Nouveaux horizons
Chapitre 5
La neige tombant à gros flocons et recouvrant Poudlard de son drap blanc et épais ne refroidissait en rien la joie brûlante des élèves. Plus qu'une seule journée de cours et les vacances de Noël allaient officiellement débuter. Tous parlaient déjà de leur envie d'enlacer leurs parents, parlant des bons petits plats qui les faisaient déjà saliver d'envie, des cadeaux qu'ils pensaient recevoir. Hermione observait tout cela avec une nostalgie qui lui étreignait le cœur. Cela avait été elle des années plus tôt, avant la guerre, avant Voldemort et maintenant, elle était là, à l'aube de ses quarante ans, cumulant un emploi d'enseignante à son travail au Ministère. Elle voyait, en contrebas, Scorpius discuter joyeusement avec Albus, Eugene courant pour les rattraper et le trio semblait le plus heureux du monde. D'ailleurs, son jeune élève semblait aller mieux depuis leur dernière discussion. En tout cas, s'il participait moins, il souriait.
- Pauvre petit... Son premier Noël sans sa mère...
Et le premier Noël de Drago sans sa femme.
Elle se demanda s'il appréhendait, comment il se sentait mais dans le même temps, elle n'osait pas le lui demander, de peur d'être trop brusque. Leur amitié, car elle le voyait désormais comme un ami, était encore si neuve, si délicate, qu'elle craignait qu'une secousse trop brutale ne la brise en milliers de morceaux, comme un cristal éclaté au sol. Elle-même était un peu anxieuse à l'idée des fêtes. Malgré leur divorce, elle allait fêter Noël au Terrier avec les Weasley. Molly lui avait proposé de venir avec ses parents.
- Tu n'es peut-être plus notre belle-fille mais tu es notre amie ! Avait dit la matriarche
Elle savait qu'Harry, Ginny et leurs enfants seraient aussi présents. Le seul lien que son ami avait encore avec les Dursley était la carte des fêtes qu'il leur envoyait. Elle pensa à ses propres petits sorciers. Elle les savait matures, intelligents, très heureux à l'idée d'avoir Papa et Maman sous le même toit pour les fêtes. Mais si jamais ils venaient à penser que leur couple avait encore une chance ? Ron et elle se soutenaient dans l'éducation de leurs enfants et elle connaissait son ex-mari assez pour savoir qu'il n'entretiendrait pas cette illusion aussi douce que cruelle.
- Tout se passera bien. Tenta-t-elle de se convaincre. Un Noël en famille et avec tes amis. Il n'y a rien de plus beau.
Elle se demanda comment les Malefoy allaient le fêter. Entre eux, c'était certain. Mais inviteraient-ils des cousins ? En avaient-ils encore en vie ou libre après la guerre ?
- Eh bien Granger. Tu rêves ?
Elle se tourna et vit Drago qui marchait dans la galerie, sa cape et ses cheveux blanchis par le climat.
- Un peu. Admit-elle. Scorpius a l'air d'aller mieux. Je suis contente.
- Je lui ai rappelé qu'il n'a pas à cacher ses émotions. Pas devant moi. Qu'il n'avait pas à se forcer à faire bonne figure pour moi. Ou même pour ses grands-parents. Ils n'attendent pas cela de lui de toute façon.
- Sont-ils proches ?
- Ils l'adorent ! Mon père en est fier comme un coq et ma mère est une mamie douceur.
- Les miens sont pareils. C'est à croire que c'est dans la nature des grands-parents d'être ainsi.
Il sourit.
- Et avec ta fille, Granger ? Rose? Ca s'est arrangé ?
Le fait qu'il s'en était souvenu et qu'il s'en souciait la touchait, lui réchauffant le cœur. Elle ne l'admettait devant personne mais parfois, malgré sa famille, malgré ses amis, qui l'aimaient inconditionnellement, elle se sentait souvent seule. Ils ne la jugeaient pas, la soutenaient mais elle savait que dans leurs esprits, il y avait l'éternelle question : « pourquoi ? ». Ron et elle formait un si beau couple après tout, qui se complétait à merveille... Drago, lui, n'avait jamais posé cette question. Il avait su ses raisons parce qu'elle les lui avait expliquées mais elle n'avait jamais vu, avant comme après, cet éclat d'espoir d'une réconciliation. Ce n'était pas qu'il s'en fichait. Non, il lui avait bien prouvé qu'il se souciait de beaucoup de choses, même d'elle à sa manière depuis qu'ils avaient lié ce lien depuis la rentrée. C'était qu'il jugeait qu'il n'avait rien à dire, que ce n'était pas sa vie. Ne pas voir cette lumière la soulageait d'un grand poids. Drago était peut-être peiné pour elle. Même si, par bonheur, Ron était en vie, un divorce était la mort d'un mariage et il en connaissait toute la peine.
- Nous n'avons pas abordé le sujet qui nous a fâchées. Je crois qu'elle est trop en colère pour l'instant pour écouter mes arguments. Pas entendre. Ecouter.
- Ta fille est encore jeune, Granger. Toi-même, à son âge, tu étais particulièrement têtue et sanguine ! Mon nez s'en souvient. Plaisanta-t-il
L'expression de sa collègue le fit rire.
- J'étais un bel idiot, n'est-ce pas ? Finit-il par soupirer
- C'était une autre époque. On a grandi depuis.
- La jeunesse n'excuse pas tout.
- Dans ton cas, pour moi, elle excuse tout. Nous sommes tous et toutes les produits de nos environnements, de nos contextes.
Il acquiesça.
- J'ai su qu'Albus allait passer quelques jours chez toi ? Changea-t-elle de sujet
- Oui, entre Noël et Nouvel An. Eugene sera aussi de la partie. J'ai pensé que cela ferait du bien à Scorpius d'avoir ses amis à ses côtés pendant les fêtes. Mes parents connaissent déjà Albus, il était là aux funérailles d'Astoria. Mais ils ont envie de connaître Eugene. Scorpius parle souvent de lui.
- C'est une très bonne idée ! Ils vont bien s'amuser ! La manoir va être bien animé !
- Pour le plus grand bonheur de ma mère ! Sourit Drago. Elle a toujours aimé les enfants. Et toi, Granger ? Des projets pour les fêtes ?
- Les Weasley m'ont invitée à passer Noël au Terrier avec les enfants et la famille de Harry. Mes parents seront aussi de la partie.
- C'est généreux de leur part.
- Comment t'entends-tu avec Harry ?
- Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on est amis. Mais nos fils le sont. Alors, on agit en adultes intelligents. Je n'oublie pas qu'il m'a sauvé la vie. Alors, pour cela et parce qu'il est le père d'Albus, il a mon respect.
- Drago ?
Le visage d'Hermione semblait étrangement doux malgré son sérieux.
- Pourrais-je t'envoyer une carte pour les fêtes ?
Il haussa un sourcil, surpris par une telle question.
- Ce n'est pas interdit par la loi. Rit-il. Mais oui Granger, si tu y tiens, tu peux m'envoyer une carte. Cela me fera plaisir.
La cloche sonna.
Il était temps de retourner en cours et de tenter de contenir l'excitation des élèves.
Assis à la longue table de la salle à manger, le nez dans ses bouquins, concentré sur son rouleau de parchemin, Scorpius semblait coupé du monde. A ses côtés, une tasse de chocolat bien chaud, préparé avec amour par Narcissa. Lucius, installé sur son fauteuil près du feu de cheminée, se pencha vers Drago qui lisait le journal.
- Le voilà bien studieux. Chuchota-t-il pour ne pas déranger son petit-fils
- Oh, il a hâte de finir ses devoirs avant l'arrivée de ses deux amis. Sourit Drago avant de reprendre plus sérieusement. Père... Je voulais vous remercier d'accepter d'accueillir Eugene ici, étant donné...
- Son sang importe peu, mon fils. Le coupa le patriarche. Il est l'ami de Scorpius. Et son amitié, comme celle du jeune Albus, l'aide dans son deuil. Oui, le manoir Malefoy n'a pas l'habitude d'accueillir des sorciers nés-moldus pour invités, mais les temps changent. Et nous devons changer avec eux.
- Peut-être... Mais merci tout de même.
Narcissa entra dans la pièce, un sourire aux lèvres.
- Eh bien, cet Eugene est charmant ! Dit-elle. Il nous envoie une carte pour les fêtes et pour nous remercier de l'accueillir. Il y a du courrier pour toi aussi, Drago, mon chéri.
Drago le prit et retourna l'enveloppe. D'une écrire fine et déliée, il vit alors l'adresse du Terrier et le nom d'Hermione Granger. Il se saisit d'un coupe-papier, ouvrit proprement le dessus et en sortit une carte sobre mais élégante.
- Comment se passe ton devoir, mon ange ? Demanda la maîtresse de maison à son petit-fils
- Plutôt bien ! C'est l'exposé que m'a donné le professeur Granger pour rattraper ma moyenne.
- C'était gentil de sa part de te le proposer.
- Elle savait que c'était à cause de l'anniversaire de Maman. Alors, pour ne pas me pénaliser, elle m'a proposé de faire ce travail bonus qui ne comptera que si la note est bonne.
- Le professeur Granger, tu dis ? Répéta Narcissa
- Ma collègue en charge de l'étude des Moldus, Mère. Expliqua Drago
Leurs regards se croisèrent et elle se rappela de l'adolescente que sa sœur avait torturée dans leur cave, sauvée par Dobby. Elle avait laissé faire cela. Elle avait laissé une enfant se faire malmener chez elle. C'était la guerre, sans doute. Il y avait Voldemort, oui. Mais cela n'excusait rien. Elle, une mère, avait laissé sa sœur violenter une adolescente au nom d'un tyran mégalomane et avait été trop lâche pour y mettre un terme. Et cette fille, cette femme désormais, montrait de la bienveillance envers un membre de la famille qui lui avait fait du mal.
- De bonnes nouvelles ? Décida-t-elle de lui demander pour se changer les idées.
- Juste ma collègue qui m'envoie une carte pour les fêtes.
Voyant le sourire léger sur les lèvres de son enfant, elle se demanda s'il n'y avait peut-être pas plus. C'était tôt depuis Astoria mais ce genre de choses ne se commandait pas. Elle se tut, de peur d'être indiscrète ou bien de se tromper. Contrairement à ses craintes, Drago était heureux et s'épanouissait dans son travail de professeur à Poudlard. Et il s'était fait une amie. C'était surtout de cela dont il avait besoin en ce moment, d'une amie, de soutien.
- Il faudra que je lui en envoie une. Dit-il en la rangeant
- Oui, cela serait bien.
Le regard de Narcissa croisa celui de son époux. Lucius opina discrètement du chef. Elle lui sourit. Décidément, malgré les années, son mari était toujours aussi doué pour lire dans son esprit sans avoir besoin de légilimencie.
- Est-ce une bonne amie ? S'enquit le chef de famille
- Oui. Dit Drago après un moment de réflexion. Oui, c'est une amie.
- Eh bien, si elle n'a pas d'autres engagements bien sûr, peut-être pourrions-nous l'inviter pour Nouvel An ?
- Je ne sais pas si vous voudriez d'elle ici en sachant qui elle est, Père.
- C'est une née-Moldue ?
- C'est Hermione Granger.
Narcissa sentit comme une pierre tomber au fond de son estomac.
- Peu importe. Finit par décréter Lucius. Elle est la bienvenue ici.
Scorpius, lui, loin de toute cette tension, continuait à faire ses recherches sans être affecté par l'ironie de la vie.
Le Terrier était toujours animé mais, en période de fêtes, il l'était d'autant plus. Rose avait revêtu un tablier et aidait sa grand-mère à faire des bonhommes en pain d'épices. Hugo, lui, expliquait le fonctionnement des jeux vidéos à son grand-père. James et Lily s'étaient portés volontaires pour dégnomer le jardin. Albus travaillait sagement à table sur un devoir de potions.
- Il y a du courrier pour toi, Hermione. Dit Ron
- Merci.
Hermione se sentait stupide d'avoir appréhendé l'approche de Noël. Contrairement à ce qu'elle avait imaginé, il n'y avait aucune maladresse ou tension étrange entre Ron et elle. C'était comme si rien n'avait changé, qu'ils n'avaient jamais été mariés et étaient juste restés les meilleurs amis du monde. Il se souciait sincèrement de sa santé, de son travail mais ne tentait aucun flirt. C'était reposant. Elle ouvrit et trouva dans son enveloppe une carte postale rouge avec un lion qui portait une écharpe. Elle retourna l'enveloppe afin de voir qui l'avait envoyé et son cœur manqua un battement quand elle vit le nom de Drago.
Drago Malefoy lui envoyait une carte.
Cela faisait partie des grands miracles de la vie. Elle la lut, ne put s'empêcher de sourire et de rire parfois, se sentant soudain comme une adolescente.
- De bonnes nouvelles ? Demanda Ron
- C'est une carte de Drago. Répondit-elle
S'il se raidit légèrement, si son sourire sembla se faner, aucune colère ne naquit sur les traits de l'homme. Il était au courant de l'amitié qui était née entre son ex-femme et son ancien ennemi. Il avait entendu parler de la mort de Madame Malefoy et s'était surpris à le plaindre sincèrement. Et Ron l'admettait, Drago avait changé. Sinon, Hermione ne serait jamais devenue son amie, oh non, ça jamais ! Pourtant, si cela lui faisait mal de le reconnaître, il s'en méfiait encore. C'était sans doute à cause de cette querelle stupide entre leurs familles, une querelle que lui-même avait involontairement alimenté et que Rose suivait. Mais il craignait que l'ancien mangemort ne fasse du mal à Hermione, ne brise la confiance qu'elle lui avait offerte. Il lui accordait le bénéfice du doute, même si cela lui coûtait.
- Il te traite bien, Drago ? S'enquit-il
- Ron...
- Je veux dire... Enfin... Tu sais, quoi. J'suis pas doué avec les mots.
Elle lui sourit.
- Je t'ai compris, ne t'en fais pas. Oui, Drago me traite bien. Nous sommes devenus amis. Et je le crois sincère. La vie et les épreuves l'ont changé. Sais-tu qu'il s'est excusé de m'avoir insultée de sang-de-bourbe quand nous étions en deuxième année ?
- Non ?!
- Eh si ! Drago Malefoy m'a présenté ses excuses ! Drago Malefoy a puni des élèves pour avoir tourmenté un né-moldu ! Et son fils est un jeune homme plein de tolérance. Il me demande souvent comment vont nos enfants. Bien sûr, il voit Rose en cours mais il me demande des nouvelles d'Hugo aussi.
- Hermione. Commença Ron. Je ne le dirai qu'une fois et n'en parlerai plus à moins que tu ne le veuilles : Tu mérites d'être heureuse à nouveau. Amoureusement, amicalement, peu importe. Et si c'est avec Malefoy, alors c'est qu'il est devenu quelqu'un de bien. Mais sache aussi que, si jamais il te fait du mal, tu peux venir me le dire. Mariés ou non, je défendrai ton honneur et j'irai lui casser la gueule.
Hermione éclata de rire.
- Je ne pense pas que ça ira jusque-là mais je te remercie, Ron. Cela me touche. Moi aussi, tu sais, je veux que tu retrouves le bonheur, amoureusement ou amicalement. Tu es un homme bien. Tu le mérites.
- Merci Hermione. Ca compte beaucoup pour moi. Je suis heureux que nous puissions être comme avant : des amis.
Harry rentra avec Ginny, tous les deux couverts de neige.
- Harry, repose-moi, je ne suis pas mourante !
L'auror la portait dans ses bras.
- Le docteur a dit du repos, Ginny.
Ginny était enceinte de quatre mois, se fatiguait vite, et si rien n'était encore sûr, les médicomages pensaient à une grossesse gémellaire.
- Hermione, tu es rayonnante ! Dit la future maman alors que son époux la reposait sur ses pieds
- Une carte de Drago.
- Que dit-il ?
- Oh, les souhaits d'usage et... Reprit-elle.
Elle n'avait pas eu le temps de finir sa lecture, chose qu'elle acheva. Sa main trembla légèrement et elle releva les yeux vers ses amis, éberluée.
- Et je suis invitée chez les Malefoy pour Nouvel An...
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