- Je ne vous décevrai pas !
- Je n'en doute pas, Monsieur Malefoy. Maintenant, je vous laisse partir, Monsieur Potter doit être impatient de vous retrouver !
Le garçon prit ses affaires et s'apprêta à sortir avant qu'Hermione ne le rappelle à la dernière minute.
- Monsieur Malefoy. Si jamais vous éprouvez le besoin de parler, n'hésitez pas à venir me trouver.
Il acquiesça et Hermione se sentit soudainement légère.
Elle avait peut-être rendu la vie d'un élève plus douce.
C'était désormais chose confirmée. Ron, hélas, ne s'était pas trompé. Et voyant la scène se dérouler sous ses yeux, Hermione ne pouvait pas nier l'évidence :
Rose évitait soigneusement Albus.
Pire, quand Albus engageait le dialogue, elle y mettait vite un terme.
- Est-ce que Rosie est en froid avec Al ? Lui avait demandé son ex-mari
- Je ne crois pas. Elle a l'air toujours aussi amicale avec lui quand on se retrouve tous. Lui avait-elle répondu
- J'ai l'impression pourtant qu'il y a quelque chose. J'ai peur d'avoir fait une bêtise en lui donnant un conseil et de lui avoir coûté son meilleur ami...
Il était vrai que, lors de la première rentrée à Poudlard de Rose, Ron avait encouragé leur fille à être meilleure que Scorpius Malefoy en classe, même s'il avait été évident que c'était une boutade. Rose, ayant hérité de l'esprit de compétition et de l'ambition de sa mère, l'avait pris au mot. Ron lui avait aussi dit de ne pas être trop amie avec Scorpius, parce que Papy Arthur aurait un infarctus si sa petite-fille épousait un sang-pur. Une plaisanterie, encore une fois. Hermione connaissait assez Ron pour savoir que leur fille pouvait épouser qui elle voulait, la seule exigence du père serait que sa princesse soit bien traitée par son partenaire. Et elle n'insulterait pas l'intelligence de Rose en supposant qu'elle n'avait pas compris l'humour paternel. Ensuite, bien évidemment, il y avait eu le fait qu'Albus était à Serpentard. Cela avait été un choc pour tout le monde. Harry avait été Gryffondor. Ses grands-parents paternels avaient été des Gryffondor. Toute la famille maternelle d'Albus avait été à Gryffondor. Aussi, le voir chez les serpents avait été une claque magistrale, même si Harry avait été aussi heureux que si son fils avait été dans l'antre des lions comme lui jadis.
- De très grands sorciers sont issus de la maison Serpentard, des sorciers et sorcières qui ont fait le bien. Tant que tu y es bien, c'est tout ce qui compte pour moi. Avait-il rassuré son fils
Puis, enfin, il y avait le fait qu'Albus était ami avec Scorpius. Là encore, Harry et Drago s'étaient montrés matures et intelligents. Le principal était que leurs garçons étaient heureux. Hermione se demanda si ce n'était pas là le nœud du problème : l'amitié d'Albus pour Scorpius. Rose voyait encore le monde en blanc et noir, les nuances grises commençaient à peine à s'esquisser mais surtout, elle avait hérité d'un défaut de sa mère, un défaut qu'elle reconnaissait elle-même et sur lequel elle essayait de travailler :
L'intransigeance.
Pour une raison ou une autre, Rose avait décrété que Scorpius était quelqu'un à éviter et comme Albus était ami avec le garçon, Rose coupait les ponts avec son cousin, alors qu'ils avaient été si proches. Oh, comme Ron s'en voudrait ! Hermione le savait, il s'en voudrait alors qu'il n'était pas responsable. Elle se promit de lui écrire pour lui confirmer ses doutes.
- Bonjour Maman. Sourit Rose en croisant sa mère
- Bonjour Rosie ! Est-ce que je peux te parler en privé ? Lui demanda-t-elle. Ca ne sera pas long.
Elles s'assirent dans une alcôve derrière les jardins.
- S'est-il passé quelque chose avec Albus ? Commença Hermione
Sa fille se raidit immédiatement.
- Est-il venu se plaindre ? Contra l'adolescente
- Non. Répondit l'adulte. Mais cela fait plusieurs fois que je vous vois à deux, on dirait qu'il y a un froid. Vous vous êtes disputés ?
Le regard noir de Rose donna des frissons à Hermione.
- Maman, s'il te plaît, ne fais pas celle qui n'a pas compris. Tu sais très bien pourquoi je ne parle plus à Albus.
- Parce qu'il est serpentard ?
- Parce qu'il est ami avec le fils d'un mangemort.
Hermione observa son enfant, se retrouvant douloureusement en elle au même âge.
- Le père de Scorpius a été mangemort, oui. Mais il a aussi aidé lors de la bataille de Poudlard. Il a payé sa dette à la société. Et Scorpius n'est pas son père. N'est-ce pas injuste de blâmer un enfant pour les décisions de ses parents ?
Rose eut un rictus.
- Scorpius n'a pas honte de son père !
- Le devrait-il ?
La jeune fille pâlit face au sérieux de sa mère.
- Scorpius a-t-il montré une seule fois des tendances liées à l'idéologie mangemort ? Non, jamais. Et s'il n'en montre pas, c'est parce qu'il a été élevé en sachant que c'est une idéologie dangereuse. Il n'a pas choisi sa famille, Rose. Et il n'a pas à avoir honte de qui il est non plus. Je te trouve injuste de couper les ponts avec Albus juste pour son amitié avec un garçon qui n'a rien fait de mal.
- Même si Scorpius n'est pas son père, il y a des choses qu'on ne peut pas pardonner et des tâches sont ineffaçables. Dit Rose. Maman, l'équivalent des mangemorts dans le monde moldu, ce sont les nazis. Et encore aujourd'hui, on ne leur pardonne pas, pas même à ceux du plus petit grade. Et leurs enfants, leurs petits-enfants, doivent vivre avec cette tâche sur leurs noms. Alors oui, Scorpius n'a pas choisi mais dans le même temps, il n'a pas l'air hyper affecté parce que son père et ses grands-parents ont fait. Ils ont aidé lors de la bataille finale ? La belle affaire ! C'est un peu facile de changer de camp quand on voit que l'on perd ! Le monde sorcier se méfie des Malefoy pour une raison. C'est leur punition pour avoir voulu contribuer au génocide des sorciers nés-moldus. Et moi, désolée, faire ami-ami avec une graine de mangemort, ce n'est pas une chose que je peux pardonner.
- Donc, selon ta logique, j'ai tort de croire que c'est possible de changer ?
- Je crois, Maman, que tu ne veux pas admettre qu'on ne peut pas sauver tout le monde. Scorpius montrerait des remords pour ce qu'il s'est passé, ça serait différent. Mais non, il trouve des excuses pour la faiblesse de sa famille. Qui ne dit mot consent et c'est ce qu'il fait. Alors Albus qui est ami avec lui, ça veut dire que lui aussi consent. Et ça, alors que l'on est nés tous les deux d'une famille ayant résisté face à Voldemort, pour moi, c'est une trahison que je ne peux pas tolérer.
La cloche sonna, Rose se leva pour assister à son prochain cours, laissant Hermione figée sur place, tremblante presque. Elle avait toujours su que sa fille avait un fort caractère. Un tempérament si similaire au sien. Et elle l'avait élevée dans l'idée que se battre pour la Justice était la chose à faire. Mais elle n'aurait jamais cru sa Rosie capable d'un discours aussi extrême, même en prenant en compte son jeune âge. Comment rectifier le tir ? Comment lui éviter des problèmes plus tard ? Où avait-elle fauté ?
- Tout va bien, Granger ?
Hermione leva le nez de ses mains et vit alors Drago, l'air sincèrement inquiet pour elle.
- Tu es si pâle qu'on jurerait qu'un détraqueur a aspiré ta joie.
Elle tenta de lui sourire.
- Juste une conversation un peu musclée avec Rose. Ca me passera.
- Est-ce que... Est-ce que je peux t'aider, Granger ?
La question la surprit. Drago Malefoy qui lui proposait son aide. Si on lui avait dit ça quelques années auparavant... Mais contrairement à ce que Rose prétendait, les gens changeaient. Même ceux qui avaient fait les mauvais choix. Drago avait changé, il était passé d'un garçon prétentieux et xénophobe à un père de famille responsable, qui respectait toutes les origines sorcières, et qui élevait son fils dans la tolérance, selon le souhait de sa femme. Parce qu'il savait ce que c'était d'être du côté de la haine. Il en était revenu. Et il ne laisserait pas son petit garçon tomber dans le même abysse que lui.
- Rien que le fait de te soucier de moi et de m'écouter m'aide, tu sais.
- Si tu le dis.
Il lui offrit son bras pour qu'elle puisse se lever et ils commencèrent à marcher ensemble.
- Je voulais te remercier pour Scorpius. Lui dit-il. Il m'a expliqué que tu lui laissais la possibilité de faire un exposé pour remonter ses notes.
- Avec les circonstances, c'était normal de le lui proposer.
- Les circonstances ?
Hermione se sentit mal. De toute évidence, Drago n'était pas au courant de la raison de la baisse des notes de Scorpius. Comme tous les professeurs, il devait penser que c'était la fatigue des cours qui commençait à gagner du terrain. Elle allait lui faire mal au cœur, elle le savait. Mais elle lui devait la vérité.
- Je lui ai demandé s'il y avait quelque chose qui le minait. Commença-t-elle. Il avait l'air plus... Plus terne en cours. Il m'a dit que c'était bientôt l'anniversaire de sa mère...
Elle vit briller, l'espace d'un instant, un éclat de tristesse dans le regard de son collègue.
- C'est vrai... L'anniversaire d'Astoria... Murmura-t-il
- Je suis désolée, Drago.
- Non. Non, en fait, je devrais te remercier... Je ne savais pas que Scorpius se sentait triste. Le garnement aura fait semblant d'aller bien devant moi...
Il avait essayé d'en rire mais le résultat était maladroit.
- Quel piètre père je dois être, hein Granger ? Reprit-il. Mon propre fils me cache sa tristesse pour ne pas me causer d'ennuis.
- Scorpius t'aime, Drago. Il pensait sans doute t'aider. C'est un garçon intelligent et mature pour son âge.
- Peut-être trop...
- Peut-être, oui... Mais vous traversez tous les deux une épreuve horrible. Parle-lui.
Il acquiesça.
- Et toi, ta fille ?
- Je me rends compte que j'ai élevé une mini-moi. Plaisanta-t-elle
- Mes condoléances.
- Hey !
Il eut un léger rire.
- Je plaisante. Il faut des gens comme toi sur cette terre, Granger. Des gens qui veulent se battre pour la Justice.
- Pour l'instant, Rose est dans l'idée qu'il n'y a pas de juste milieu. Soit on est un héros, soit un est un méchant.
- C'est l'âge, ça lui passera.
- Je l'espère...
Ils se séparèrent en direction de leur salle de classe respective. Hermione observa Drago qui croisait son fils et l'entendit lui dire qu'il aimerait lui parler après les cours, non sans le rassurer sur le fait qu'il n'avait rien fait de mal ou qu'il n'était pas dans de beaux draps.
Oui, Hermione le croyait sincèrement, n'en déplaisait à sa fille.
Les gens pouvaient changer.
Même les mangemorts pouvaient retrouver le chemin de la lumière.
Un peu plus d'une décennie plus tôt, jamais au grand jamais Drago Malefoy et elle auraient pu discuter et rire ensemble comme ils venaient de le faire.
A Suivre
